Hostname: page-component-cd9895bd7-fscjk Total loading time: 0 Render date: 2024-12-25T07:57:45.047Z Has data issue: false hasContentIssue false

De l'intégration à l'exclusion : la place des juifs dans les cérémonies d'entrée solennelle au Moyen Age

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Noël Coulet*
Affiliation:
Université de Provence

Extract

Le cérémonial des « joyeuses entrées » est bien connu à partir du xive et surtout du xve siècle. On dispose alors d'abondantes descriptions, rédigées par des auteurs qui se montrent attentifs aux nombreux détails qui font tout le pittoresque de ces « parades bruyantes et colorées ». C'est d'ailleurs à cette époque que le programme s'enrichit de toute une mise en scène qui met les ressources du théâre au service de la propagande monarchique. Mais le rituel d'entrée n'est pas pour autant une métamorphose des gestes tout simples de l'accueil qui est normalement dû au souverain ou au seigneur exerçant son droit de gîte. L'adventus ou occursus est liturgique et solennel tout au long du Moyen Age. Les éléments de cette réception ritualisée se retrouvent de façon immuable, tant dans le récit que Grégoire de Tours procure de l'entrée du roi Gontran à Orléans au vie siècle que dans la description par Adhémar de Chabannes des entrées des comtes d'Anjou au xie siècle. Ils figurent inchangés aussi bien dans les narrations des sources du Haut Moyen Age relatant l'entrée à Rome de Charlemagne ou des papes du ixe siècle que dans l'évocation par Chrétien de Troyes de l'accueil réservé au roi Arthur dans Yvain.

Summmary

Summmary

The Jews originally formed an integral part of the ordered array ofthe urban community drawn up to welcome the king when the latter came to visit his people. In the High Middle Ages, the Jews occupied a place of their own and, by their liturgical acclamations and the parading of the scrolls of the Law, contributed to the collective praises addressed to the prince. From the 12th century onwards, however, the place assigned to them in the ceremonial route tended to set them ostensibly apart. The presentation ofthe scrolls of the Law came to be accompanied by a whole ritual : a speech on the blindness of Israel was added, later to be accompanied by gestures of contempt. Derision even paved the way for aggression.

Type
Les Juifs Et L'Antisémitisme
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1979

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

Notes

1. GuenéE, Bernard et Lehoux, Françoise, Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, Paris, 1968 (Sources d'histoire médiévale publiées par l'Institut de recherche et d'histoire des textes, 5), p. 12.Google Scholar L'introduction de B. Guenée à ce très riche recueil de textes fournit un exposé pénétrant et suggestif sur la signification de cette cérémonie et son évolution. L'étude du dossier provençal des entrées nous a conduit à proposer de nouvelles perspectives d'interprétation, ici brièvement résumées, cf. « Les entrées solennelles en Provence au xive siècle, aperçus nouveaux sur les entrées royales françaises au Bas Moyen Age », dans Ethnologie française, 1977, VII, I, pp. 63-82.

2. Chrétien de Troyes, Yvain, v. 2 331-2 372. Autres références dans Coulet, art. cit.

3. Zeitschrift für systematische Théologie, 7e année, 1930, n° 4, pp. 682-702.

4. Kantorowicz, E. H., « The kings Advent », dans The art bulletin, déc. 1944, et, du même auteur, Laudes Regiae, Berkeley-Los Angeles, 1946 (University of California, publications in history, 33)Google Scholar. Cf. aussi le récent ouvrage de Willmes, Peter, Der Herrscher « Adventus » im Kloster des Frùhmittelalters, Munich, 1976 (Mùnstersche Mittelalter-Schriften, 22).Google Scholar

5. Journal de voyage, H. Petre éd., Paris, 1948 (Sources chrétiennes, 21), pp. 222-223.

6. de Tours, Grégoire, Historia Francorum, II, 36.Google Scholar On utilise ici la traduction de R. Latouche, Paris, 1965, t. 1, pp. 132-133.

