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La place de la course dans l'économie portuaire : l'exemple de Malte et des ports barbaresques

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michel Fontenay*
Affiliation:
Université de Paris I

Extract

Courir la mer en quête de butin sur l'ennemi — « faire le cours » disaient nos pères — est une aventure qui s'inscrit dans le large des espaces marins ; mais c'est aussi une entreprise, dont les commencements et aboutissements s'abritent au creux des ports. C'est là qu'avant le départ il faut mobiliser les capitaux, les hommes et les choses, résoudre les problèmes de financement, de droit de pavillon, de recrutement des équipages, d'armement et d'avitaillement des navires ; c'est là qu'à chaque retour il y a jugement des prises et renfort de l'armement ; c'est là enfin qu'on vient purger sa quarantaine à l'issue de la campagne, avant que le butin soit vendu, les profits partagés, et le compte de l'expédition liquidé.

Summary

Summary

The 17th century was the Mediterranean 's great privateering age: in addition to privateering warfare—periodically pitting the maritime powers of Western Europe against one another in its waters—there was the “Corso” to which Christians and Muslims gave themselves over permanently, of which the “Barbary Coast” and “Maltese” privateers were the best known protagonists. While this explosion of maritime violence may be considered as one of the factors leading to the decline of the Mediterranean in modem times, it can also be taken to have been, for certain Mediterranean peoples, a way of responding to the crisis. In this article we attempt to make an overall estimate of the jobs created by the “corso”, both at sea and in related activities, and a rough estimate of the profits gleaned in Malta and certain Maghreb ports; this allows us to evaluate certain positive effects on local economies: the arrival of new men, demographic growth, increased sophistication of activities, dynamizing effect of spin-offs, acceleration of monetary circulation, a certain accumulation of capital—all of which was not, however, sufficient to ensure the autonomous development of a great harbor organization.

Type
En Méditerranée
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1988

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References

Notes

Texte d'une communication faite à Prato, en mai 1987, lors de la 19e Semaine d'Études de PIstituto Internazionale di Storia Economica « Francesco Datini », consacrée aux ports « comme entreprise économique ». Je remercie l'Institut F. Datini d'en avoir autorisé la publication avant la parution des Actes.

1. Fontenay, Michel et Tenenti, Alberto, « Course et piraterie méditerranéennes, de la fin du Moyen Age au début du XIXe siècle », Rapport présenté au XVe Colloque international d'Histoire maritime (San Francisco, 1975), dans Course et Piraterie, 2 vols polycopiés, Paris, pp. 87134.Google Scholar

2. Il est impossible de surcharger un exposé surtout centré sur le « corso méditerranéen » d'une bibliographie spécifique sur la guerre de course entre grandes puissances européennes. Parmi l'abondante littérature suscitée par le corso barbaresque on retiendra comme publications récentes : Bachrouch, Taoufik, Formation sociale barbaresque et pouvoir à Tunis au XVIIe siècle, Tunis, 1977 Google Scholar, et Manca, Ciro, Il modello di sviluppo economico delie citte maritime barbaresche dopo Lepanto, Naples, 1982 Google Scholar. Sur le corso maltais, l'unique ouvrage de référence est Earle, Peter, Corsairs of Malta and Barbary, Londres, 1970 Google Scholar. A ce jour, je n'ai pu encore prendre connaissance de Belhassimi, Moulay, Histoire de la marine algérienne (1516-1830), Alger, 1983.Google Scholar

3. Voir notamment les réflexions de Fernand Braudel in fine de la dernière réédition de sa Méditerranée, à propos de l'article de Rapp, Richard T., « The Unmaking of the Mediterranean Trade Hegemony : International Trade Rivalry and the Commercial Révolution », The Journal of Economie History, XXXV (1975), pp. 499525.CrossRefGoogle Scholar

