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Histoire des séismes et histoire économique. Le tremblement de terre de Pompéi (62 ap. J.-C.)1

Published online by Cambridge University Press:  06 September 2021

Extract

Sénèque et Tacite nous apprennent que, dix-sept ans avant d'être enseveli par la fameuse éruption du Vésuve, Pompéi fut, en 62 ap. J.-C, partiellement détruit par un tremblement de terre 2. Herculanum, Nuceria, Naples et toute la région eurent à en souffrir, mais c'est Pompéi et ses environs immédiats qui furent le plus touchés par le séisme. L'archéologie a confirmé l'étendue des dégâts. Il est possible, en effet, de distinguer les bâtiments et les murs construits avant 62 de ceux qui sont postérieurs à cette date et ainsi de faire le bilan des reconstructions menées à terme entre 62 et 79 ap. J.-C, et des énormes travaux qui restaient à exécuter lorsque se produisit la seconde catastrophe.

Type
Les Domaines de L'histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1973 

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Footnotes

1

Ce titre et ce sous-titre — si conformes à la tradition des Annales E. S. C. — m'ont été proposés par le professeur E. Lepore, de l'Université de Naples. Je suis heureux de le remercier pour cette suggestion, et pour les passionnantes conversations que j'ai pu avoir avec lui, — de longs entretiens sur Pompéi, sur l'économie et la société romaine, sur les méthodes de l'histoire économique et sociale qui ont été pour moi si stimulants et enrichissants.

References

Notes

1. Ce titre et ce sous-titre — si conformes à la tradition des Annales E. S. C. — m'ont été proposés par le professeur E. Lepore, de l'Université de Naples. Je suis heureux de le remercier pour cette suggestion, et pour les passionnantes conversations que j'ai pu avoir avec lui, — de longs entretiens sur Pompéi, sur l'économie et la société romaine, sur les méthodes de l'histoire économique et sociale qui ont été pour moi si stimulants et enrichissants.

2. Voir Sén., Quaest. nat., VI, 1, 1-2 ; et Tac, Ann., XV, 22. Les deux passages sont analysés par A. Maiuri, dans L'ultima fase edilizia di Pompéi, Rome, Istit. studi romani, 1942, pp. 7-9. Sur le déroulement du tremblement de terre et sa date exacte, voir par exemple Etienne, R., La vie quotidienne à Pompéi, Paris, Hachette, 1966, pp. 1113 Google Scholar.

3. Voir Maiuri, A., « Contributi allô studio dell'ultima fase edilizia pompeiana », dans Atti I” Congresso nazionale di Studi romani, Rome, 1929, I, pp. 161172 Google Scholar ; et A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit.

4. Ibid., p. 4. Rappelons que le gouvernement impérial ne paraît pas avoir substantiellement aidé les villes sinistrées, tout au moins avant l'avènement de Vespasien ; voir R. Etienne, op. cit., p. 14.

5. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., pp. 163, 164 ss., 216-217.

6. Ibid., pp. 98-99, 162-163 et 217.

7. Ibid., p. 161. Cependant beaucoup d'entre eux n'étaient pas encore entièrement restaurés en 79 (ibid., pp. 163-164).

8. Ibid., p. 217.

9. Ibid., pp. 162-163 et- 216-217.

10. Ibid;, p. 5.

11. R. Etienne, op. cit., p. 20 : « Très peu de maisons furent complètement restaurées et […] très nombreuses au contraire étaient celles où, au moment de l'éruption, les travaux étaient encore en cours. Parmi les premières, nous comptons les demeures les plus riches du milieu patricien mercantile […] et parmi les secondes, aussi bien les maisons du vieux patriciat, plus ou moins ruiné par la catastrophe, que la plus grande partie des habitations de la classe moyenne. » Voir aussi ibid., p. 22. Il n'est pas toujours facile, cependant, d'identifier les membres du « milieu patricien mercantile » et de les distinguer du « vieux patriciat » ; l'existence même de ces deux groupes rivaux me semble sujette à caution. Mais R. Etienne qui, dans le passage cité ci-dessus, semble adopter les conclusions d'A. Maiuri, est conscient des difficultés qu'elles soulèvent, et fait par ailleurs grand cas des objections d'E. Lepore, « Orientamenti per la storia sociale di Pompéi », dans Pompeiana, Raccolta di studi per il 2° centenario degli scavi di Pompéi, Naples, G. Macchiaroli, 1950, pp. 202-208.

