Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Dans l’entre-deux-guerres, le Bureau International du Travail s’efforce de construire une régulation mondiale des migrations. La signature de conventions inter-étatiques développe le droit international de la mobilité, droit maritime notamment, mais aussi les droits sociaux attribués aux travailleurs migrants: assurances sociales en matière de risque vieillesse, invalidité, maladie, décès, chômage, accidents du travail. A l’image d’Albert Thomas ou Arthur Fontaine, le BIT prolonge ici l’action de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs. Au nom du libéralisme, il voit dans la diffusion de l’État-providence la condition d’une juste concurrence économique. Soutenu par des associations de défense des migrants souvent liées aux Églises, le BIT se réclame du paritarisme et réunit hauts fonctionnaires, chefs d’entreprises et délégués des syndicats. En vue d’un meilleur partage des matières premières et de la main-d’œuvre, il revendique une autorité supranationale qui s’imposerait notamment en matière coloniale. Mais il se heurte au jeu brûlant de la géopolitique: les nations dénuées d’Empire, en s’appuyant sur des concepts de la démographie (optimum, surpeuplement...), récupèrent cette atteinte portée au principe de souveraineté nationale. Au nom de l’intérêt de l’humanité, les réformateurs sociaux du BIT forgent ainsi une doctrine qui, à leur corps défendant, justifiera à sa manière les coups de force territoriaux des années 1930 (Mandchourie, Éthiopie).
During the Interwar period, International Labor Office endeavoured to regulate world migrations. It urged governments to sign conventions in order to develop international law and social rights guaranteed to migrant workers: social insurances covering retirement, disability, health, unemployment, work injuries. Led by an international network of social reformers such as Albert Thomas or Arthur Fontaine, ILO claimed that diffusion of Welfare State was a prerequisite for fair economic competition. Supported by non-governmental organizations defending migrants’ rights (often in relationship with the Churches), gathering top-ranking civil servants, employers and trade-unionists, ILO claimed supranational authority to oblige nations to share more equally raw materials and manpower. But have-nots (powerful countries with no colonial Empires), relying on such demographic concepts as optimum or overpopulation, took over this breach of the principle of national sovereignty. For the sake of the supreme interests of mankind, ILO’s social reformers unwillingly paved the way to a doctrine which ended up justifying territorial aggressions of the 1930s like Manchuria or Ethiopia.
Je remercie Remo Becci, Alain Chatriot, Romain Felli, Nathalie Lempereur, Lutz Raphael et Vincent Viet pour l’aide apportée au cours de cette recherche. Ma gratitude s’exprime également à l’égard de Timothy Tackett et Kenneth Pomeranz, Petra Overath et Jakob Vogel, qui m’ont permis respectivement de présenter ce travail dans les institutions suivantes : University of California Irvine, Centre Marc-Bloch et Teknische Universität (Berlin). Cette recherche a été rendue possible par le soutien de la DARES et du Comité d’histoire des administrations du travail, et a été menée dans le cadre des projets-phare P 11-1-3 et P 11-6 de l’INED, en liaison avec l’université de Trèves (Sonderforschungsbereich 600).
1 - Sur la genèse du modèle, Jerome Harry, voir, Migration and business cycles, New York, NBER, 1926 Google Scholar; Heffer, Jean, « Du “pull” et du “push” Google Scholar », in Rougé, R. (éd.), Les immigrations européennes aux États-Unis (1880-1910), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1989, pp. 21-48 Google Scholar. Sur sa domination, malgré les critiques dont il a été l’objet, je me permets de renvoyer à Rosental, Paul-André, « Les formalisations spatiales de la mobilité: fragments pour l’histoire longue d’une non-réception », Genèses, 4, 1997, pp. 75-98 Google Scholar.
2 - Voir l’impressionnant panorama de Hoerder, Dirk, Cultures in contact: World migrations in the second millennium, Durham, Duke University Press, 2002 CrossRefGoogle Scholar, ainsi que O’rourke, Kevin H., et Williamson, Jeffrey G., Globalization and history: The evolution of a nineteenth-century Atlantic economy, Cambridge, The MIT Press, 1999 Google Scholar; Mac Keown, Adam, « Global migration, 1846-1940 », Journal of world history, 15, 2, 2004, pp. 155-189 Google Scholar; et Bade, Klaus, L’Europe en mouvement. La migration de la fin du xviii e siècle à nos jours, Paris, Le Seuil, 2002 Google Scholar. Voir aussi les synthèses plus anciennes de Page Moch, Leslie, Moving Europeans. Migration in Western Europe since 1650, Bloomington, Indiana University Press, 1992 Google Scholar; Potts, Lydia, The world labour market: A history of migration, Londres, Zed Books Ltd, 1990 Google Scholar, et Gabaccia, Donna, From the other side: Women, gender and immigrant life in the US, 1820-1990, Bloomington, Indiana University Press, 1994 Google Scholar.
3 - En référence au livre de Noiriel, Gérard, La tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe (1793-1993), Paris, Calmann-Lévy, 1991 Google Scholar. Alexander Kulischer a donné à son époque la formulation la plus aboutie de ce sentiment dans « Some aspects of the migration problem », in Sanger, M. (éd.), Proceedings of the World Population Conference, Londres, Edward Arnold, 1927, pp. 305-309 Google Scholar, ainsi que dans Kriegs- und Wanderzüge, Weltgeschichte als Völkerbewegung, Berlin-Leipzig, , de Gruyter, W., 1932 Google Scholar, publié avec son frère Eugen. Sur les Kulischer, voir Lausecker, Werner, « Konkurrierende “Bevölkerungs” kons-truktionen in den 1930er und 40er Jahren in Deutschland. Interdisziplinär und international vergleichende Blicke, Zeitschrift Historical Social Research/Historische Sozialforschung, 31, 3, 2006 Google Scholar, à paraître.
4 - Au premier rang desquels figure bien sûr la traite, à propos de laquelle on peut renvoyer à Pétré-Grenouilleau, Olivier, Les traites négrières. Essai d’histoire globale, Paris, Gallimard, 2004 Google Scholar. Sans parler des formes de travail forcé dans les colonies, un axe majeur de l’historiographie des migrations au xix e siècle est l’étude des formes intermédiaires qui ont succédé à l’esclavage, en particulier ce que l’on nomme en anglais, sans traduction vraiment satisfaisante, les indentures, contrats d’engagement quiliaient durablement, et dans des conditions souvent inhumaines, le migrant de travail à son employeur. Pour s’en tenir à quelques synthèses globales, voir Northrup, David, Indentured labor in the age of imperialism, 1834-1922, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 Google Scholar; Brass, Tom et Van Der Linden, Marcel (éd.), Free and unfree labour: The debate continues, Berne, Peter Lang, 1997 Google Scholar; Raphael, Lutz, « Krieg, Diktatur und impe-riale Erschließung: Arbeitszwang und Zwangsarbeit, 1880 bis 1960 », in Herrmann-Otto, E. (éd.), Unfreie Arbeits- und Lebensverhältnisse von der Antike bis in die Gegenwart, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 2005, pp. 258-280 Google Scholar.
5 - 5 - Ces législations ont été le plus souvent mises en place (comme les quotas américains des années 1920) pour empêcher l’entrée des populations jugées indésirables, avec une racialisation croissante à partir de la fin du xix e siècle: Chinois dans les pays de la façade du Pacifique (voir l’article d’Éric Guerassimoff dans ce numéro), Juifs en Grande-Bretagne (Gainer, Bernard, The alien invasion: The origins of the Aliens Act of 1905, Londres, Heinemann, 1972 Google Scholar, et Feldman, David, « Jews and the State in Britain, 1830-1930 », in Brenner, M., Liedtke, R. et Rechter, D. (éd.), Two nations. The historical experience of British and German Jews in comparison, Tubingen, Mohr, J. C. B., 1999 Google Scholar).