4. Qu'on se rappelle Vauban, prônant la guerre de course contre les Anglo-Hollandais en 1695 : « Ils ne pourront nous rendre la pareille, puisque nous n'avons que peu ou point de commerce étranger », Mémoire concernant la Caprerie, cité d'après Vauban, sa famille et ses récits, ses oisivetés et sa correspondance, Rochas D'Aiglun éd., Paris, 1910, t. I, p. 457. A rapprocher, mutatis mutandis, des réflexions de ce raïs tunisien à propos des menaces de guerre françaises en 1606 : « Une bonne guerre avec la France, c'est le meilleur qui puisse nous arriver pour moissonner en plein champ, piller indifféremment et sans réserve tant de vaisseaux français dont cette mer est grouillante. Avec nous il n'y a que gagner pour eux ; nous n'avons point de vaisseaux marchands, et nos bourgs et villages tous ensemble n'en valent pas un de Provence que nous aurons saccagé », BRèves, Savary De, Relation des Voyages…, Paris, 1628, p. 338.Google Scholar

5. A ce propos : Fontenay, M., « Los fenomenos corsarios en la periferizacion del Mediterraneo en el siglo XVII », Communication au Colloque Desigualdady Dependencia (Murcie, 1984), publié dans Areas, Murcie, 1986, pp. 116121.Google Scholar

6. Le recensement de 1590 effectué par Diego delie Quadra avait été ordonné par le vice-roi de Sicile pour évaluer les besoins frumentaires de Malte. Cf. Carmelo Trasselli, « Una statistica maltese del secolo xvi », Economia e Storia, 1966, pp. 474-480.

7. En plus des 28 864 habitants des deux sexes dénombrés dans les villes, bourgs et villages de l'archipel, Diego delie Quadra avait compté à part 3 446 personnes correspondant aux religieux de l'Ordre et au personnel des galères. Notre estimation de la population active maltaise exclut les femmes, les esclaves des chiourmes, ainsi que les chevaliers et autres membres de l'Ordre, et retient 60 % de l'élément masculin, correspondant par hypothèse aux hommes de plus de 15 ans.

8. Le recensement de 1632, réalisé par Carlo Valdina sur le même modèle que le précédent, est repris dans ses résultats globaux par diverses sources contemporaines : il forme notamment la base de l'information statistique de l'ouvrage d'Abela, Delie descrittione di Malta…, Malte, 1647 ; mais, à ma connaissance, il n'a jamais été publié. Il en existe une copie aux Archives de Simancas, Secretaria Provinciales, 1478. Depuis cette communication j'ai appris que le recensement de 1632 avait été publié à Malte à partir d'une copie de la National Library of Malta. Cf. Cutajar, D. et Cassar, C., « Malta's Rôle in Mediterranean Affairs, 1530-1699 », dans Malta : Studies of its Héritage and History, Malte, 1986.Google Scholar

9. On peut restituer le mouvement du corso privé sous bannière de Malte d'après les lettres patentes adpiraticam exercandam accordées par le grand maître et conservées dans les Archives de l'Ordre de Malte, à La Valette, à la National Library of Malta. On fera référence à ce fonds par l'abréviation A.O.M.

10. Estimée à 15 000 ou 16 000 personnes selon les critères définis plus haut. Carlo Valdina avait dénombré 51 750 habitants des villes et villages, 611 religieux de l'Ordre, et 3 080 personnes delie galère, dont 1 284 esclaves.

11. Voir par exemple : Partito delie galère du 20 juillet 1637, A.O.M., 737 ; Pozzo, Bartolomeo Dal, Hîstoria delie sacra Religione militare di San Giovanni Gerosolomitano, 2 vols, Vérone-Venise, 1703-1715, t. I, p. 193 Google Scholar ; Rassegno delie gente delie galère du 20 mars 1657, A.O.M., 260, f° 2 ; Mémoire sur les galères de Malte par De Viviers (daté de 1681, en réalité de 1668 ou 1669), Arch. Nat., Paris, Marine, B7 209, f° 134 ss ; A.O.M., Libri Conciliorum Status, vol. 262, 11 octobre 1685, etc.