12. Ibid., pp. 144-166.

13. Ibid., pp. 160-163. P- Ciprotti (dans Conoscere Pompéi, Rome, Erma di Bretschneider, 1959, p. 64), sans prendre position sur les thèses d'A. Maiuri, remarque très justement que certaines boutiques furent munies d'une arrière-boutique ou d'un entresol « per ovviare alla crisi di alloggio conseguente al terremoto del 62 d. C. ».

14. Voir par exemple P.-A. Février, « Ostie et Porto à la fin de l'Antiquité, topographie religieuse et vie sociale », dans Mél. Éc. fr. de R., 70, 1958, pp. 321 ss.

15. La majeure partie des Régions III et IV, et une bonne partie des Régions I, V, et IX restent encore à fouiller.

16. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., pp. 5 et 97.

17. Ibid., pp. 63-64 et 68-70.

18. Ibid., pp. 67-68.

19. Ibid., p. 25 et note 1.

20. Cette recherche religieuse et idéologique, à ma connaissance, n'existe pas encore.

21. Ibid., pp. 70-71.

22. Ibid., par exemple p. 216.

23. W. O. Moeller, The woolen industry at Pompéi, Univ. Maryland, Dissert, dactylographiée, 1962. J'ai pu prendre connaissance de ce mémoire grâce aux soins de Mme Longobardi, bibliothécaire de l'American Academy de Rome, que je remercie très vivement. Je remercie beaucoup le professeur Moeller des nombreux renseignements qu'il a eu l'amabilité de me donner, par lettre aussi bien que de vive voix.

24. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., pp. 40-43, 54-61, 91-94 et 217. La destination de l'édifice d'Eumachia reste contestée. Elle est certainement en rapport avec l'activité textile, puisqu'on y a trouvé une inscription offerte par les foulons à Eumachia L[uci] f[ilia], sacerd[os] publ[ica] (C.I.L., X, 813). La thèse traditionnelle, selon laquelle l'édifice d'Eumachia était une bourse ou un marché du textile (voir par exemple G. Spano, « L'edificio di Eumachia in Pompei », dans Rendic. Accad. Lett. BB. A A. Napoli, 36, 1916, pp. 19 ss), est, dans une certaine mesure, remise en question par W. O. Moeller, op. cit., pp. 100-118.

25. En cas d'épidémie, par exemple de peste, la situation est inverse, en sorte que la baisse du prix des immeubles et des terrains à bâtir est alors prévisible.

26. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., p. 217.

27. C'est le cas des boutiques de la maison de Pansa, Région VI, ins. 6, nos 17-23 (voir ibid., p. 100) ou des boutiques sises sur la « via délie Tombe » en avant de la villa « de Cicéron », via délie Tombe, 5-15 (ibid., p. 159), ou de demeures comme la maison de Ménandre, I, 10, 10 (ibid., pp. 150-152) et même la villa des Mystères (ibid., pp. 155-157).

29. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., p. 48, note 4.

30. Cherchant ainsi à comparer les conséquences du tremblement de terre de Pompéi à celles d'autres catastrophes semblables, j'ai eu beaucoup de difficultés pour établir une bibliographie valable. La plupart des livres et articles traitent davantage des destructions et des deuils survenus ou des problèmes de la reconstruction que des effets socio-économiques du tremblement de terre. D'autres articles, anciens ou publiés dans des revues d'intérêt local, sont très difficiles à consulter. On voudra donc bien m'excuser si j ‘ a i omis de me référer à des ouvrages importants ou intéressants.

28. Ce sont par exemple la maison de T. Mescinius Gelo, VIII, 4, 9 (ibid., pp. 133-134), la demeure VIII, 2, 36-37 (ibid., pp. 142-144) et la demeure I, 6, 2 (ibid., p. 150). La numérotation des îlots et surtout des demeures et boutiques pose parfois des problèmes. Je me conforme, sauf erreur, aux chiffres utilisés par M. Della Corte, Case ed abitanti di Pompei, Naples, F. Fiorentino, 3e éd., 1965. Le récent travail de H. Eschebach (Die stâdtebauliche Êntwicklung des antiken Pompeji, Heidelberg, F. H. Kerle, 1970), ayant paru alors que cet article était terminé, j'ai pu le consulter et tenir compte, me semble-t-il, de ses conclusions, mais je ne me suis pas fondé sur son plan et sa numérotation. Voir pp. 98-99 ses observations sur le plan adjoint à M. Della Corte, op. cit.

