Hostname: page-component-78c5997874-ndw9j Total loading time: 0 Render date: 2024-11-09T15:29:44.981Z Has data issue: false hasContentIssue false

Finances et société au XVIIe siècle à propos de la Chambre de Justice de 1661

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Extract

L'article que voici est le premier que propose un jeune chercheur qui a déjà consacré de nombreuses années au problème, presque inconnu, de la marine royale et des constructions navales au temps de Louis XIV. De la construction des navires, il est passé aux fournisseurs des matériaux de construction. Il s'est immédiatement trouvé confronté au monde trop connu et surtout trop mal connu des financiers, partisans, fermiers et autres hommes d'argent du « grand règne ». Pour mieux les approcher, il a découvert, redécouvert et rassemblé les papiers de l'étonnante Chambre de Justice de 1661. D'où ce qui suit.

A travers le sérieux, la modestie et le considérable appareil qu'on va découvrir, j'ai cru qu'il me fallait signaler qu'apparaissait une conception très neuve de la haute société et de l'État d'Ancien Régime. Elle permet de renvoyer au dictionnaire des idées reçues ou au cimetière des catéchismes la scolaire discussion sur société d'ordres et société de classes. Elle montre que les partisans sont presque tous à la fois nobles et officiers de finance, et que, à leurs côtés, c'est la grande noblesse, de Cour, d'épée, de robe, de gouvernement, d'Église, qui prête ses écus au Roi, et participe au premier chef au pillage général de la richesse du royaume. Que des chanceliers, des ministres et même de grands capitaines comme Turenne aient été des partisans, et que presque tous aient appartenu au clan le plus étroitement dévot du royaume, voilà qui pourra étonner, mais non plus être contesté

C'est par l'étude de ces hommes d'argent pieux, richissimes et nobles, indispensables à l'État, acceptés par lui, installés même dans son sein, qu'on arrivera à mieux comprendre le monde du XVIIe siècle, et non plus par des querelles de scholastiques ou d'étiquettes.

Type
Les Domaines de l'Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1974

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1. Nous tenons à remercier Mlle Françoise Bayard qui nous a communiqué son article, en cours de publication, « Des tribunaux spéciaux sous l'Ancien Régime : les Chambres de Justice de la première moitié du XVIIe siècle. »

2. Herbert Lûthy, La banque protestante en France de la révocation de l'édit de Nantes à la révolution, Paris, 2 vol., 1959-1961.

3. Andrée Chauleur, « Le rôle des traitants dans l'administration financière de la France de 1643 à 1653, » XVIIe siècle, n° 65, 1964 ; Guy Chaussinand-Nogaret, Les financiers de Languedoc au XVIIIe siècle, Paris, 1970 ; Yves Durand, Les fermiers généraux au XVIIIe siècle, Paris, 1971 ; Claude-Frédéric Levy, Capitalistes et pouvoir au siècle des Lumières. Des origines à 1715, Paris, 1969.

4. Jean Bouvier et Henry Germain-Martin, Finances et financiers de l'Ancien Régime, Paris, « Que sais-je ? », 1969.

5. Pierre de Faucher, Un des juges de Fouquet : Roquesante, Aix, 1895 (pp. 274 à 280 : liste des gens d'affaires condamnés).

6. Bibliothèque Nationale, 500 Colbert, nos 228 à 237. (Les nos 233 et 234 donnent la liste des taxés d'après Foucault.)

7. B.N., Mss. Clairambault, n° 766, fol. 499 et suiVants.

8. Il s'agit de la série E des Archives Nationales. Nous avons dépouillé les registres E 380A à E 425B (juillet 1665 à décembre 1669.)

9. Parmi les grands financiers qui manquent, il faut citer : Barthélémy Hervart, Denis Marin, Louis Bechameil, Nicolas Camus, Jean Gravé et François Sabathier.

10. Surtout à la B.N. où nous avons systématiquement utilisé les séries du cabinet des titres. Nous avons aussi trouvé de très nombreux renseignements dans les insinuations du Châtelet (A.N., série Y).