6 - Hägerstrand, Torsten, « Migration and area. Survey of a sample of Swedish migration fields and hypothetical considerations on their genesis », in Hannerberg, D., HÄgerstrand, T. et Odeving, B. (éd.), Migration in Sweden. A symposium, Lund, Cwk Gleerup, 1957, pp. 27-158 Google Scholar. Voir le remarquable travail de Bade, Klaus, « Massenwande-rung und Arbeitsmarkt im deutschen Nordosten von 1880 bis zum ersten Weltkrieg: überseeische Auswanderung, interne Abwanderung und kontinentale Zuwanderung », Archiv für Sozialgeschichte, 20, 1980, pp. 265-323 Google Scholar; et le récent article Steidl, d’Annemarie, Stockhammer, Engelbert et zeitlhofer, hermann, « Relations among internal, continental, and transatlantic migration in late imperial Austria », Social science history, 2006 Google Scholar, à paraître. Sur l’analyse d’un champ migratoire, voir Douki, Caroline, « Le terri-toire économique d’une région d’émigration, du milieu du xix e siècle à 1914 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 48, 2-3, 2001, pp. 192-244 Google Scholar.
7 - Stouffer, Samuel A., « Intervening opportunities and competing migrants », Journal of regional science, 2, 1, 1960, pp. 1-26 Google Scholar. Pour des exemples de cette compétition, voir Mormino, Gary, «“We worked hard and took care of our own”: Oral history and Italians in Tampa », Labor history, 23, 3, 1982, pp. 395-415 Google Scholar, pour une synthèse, Fontaine, Laurence, « Montagnes et migrations de travail. Un essai de comparaison globale (XVe-XXe siècle) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52, 2, 2005, pp. 26-48 Google Scholar.
8 - Faute de pouvoir rendre compte ici de l’abondante production sur le cadre institutionnel des politiques migratoires, nous renverrons simplement à Viet, Vincent, La France immigrée. Construction d’une politique, 1914-1997, Paris, Fayard, 1998 Google Scholar; Weil, Patrick, Qu’est-ce qu’un Français? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, 2002 Google Scholar, et, pour l’Ancien Régime, Sahlins, Peter, Unnaturally French: Foreign citizens in the Old Regime and after, Ithaca, Cornell University Press, 2004 Google Scholar. Sur le lien organique entre immigration et marché du travail, on pourra partir de Piore, Michael, Birds of passage: Migrant labor in industrial societies, Cambridge, Cambridge University Press, 1979 CrossRefGoogle Scholar; Green, L. Nancy, Du Sentier à la 7e Avenue: la confection et les immigrés, Paris-New York, 1880-1980, Paris, Le Seuil, 1998 Google Scholar; et Waldinger, Roger Google Scholar et Lichter, Michael, How the other half works: Immigration and the social organization of labor, Berkeley, University of California Press, 2003 Google Scholar. Sur les associations, voir Noiriel, Gérard, « Repré-sentation nationale et catégories sociales. L’exemple des réfugiés politiques », Genèses, 26, 1997, pp. 25-54 Google Scholar. Sur les communes, voir De Barros, Françoise, « L’État au prisme des municipalités. Une comparaison historique des catégorisations des étrangers en France (1919-1984) », Thèse de Doctorat, Université de Paris-I, 2004 Google Scholar.
9 - Chatriot, Alain, La démocratie sociale à la française. L’expérience du Conseil national économique, 1924-1940, Paris, La Découverte, 2002 Google Scholar, et Lemercier, Claire, Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003 Google Scholar, proposent deux modèles récents d’une étude institutionnelle « décloisonnée ».
10 - Sur la nécessité d’articuler divisions internes aux États et dynamique des institutions internationales, voir Cortell, Andrew et Davis, James, « How do international institutions matter? The domestic impact of international rules and norms », International studies quarterly, 40, 4, 1996, pp. 451-478 Google Scholar.
11 - L’URSS et les USA n’enwsplus tard l’Allemagne nazie. Mais ne pas en faire partie ne signifie pas être absent de son horizon: le BIT a par exemple des délégués aux États-Unis, où il est très actif. Voir Myers, James, « American relations with the International Labor Office, 1919-1932 », Annals of the American Academy of political and social science, 43, 166, mars 1933, pp. 135-145 Google Scholar.
12 - Les deux hommes, respectivement universitaires à Budapest et à Gand à l’origine, sont deux pionniers de la réforme sociale municipale. Nous n’avons pu consulter que superficiellement Van Daele, Jasmien, Van Gent tot Genève. Louis Varlez. Een biografie, Gand, Academia Press, 2002 Google Scholar. Le rôle de Imre Ferenczi est évoqué dans Zimmermann, Susan, Prächtige Armut: Fürsorge, Kinderschutz und Sozialreform in Budapest. Das « sozialpolitische Laboratorium » der Doppelmonarchie im Vergleich zu Wien, 1873-1914, Sigmaringen, Thorbecke, 1997 Google Scholar. Sur le cadre plus général de ce mouvement international, voir Payre, Renaud et Saunier, Pierre-Yves, « L’internazionale municipalista: L’Union Internationale des Villes fra 1913 e 1940 », Amministrare, 30, 1-2, 2000, pp. 217-242 Google Scholar; et Dogliani, Patrizia, « European municipalism in the first half of the twentieth century: The socialist network », Contemporary European history, 11, 4, 2002, pp. 573-596 Google Scholar.
13 - Sur les liens de complémentarité et de dépendance du BIT à l’égard de la SDN, voir Pipkin, Charles W., « Relations with the League of Nations », Annals of the American Academy of political and social science, 166, 1933, pp. 124-134 Google Scholar, et Steinbicker, Paul G., « Is the international labor organization autonomous? », American political science review, 29, 5, 1935, pp. 866-870 Google Scholar.
14 - GuéRin, Denis, Albert Thomas au BIT: de l’internationalisme à l’Europe, Genève, Institut européen de l’Université de Genève, Euryopa, 1996 Google Scholar. Sur Albert Thomas et son environnement, voir Prochasson, Christophe, Les intellectuels, le socialisme et la guerre (1900-1938), Paris, Le Seuil, 1993 Google Scholar; ainsi que Fridenson, Patrick et Rébérioux, Madeleine, « Albert Thomas, pivot du réformisme français », Le mouvement social, 87, 2, 1974, pp. 85-98 Google Scholar, et Fine, Martin, « Albert Thomas: A reformer’s vision of modernization, 1914-1932 », Journal of contemporary history, 12, 3, 1977, pp. 545-564 Google Scholar.