7. Blumenkranz, Bernhard, Juifs et chrétiens dans le monde occidental 430-1069, Paris-La Haye, 1960 (Études juives, 4), p. 42.Google Scholar

8. Valentini, R. et Zucchetti, F. éds, Codice topografico della città di Roma, III, Rome, 1946 (F.S.I., 90).Google Scholar

9. Ibid., p. 108, § 49.

10. Traduction Folz, de R. dans Le couronnement impérial de Charlemagne, Paris, 1964, pp. 276277.Google Scholar

11. Liber Pontificalis, L. Duchesne éd, t. 2, Paris, 1892, p. 6. On reprend ici la traduction de Folz, R., op. cit., p. 280.Google Scholar

12. Villani, M., Cronica, I, 20, Florence, 1847, p. 27.Google Scholar

13. Guenée, et Lehoux, , op. cit., p. 48.Google Scholar

14. Je tiens l'identification de ce texte de M. Simon Schwarfuchs, à qui cet article doit beaucoup.

15. Cf. Ésaïe 45, 23 ; 19,18; 2 Chro. 15,14.

16. Annales Romani, M.G.H. SS, 5, p. 474. Chronica Adefonsi Imperatoris, Luis Sanchez Balda éd, Madrid, 1950, Consejo superior de investigaciones cientificas, Escuela de estudios medievales, Textos XIV, § 157, pp. 121-122.

17. Valentini, et Zucchetti, , op. cit., pp. 219 et 223.Google Scholar Le premier de ces textes date d'environ 1140, le second d'environ 1190. Cf. pour cette même période le témoignage des Annales romaines citées supra au sujet de l'entrée de Clément III quem romani tam majores quam minores, clerici ac laici, judei etiam, magno cum gaudio cum cantibus et laudibus, ut mos est, eum bénigne susceperunt.

18. de La Marche, Lecoy éd., Société de l'Histoire de France, Paris, 1867, p. 137.Google Scholar L'éditeur, à en juger par l'analyse qui figure dans la table des matières, p. 465, comprend cet épisode comme une offrande des Juifs.

19. Muratori, , Rerum italicarum scriptores, t. III, Milan, 1723, 439 C.Google Scholar

20. Ibid., 457 C.

21. Andrieu, M., Le pontifical romain au Moyen Age, t. 2, Cité du Vatican, 1938, p. 377.Google Scholar

22. H. Moranville éd., Paris, 1887, p.205.

23. Coblence, Staatsarchiv, ABt 1 C Nr 1, p. 47. Illustration reproduite et commentée dans Blumenkranz, Bernhard, Le Juif médiéval au miroir de l'art chrétien, Paris, 1966 (Études augustiniennes), pp. 30 et 141.Google Scholar Sur la place des Juifs dans le rituel du couronnement impérial, cf. Elze, R., Ordines coronationis imperialis, Hanovre, 1969 (Fontes Juris Germaniae Anticae).Google Scholar

24. Chevel, éd., Jérusalem, 1952, § 368, p. 470.Google Scholar Je dois cette référence à l'obligeance de M. Schwarfuchs.

25. Communication de M. Schwarfuchs.

26. Salomon Ibn Verga, Sefer Shevet Yehuda, A. Shohat éd., Jérusalem, 1947, p. 147. Je dois cette référence à l'amitié de J. Shatzmiller, dont je reproduis ici la traduction.

27. Mesch, Barry, Studies in Joseph Ibn Caspi, Leyde, 1975 (Études sur le judaïsme médiéval, VIII), p. 57.Google Scholar Je remercie mon ami J. Shatzmiller qui a attiré mon attention sur ce texte.