12. Ces estimations sont confirmées par la relation de l'inquisiteur Ranuzzi qui parle, en 1668, de 4 000 Maltais « continuellement employés sur les navires », Bibl. Vaticane, fonds Barberini Latino, manus. n° 5036, f° 47. La population totale a sûrement atteint 60 000 personnes vers 1670 (peut-être même 65 000), dont 16 à 18 000 « actifs » ; mais, après la saignée par la peste en 1676 et avec les difficultés de la fin du siècle, elle semble stagner au-dessous de 60 000 jusqu'aux années 1720.

13. Ces « impressions » à partir de plusieurs types de sources où se repère l'origine géographique de l'intervenant : notamment les testaments des marins et soldats morts à l'hôpital de la Religion, les suppliques au grand maître pour l'octroi d'une pension (avec états de service à l'appui), l'interrogatoire des témoins dans les jugements de prise, etc.

14. Cf. par exemple, Arch. de Simancas, Estado, 1163, f° 176.

15. « Une roche fortifiée » (le château Saint-Ange) avec, au pied, « un bourg peu agréable, aux maisons couvertes de planches ou de roseaux », telle est la description donnée par Johanes Quintinus Heduns en 1536 (d'après Sansovino, Francesco, Dell'origine de'Cavalieri…, Venise, 1566 Google Scholar, f° 149).

16. Comme le prouve, aussi bien, l'exemple des galères ottomanes à la même époque. Cf. Fontenay, M., « Chiourmes turques au XVIIe siècle », Communication au XVIIe Colloque international d'Histoire maritime (Naples, 1980), dans Le genti del mare Mediterraneo, Naples, 1981, t. 2, pp. 877903.Google Scholar

17. Constitué à partir des lettres patentes conservées dans les Libri Bullarum de l'Ordre, A.O.M., 453 à 503. Cf. Fontenay, M., « Le rôle des Chevaliers de Malte dans le corso méditerranéen au XVIIe siècle », Communication au colloque Los Ordenes Militares en el Mediterraneo Occidental (Madrid, 1983)Google Scholar, sous presse.

18. D'après les rôles du vaisseau Saint-Jean, A.O.M., 1928, 1929 et 1931.

19. Haedo, Fray Diego De, Topographia e Historia gêneraide Argel, Valladolid, 1612, ff° 1819.Google Scholar

20. Pierre Grandchamp, « Une mission délicate en Barbarie au XVIIe siècle : J.B. Salvago, drogman vénitien, à Alger et à Tunis », Revue tunisienne, 1937, pp. 470-473. Voir également Dan, P. François, Histoire de la Barbarie et de ses corsaires, Paris, 1637, p. 315 Google Scholar, et Mémoires du chevalier d'Arvieux, J. B. Labat éd., Paris, 1735, vol. V, pp. 263-265. Ces chiffres sont des maxima, correspondant au nombre des bâtiments susceptibles de sortir en course ; mais il y en avait sans doute moins en campagne chaque année. En 1673, par exemple, au témoignage d'un médecin français captif à Tripoli, il n'y avait à la mer que 24 vaisseaux d'Alger et 4 galères. Cf. Histoire chronologique du Royaume de Tripoli, 2 vols, Bibl. Nat. Paris, fonds français, manus. 12.219 et 12.220, vol. 1, f° 224. Ce remarquable document est une mine d'indications précises et qui paraissent fiables, notamment sur la période 1660-1680.