11. On ne peut qu'attendre sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, les résultats des recherches que mène Ml le F. Bayard, dans le cadre d'une thèse sur les partisans dans la première moitié du XVIIe siècle.

12. A.N., E 394B, fol. 405 ; E 395A, fol. 45.

13. A.N., E 1742, fol. 212.

14. A.N., Y 180, fol. 430. B.N., P.O. 1421, dossier 32142, fol. 81 et v°.

15. B.N., Cabinet d'Hozier 282, dossier 7651, fol. 4 et v° : Copie du contrat de mariage de B. Quentin de Richebourg, 3 janvier 1613.

16. B.N., P. O. 2503, dossier 56206, fol. 69. Dossiers bleus n o , dossier 2731, fol. 19. Doss. bleus 570, dossier 15066, fol. 7 à 8 v°. Cab. d'Hozier 282, dossier 7651. Doss. bleus 551, dossier 14448.

17. B.N., P. O. 408, dossier 9101, fol. 98. Copie du contrat de mariage de Thomas Bonneau et Anne Pallu, 20 avril 1613.

18. Le premier, Bertrand Pallu sr du Ruau, d'abord avocat au présidial de Tours, sera un des financiers les plus actifs pendant le ministère de Colbert. Fermier général, il fut particulièrement dévoué aux intérêts de la Compagnie des Indes occidentales. Son frère François, mort en 1684, fut évêque d'Héliopolis et l'un des créateurs du séminaire des Missions étrangères à Paris en 1663.

19. B.N. Nouveau d'Hozier 238, dossier 5380, fol. 8 v°. Alexandre Milon, écuyer, sr de la Borde, était le fils d'un Me en la Chambre des comptes de Bretagne, qui vint s'installer à Tours où il fut trésorier de France. Alexandre Milon, devenu à son tour trésorier de France à Bourges, entra par la suite dans la ferme générale des gabelles.

20. B.N., P. O. 2186, dossier 49431. Doss. bleus 508, dossier 13171. Charles Pallu, sr du Ruau, succède à son père, mort en 1709, à la Ferme Générale. Il épousera la fille de Jean de la Porte, autre fermier général.

21. B.N., Cab. d'Hozier 157, dossier 4054, fol. 2 et 3. Eustache et son frère Jean-Baptiste Gault étaient cousins de Suzanne Gault, belle-mère de Thomas Bonneau et grand-mère de Bertrand Pallu. Ils seront, l'un après l'autre, évêques de Marseille.

22. B.N., Carrés d'Hozier 371, fol. 244 : Copie du contrat de mariage de Guillaume Languet, 17 mars 1622.

23. B.N., Carrés d'Hozier 371, fol. 250 et 253.

24. A. Tessereau, Histoire chronologique de la Chancellerie de France, 1676. B.N., Mss. français, n° 7540.

25. B.N., 500 Colbert, n° 228, fol. 112 v° et 114 v°.

26. Jules Lair, Nicolas Fouquet, Paris, 1890, 2 vol. Georges Mongrédien, L'affaire Fouquet, Paris, 1956.

27. B.N., Mélanges Colbert, 74, fol. 27 v°. Mazarin interdit que ses comptes personnels soient examinés, sauf si le roi le désire : «… ce que mondit seigneur cardinal-duc ordonne expressément parce que c'est sa volonté et qu'il y a plusieurs choses dans les dits comptes dont il est très important de garder le secret tant pour le bien de l'État que pour quantité de personnes et de familles dedans et dehors le Royaume. »

28. B.N., 500 Colbert, n° 235, fol. 231 v° à 232 v° et fol. 237 à 244 v° ; n° 237, fol. n v° à 32. A.N., Fonds microfilmé des Archives d'Ormesson (capital pour la connaissance de l'affaire Fouquet), 156 MI 7, fol. 1 à 19 v° ; 156 MI 12, dossier 3 ; 156 MI 22, dossier 5 ; 156 MI 23, dossiers 7 et 12 ; 156 MI 29, dossier 4 pièce A et pièces B, fol. 17 à 18.