15 - Sur les modalités de préparation des conventions, voir Wilson, Francis G., « The preparation of international labor conventions », American journal of international law, 28, 3, 1934, pp. 506-526 Google Scholar; Ricard, Joseph-Honoré, « L’action internationale dans les migrations ouvrières d’après-guerre », Revue politique et parlementaire, 130, 386, 1927, pp. 31-46 Google Scholar; et, plus généralement, Hewes, Amy, « The Conference at work », Annals of the American Academy of political and social science, 166, 1933, pp. 86-94 Google Scholar. Au total, soixante-sept conventions sont adoptées durant l’entre-deux-guerres. Certaines portent spécifiquement sur le statut des migrants: il s’agit des conventions C19 sur l’égalité de traitement face aux accidents du travail, adoptée le 5 juin 1925; C21 sur l’inspection des émigrants (5 juin 1926); C48 sur la conservation des droits à pension des migrants (22 juin 1935), auxquelles on peut rajouter les recommandations R2 sur la réciprocité de traitement (1919), R19 sur les statistiques des migrations (1922), R26 sur la protection des émigrantes à bord des navires (1926), R61 et R62 sur les travailleurs migrants (1939). Beaucoup d’autres conventions, de portée générale, incluent des clauses spécifiques en faveur des travailleurs migrants: C17 (réparation des accidents du travail, 1925), C35 à 40 (assurances vieillesse, invalidité et décès dans l’industrie et l’agriculture, 1933), C44 (chômage, 1934). Leur texte intégral figure dans <ilo.org/ilolex/french/convdisp1.htm> et <ilo.org/ilolex/french/subjlst.htm>.
16 - Selon une étude commanditée en novembre 1937 par le sous-directeur général Edward Phelan (1888-1967) et fondée sur les «indications fréquemment publiées dans la presse, et l’exposé des motifs des projets de loi aux débats parlementaires » (BIT, D 600/2000/24). Wright, Fergus C. dresse un bilan comparable dans Population and peace. A survey of international opinion on claims for relief from population pressure, Paris, Institut international de coopération intellectuelle, 1939, pp. 306-309 Google Scholar.
17 - Le BIT lui-même prend pour exemple les retombées d’une convention signée sur le poids des colis: à la suite de démarches diplomatiques allemandes, l’Union soviétique promulgue un décret qui en reprend les dispositions principales.
18 - Citons les associations internationales en faveur des droits sociaux, sur lesquelles nous reviendrons, ou, parmi les individualités, le cas de Justin Godart, en France, qui concilie sa carrière politique nationale avec une constante implication internationale. Pour ne donner que cet exemple, la notion même de médecine du travail, son pilotage par des instances paritaires et son entrée dans l’enseignement universitaire sont le résultat d’une pression exercée à la fin des années 1920 sur le gouvernement et le patronat français par le BIT. Voir Buzzi, Stéphane, Devinck, Jean-Claude et Rosental, Paul-André, Santé et travail (1880-2006), Paris, La Découverte, 2006 Google Scholar.
19 - Nous étendons ici, par-delà les frontières, l’expression et le modèle développés par Christian Topalov, « Le champ réformateur, 1880-1914: un modèle », in ID. (éd.), Laboratoires du nouveau siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999, pp. 461-474. Voir aussi Lecerf, Éric, « Les conférences internationales pour la lutte contre le chômage au début du siècle », Mil neuf cent, 7, 1989, pp. 99-126 Google Scholar; Soubiran-Paillet, Francine, « L’association internationale pour la protection légale des travailleurs et la construction en France de la notion de durée journalière du travail (1901-1914) », Cahiers de l’IRT [Institut régional du travail] Aix-en-Provence, 9, avril 2001, pp. 3-19 Google Scholar, et, pour un cadre général, Rodgers, Daniel T., Atlantic crossings: Social politics in a progressive age, Cambridge, Harvard University Press, 1998 Google Scholar.
20 - Berger, Suzanne, Notre première mondialisation. Leçons d’un échec oublié, Paris, Le Seuil, 2003 Google Scholar. Pour une tentative de mesure de ses effets sur la condition ouvrière, voir Huberman, Michael et Lewchuk, Wayne, Globalization and worker welfare in late nineteenth century Europe, Montréal, Cirano, 1999 Google Scholar, <cirano.qc.ca/pdf/publication/99s-01.pdf>.
21 - Conrad, Christoph, « Les États-providence en comparaison. État des approches en sciences sociales et en histoire », Histoire et société. Revue européenne d’histoire sociale, 6, 2003, pp. 90-98 Google Scholar. Pour une saisie globale, voir Herren, Madeleine, « Governmental internationalism and the beginning of a new world order in the late nineteenth century », in Geyer, M. H. et Paulmann, J. (éd.), The mechanics of internationalism, culture, society, and politics from the 1840s to the First World War, Oxford, Oxford University Press, 2001, pp. 121-144 Google Scholar. Cette articulation étroite entre libéralisme et régulation prolonge, dans le domaine circonscrit des migrations, les analyses de Polanyi, Karl, La grande transformation, Paris, Gallimard, [1944] 1983 Google Scholar.
22 - Sur ce lien organique, voir Wittrock, Björn et Wagner, Peter, « Social science and the building of early welfare State: Towards a comparison of statist and non-statist Western societies », in Rueschemeyer, D. et Skocpol, T. (éd.), States, social knowledge, and the origins of modern social policies, Princeton, Princeton University Press, 1996, pp. 90-113 Google Scholar.
23 - Sur l’ensemble de ces points, voir Strikwerda, Carl, « The troubled origins of European economic integration: International iron and steel and labor migration in the era of World War », American historical review, 98, 4, 1993, pp. 1106-1129 Google Scholar; Guerin-Gonzales, Camille et Strikwerda, Carl (éd.), The politics of immigrant workers: Labor activism and migration in the world economy since 1830, New York, Holmes & Meier, 1993 Google Scholar; Collomp, Catherine, Entre classe et nation. Mouvement ouvrier et immigration aux États-Unis, Paris, Belin, 1998 Google Scholar; Gani, Léon, Syndicats et travailleurs immigrés, Paris, Éditions sociales, 1972 Google Scholar.
24 - Les passages cités sont issus du commentaire, par Arthur Fontaine, de la convention du 15 avril 1904 (Genève, Archives de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs [AIPLT], 156 [51 bis]). Sur les rapports diplomatiques francoitaliens durant la période, voir Milza, Pierre, Français et Italiens à la fin du xix e siècle. Aux origines du rapprochement franco-italien de 1900-1902, 2 vol., Rome, École française de Rome, 1981 Google Scholar. Sur A. Fontaine et son environnement, voir Oersted, Hans-Christian et alii, « Paroles prononcées aux obsèques de M. Arthur Fontaine, à Paris, le 5 septembre 1931 », Annales des Mines, 20, 9, 1931, pp. 231-253 Google Scholar; Raguin, EugèNe, « Arthur Fontaine (nécrologie) », Annales des Mines, 13e série, 1, 1932 Google Scholar, <annales.org/archives/x/afo.html>; Luciani, Jean (éd.), Histoire de l’Office du travail (1890-1914), Paris, Syros, 1992 Google Scholar; Cointepas, Michel, Arthur Fontaine haut fonctionnaire de la Troisième République, Thèse de Doctorat, Université Paris-I, 2005 Google Scholar; Moret-Lespinet, Isabelle, « Arthur Fontaine, grand commis de la nation et ambassadeur du travail », Histoire et sociétés. Revue européenne d’histoire sociale, 6, 2003, pp. 111-120 Google Scholar.
25 - Hasenau, Michael, « ILO standards on migrant workers: The fundamentals of the UN Convention and their genesis », International migration review, 25, 4, 1991, pp. 687-697 Google Scholar. Sur la diffusion des mesures anti-chinoises à la fin du xix e siècle, voir Zolberg, Aristide, « The great wall against China: Responses to the first immigration crisis, 1888-1925 », in Lucassen, J. et Lucassen, L. (éd.), Migration, migration history, history: Old paradigms and new perspectives, Berne, Peter Lang, 1997, pp. 291-315 Google Scholar.