31. Tac, Ann., op. cit., II, 47, et IV, 13.

32. Sur ce tremblement de terre qui a détruit ou endommagé plusieurs cités de Sicile orientale, il faudrait consulter par exemple : S. Boscarino, Vicende urbanistiche di Catania, Catane, Raphaël, 1966 ; M. D'agata, Storia di Catania ; Fichera, F., Una cittâ settecentesca, Rome, 1925 Google Scholar.

33. Voir par exemple J.-A., França, Une ville des Lumières, la Lisbonne de Pombal, Paris, Sevpen, 1965, pp. 107109 et 114Google Scholar.

34. Voir L. Borzi, Piano regolatore délia ciltà di Messina, Messine, L. Alico fu Ros., 1912, p. 58.

35. R. Etienne montre par exemple que la construction de l'atrium des Lares, « premier acte de la cité en deuil », date du début de la dynastie flavienne. Sept ou huit ans se sont donc écoulés entre la catastrophe et cette construction (op. cit., p. 13).

36. Voir Carpentier, E., Une ville devant la peste : Orvieto et la peste noire de 1348, Paris, Sevpen, 1962, p. 136 et note 2, et p. 153Google Scholar.

37. M. Baehrel cite à ce propos plusieurs témoignages relatifs à la grande peste de Londres (1665), et à la peste des années 1830 (dans « La haine de classe en temps d'épidémie », Annales E.S.C., VII, 1952, p. 354). Voir aussi Guilbert, S., « Un conseil municipal face aux épidémies », Annales E.S.C., XXIII, 1968, pp. 1291 et 1296 Google Scholar.

38. Les Romains avaient conscience que les séismes sont fréquemment suivis d'épidémies. SÉNèque écrit : « Diximus sescentarum ovium gregem exanimatum in Pompeiana regione. Non est quare hoc putes ovibus illis timoré accidisse. Aiunt enim solere post magnos terrarum motus pestilentiam fieri, nec id mirum est. Multa enim mortifera in alto latent. » (Quaest. nat., op. cit., VI, 28, 1-2 ; trad. P. Oltramare : « Comme nous l'avons dit, un troupeau de six cents moutons périt dans la contrée de Pompéi. Ne va pas croire que ces bêtes soient mortes de frayeur. On assure en effet qu'une épidémie éclate en général après les violents tremblements de terre. C'est ce dont il n'y a pas lieu de s'étonner. En effet bien des principes mortels sont cachés dans les profondeurs de la terre. ») Et, dans la suite du texte, Séneque essaie d'expliquer comment le tremblement de terre libère ces « principes mortels » ﹛ibid., VI, 27 et 28). D'autre part, G. Agnello (” Memorie inédite varie sul terremoto siciliano del 1693 », Arck. stor. per la Sicilia orientale, 2e s., 7, 1931, P- 395) publie une lettre contemporaine du tremblement de terre, dont l'auteur exhorte à rester à Rome un jeune marquis sicilien qui se trouvait absent de Sicile au moment de la catastrophe. Il lui représente que sa générosité lui fait honneur, mais que, s'il rentrait en Sicile, il manquerait de tout confort, sa demeure ayant été fortement endommagée ; en outre, il courrait le risque d'attraper la peste.

39. J.-A. França, op. cit., pp. 106, 112, 115, 137-141.

40. Ibid., pp. 138-141.

41. Cette réaction n'exclut pas que beaucoup de nobles et de riches souhaitent rebâtir leur demeure dans le quartier où elle se trouvait avant la catastrophe, — comme le remarque S. Boscarino à propos du tremblement de terre de 1693 à Catane (op. cit., p. 38). Par ailleurs, M. Baehrel observe que, lors de la peste de Londres (1665) et lors de celle de 1832, les commerçants étaient les moins disposés à quitter leur demeure et leur ville. Ils craignaient pour leur boutique, et tenaient à ne pas perdre leur clientèle (voir M. Baehrel, art. cité, p. 354). L'évacuation d'un quartier de la ville de Pouzzoles, au début de 1970, a montré que ce même phénomène se vérifiait en cas de séisme ou de menace de séisme. Une telle réaction pourrait partiellement expliquer que les boutiques aient été proportionnellement (ou même absolument) plus nombreuses à Pompéi après le tremblement de terre. Les boutiquiers et artisans, qu'ils aient été des hommes libres, des affranchis ou des esclaves, avaient intérêt à ne pas perdre leur clientèle ; seuls les affranchis ou des esclaves à qui leur patron procurait un autre travail pouvaient quitter leur commerce sans grande crainte.