21. Chaque patron de navire arrivant à Livourne était tenu de faire un rapport non seulement sur le bateau, l'équipage et la cargaison, mais aussi sur les diverses circonstances du voyage et les ports où ils avaient relâché. Cette procédure n'existait pas qu'à Livourne, mais elle semble y avoir atteint une sorte de précision préstatistique. Elle est à l'origine de nombreux avvisi di mare conservés (dans le plus grand désordre concernant le xvne siècle) à l'Archivo di Stato de Florence, dans le fonds Mediceo Principato. Que Franco Angiolino et Jean-Pierre Filippini, qui ont tous deux contribué à me faire connaître cette source trouvent ici l'expression de ma gratitude. Cf. notamment filza 2328, avvisi des 13 mai et 3 août 1654 ; registre 1540, portate des 20 septembre 1666, 17 septembre 1667 et 16 mai 1670 ; filza 2328 A, sub date 10 janvier 1685 (a.s.), 9 mai, 29 juin et 12 août 1686, 3 juin 1689, etc.

22. Arch. Minist. Aff. étrang., Paris, Mémoires et Documents, Alger, 12, ff° 197 et 237 (on fera désormais référence à ce dépôt par l'abréviation A.M.A.E.). En 1688, à la suite des croisières françaises, il n'en restait que 17 à la mer, dont 14 vaisseaux totalisant 492 canons et 3 frégates de 10, 12 et 18 canons (Ibid., ff° 248-249).

23. D'après les divers dénombrements d'esclaves libérés par la capture de bâtiments barbaresques.

24. Histoire chronologique…, vol. 2, f° 116.

25. Une bonne récapitulation de toutes les données disponibles dans Pignon, Jean, Un document inédit sur la Tunisie au XVIIe siècle, Tunis-Paris, 1963.Google Scholar

26. Sur la place des renégats dans la société barbaresque, outre T. Bachrouch et C. Manca, cités note 2, on pourra consulter Turbet-Delof, Guy, L'Afrique Barbaresque dans la littérature française aux XVIe et XVIIe siècles, Genève, 1973.Google Scholar

27. Notamment les comptes rendus de prise de bâtiments barbaresques épars dans de nombreux dépôts.

28. A.M.A.E., Mémoires et Documents, Alger, 12, f° 139.

29. Ibid., f° 237.

30. Ibid., f° 197.

31. A.O.M., Libri Conciliorum, vol. 111, f° 258 ; Libri conciliorum Status, vol. 263, f° 92.

32. A.O.M., LibriBullarum, vol. 458, f° 296 ; vol. 459, f° 358 v°.

33. A.O.M., Libri Conciliorum Status, vol. 259, f° 23 v°. D'après les délibérations du conseil et les instructions aux généraux de l'escadre, on peut déterminer l'origine de 55 des quelque 100 à 120 galères qui ont arboré l'étendard à croix blanche au xvnc siècle : 28 ont été construites à Malte, 25 ont été acquises à l'extérieur et 2 données, l'une par le vice-roi de Sicile, l'autre par le grand-duc de Toscane. Des galères achetées, 9 venaient de Messme, 5 de Livourne ou Pise, 4 de Marseille, 3 de Gênes, et le reste de Naples, Civita-Vecchia ou Barcelone. Les achats, qui l'emportaient largement sur la construction locale dans la première moitié du siècle, semblent disparaître complètement entre 1671 et 1701.

34. Sur ces exportations, outre une bibliographie déjà ancienne, voir Boubaker, Sadok, La Régence de Tunis au XVIIe siècle, ses relations commerciales avec les ports de l'Europe méditerranéenne, Marseille et Livourne, Thèse de IIIe cycle, Université de Toulouse-Le Mirail, 1978, pp. 215236.Google Scholar

35. Arch. Nat., Paris, Marine, B7 209, f° 134 ss.

36. Archives supérieures des Cours de Justice à Malte, fonds Tribunal Armamentorum (auquel on fera désormais référence par les initiales A.S.C. J.-T.A.), Reg. Suppl. Corsari, 1704-1719, inventaires du vaisseau Santissimo Crocefisso e Sant'Anna, le 18 avril 1704, et le 13 mai 1706.