26 - Pour Ernest Greenwood, correspondant américain du BIT, ce dispositif institutionnel permet de « contourner la nécessité d’entrer dans de fastidieuses négociations internationales et de passer par les canaux tortueux de la diplomatie pour s’assurer de la coopération des gouvernements» (lettre à Albert Thomas du 6 juin 1922, BIT, E 1000/ 6/0). L’échec de la conférence internationale du travail réunie à Berlin en 1890 avait été un moment crucial dans ce processus: suscitée par une Allemagne en pleine réforme sociale, elle réunissait des délégations de haut rang mais n’avait débouché que sur des vœux. La nébuleuse réformatrice chercha dès lors comment contourner les logiques diplomatiques usuelles afin d’imposer l’application des accords internationaux, avec en arrière-plan le développement du droit international. Voir, quatorze ans plus tard, les remarques amères Mahaim, D’Ernest Google Scholar dans les Archives de l’AIPLT (156 [51 bis]), ainsi que « La protection ouvrière internationale. Esquisse historique », (AIPLT 163 [4]); et Rolin-Jaequemyns, Gustave, « La conférence de Berlin sur la législation du travail et le socialisme dans le droit international », Revue de droit international et de législation comparée, 22, 1890, pp. 3-27 Google Scholar. Sur la genèse de la conférence de 1890, voir Kott, Sandrine, L’État social allemand, représentations et pratiques, Paris, Belin, 1995 Google Scholar. Sur la filiation du BIT avec les autres organismes internationaux, voir Murphy, Craig, International organization and industrial change: Global governance since 1850, Oxford, Oxford University Press, 1994 Google Scholar.
27 - Leary, Virginia A., « The ILO: A model for non-state participation? », in Van Boven, T. et alii (éd.), The legitimacy of the United Nations: Towards an enhanced legal status of non-state actors, Utrecht, SIM, 1997, pp. 61-74 Google Scholar; Charnovitz, Steve, « The emergence of democratic participation in global governance (Paris, 1919) », Indiana journal of global legal studies, 10, 1, 2003, pp. 45-77 Google Scholar. La représentation des associations « non officielles » n’alla pas sans débats sur leur définition. Se posait la question de savoir si les syndicats fascistes entraient dans cette catégorie (BIT, E 111/0/1), ainsi, pour les migrations, que la Zentralstelle, confédération d’associations allemandes dont certaines sont directement liées au gouvernement (BIT, E 1000/9/0, Séance du CIOPPM, 17 avril 1931). Voir aussi sur ce point Wilson, Francis G., « Fascist syndicalism and the ILO », American federationist, 42, 7, 1935, p. 730 Google Scholar sqq.
28 - Horne, John, « The European moment between the Two World Wars, 1924-1933 », in De Keizer, M. et TATES, S., Moderniteit. Modernisme en massacultuur in Nederland, 1914-1940, Zutphen, Walburg Pers, 2004 Google Scholar. Arthur Fontaine qui, dès le lendemain de la guerre plaide au nom du ministère du Travail pour les « conceptions les plus libérales du statut des étrangers », même en faveur des travailleurs allemands, en est encore une fois un parfait représentant (Archives du ministère des Affaires étrangères, Dossier 263, Série C administrative, 1908-1940, Commission interministérielle du statut des étrangers, séance du 12 décembre 1918).
29 - Oualid, William, Bulletin mensuel du Comité d’action pour la Société des Nations, 1/4/ 1925, supplément no 3, BIT, E 117. Albert Thomas présente cet objectif dans « International migration and its control », in SANGER, M. (éd.), Proceedings of the World Population Conference, Londres, Edward Arnold, 1927, pp. 256-301 Google Scholar. Sur William Oualid, l’un des pères du droit social français, étonnamment oublié des biographes, voir par exemple Dutton, Paul V., Origins of the French welfare State: The struggle for social reform in France, 1914-1947, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 CrossRefGoogle Scholar.
30 - Albert Thomas, « Note pour Jacques Legouis », août 1927 (BIT, PO 1000/1/1). La question du natalisme des organisations internationales dans l’entre-deux-guerres est abordée par Paul Weindling, « Social medicine at the League of Nations Health Organisation and the International Labour Office compared », in ID. (éd.), International health organisations and movements, 1918-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, pp. 134-153.
31 - La frontière avec la protection de la « population générale » est parfois difficile à tracer. Ainsi, en vertu de ses retombées globales sur le monde du travail, le BIT participa au Congrès international d’assistance publique à Paris en 1928, mais sans pouvoir y jouer un rôle moteur (cf. lettre d’Albert Thomas à Arthur Fontaine, juin 1929, BIT, E 115/22/01/1).
32 - « Note du BIT sur les clauses d’assistance aux travailleurs étrangers contenues dans les accords relatifs à la main-d’œuvre étrangère », 14 août 1933, BIT, L 1/9/1. La nébuleuse réformatrice internationale fait volontiers remonter les traités bilatéraux concernant spécifiquement les droits des travailleurs migrants à la Convention d’Eisenbach, conclue entre l’Autriche et différents États germaniques en 1853 (voir BIT, SI 11/1/7).
33 - Au-delà de l’ouvrage intitulé Les méthodes des statistiques de l’émigration et de l’immigration, Genève, BIT, 1922, voir BIT, E 101/000 et E 123. Sur l’internationalisme statistique, voir Brian, ÉRic, « Statistique administrative et internationalisme statistique pendant la seconde moitié du xix e siècle », Histoire et mesure, 4, 3-4, 1989, pp. 201-224 Google Scholar.
34 - Ferenczi, Imre, « Comment s’élabore l’histoire des migrations internationales », Annales HES, 4-15, 1932, pp. 295-300 Google Scholar, et « Les étrangers dans le monde d’aujourd’hui: problèmes de fait et de documentation », Annales HES, 8-37, 1936, pp. 29-41. Les archives du BIT (E 2/5/61/1) retracent les péripéties de cette enquête quelque peu sous-dimensionnée, puisque i. Ferenczi se donne chaque fois quelques jours dans les bibliothèques et archives pour reconstituer le passé migratoire des différents pays de la planète. Pour une comparaison, voir Dumoulin, Olivier, « Aux origines de l’histoire des prix », Annales ESC, 45-2, 1990, pp. 507-522 Google Scholar.
35 - Frank, Dana, « Where is the history of US labor and international solidarity?: I, A moveable feast », Labor: Studies in working-class history of the Americas, 1, 1, 2004, pp. 95-119 Google Scholar. Sur la dimension inaternationale du mouvement syndical, voir aussi Herren, Madeleine, « Internationale Gewerkschaftsbewegung und “Cosmopolitan pluralism” », Traverse, 7, 2, 2000, pp. 69-78 Google Scholar, et Callesen, Gerd, « Aspects of internationalism at the turn of the 19th/20th century », Stockholm, texte électronique, 2002 Google Scholar, <arbarkiv.nu/pdf_wrd/ Callesen_int.pdf>.
36 - Sur les modalités et les suites de cette création, voir BIT, E 100/0/6, E 1000/9/0 et E 1000/1/1. La CIOPPM regroupe trente-neuf organisations d’Europe et d’Amérique en 1925. Pour plus de détail, voir Annuaire international des organisations privées pour la protection des migrants, Genève, CIOPPM, 1927.
37 - Avec notamment l’Institut de coopération culturelle, voir Renoliet, Jean-Jacques, L’UNESCO oubliée. La Société des Nations et la coopération intellectuelle (1919-1946), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999 Google Scholar. Le milieu est directement intéressé à la question des migrations et des droits des étrangers.