42. SÉNèque écrit : « … desinamus audire istos qui Campaniae renuntiaverunt quique post hune casum emigraverunt negantque ipsos umquam in illam regionem accessuros. » (Quaest. nat., VI, 1, 10 ; trad. P. Oltramare : « … et n'écoutons pas ceux qui ont pris congé de la Campanie et qui, la quittant après son épreuve, déclarent qu'ils n'y remettront jamais les pieds. ») Mais il n'indique ni le nombre ni l'appartenance sociale de ces gens, et, le texte ayant été écrit peu de temps après le tremblement de terre, nous ignorons s'ils sont plus tard revenus en Campanie.

43. J.-A. França, op. cit., notamment p. 65.

44. P. Colletta, The history of Naples, trad. S. Horner, Edimbourg, Edmonston et Douglas, 1860, pp. 155 et 156.

45. Ibid. La lettre, publiée par G. Agnello (loc. cit.) à laquelle je faisais allusion précédemment, indique qu'à Catane en 1693 le manque de nourriture se faisait aussi sentir. L'auteur de la lettre attribue ce début de famine au nombre insuffisant des agriculteurs, dont certains sont morts et d'autres ont quitté leurs champs, et aux dégâts causés par le bétail, qui, moins surveillé, se répand dans les champs semés et les dévaste.

46. SÉN., Quaest. nat., VI, 1, 1 : « … vexatis quaecumque adjacebant regionibus… ».

47. Ibid., VI, 1, 2 : « Nucerinorum colonia ut sine clade non sine querela est. »

48. P. Colletta, op. cit., pp. 155-156.

49. Voir E. Mauceri, « Il terremoto del 1693 in Catania : pagine inédite di un testimone oculare », Arch. stor. per la Sicilia orientale, 16-17, 1919-1920, pp. 311-312. On trouvera dans ce même article (p. 306) des indications bibliographiques sur le tremblement de terre de 1693 à Catane.

50. Ibid., p. 309.

51. Contrairement à ce qui a parfois été écrit, par exemple par M. Délia Corte, le but de la mission de Suedius Clemens n'était pas avant tout de rendre à la cité des terres usurpées après le tremblement de terre. Voir à ce sujet E. Magaldi, « Echi di Roma a Pompéi », Riv. Studi Pompeiani, 3, 1939, pp. 34 ss. et L. Homo, « Vespasien financier », Rev. et. anc, 42, 1940, pp. 453-465, où se trouvent cités d'autres documents épigraphiques dont le caractère ne laisse aucun doute à cet égard.

52. Les conséquences d'un tremblement de terre sont en cela très différentes de celles d'une épidémie de peste. La désorganisation et la crise provoquée immédiatement par cette dernière ne durent pas très longtemps (voir par exemple E. Carpentier, op. cit. et notamment pp. 192-198 et 203 : dès 1350, deux ans après la peste, Orvieto avait, politiquement et socialement, repris son visage d'avant l'épidémie). L'épidémie s'attaquant aux hommes et ne provoquant pas la ruine des bâtiments (sauf exception : la mort du propriétaire entraîne la dégradation progressive de sa demeure), les conséquences lointaines sont cependant plus profondes que celles d'un séisme. La force de travail globale dont la ville ou la région peuvent disposer, a fortement diminué, ainsi que la capacité de défense des survivants. A d'autres égards, un tremblement de terre et une épidémie peuvent avoir des effets analogues. Tous deux sont par exemple à l'origine d'une crise financière : les impôts rentrent moins bien (les particuliers sont appauvris, l'administration publique est partiellement désorganisée, et la pression légale diminue), et les finances publiques se trouvent confrontées à des dépenses exceptionnelles. Cependant, dans un cas comme dans l'autre, la catastrophe peut accroître le poids des autorités publiques, seules capables de freiner la montée des prix, de réactiver les circuits commerciaux et d'assurer la rentrée normale des impôts. Mais il serait erroné de soutenir que la catastrophe renforce toujours l'autorité publique, aux dépens des initiatives des particuliers. Cela dépend de l'équilibre socio-économique existant, et des institutions en vigueur.