37. Statuti degli Armamenti, National Malta Library, manusc. n° 152.

38. Sur les problèmes annonaires de l'île, abondante documentation à La Valette dans les Archives de l'Ordre, série Libri Ballarum jusqu'en 1623, puis Libri Conciliorum Status, et à Simancas, série Secretaria Provinciales, Sicilia, 1478 et 1479.

39. Sur les inquiétudes espagnoles à propos du rôle des Français à Malte, Simancas, ibid., et série Estado, notamment 1154, 1163-1166 et 3480.

40. Entre 1590 et 1632, la population de l'archipel maltais passe de 32 310 à 51 750, soit une augmentation de 60 %, mais cet accroissement recouvre des évolutions très contrastées : tandis que la population purement paysanne de Gozzo reste stable autour de 1 800 à 1 900 habitants, et que celle des villages intérieurs et de la « Cité-Vieille » de Malte n'augmente que de 73 %, celle de l'agglomération portuaire (sans le Couvent ni le personnel des galères) fait un bond de 108 %. Cette croissance exceptionnelle tient sans doute en partie à l'immigration intérieure des ruraux, mais pour l'essentiel, l'onomastique le prouve, elle est d'origine extérieure : c'est autour du port, à La Valette, Vittoriosa, Senglea et Bormula que se concentrent tous les étrangers et les néo-Maltais.

41. Les instructions aux généraux des galères mentionnent ce type de mission au moins une fois sur quatre en moyenne (et plus souvent encore dans la première moitié du xvnc siècle).

42. Voir à ce sujet M. Fontenay, « Le rôle des Chevaliers de Malte… ».

43. Cf. Hoppen, Alison, « The Finances of the Order of St John of Jérusalem in the Sixteenth and Seventeenth Centuries », European Studies Review, vol. 3, 1973, pp. 103120 CrossRefGoogle Scholar. Ces évaluations sont confirmées dans l'ensemble par la relation de l'inquisiteur Ranuzzi, déjà citée note 12.

44. Cf. Fontenay, M., « Le revenu des Chevaliers de Malte en France d'après les “ estimes ” de 1533, 1583 et 1776 », dans La France d'Ancien Régime. Études réunies en l'honneur de Pierre Goubert, Toulouse, 1984, pp. 259271.Google Scholar

45. Par exemple, en 1671, les trois quarts de la recette du Grand Prieuré de Saint-Gilles est remise à Malte sous forme de biscuit, blé et toile, via Arles et Marseille. Cf. Gangneux, Gérard, Économie et société en France méridionale, XVIIe-XVIIIe siècle. Les grands prieurés de Saint- Gilles et de Toulouse de l'Ordre de Malte, Lille, 1973, t. 1, p. 92.Google Scholar

46. Toutes ces indications à partir des Libri Conciliorum Status, A.O.M., 255 et 264 passim.

47. Qu'on trouve en abondance dans les Libri Bullarum, section Salviconductus et diversae scripturae, A.O.M., 453 à 503 passim.

48. A.O.M.,vol. 259, f° 103.

49. Sur la fonderie voir par exemple A.O.M., vol. 258, ff° 227 et 232 ; A.O.M., vol. 259, ff° 94 et 188 ; vol. 260, ff° 64 et 156. Sur l'activité des fours et les problèmes de gestion, vol. 264, ff° 151, 178 et 199.

50. C'étaient, en général, les receveurs des Grands-Prieurés qui proposaient ces « partis », ensuite entérinés par le Trésor. En 1671, par exemple, l'agent de l'Ordre à Marseille avait obtenu pour 9 ans le parti des toiles de Saint-Rambert, soit 16 000 aunes par an à fournir chaque année au prix de 78 livres le cent. Cf. G. Gangneux, op. cit., p. 87.