38 - Note interne au BIT, s.d., E 1000/9/0.
39 - Ou, comme le résume Albert Thomas dans une «Note» à son collaborateur Jacques Legouis en août 1927: « Je me rends compte du caractère artificiel de ce que nous faisons, mais c’est le seul moyen d’agiter les esprits. Il faut, en cette matière, créer une opinion publique» (BIT, PO 1000/1/1).
40 - Albert Thomas annote ainsi d’une série de points d’interrogation et d’exclamation un rapport interne de Louis Varlez qui, mandaté à la 2e Conférence internationale des pays d’émigration (Cuba, 1927), se réjouit de ce que le BIT y ait été assimilé « pour la première fois peut-être, à un État souverain » (BIT, E 111/2/0). « Est-ce la bonne solution??? », se demande le directeur... Par contraste, dans une lettre à Joseph Sainz (s.d., printemps 1925, BIT, E 117), Albert Thomas souligne que « l’expérience de 5 ans d’existence des organismes internationaux a montré combien ils devaient être prudents dans leurs initiatives sous peine, et c’est là un fait d’ordre pratique, de voir s’éloigner d’eux l’intérêt et le soutien [...] ».
41 - C’est ainsi que la 2e Réunion de la CIOPPM, réunie à Genève en décembre 1925, appelle à une « protection sanitaire et morale à bord », à la présence systématique d’une femme qualifiée pour veiller au bien-être matériel et moral des femmes et des enfants, et à la création d’un corps spécialisé d’agents de service social des deux sexes, choisis par proposition des associations (BIT, E 100/0/6).
42 - Voir l’intervention de Bustard, lors de la conférence internationale consacrée aux cartes de transit en 1929, sur les « douze visites médicales au moins qui sont infligées par les compagnies, le gouvernement polonais, le Consulat américain, le service d’hygiène publique des États-Unis, les autorités britanniques, etc., à tout émigrant parti de Lemberg pour New York » (BIT, L 4/13/1). Voir aussi les plaintes exprimées par Edith Bright, du National Council of Women du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord, auprès de la Commission d’émigration du BIT en juillet 1921 (BIT, E 100/25/1).
43 - Voir la discussion de ces questions dans la réunion de la CIOPPM du 17 avril 1931 (BIT, E 1000/9/0); et l’intervention d’Ernest Greenwood à la Conference on Immigration Policy, réunie par les Young Women’s Christian Associations en 1922 (BIT, E 1000/6/0).
44 - Voir par exemple les réunions de la CIOPPM des 20 février et 4 juin 1930, BIT, E 1000/9/0.
45 - Voir l’article d’Éric Guerassimoff dans le présent numéro. Sur la dimension géostratégique de la migration, voir aussi Olsson, Lars, « Labor migration as a prelude to World War I », International migration review, 30, 4, 1996, pp. 875-900 Google Scholar, qui, malgré son ambition, n’entre toutefois pas dans le détail du jeu diplomatique.
46 - La citation de Giuseppe De Michelis figure dans le «Programme de la conférence internationale de l’émigration et de l’immigration » (BIT, E 111/0/1). Voir aussi Conférence internationale de l’émigration et de l’immigration, Rome, 15-31 mai 1924. Documents préparatoires et considérations générales sur les problèmes de l’émigration et de l’immigration, Rome, 1924. Sur le Commissariat général à l’émigration, voir Douki, Caroline, « L’État libéral italien face à l’émigration de masse (1860-1914) », in Green, N. L. et Weil, F. (éd.), Citizenship and those who leave. The politics of emigration and expatriation. Actes du Colloque international « Citoyenneté et émigration (XIXe-XXe siècles), la politique du départ » (Paris, EHESS, 6-8 décembre 2001), Durham, Duke University Press Google Scholar, à paraître.
47 - Sous forme d’un bulletin d’informations rédigé en italien, même si les gouvernements adhérents peuvent demander à publier dans une autre langue (BIT, E 111/0/1).
48 - Giuseppe De Michelis, dans une lettre à Albert Thomas datée du 1er août 1923, dénonce « les lenteurs nécessaires d’une sérieuse et longue préparation diplomatique comme celle qui doit précéder les actes de l’OIT ». Il reproche aussi au BIT de devoir, tripartisme oblige, se borner à l’examen « des questions concernant les conditions de travail des émigrants dans les pays d’immigration » et donc, implicitement, de ne pouvoir traiter la dimension politique du contrôle des émigrants par leur pays d’origine.
49 - L’analyse des votes des États sur les différentes motions discutées lors de la conférence permet du reste d’établir que la position américaine était « marginale » par rapport à celle des autres participants à la conférence (Conférence internationale de l’émigration et de l’immigration, op. cit.).
50 - « Pour les organisations internationales, ce qui est le plus grave, ce qui les menace de mort, c’est de ne pas réclamer les fonctions qui leur ont été attribuées par le traité. Il s’agit de savoir si vous considérez que nous avons raté notre affaire, et que vous devez vous substituer à nous» (lettre d’Albert Thomas à Giuseppe De Michelis, 30 septembre 1923, BIT, E 111/0/1, extraits). Ces propos ne sont pas exagérés. Dans une réunion préparatoire, « De Michelis a tenu à rappeler qu’aucun des quarante-trois gouvernements qui avaient adhéré à la conférence de Rome n’avait fait mention de l’existence du BIT et de sa compétence en matière d’émigration» (Lettre de Louis Varlez à Albert Thomas, s.d., BIT, ibid.).
51 - L’expression, empruntée à la sociologie latourienne, peut être ici entendue dans son sens littéral. Ainsi, la lettre de Louis Varlez à Albert Thomas (BIT, s.d., E 111/0/1) atteste que, dans ses négociations avec De Michelis, l’argument majeur du chef du service des migrations est que « le BIT est dès à présent aussi le centre de l’information législative et réglementaire et que toute étude internationale doit nécessairement émaner de lui et lui être renvoyée ».
52 - BIT, E 111/0/1, Lettre de Louis Varlez à Albert Thomas du 25 avril 1924.
53 - Voir sur ce point la lettre d’Albert Thomas au député Angiolo Cabrini, datée du 24 septembre 1923 (BIT, E 111/0/1). Les notes internes d’Albert Thomas à ses collaborateurs montrent qu’il a été en fait pris de court par le projet français, bien que l’idée de réunir une conférence des pays d’immigration ait été lancée par un proche, l’économiste et parlementaire français Bertrand Nogaro: Albert Thomas, alors ministre de l’Armement, lui avait confié l’organisation de la main-d’œuvre étrangère durant la Grande Guerre. Soutenue par le Quai d’Orsay, l’initiative suscite l’hostilité active du ministère du Travail. Le cadre global de ces conflits interministériels, qui incluent aussi l’Agriculture, est bien documenté à leur époque par plusieurs auteurs dont Pasquet, Louis, Immigration et main-d’œuvre étrangère en France, Paris, Rieder, 1927 Google Scholar; et reconstitué par Bonnet, Jean-Charles, Les pouvoirs publics français et l’immigration dans l’entre-deuxguerres, Lyon, Université de Lyon, Publications du Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976 Google Scholar.
54 - Certaines sont issues d’organisations proches, comme le Congrès mondial des migrations réuni à Londres en juin 1926 à l’initiative des syndicats, qui prône la création d’un Office international des migrations. Le projet, émanant de responsables peu favorables au BIT, fut désamorcé par Albert Thomas (BIT, E 1000/1/1).