53. J.-A. França, op. cit., p. 126.

54. Ibid., pp. 109 et 110.

55. Ibid., pp. 65 et 137.

56. Voir S. Boscarino, op. cit., pp. 46-47 et 50-52.

57. Ibid.

58. Sur le caractère de la cité romaine, dont parle K. Marx dans Formes économiques précapitalistes, voir aussi M. Rostovtseff, « Les classes rurales et les classes citadines dans le Haut Empire Romain », dans Mélanges H. Pirenne, Bruxelles, Vromant, 1926, 2, pp. 425-426. Le changement de caractère de la cité de Pompéi pourrait expliquer certaines modifications survenues dans l'art de construire. A. Maiuri (art. cité, pp. 161-172), puis R. Carrington (” The ancient Italian town-house », dans Antiquity, y, 1933, pp. 133- 152), observant que les maisons d'Ostie sont différentes de celles de Pompéi, — par le nombre des appartements et des étages, par la disposition des entrées et des cours, par le nombre des fenêtres, et par la technique de construction, par exemple celle des balcons, — ont cru pouvoir en conclure qu'une évolution s'était produite à Ostie, qui serait advenue aussi à Pompéi si la catastrophe n'avait pas eu lieu. A. Maiuri voyait dans la dernière phase de construction de Pompéi, celle qui suivit le tremblement de terre, des signes avantcoureurs de cette évolution. Le fait archéologique lui-même n'est pas contestable, et il faut admettre une transformation des techniques, des modes de vie et des habitudes de construction. Cependant, sans prétendre présenter un tableau complet des débats relatifs aux insulae d'Ostie (qui, ces dernières années encore, ont donné lieu à d'intéressantes études), rappelons que, dès 1914, G. Calza soulignait avec raison la différence fondamentale existant entre la domus et l'insula, qui ne dérivait en aucune manière de la domus. L'emploi plus fréquent de l'insula à Ostie et, sans doute, à Rome était principalement dû à l'importance et au rôle spécifique de ces cités (voir G. Calza, « La preminenza dell'insula dell'edilizia romana», Mon. Ant. Lincei, 23, 1915, col. 571-608; G. Calza, «Le case d'affitto in Roman antica, dans Nuova ant. di Lett., Se. ed Arti, mars-juin 1916, 183, pp. 151-166, et notamment pp. 155 ss.). M. Rostovtseff (Social and économie histoyy of the Roman Empire, 2e éd., 1957, H> PP- 567-568, note 36) et E. Lepore (art. cité, pp. 161 ss.) développèrent une argumentation semblable, ainsi que G. Girri (La taberna nel quadro urbanistico e sociale di Ostia, Milan, Univ. studi, Ist. di archeol., 1956, p. 1, note 1 et p. 2). Si, comme le pensait A. Maiuri, certains aspects des constructions pompéiennes postérieures à 62 ap. J.-C. annoncent un peu le mode de construire qui se répand plus tard à Ostie et qui était déjà très courant à Rome, il n'est pas exclu que le tremblement de terre en soit partiellement responsable. Il a transformé la signification économique et sociale de la cité, en sorte que sa vocation de lieu d'échange et de contacts commerciaux a pris le pas sur son rôle de direction politique et économique de la campagne environnante. Néanmoins, le mode de construction de l'ultime phase pompéienne et celui qui caractérise l'architecture d'Ostie sont trop différents pour qu'il faille insister beaucoup sur cet hypothétique rapprochement. D'autres soulignent au demeurant que les insulae, telles qu'elles se sont répandues à Ostie sous l'Empire, doivent être étudiées dans le cadre d'une catégorie, plus large, de maisons de location, destinées à plusieurs familles, qui existaient déjà sous la République, et pas seulement à Rome. Pour Pompéi, de telles maisons semblent bien attestées archéologiquement (voir H. Eschebach, art. cité, pp. 32-33, fig. 12 et table 8). L'argumentation d'A. Maiuri est donc pour le moins discutable. Remarquons d'autre part que l'état d'insécurité, lui aussi, provoque une transformation du visage urbain, avec migration de la campagne vers la cité et changement de fonction de la cité. L. Maurin analyse le phénomène à Thuburbo Maius, à l'époque des invasions vandales. En ce cas, cependant, l'évolution est lente, elle s'accompagne d'un appauvrissement beaucoup plus profond de la cité, et conduit, semble-t-il, à sa ruralisation, — ainsi que le montrent les huileries installées dans la partie centrale de Thuburbo Maius — (voir L. Maurin, « Thuburbo Majus et la paix Vandale », Les Cahiers de Tunisie, 15, 1967, pp. 225-254, et notamment pp. 240-250).