51. Les registres de la Quarantaine de Malte ne sont à peu près fiables, pour une étude quantitative, qu'à partir de 1723. Mais de toute façon, même après cette date, ils ne peuvent servir qu'à mesurer grossièrement le trafic en provenance du Maghreb ou du Levant, pays de contagion endémique imposant nécessairement un passage par le lazzaret de Marsamuxett. Sauf pour les années 1747-1749, où l'épidémie de peste en Sicile a contraint l'Ordre à imposer une quarantaine générale, permettant du même coup à l'historien d'avoir une vue d'ensemble de toutes les arrivées de navires.

52. Ce trafic illicite commence en 1686, ce qui prouve qu'il avait tout de même pu se poursuivre pendant huit ans sans trop de problème. Cf. Grandchamp, Pierre, La France en Tunisie au XVIIe siècle, Paris, 1920-1932 Google Scholar, t. VIII, passim et spécialement pp. 513-514.

53. A.M.A.E., Mémoires et Documents, Alger, 12, ff° 89-90, « S'il est avantageux au Roy de faire alliance pour le commerce avec le Roy d'Alger », mémoire daté de 1631, en réalité de 1663 ou 1664.

54. D. de Haedo, op. cit., f° 12.

55. Arch. Chambre Commerce Marseille, E 80. Ce document, souvent cité, vient d'être publié dans Lopez Nadal, Gonçal, El corsarisme mallorqui, Barcelone, 1986, pp. 504509.Google Scholar

56. Voir Masson, Paul, Histoire du commerce français dans le Levant au XVIIe siècle, Paris, 1896 Google Scholar, et l'Histoire du commerce de Marseille publiée par la Chambre de Commerce de Marseille, t. IV par L. Bergasse et G. Rambert, Paris, 1954, et t. V par R. Paris, Paris, 1957. Les retours du Levant à eux seuls sont évalués par Masson à 7,3 millions de livres pour 1670 ; s'y ajoutent le commerce de Barbarie, celui d'Italie et celui d'Espagne qui ensemble devaient représenter au moins autant, soit un minimum de 15 millions de livres. Dix ans plus tôt, les chiffres étaient sans doute inférieurs, mais moins qu'on ne l'a cru longtemps. Cf. Morineatj, Michel, « Flottes de commerce et trafics français en Méditerranée au XVIIe siècle (jusqu'en 1669) », XVIIe siècle, 1970, n° 86-87, pp. 135172.Google Scholar

57. A l'appui de cette hypothèse (un tiers de pertes françaises dans le total des prises), un bilan de la course tripoline par un témoin direct : « Selon un mémoire fort exact que j'ai recueilly moi mesme depuis 1668 jusques à 1678, ils ont pris ou détruit environ cent quatre vaisseaux chrestiens dont il y a 33 Français et les autres sont Anglais, Hollandais, Vénitiens, Raguzins, Espagnols, Italiens, Maltais », Histoire chronologique…, ms. cit., vol. 1, f° 58.

58. D'Arvieux, op. cit., t. V, p. 223.

59. Durant son séjour en Alger comme chargé de mission auprès du Dey, d'Arvieux note la prise de 11 bâtiments et de plus de 400 captifs en six mois à peu près, du 20 septembre 1674 au 17 mars 1675 (Ibid., pp. 109-195 passim). Peu de temps après, le Hollandais Hees enregistra à son tour, dans des circonstances analogues, une douzaine de prises et 200 captifs entre le 23 novembre 1675 et le 2 février 1676 (Th. Hees, « Journal d'un voyage à Alger (1675-1676) », Revue Africaine, 1957, pp. 85-128). Par extrapolation à partir de ces deux témoignages, peut-on se risquer à proposer, comme ordre de grandeur, un niveau moyen de 1 000 captifs par an vers 1675 ? En tout cas, dix ans plus tard, ce chiffre a diminué de moitié, puisqu'un bilan dressé au jour le jour par le consul Piolle, du 1er juillet 1685 au 31 décembre 1686, recense pour dix-huit mois 57 prises et 728 captifs, dont 66 se sont rachetés immédiatement sur les lieux mêmes, avec leurs bateaux, et une trentaine ont été relâchés pour avoir été pris sous pavillon français, contrairement aux traités (A.M.A.E., Mémoires et Documents, Alger, 12, ff° 238-239).