55 - Dans une lettre du 30 janvier 1930 à Albert Thomas, Jacques Legouis retranscrit ainsi fidèlement la charge de Oualid contre le BIT lors d’une réunion de l’Association française pour le progrès social (BIT, E 2/4/22/1): « Il faut être résolument réaliste et ne pas écouter les chimères. Le BIT a un rôle très précieux d’ordre documentaire (surtout statistique), mais dès 1921 il a décidé d’écarter les propositions utopiques tendant à mettre sur pied une organisation internationale des migrations. La commission internationale de l’émigration s’est bornée à adopter une série de vœux purement platoniques ». En pratique, l’approche bilatérale inspira de nombreux projets sur l’assistance internationale réciproque des malades et sur celle des indigents, discutés dans les commissions de l’assemblée de la SDN dans les années 1930 (BIT, SI 11/1/7).
56 - Georg Ravenstein, Ernst, « The laws of migration », Journal of the Statistical Society, 48, 2, 1885, pp. 167-227, et 52, 2, 1889, pp. 241-301 Google Scholar. Sur la Belgique, voir la Note de François Vercruysse, directeur général du chômage et du placement au ministère de l’Industrie, du Travail et de la Prévoyance sociale (BIT, E 100/7/7).
57 - Conférence européenne relative aux cartes pour émigrants en transit, 10-14 juin 1929. Comptes rendus et textes, Genève, SDN, 1929.
58 - « Comité central des Houillères de France, Service de la main-d’œuvre étrangère, Rapport d’activité de l’année 1922 (15 mars 1923) », BIT, E 2/2/22/1. Voir aussi les analyses de Ponty, Janine, Les Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France. Paris, Publications de la Sorbonne, 1993 Google Scholar. Sur la circulation au sein du bassin houiller centre-européen, voir C. Strikwerda, « The troubled origins... », art. cit.
59 - L. Olsson, « Labor migration... », art. cit. Durant l’occupation française de la Ruhr, les représentants des Houillères observent les « persécutions volontaires allemandes [à l’encontre] des minorités polonaises ». Le rappel des mesures prises avant la Première Guerre mondiale par le gouvernement allemand pour favoriser la colonisation de la Pologne est explicite dans les réunions de la Commission (française) interministérielle de l’immigration (Archives du ministère des Affaires étrangères, Série C administrative, 1908-1940, Dossier 263). Sur la formulation d’une politique « centre-européenne » d’immigration vers la France, voir Ibid., Dossier 347, et également Chartier, Pierre, La colonisation allemande dans l’ancienne Pologne prussienne et ses conséquences actuelles, Paris, Jouve, 1921 Google Scholar.
60 - Pour ne prendre qu’un exemple, la délégation officiellement mandatée en mai 1926 par le ministère français du Travail pour négocier, avec le ministère de la Prévoyance sociale tchécoslovaque, l’application de la convention bilatérale conclue entre les deux pays six ans plus tôt, se compose du directeur de la maison Worms à Prague, Fombonne, représentant permanent du ministère du Travail sur place, ainsi que du correspondant local de la Société générale d’immigration – la SGI, agence privée sur laquelle nous allons revenir. S’y ajoute Lebelle, chef du service de la main-d’œuvre étrangère au ministère du Travail, qui deviendra directeur de l’une des principales concurrentes de la SGI, la Société internationale de migration (BIT, E 100/17/4).
61 - Cf. F. Vercruysse, Note citée, pour le cas belge (BIT, E 100/7/7). En France, la circulaire du ministère des Régions libérées, datée du 9 novembre 1921, prévoyait le retrait d’agrément aux entrepreneurs débauchant des ouvriers introduits par leurs confrères sans preuve de leur complète libération.
62 - Pour une synthèse commode, voir Crush, Jonathan, Jeeves, Alan et Yudelman, David, South Africa’s labor empire: A history of Black migrancy to the gold mines, Boulder, Westview Press, 1991 Google Scholar.
63 - Sur tout ce dossier, voir les Notes de Fuss, datées du 29 juin 1929, sur la Conférence des cartes de transit (BIT, L 4/13/1). En insistant sur le caractère subsidiaire de la politique étatique d’immigration, nous nuançons, sans la refuter, la dense analyse de Collomp, Catherine, « Immigrants, labor markets, and the State, a comparative approach: France and the United States, 1880-1930 », The Journal of American history, 86, 1, 1999, pp. 41-66 Google Scholar.
64 - C’est le cas, dès 1925 pour la SGI, de la Grèce, de la Yougoslavie, de l’Autriche, de la Lituanie, de la Norvège, de la Suède, où l’agence entend encadrer le recrutement.
65 - Signe de la gravité du problème, Fernand Maurette reproche expressément à A. Thomas, dans une note interne non datée, de violer les devoirs du BIT en faisant du travail « un article de commerce », et d’apporter un « camouflage d’humanitarisme à une pure entreprise commerciale » (BIT, E/2/4/01). La liberté de ton est autorisée par l’amitié qui les lie depuis leur jeunesse.
66 - De son passage au ministère de l’Armement, A. Thomas a hérité de liens avec des industriels comme Henri de Peyerimhoff, l’un des responsables de la SGI. Sur ce personnage, voir Chatriot, Alain, « Henri de Peyerimhoff (1871-1953), le gentleman du charbon », in Dard, O. et Richard, G. (éd.), Les permanents patronaux. Éléments pour une histoire de l’organisation patronale en France dans la première moitié du xx e siècle, Metz, CRHCEO/Université de Metz, 2005, pp. 45-73 Google Scholar.
67 - Selon l’expression d’Albert Thomas en 1927 lui-même. Les notes internes du BIT démontrent que cette crainte n’était pas seulement une dramatisation rhétorique destinée à faire pression sur les États.
68 - Sur le contentieux qui en résulte entre la Roumanie et la Hongrie, voir BIT, E 116. Sur le rôle des politiques d’émigration comme gestion des minorités, on pourra aussi se référer à Fedorowich, Kent, « Reconstruction and resettlement: The politicization of Irish migration to Australia and Canada, 1919-1929 », English historical review, 114, 459, 1999, pp. 1143-1178 Google Scholar.
69 - F. C. Wright, Population and peace..., op. cit., p. 44; Gilbert Maroger, L’Europe et la question coloniale. Revendications coloniales allemandes. Aspirations coloniales polonaises, Paris, Sirey, 1938, pp. 251-252.
70 - Cette évolution globale des pays d’émigration est bien évoquée dans une note de Louis Varlez à Albert Thomas, datée du 30 mai 1927: « Après l’Italie, voici l’Allemagne et un peu nos amis Polonais qui se lancent dans la politique de l’émigration par groupements nationaux et nationalistes, qui soulève la répulsion des pays d’immigration » (BIT, E 2/5/24).
71 - Sur tous ces points, voir BIT, E 2/1/22/2, notamment les lettres de Fernand Maurette à Georges Cahen-Salvador, datées de janvier et février 1933, et les deux articles que ce dernier venait de faire paraître sur cette question dans le Petit Parisien. Sur Cahen-Salvador, voir A. Chatriot, La démocratie sociale..., op. cit. Sur l’avènement de la notion de « chômage », Christian Topalov, Naissance du chômeur, 1880-1910, Paris, Albin Michel, 1994.