29. Fouquet s'est toujours efforcé de ne répondre que sur ce qui lui était personnellement reproché, sans jamais compromettre ses amis ni ses relations. Mais il en savait très long et a, sans doute, caché beaucoup de choses. L'angoisse générale de la bonne société après son arrestation ne peut s'expliquer que par la crainte de le voir révéler beaucoup d'affaires gênantes. (Cf. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI 23, dossier 8, fol. 147 et v° ; fol. 150 v° et 151, ou dossier 11, fol. 16.)

30. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI 23, dossier 7, fol. 41 v°. B.N., 500 Colbert, n° 273, fol. 23.

31. et 32. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI 23, dossier 7, fol. 41 v°.-42.

33. B.N., P. O. 704, dossier 16286 fol. 7 v°-8.

34. B.N., P. O. 408, dossier 9101, fol. 93. A.N., E 385», fol. 502 à 506.

35. A.N., Y 195, fol. 449, 28 avril 1658 : Contrat de mariage de Marie Châtelain et de Roger de Pardaillan de Gondrin, marquis de Termes.

36. B.N., 500 Colbert, n° 235, fol. 229 v° à 231 v° : Déposition de Jérôme de Nouveau, trésorier des ordres du roi, qui reconnaît avoir eu avec son beau-frère, le défunt Maréchal de Castelnau, une part d'un quart dans le traité du marc d'or.

37. Dans l'affaire du marc d'or, Claude de Bourdeille, comte de Montrésor, avait prêté son nom à Fouquet. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI 29, dossier 3, fol. 23 à 24 v°. Montrésor était très lié à Mlle de Guise, affairiste notoire.

38. B.N., 500 Colbert, n° 237, fol. 72 v°.

39. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI 13, dossier 2, fol. 2.

40. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI II , dossier 24, 20 décembre 1662 (Interrogatoire de Jean Corné, écuyer, sr de la Vallée.) Armand de Gramont, comte de Guiche, était le fils du Maréchal de Gramont ; il avait épousé, en 1658, Marguerite Louise de Béthune, petite-fille du chancelier Séguier.

41. A.N., E 388, fol. 539. Marie de Fourcy, veuve du Maréchal d'Effiat, avait fait plusieurs prêts fort importants au roi. Notamment en 1645 sur celui de 2 700 000 livres fait au souverain sous le nom de Pierre Chevry, elle avait aVancé 1 000 000 de livres, moitié en argent, moitié en rentes.

42. A.N., E 411B, fol. 223.

43. B.N., 500 Colbert, n° 228 fol. 300 et v° ; n° 235 fol. 267 v° à 269 v° (Déposition de François Le Coq, écuyer, SR.).

44. A.N., E 401, fol. 252.

45. B.N., Mélanges Colbert, 74, fol. 26 et v°.

46. B.N., Mélanges Colbert, 74, fol. 380 à 381, 18 février 1666.

47. Andrée Chauleur, « Le rôle des traitants dans l'administration financière de la France de 1643 à 1653 », XVIIe siècle, n° 65, 1964.

48. Labatut, Jean-Pierre, Les ducs et pairs de France au XVIIe siècle, Paris, 1972.Google Scholar

49. Pourtant Claude Boilesve, écuyer, intendant des finances (frère de l'évêque d'Avranches), possédait au temps de sa splendeur le duché de Penthièvre. Il était aussi propriétaire, à Paris, de l'hôtel Carnavalet.

50. A.N., Y 200, fol. 59 v°, 18 avril 1661. Contrat de mariage de Suzanne Catelan et d'Alexis de Sainte-Maure, chevalier, sr de Jonzac.

51. B.N., P. O. 1421, dossier 32142, fol. 77 et v°, 26 avril 1657 : Copie de contrat de mariage de Charles Gruyn, sr des Bordes, SR, cssaire général de la cavalerie de France et de Geneviève de Moy, dame de Gressy. Un parent de Mme Gruyn épousera la fille d'un premier lit, de Charles Gruyn, ce qui permettra à d'Hozier, auteur d'une très belle généalogie de la famille de Moy (B.N., P. O. 2078, dossier 47245, fol. 166 à 202) de crier à la mésalliance. Il est vrai qu'il passe sous silence le mariage de Geneviève de Moy avec Gruyn des Bordes !