60. C'est le point le plus discutable de cette reconstruction. Penchant pour une hypothèse plus haute, Ciro Manca retient un chiffre global de 35 000 esclaves chrétiens dans toute l'Afrique du Nord au début du xviie siècle, dont un quart se serait racheté chaque année, ce qui voudrait dire près de 9 000 rançons annuelles ( Manca, Circo, « L'estensione del mercato finanziario dall'Europa ail'Africa del Nord tra decisemo e diciassettesimo secolo », Studi in onore di Gino Barbieri, Milan, 1983, pp. 9991009 Google Scholar). Mais, compte tenu d'une mortalité toujours très forte en captivité, cela signifie que le maintien du stock aurait, dans ces conditions, nécessité au moins 12 000 captures par an. Cette évaluation, qui nous paraît déjà bien exagérée pour les années 1620- 1630 correspondant à l'apogée du corso barbaresque, est en tout cas impensable concernant le milieu du siècle. En sens inverse, les chiffres proposés par Taoufik Bachrouch pour Tunis, à partir d'un rapide comptage dans la publication de Grandchamp, sont manifestement au-dessous de la réalité : en moyenne une cinquantaine de rachats annuels au début du siècle, une trentaine vers 1650, une quinzaine durant les deux dernières décennies ( Bachrouch, Toufik, « Rachat et libération des esclaves chrétiens à Tunis au XVIIe siècle », Revue tunisienne des Sciences sociales, 1975, n° 40-43, pp. 121162 Google Scholar). On est plus assuré pour Tripoli grâce à l'Histoire chronologique déjà citée : le nombre des captifs, très variable d'une année à l'autre, se situe en général autour de 500 dans la première moitié du siècle, et entre 1 000 et 1 500 dans la seconde (avec une pointe de 2 000 en 1674, et 2 130 en 1675, que la peste se charge de réduire à 1 215 dès l'année suivante). Les rachats, toujours plus malaisés qu'à Tunis ou Alger, seraient devenus de plus en plus difficiles, et ne semblent pas avoir dépassé chaque année le dixième de l'effectif total (en dehors des libérations forcées, gratuites ou à bas prix, à l'occasion des démonstrations navales anglaises ou françaises.

61. Calculs d'après les données de P. Grandchamp, La France en Tunisie…, t. VIII. Nos résultats sont supérieurs de plus du quart à ceux de T. Bachrouch (” Rachat et libération… », pp. 154-155), lequel n'a peut-être pris en compte que les quittances pour rançon totale, alors que la chancellerie enregistrait également de nombreux paiements pour complément de rançon.

62. Calculs d'après les données publiées par S. Boubaker, La Régence de Tunis…, pp. 213- 259, aux prix indiqués par lui, ou, à défaut, en utilisant ceux de Marseille diminués d'un quart.

63. A.S.C.J.-T.A., Registro delieprese, 1659-1663 (unique).

64. Évaluations sur les bases suivantes : 36 à 40 000 salmes de grain (dont un quart de froment, à 10 écus la salme, et trois quarts en orge, à 6 écus la salme), soit 250 à 280 000 écus ; plus 80 000 écus, très largement comptés, pour les fruits et légumes, le croît du cheptel, et la production de cumin et de coton. Pour ce dernier, 15 000 écus est une estimation maximum (sur la base de 15 à 20 écus le cantare de filés), si l'on songe que, dans la seconde moitié du xvme siècle, la production est évaluée par divers observateurs entre 5 000 et 7 000 cantares, mais qu'il s'agit alors d'une spéculation en pleine expansion.