72 - Christiane Toujas-Pinède, Cf., L’immigration étrangère en Quercy aux xix e et xx e siècles, Toulouse, Privat, 1990 Google Scholar; Noiriel, Gérard, « L’immigration étrangère dans le monde rural pendant l’entre-deux-guerres », Études rurales, 135-136, 1994, pp. 13-35 Google Scholar; Teulières, Laura, Immigrés d’Italie et paysans de France, 1920-1944, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2002 Google Scholar. Je me permets de renvoyer à Rosental, Paul-André, L’intelligence démographique. Sciences et politiques des populations en France (1930-1960), Paris, Odile Jacob, 2003 Google Scholar, chap. 2, qui montre que les politiques françaises de population se bâtissent dans les années 1930 autour de la démographie rurale, donnant du même coup une place centrale à l’immigration étrangère dans les campagnes.
73 - « Ne manquez pas de faire éduquer vos enfants, si possible dans une école italienne. Qu’aucun Italien ne renonce au privilège et à la conscience d’être Italien. Qu’il mette un point d’honneur à consommer des produits de son industrie nationale, à pratiquer sans l’altérer sa langue maternelle, à élever ses enfants dans un esprit de patriotisme, à leur enseigner la langue, l’histoire et la géographie de l’Italie. » Sur tous ces points, voir F. C. WRIGHT, Population and peace..., op. cit., pp. 159-160. Sur Georges Mauco, se reporter à P.-A. ROSENTAL, L’intelligence démographique..., op. cit., chap. 5; ÉLISABETH ROUDINESCO, « Georges Mauco (1899-1988): un psychanalyste au service de Vichy. De l’antisémitisme à la psychopédagogie », L’infini, 51, 1995, pp. 73-84; PATRICK WEIL, « Georges Mauco: un itinéraire camouflé. Ethnoracisme pratique et antisémitisme fielleux », in P.-A. TAGUIEFF (éd.), L’antisémitisme de plume, 1940-1944. Études et documents, Paris, Berg International, 1999, pp. 267-276.
74 - Voir la synthèse récente de Garzarelli, Benedetta, « Fascismo e propaganda all’estero: Le origini della Direzione generale per la propaganda (1933-1934) », Studi storici, 43, 2, 2002, pp. 477-520 Google Scholar et, envisagé du point de vue français, Milza, Pierre, L’Italie fasciste devant l’opinion française, 1920-1940, Paris, Armand Colin, 1967 Google Scholar. Le ministère de la Guerre, dans les années 1930, envisagea les dispositions à prendre à l’égard des immigrants italiens en cas de guerre avec leur pays d’origine, parmi lesquelles l’évacuation des hommes d’âge mûr hors des régions militairement sensibles (Vincennes, Archives du Service historique de l’armée de terre, 7 N 2293).
75 - Voir La coopération internationale technique et financière en matière de migrations colonisatrices. Conférence technique d’experts, Genève, BIT, Études et documents, Série O (Migrations), 1938.
76 - Ainsi, la Zentrale für Völkerwanderungspolitik, qui vient d’être créée à Leipzig, reprend le langage du BIT (fournir des travailleurs et des capitaux aux pays d’immigration, tout en réglant le problème des chômeurs pour les pays d’émigration), mais en prônant la conservation des liens nationaux avec l’Allemagne dans les migrations de groupe qu’elle organise (BIT, E 2/5/24). La citation d’Albert Thomas est extraite de BIT, E 1000/7/6/2.
77 - En 1927, Louis Varlez exprime à Albert Thomas ses inquiétudes sur l’évolution des experts allemands les plus modérés, soucieux de conserver un étroit contrôle national sur les émigrants issus de leur pays (BIT, E 2/5/24). Cers Macmahon, Edna, « The attitude of immigration countries », Annals of the American Academy of political and social science, 150, 1930, pp. 13-24 Google Scholar, discute avec la même lucidité le projet d’Albert Thomas; tandis que J.-H. Ricard, « L’action internationale... », art. cit., laisse deviner les craintes qu’il pouvait susciter.
78 - La Grande-Bretagne, relayée par certains dominions comme le Canada, passe en 1922 un Empire Settlement Act facilitant la migration interne à l’empire, mais ses résultats sont limités, de l’avis même d’Albert Thomas (dans sa lettre à Joseph Sainz, citée supra, n. 40). Voir Constantine, Stephen (éd.), Emigrants and empire. British settlement in the dominions between the wars, Manchester, Manchester University Press, 1990 Google Scholar; Plant, George F., Oversea settlement: Migration from the United Kingdom to the dominions, Londres, Oxford University Press, 1951 Google Scholar; Carrothers, William A., Emigration from the British Isles, with special reference to the development of the overseas dominions, Londres, P. S. King & Son, 1929 Google Scholar. La France, qui tarde à s’organiser, crée en 1937 une commission coloniale d’enquête: « Le peuplement extrêmement dense de certains territoires coloniaux, le peuplement clairsemé de certains autres » la conduit, selon ses propres termes, « à envisager le déplacement de certaines parties de la population à l’aide d’un vaste mouvement de colonisation », en faisant appel à de nombreux experts, dont Pierre Gourou (BIT, N 206/1000/16/2). André Philip, alors député du Rhône et membre de la sous-commission d’Afrique du Nord, en défend l’importance face à « certains pays étrangers où l’on ne manquerait pas de conclure que la France est incapable de poursuivre jus-qu’au bout la réforme de son système colonial ».
79 - On trouvera son intervention dans M. Sanger (éd.), Proceedings..., op. cit., pp. 297-298. Les résultats de Penck sont publiés sous forme d’articles dans la revue berlinoise Forschungen und Fortschritte à partir de 1926.
80 - Moses, Dirk, « Conceptual blockages and definitional dilemmas in the “racial century”: Genocides of indigenous peoples and the Holocaust », Patterns of prejudice, 36, 2002, pp. 7-36 Google Scholar.
81 - P.-A. Rosental, L’intelligence démographique..., op. cit., chap. 9.
82 - Ngai, Mae M., « The architecture of race in American immigration law: A reexamination of the Immigration Act of 1924 », Journal of American history, 86, 1, 1999, pp. 67-92 Google Scholar; Cole, Richard P. et Chin, Gabriel J., « Emerging from the margins of historical consciousness: Chinese immigrants and the history of American law », Law and history review, 17, 2, 1999, pp. 325-364 Google Scholar; Tyner, James A., « The geopolitics of eugenics and the exclusion of Philippine immigrants from the United States », Geographical review, 89, 1, 1999, pp. 54-73 Google Scholar; Tabili, Laura, « The construction of racial difference in twentieth century Britain: The special restriction (coloured alien seamen) order, 1925 », Journal of British studies, 33, 1, 1994, pp. 54-98 Google Scholar. Sur la phobie du métissage racial, voir notamment Harris, Ruth, « The child of the Barbarian: Rape, race and nationalism in France during the First World War », Past & Present, 141, 1993, pp. 170-207 Google Scholar; Stovall, Tyler, « Love, labor, and race: Colonial men and white women in France during the Great War », in Stovall, T. et Van Den Abbeele, G. (ed.), French civilization and its discontents: Nationalism, colonialism, race, Lanham, Lexington Books, 2003, pp. 297-322 Google Scholar.
83 - On songe évidemment aux éructations «exceptionnelles normales» de Céline, reprochant aux Juifs d’avoir affaibli la race blanche en suscitant sa scission en nations et en favorisant en son sein la diffusion des comportements dysgéniques comme l’alcoolisme. Sur un thème abondamment traité, voir par exemple Alméras, Philippe, Les idées de Céline, Paris, Berg International, 1992 Google Scholar, notamment chap. 6.