59. E. Lepore écrit que les propriétaires de terres et les propriétaires de maisons urbaines ne se confondent peut-être pas toujours. C'est certainement vrai. L'exploitation de maisons urbaines données en location faisait cependant partie des ressources habituelles des membres de l'oligarchie romaine. Les textes littéraires en témoignent abondamment (voir par exemple Martial, Epigr., IV, 37, 3). Ces activités se pratiquaient dans les municipes aussi bien qu'à Rome. Sur ce point encore, 1’ « évidence » archéologique ne doit pas induire en erreur : le caractère apparemment familial de l'architecture des domus ne signifie pas qu'elles appartenaient toutes à leurs occupants. La découverte de plusieurs annonces de location (C.I.L., IV, 138, 807, 1136) confirme que la location d'immeubles était fort répandue.

60. On se souvient de l'exemple de P. Licinius Crassus, qui rachetait à bas prix les maisons sur le point de s'écrouler et les faisait reconstruire par des esclaves spécialement formés aux métiers du bâtiment, pour les louer ou les vendre ensuite à des prix plus élevés (Plut., Crassus, § 2).

61. Ces remarques sont indirectement en rapport, d'une part avec le problème de la place économique et sociale occupée par les négociants sous l'Empire romain, d'autre part avec celui du statut des affranchis et de leur importance. Sur cette dernière question, fondamentale à mon sens, voir notamment le remarquable article de P. Veyne, « Vie de Trimalcion », Annales E.S.C., XVI, 1961, pp. 213-247.

62. P. Colletta, op. cit., p. 156.

63. A. Maiuri, L'ultimafase…, op. cit., p. 162.

64. Ibid., pp. 163-164.

65. VII, 2, 3-6 (ibid., pp. 168-170) ; VII, 2, 11 (ibid., p. 170) ; IX, 1, 5 (ibid., p. 172) ; IX, 2, 11-12 (ibid., p. 163) ; IX, 3, 2 (ibid., p. 163).

66. VI, 14, 21-22 (ibid., p. 166).

67. VI, 16, 3 (ibid., p. 167).

68. I, 5, 2 (ibid., p. 174).

69. I, 6, 7 (ibid., p. 173) ; I, 8, 19 (ibid., p. 170) ; VIII, 6, 26-28 (ibid., pp. 172-173).

70. VII, 4, 24, rue des Augustales (ibid., p. 171) ; VII, 1, 36, rue des Augustales (ibid., p. 168) ; VII, 12, 17 et 21, ruelle du Lupanar (ibid., pp. 171-172).

71. VI, 3, 3, rue Consulaire (ibid., pp. 164-165) ; VI, 8, 20, rue de Mercure (ibid., pp. 165-166).

72. Ibid., p. 163, note 2.

73. M. Della Corte, op. cit., pp. 499-500. De cette liste est absente la boulangerie de la rue Consulaire, qui, selon A. Maiuri (L'ultima fase…, op. cit., pp. 164-165), date d'après le tremblement de terre.

74. M. Rostovtseff, op. cit., II, p. 701, note 21.

75. W. O. Moeller, op. cit., pp. 40-49, 50-61, 63-67, 68, 89-93.

76. Kleberg, T., Hôtels, restaurants et cabarets dans l'Antiquité romaine, Uppsala, Almqvist et Wicksells, 1957, PP-3144 et plan, p. 48Google Scholar.

77. Ibid , p. 36.

78. Ibid , pp. 39-43.

79. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., pp. 161-162.

80. C'est par exemple le cas de la maison de Ménandre, I, 10, 10 (ibid., pp. 150-152), et, près de la Porte d'Herculanum, de la villa des Mystères (ibid., pp. 155-157).

81. A. Maiuri, art. cité, pp. 169-172, et L'ultima fase…, op. cit., pp. 91-94, ainsi que les études citées p. 92, notes 1 et 2.

82. C'est le cas de la maison de la Petite Fontaine, VI, 8, 23-24 (ibid., pp. 102-103).

83. Ce sont par exemple la maison du Poète tragique (ibid., pp. 100-101) ; la maison de Méléagre, VI, 9, 2 (ibid., p. 102) ; la maison des Vettii, VI, 15, 1 (ibid., pp. 105-112).