28. Communication de M. Schwarfuchs.

29. Jaffe éd., M.G.H. SS, XII, 446. Sur les Juifs dans les entrées pontificalès romaines cf. Vogelstein, H. et Rieger, P., Geschichte der Juden in Rom, I, Berlin, 1896, pp. 222, 255, 319.Google Scholar Et Schimmelpfennig, Bernhard, « Die Krönung des Papstes im Mittelalter dargestelt am Beispiel der Krönung Pius II », dans Quellen und Forschungen aus Italienischen Archiven und Bibliotheken, 54, 1974, pp. 192270, voir p. 234.Google Scholar

30. De electione et coronatione S.D. Bonifacii Papae VIII, libri duo, Muratori éd., Rerum Italicarum Scriptores, III. Ce poème a été écrit aux environs de l'an 1300. Le texte relatif à l'accueil des Juifs se trouve chap. xii, v. 285-306.

31. Ordo XIV de la numérotation de Mabillon (Migne, P. L., LXXVIII, col. 1131 C, 1138 B) daté de 1311 par Andrieu, M. : cf. « L'ordinaire de la chapelle papale et le cardinal Jacques Caetani Stefaneschi, dans Ephemerides liturgicae, 49, 1935.Google Scholar B. Schimmelpfennig considère que le rituel alors fixé remonte à une date antérieure, dans la seconde moitié du xiiie siècle. Selon les termes d'une lettre qu'il m'a adressée sur ce sujet il faudrait donc situer vers 1270 la première attestation liturgique d'un discours aux Juifs lors de cette cérémonie. Que B. Schimmelpfennig trouve ici l'expression de mes remerciements pour son aimable collaboration.

32. Pierre Ameilh, Itinerarium Gregorii XI, texte édité et traduit par Ronzy, P., Le voyage de Grégoire XI ramenant la papauté d'Avignon à Rome (1376-1377), Florence, 1952.Google Scholar Le passage concernant les Juifs figure dans la troisième partie, v. 60, p. 120 (un vers dont l'éditeur n'a pas compris le sens, cf. p. 132, n. 15). Le récit de l'entrée proprement dite, où les Juifs n'ont pas place, constitue la seconde partie : v. 49 ss, pp. 106-109 et 113-116.

33. Chronicon Adae de Usk A.D. 1377-1421, E. M. Thompson éd., 2e éd., Londres, 1904, pp. 90-91.

34. Tamburini, éd., Le cérémonial apostolique avant Innocent VIII, Rome, 1966 (Bibliotheca « Ephemerides liturgicae », sectio historica, 30) p. 35.Google Scholar Le rituel proprement dit est décrit p. 32 : Et veniunt Iudei cum lege sua etfacient laudem et offerunt ei Legem ut adoret. Et tune dominus Papa commendabit legem et dampnabit observantiam ludeorum sive intellectum, quia Quem dicunt venturum, Ecclesia docet et predicat jam venisse Dominum Jesum Christum.

35. Vogelstein-Rieger, , op. cit., t. 2, Berlin, 1895, pp. 2021.Google Scholar

36. La légende qui accompagne la miniature dit « Synagoga Christum Dei filium adnegans prophetis incredula, recedens a Deo, corona deposita, vexillo confracta, ad infernum properans ». Cf. Blummenkranz, B., « Géographie historique d'un thème de l'iconographie religieuse, les représentations de Synagoga en France », dans Mélanges Crozet, t. II, Poitiers, 1966, pp. 11461147 Google Scholar, et Le Juif médiéval au miroir de l'art chrétien, pp. 105 ss.

37. Suivant l'expression de Schimmelpfennig, B., op. cit., p. 234.Google Scholar

38. H. Moranville éd., Paris, 1887, p. 205.

39. On retrouve la périodisation mise en évidence par B. Blumenkranz, Juifs et chrétiens, op. cit. Outre les modifications du contexte politique et social, il conviendrait de prêter davantage attention, pour comprendre ce tournant des mentalités à la relation de l'Église avec cet Ancien Testament qui l'unit au peuple juif et l'en sépare.