A.N., Y 193, fol. 293 : Contrat de mariage de Nicholas Monnerot, SR, et de Madeleine de Brouilly d'Herleville. Ce n'était pas la seule alliance que la famille de Brouilly devait contracter avec les milieux de finance : Françoise Godet, veuve du très gros traitant Jean Gravé, sr de Launay, et bonne amie de Colbert, devait épouser un parent de Madeleine de Brouilly, le marquis de Piennes, gouverneur de Pignerol.

52. Dictionnaire de biographie française, t. V, article « Barbezières », notices 3, 6, 7 pp. 300-304.

53. B.N., Mss. français 4233, fol. 314. Tous les trésoriers des parties casuelles entre 1629 et 1662 avaient été des partisans : cf. A.N., Fonds d'Ormesson, 156 MI 24, dossier 6, pièce 6.

54. Preuve de leur importance, ces onze financiers furent taxés par la chambre de justice à 38 600 000 livres.

55. Le roi était créancier privilégié et devait donc être remboursé en premier lieu. Cependant le parlement par un arrêt du 30 avril 1648 (confirmé par un second du 12 avril 1650) donnait la priorité aux plus anciens créanciers. Cf. Andrée Chauleur, « Le rôle des traitants… », XVIIe siècle, n° 65, 1964, pp. 37-38.

56. A.N., E 396B, fol. 165.

57. A.N., E 381B-382A, fol. 441 à 447.

58. Jean-Louis Bourgeon, Les Colbert aVant Colbert, destin d'une famille marchande. thèse de 3e cycle, Paris, 1973 (cf. 2e partie, chapitre 2). Nous remercions l'auteur des renseignements qu'il nous a aimablement fournis.

59. Bechameil, Hervart et Marin étaient tous trois poursuivis par la chambre de justice ; ils figuraient d'ailleurs sur la liste des taxes dressée par Foucault (cf. 500 Colbert, nos 233 et 234). Denis Marin obtint un arrêt du roi en mai 1667 (A.N., E 1736, fol. 228) qui le déchargeait de toutes les poursuites de la chambre. Il est probable que Bechameil et Hervart qui ne figurent plus sur les rôles des taxés après 1665, obtinrent, comme Marin, grâce à la protection de Colbert, des arrêts analogues.

60. Dans un article en préparation, nous développerons l'étude du « lobby » Colbert et des conditions de sa constitution et son action.

61. A.N., E 422B-423, fol. 406. Claude de Guénégaud, Claude Boilesve, Nicolas Monnerot, Guillaume Languet (et son fils Denis), Adrien Bence et les héritiers de Claude Girardin étaient cependant exclus du bénéfice de l'arrêt d'août 1669 qui clôturait l'action de la chambre de justice.

62. B.N., Mélanges Colbert 108, fol. 497 ; Mél. Colbert 105, fol. 303.

63. A.N., E 1749, fol. 231. Le comte de Brancas obtint une pareille décharge pour sa part dans la taxe de son défunt beau-père, Mathieu Garnier (cf. A.N., E 1751, fol. 47) Le comte de Montai, taxé, est déchargé de la taxe par arrêt du roi, «… comme n'ayant pu ni dû être compris au dit rôle. » (Cf. A.N., E 397B, fol. 24.)

64. C'est au travers de ces procès entre traitants et leurs créanciers que l'on peut apprécier le plus clairement la collusion entre puissants et financiers. Le procès entre les fermiers des gabelles (Bonneau, Aubert, Châtelain) et leurs bailleurs de fonds est un exemple particulièrement significatif. (Cf. note 33.)

65. Les recherches pour les rentes rachetées touchaient les noms les plus illustres, le duc de Richelieu, Louis de CreVant d'Humières, le Maréchal de la Meilleraye, le cardinal de La Rochefoucauld, la duchesse d'Aiguillon… (Cf. A.N., E 382A, fol. 457 à 461 v° ; E 386, fol. 527 ; E 381B-382A, fol. 453 ; E 395, fol. 455 ; E 381A, fol. 210.)