84. Ibid., p. 164.

85. Ibid., p. 171.

86. Ce sont par exemple : VIII, 4, 9 (ibid., pp. 133-134) ; VIII, 5, 2 (ibid., p. 135) ; VIII, 5, 28 (ibid., pp. 135-136) ; I, 6, 11 (ibid., pp. 146-147) ; I, 6, 4 (ibid., pp. 147-150).

87. Ce sont par exemple : VIII, 2, 36-37 (ibid., pp. 142-144) ; VIII, 4, 9 (ibid., pp. 133- 134) ; I, 6, 2 (ibid., p. 150).

88. VIII, 2, 18 (ibid., p. 140) ; VIII, 2, 21 (ibid., pp. 140-141) ; VIII, 2, 26-27 (ibid., p. 141) ; VIII, 2, 28 (ibid., p. 141) ; VIII, 2, 29-30 (ibid., pp. 141-142) ; VIII, 2, 34 (ibid., p. 141).

89. VIII, 5, 36 (ibid., p. 160) ; VIII, 6, 5 (ibid., p. 160) ; VIII, 3 et peut-être VIII, 7, ruelle de la Reine (ibid., p. 140), où A. Maiuri précise qu'il s'agit de maisons humbles.

90. VIII, 2, 1 (ibid., p. 138).

91. VII, 7, 5 (ibid., p. 119) ; VII, 7, 10 (ibid., pp. 119-120) ; VII, 15, 1-2 (ibid., pp. 120- 121) ; VII, 2, 16 [ibid., pp. 121 et 124) ; VII, 2, 18 (ibid., pp. 121-124) ; VII, 2, 20 (ibid., pp. 121 et 124).

92. Par exemple la maison des Noces d'argent, V, 2 (ibid., pp. 115-117).

93. Deux boutiques ont été ajoutées à la maison de Salluste, VI, 2, 4 (ibid., pp. 98-99), et toute une série en avant de la villa dite de Cicéron (ibid., p. 159), mais ces dernières, selon A. Maiuri, n'étaient pas encore ouvertes en 79.

94. Ibid., pp. 188-202.

95. Ibid., pp. 181-188.

96. Le mot résidentiel, lié à des phénomènes sociaux de la vie contemporaine, est assez impropre à exprimer des réalités de la société romaine. J'entends par quartier résidentiel un quartier de demeures riches ou aisées, c'est-à-dire de maisons à péristyles occupées par des familles de Vordo municipal, par de riches affranchis plus ou moins liés à ces familles, et par des citoyens plus modestes, mais jouissant d'un revenu financier non négligeable. On voit qu'à Pompéi le nombre de telles demeures était plus important dans la Région VI que dans les autres quartiers de la colonie.

97. Ibid., pp. 70-77.

98. Un graffito (C.I.L., IV, 3525) fait allusion à Pompéi comme à l'une des verae coloniae de Néron ; il mentionne aussi, parmi ces colonies, Puteoli, Antium et Tegeanum. La signification de ce titre n'est cependant pas claire, et l'on ignore à quelle date Pompéi a obtenu de s'en prévaloir. S'il y a eu réelle déduction de colons, et à une date postérieure à 62, cette déduction pourrait partiellement expliquer le changement de caractère de la cité ; mais c'est improbable (voir à ce sujet Sogliano, A., « Colonie neroniane », Rendic. Accad. Naz. Lincei, 5, 6, 1897, pp. 389395 Google Scholar ; et M. Della Corte, op. cit., p. 64).

99. Voir A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., p. 162 et M. Della Corte, op. cit., n0S 488 ss., 565 ss. W. O. Moeller (op. cit., pp. 97-98) étudie d'autre part l'emplacement des officinae lanifricariae (plutôt dans les petites rues près du centre et du Forum) et celui des fouleries (sur les grands axes).

100. Voir par exemple Lepore, E., Storia di Napoli, 1967, I, pp. 292296 Google Scholar.

101. Strabon, V, 4, 8.

102. Les recherches de J. Day (« Agriculture in the life of Pompéi », Yale class. studies, 3, 1932, pp. 165-208) et de R. Carrington (« The Campanian villae rusticae », Journ. Roman studies, 21, 1931, pp. 110-130) sont davantage consacrées à une description synchronique de la vie économique pompéienne en 79 qu'à son étude diachronique. L'activité lainière a fait l'objet, rappelons-le, de l'étude de W. O. Moeller, op. cit.