65. D'après les documents annonaires de Simancas, Secretaria Provinciales, Sicilia, 1478 et 1479, et les prix de l'époque relevés dans diverses sources. Cf. également Msgr Mifsud, A., « L'approvigionamento e l'Universita di Malta nelle passate Dominazioni », Archivum Melitense, vol. III, 1913, pp. 163212 Google Scholar et 223-234.

66. A. Hoppen, « The Finances of the Order… », p. 117.

67. T. Bachrouch, Formation sociale…, p. 75.

68. Voir C. Manca, « L'estensione del mercato… ».

69. John S. Bromley, « The Importance of Dunkirk Reconsidered (1688-1713) », Communication au XVe Colloque international d'Histoire maritime (cf. ci-dessus, note 2), pp. 231-270.

70. A.S.C.J.-T.A., Acta originalia, filza 8, n° 9 (armement du chevalier Theodose d'Étampes en 1666) ; Reg. Actorum originalium, vol. 2, ffc 82-105 (armement du chevalier de Charpin Genetine) ; Idem, vol. 5, ff° 157-205 (armement de quatre brigantins en 1674), etc.

71. Pour les modalités de l'armement et le partage du butin chez les Barbaresques, voir notamment C. Manca, Il modello disviluppo…, et T. Bachrouch, Formation sociale…, qui tous deux s'appuient essentiellement sur Salvago et Dan.

72. On possède pour le XVIIIe siècle des dossiers d'armement complets, avec comptes de répartition extrêmement détaillés, dans A.S.C.J.-T.A., Acta Originalia, 2e série, et Verbale Vendita. Certains ont été exploités par P. Earle qui en a tiré une bonne description du partage alla buscaïna (ci-dessus, note 2). Pour le xvne siècle, les nombreux documents dont on dispose sont des pièces éparses, ne constituant jamais un dossier d'armement cohérent et complet. Ils permettent toutefois d'affirmer que les mêmes modalités étaient déjà en place à cette époque.

73. Exemple pris au XVIIIe siècle à cause du caractère exhaustif de la documentation, mais qui n'a rien d'anachronique.

74. Cf. C. Manca, Il modello di sviluppo…, et M. Fontenay, « Le rôle des Chevaliers de Malte… ».

75. Par exemple : Agostino Mangion et Lazzaro degl'Arbori, mêlés à Malte à beaucoup d'affaires d'armement, dans les années 1660-1680, et qu'on retrouve à Tunis, quasi à chaque page de la publication de P. Grandchamp.

76. A.M.A.E., Mémoires et Documents, Alger, 12, f° 183.

77. De nombreuses indications à ce sujet dans \'Histoire chronologique.

78. Fontenay, M., « L'Empire ottoman et le risque corsaire au XVIIe siècle », Communication au IIe Colloque international d'Histoire du Centre de recherches néohelléniques (Athènes, 1983), dans Économies méditerranéennes : Équilibres et intercommunications, XIII'-XIX’ siècles, Athènes, 1985, pp. 429459.Google Scholar

79. Comme on le croyait volontiers il y a une vingtaine d'années (voir par exemple Valensi, Lucette, Le Maghreb avant la prise d'Alger, Paris, 1969, pp. 6264 Google Scholar).

80. Les derniers grands maîtres ont cherché, semble-t-il, à développer des activités plus pacifiques, notamment la fonction d'escale de quarantaine pour les navires européens retour du Levant. Les résultats sont modestes, mais à la fin du xvme siècle, la vocation maritime de Malte est mieux affirmée et plus diversifiée : les insulaires sont considérés comme les meilleurs matelots de la Méditerranée, et on trouve des marchands originaires de l'île sur tous les rivages de la mer Intérieure, spécialement à Marseille et dans les ports de l'Espagne des Bourbons.