Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Emile Mâle déjà avait noté comment, à partir de 1260 environ, les images de l'Enfant Jésus tenu par sa mère laissent progressivement apercevoir les genoux puis les cuisses du bébé. Dès le XIVe siècle, sa nudité complète s'exhibe, soulignée parfois par un attouchement du sexe, accompli généralement soit par l'enfant lui-même, soit par sa mère. Cette ostentatio genitaliuma été expliquée par Émile Mâle lui-même et par d'autres comme la marque d'un progrès du « réalisme » ou du « naturalisme » dans l'art du Bas Moyen Age et de la Renaissance, ou encore d'un essor du «sentiment de l'enfance », selon les termes de Philippe Ariès : de plus en plus, les artistes auraient voulu figurer l'Enfant Jésus sous les traits et avec les gestes, même les plus indiscrets, des petits enfants réels.
* Steinberg, Leo, La sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne. Traduit de l'anglais par Jean-Louis Houdebine, Préface d'André Chastel, Paris, Gallimard, Coll. «L'Infini», 1987, 267 p.Google Scholar, 245 fig. (lre éd. en langue anglaise, New York, Pantheon/ October Book, 1983).
1. L'absence de reproduction en couleur est ici particulièrement regrettable: les veines sanglantes de la pierre participent de la problématique de l'Incarnation, comme l'a parfaitement montré Didi-Huberman, Georges, « La dissemblance des figures selon Fra Angelico», Mélanges de l'École Française de Rome, t. 98, 1986, 2, pp. 709–802.CrossRefGoogle Scholar
2. Voir les travaux récents d'Elaine Paoels, Adam, Eve et le serpent(lre éd., New York, 1988), trad. fr., Paris, Flammarion, 1989, et de Brown, Peter, The Body and Society : Men, Women and Sexual Renunciation in Early Christianity, New York, Columbia, 1988.Google Scholar
3. Grandes Heures de Rohan, Paris, B.N., lat. 9471 (c. 1420), et La Brigue (Alpes-Maritimes), Notre-Dame des Fontaines, fresques de 1492.
4. Dans L'image médiévale. Naissance et développements (VIe-XVe siècles), Paris, Klincksieck, 1989, 395 p., p. 301 et suiv. (” Les noces spirituelles ») et sur L. Steinberg, p. 324. Voir à ce propos le compte rendu qui suit de J.-Cl. Bonne.
5. Bréviaire de Bonne de Luxembourg, fol. 331 r, New York, The Cloisters, reproduit par J. Wirth, L'image médiévale, op. cit., fig. 51.
6. Voir à ce propos les études de Bynum, Caroline W., Jésus as Mother. Studies in the Spirituality of the High Middle Ages, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1982.Google Scholar Le thème est introduit par la spiritualité monastique masculine du xne siècle, avant de se répandre à la fin du Moyen Age chez les mystiques féminines.
7. BibleMoralisée, Paris, B.N., lat. 11560, fol. 186r, reproduit par J. Wirth, op. cit., fig. 26. Notons en outre la position couchée d'Adam au pied de la croix, comme s'il voyait en rêve la Crucifixion qui le domine: cf. Schade, Herbert, «Der “Himmlische Mensch”. Zur anthropologischen Struktur des biblischen Menschenbildes in der Kunst », dans Christus undMaria. Menschensohn und Gottesmutter, Berlin, 1980, pp. 34–53.Google Scholar
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9. Cantigas de Santa Maria, Escorial, ms. t. T, 1, fol. 14 v (vers 1280). Le récit se trouve aussi en ancien français dans Les Miracles de Nostre Damepar Gautier De Coincy, V. F. Koenig éd., Genève-Paris, Droz/Minard, t. II, pp. 181-196, cité d'après l'adaptation en moderne, français par Kunstmann, Pierre, Vierge et merveille : Les miracles de Notre-Dame, narratifs au Moyen Age, Paris, 1981, coll. 10/18, pp. 65–84.Google Scholar
10. Schmitt, J.-Cl., La raison des gestes dans l'Occident médiéval, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires», 1990, p. 330 ss.Google Scholar
11. Voir les travaux d'Anita Guerreau-Jalabert, «Sur les structures de parenté dans l'Europe féodale», Annales ESC, 1981, pp. 1 028-1 049, et ID., «La parenté dans l'Europe médiévale et moderne : à propos d'une synthèse récente », L'Homme, 110, avr.-juin 1989, XXXIX (2), pp. 69-93 (à propos de l'ouvrage de Goody, J., L'évolution de la famille et du mariage, trad. fr. Paris, 1985).Google Scholar