103. J.-A. França, op. cit., notamment pp. 179 ss.

104. Voir par exemple Hure, J., Histoire de la Sicile, Paris, P.U.F., 1957, PP- 105106 Google Scholar.

105. M. Baehrel, art. cité.

106. E. Carpentier, op. cit., pp. 136-139, 152-153 et 165-170.

107. Biraben, J.-N. et Legoff, J., « La peste dans le haut Moyen Age », Annales E.S.C, XXIV, 1969, p. 1298 Google Scholar.

108. Même au cours des temps modernes, les tremblements de terre ne sont pourtant pas toujours suivis de tels mouvements, « démocratiques » ou « populaires ». Les consé- quences du tremblement de terre de Catane (1693), par exemple, ont été inverses. S. Boscarino écrit que la reconstruction de Catane fut en un certain sens « l'ultima espressione di classi che già altrove erano in piena decadenza » (op. cit., p. 51). Il est donc nécessaire d'être très prudent.

109. Mon ami P. Castrén, secrétaire scientifique de l'Institut Finlandais de Rome, travaille à l'établissement d'un catalogue prosopographique rigoureux de tous les Pompéiens connus et des familles pompéiennes ; cet ouvrage, en faisant la critique de documents épigraphiques qui, dans le passé, ont été parfois hâtivement interprétés, et en précisant les rapports de parenté ou de patronat, aura une très grande importance pour les études pompéianistes. P. Castrén s'est notamment intéressé à l'histoire des grandes génies pompéiennes et aux éventuels renouvellements de Yordo de la Colonie, de l'époque de Sylla à l'éruption volcanique de 79 ap. J.-C. Son étude apportera donc d'appréciables éclaircissements sur l'histoire politique de cette ultime phase de la vie de la cité.

110. C.I.L., X, 846-848. Voir M. Della Corte, op. cit., nOS 266-268, p. 153.

111. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., p. 25, note 1.

112. Ibid., pp. 43-48 et 64-67.

113. Voir C.I.L., X, 858 et Marquardt, J., Manuel des Antiquités romaines, VIII, pp. 237240 Google Scholar.

114. C.I.L., X, 1018 ; et M. Della Corte, op. cit., n° 489, pp. 243 ss. Sur cette mission, voir ci-dessus.

115. A. Maiuri, L'ultima fase…, op. cit., p. 214.

116. Ibid., pp. 74-75 et p. 75, note 1.

117. Voir par exemple maison VI, 3, 3 (ibid., p. 165) et maison I, 6, 7 (ibid., p. 173).

118. Ibid., pp. 159-160.

119. Ibid., pp. 91-94 et 212.

120. A. Maiuri, art. cité, pp. 169-172.

121. A. Maiuri, L'uUima fase…, op. cit., pp. 174-175.

122. Le fait m'a été confirmé par le professeur C. Giordano, que je remercie des informations qu'il a eu la gentillesse de me fournir.

123. On sait que certaines couleurs coûtent beaucoup plus cher que les autres; voir S. Augusti, / colori pompeiani, Rome, De Luca, 1967, pp. 25-26 et 125.

124. A. Maiuri (L'ultima fase…, op. cit., pp. 188-202) fournit à ce propos quelques informations, mais l'établissement d'un tableau général des dépenses engagées exigerait une recherche exhaustive.

125. Voir plus haut, p. 000, note 00.

126. Voir par exemple Mansuelli, G., I Cisalpini, Florence, G. Sansoni, 1962, p. 75 Google Scholar.

127. Il n'est pas exclu que l'étude archéologique des sites de régions telles que la Cyrénaïque ou l'Asie Mineure fournissent tôt ou tard, quant aux séismes et à leurs conséquences, des indications d'autant plus précieuses qu'elles concerneraient l'époque romaine ; l'Asie, par exemple, a été ravagée par des secousses sismiques sous les règnes d'Auguste et de Tibère, puis de nouveau à l'époque d'Antonin et de Marc Aurèle (voir notamment V. Chapot, La province romaine proconsulaire d'Asie, Paris, E. Bouillon, 1904, pp. 65-66, 361 et 522). Mais je n'ai pu recueillir une documentation suffisante à ce propos.

128. Cet article visant à être un débroussaillage dont le sujet touche à plusieurs spécialités, et qui emprunte ses exemples à des époques très diverses, je serais particulièrement heureux de pouvoir correspondre avec les lecteurs des Annales E.S.C. susceptibles de me fournir d'autres indications, ou soucieux de contester ou de compléter les conclusions auxquelles je parviens.