84 - Les travaux Bashford, d’Alison, notamment Imperial hygiene: A critical history of colonialism, nationalism and public health, Londres-New York, Palgrave, 2004 CrossRefGoogle Scholar, et « Quarantine and the imagining of the Australian nation », Health, 2, 4, 1998, pp. 387-402, en ont pris la mesure dans le cas de l’Australie, en démontrant sa place essentielle dans la construction de l’identité nationale. Voir aussi Kraut, Alan, Silent travelers: Germs, genes, and the immigrant menace, New York, Basic Books, 1994 Google Scholar; Strange, Carolyn et Bashford, Alison(éd.), Isolation: Places and practices of exclusion, Londres-New York, Routledge, 2003 CrossRefGoogle Scholar; Minna Stem, Alexandra, « Buildings, boundaries, and blood: Medicalization and nation-building on the ILS-Mexico border, 1910-1930 », The Hispanic American historical review, 79, 1, 1999, pp. 41-81 Google Scholar; et, pour une vision d’histoire longue, Bourdelais, Patrice, Les épidémies terrassées. Une histoire des pays riches, Paris, La Martinière, 2003 Google Scholar. Pour la France, voir Bruno, Anne-Sophie, « Inaptitude et immigration en France au xx e siècle », in Omnès, C. et Bruno, A.-S. (éd.), Les mains inutiles. Inaptitude au travail et emploi en Europe, Paris, Belin, 2004, pp. 125-145 Google Scholar. Le débat culmine en France en 1926, avec la publication de Dequidt, Georges et Forestier, Georges, « Les aspects sanitaires du problème de l’immigration en France », Revue d’hygiène, 48, (1926), pp. 999-1049 Google Scholar. Cette même année, plusieurs voix s’élèvent, au sein de la Ligue des droits de l’homme, pour réclamer l’extension et le durcissement du contrôle sanitaire (Le Congrès national de 1926, Paris, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, 1926).
85 - Parmi les innombrables références sur l’histoire des congrès internationaux qui jalonnent la période, voir notamment Howard-Jones, Norman, Les bases scientifiques des conférences sanitaires internationales, 1851-1938, Genève, OMS, 1975 Google Scholar; Bynum, William F., « Policing hearts of darkness: Aspects of the international sanitary conferences », History and philosophy of the life sciences, 15, 1993, pp. 421-434 Google Scholar. La prise en compte de la mobilité ne s’effectue pas nécessairement via la question des migrations de masse, mais aussi par le biais de déplacements temporaires au premier rang desquels figurent les pèlerinages. Voir Harrison, Mark, Public health in British India, Cambridge, Cambridge University Press, 1994 Google Scholar, chap. 5.
86 - Le docteur Martial en est, en France, un bon représentant: spécialiste de l’examen médical des migrants au début du xx e siècle, il se reconvertit dans le discours racial à mesure qu’il prend de l’ampleur dans les années 1930. Parmi une surabondante biblio-graphie, voir Pierre-André Taguieff, « La “science” du docteur Martial, ou l’antisémitisme saisi par l’“anthropo-biologie des races” », in P.-A. Taguieff, L’antisémitisme de plume..., op. cit., pp. 295-332.
87 - Kingsland, Sharon E., Modeling nature. Episodes in the history of population ecology, Chicago, The University of Chicago Press, [1985] 1995 Google Scholar.
88 - BIT, PO 1000/1/4. Le document confirme le peu de crédit du natalisme français à l’extérieur, surtout lorsqu’il est exprimé ad nauseam par de purs propagandistes. Il marque le fossé entre une histoire dénonciatrice des idées, qui lisse l’importance des textes et ne retient que les plus extrêmes, et une sociologie historique de la réception.
89 - Voir aussi la démystification de l’idée de Lebensraum par le démographe allemand exilé Kuczynski, Robert R., L’espace vital et les problèmes de population, Oxford, Oxford University Press, 1944 Google Scholar.
90 - A. Thomas, « International migration and its control », art. cit.
91 - BIT, PO 1000/1/1.
92 - New York, Alfred Knopf, 1929. On pourra comparer avec le ton beaucoup plus rassurant de Liebman Hersch, professeur à l’université de Genève, dans un article publié peu après, « Les migrations internationales comme facteur de paix et de guerre », Revue internationale de sociologie, 37, 9-10, 1929, pp. 1-16.
93 - Louis Dublin est entre autres le partenaire d’Alfred Lotka dans le processus de mathématisation de la démographie qui marque toute la période. Voir notamment, sous la plume des deux hommes, « The true rate of natural increase », Journal of the American Statistical Association, 20, 151, 1925, pp. 305-339; ou The money value of a man, New York, Ronald Press Company, 1930.
94 - Wood, Bryce M., Peaceful change and colonial problem, New York, Columbia University Press, 1940, p. 18 Google Scholar. L’ouvrage rend un hommage appuyéà l’œuvre du BITen matière d’émigration. Sur l’historique de ces conférences, voir The international studies conference: Origins, functions, organisation, Paris, Institut international de coopération intellectuelle, 1937. Sur la notion de «changement pacifique», voir aussi Manning, Charles A. W. (éd.), Peaceful change: An international problem, New York, The Macmillan Company, 1937 Google Scholar.
95 - Mitsuhiko, Kimura, « The economics of Japanese imperialism in Korea, 1910-1939 », Economic history review, 48, 3, 1995, pp. 555-574 Google Scholar; Frederick Steiner, Jesse, « Japanese population policies », American journal of sociology, 43, 5, 1938, pp. 717-733 Google Scholar; Rager, F. A., « Japanese emigration and Japan’s “population pressure” », Pacific affairs, 14, 3, 1941, pp. 300-321 Google Scholar; ainsi que « Korea in transition: Demographic aspects », Population index, 10, 4, 1944, pp. 229-242.
96 - Elles sont périphériques dans le programme national-socialiste, notamment par phobie du métissage, et par souci de ménager le Royaume-Uni. Surtout, les nazis conçoivent les colonies comme un espace contigu: l’Europe orientale (voir la thèse de Van Laak, Dirk, Über alles in der Welt. Deutscher Imperialismus im 19. und 20. Jahrhundert, Munich, Beck, 2005 Google Scholar, et Touzet, André, Le problème colonial et la paix du monde, Paris, Sirey, 1938)Google Scholar.
97 - C’est le cas de l’Allemagne nazie, ou de l’Italie fasciste des années 1920; voir F. C. Wright, Population and peace..., op. cit., p. 146 sqq.
98 - Dans une lettre datée du 23 juin au rédacteur du 8 Uhr Tagenblatt à Berlin (BIT, E 2/5/24).
99 - Avant même les transferts gréco-bulgare de 1919 et gréco-turc de 1923, la matrice en est le traité d’Adrianopole, conclu en 1913 entre la Bulgarie et Turquie (1913). Voir Stola, Dariusz, « Forced migrations in Central European history », International migration review, 26, 2, 1992, pp. 324-341 Google Scholar, et aussi Hirschon, Renée, Crossing the Aegean: An appraisal of the 1923 compulsory population exchange between Greece and Turkey, New York, Berghahn Books, 2003 CrossRefGoogle Scholar.
100 - Le philosophe belge Eugène Dupréel avait ainsi exprimé, après le Congrès mondial de la population de 1927, les biais occasionnés par un traitement de l’humanité comme une entité sociale unique dans « L’optimum de population et ses critères », Revue de l’Institut de sociologie, 9, 1, 1928, pp. 1-34.