Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
L'opinion selon laquelle la poésie lyrique provençale, ou poésie des troubadours, serait née grâce aux afflux vivificateurs provenant de la Péninsule ibérique, n'est pas nouvelle. On la voit déjà poindre chez des Italiens du XVIe siècle. Barbieri, par exemple, qui écrivait vers 1570, songeait principalement à la rime chez les poètes romans qu'il croyait empruntée aux Arabes. L'étude de la question a fait beaucoup de chemin depuis. Si l'utilisation de la rime ne peut plus être considérée comme une caractéristique exclusive de la poésie arabe, il est par contre établi que les combinaisons spéciales de rimes utilisées par les troubadours dans leurs strophes et refrains proviennent, en plus ou moins droite ligne, des muwashshahas et zajjals andalous.
page 990 note 1. Voir un excellent résumé de la bibliographie de la question depuis le XVIe siècle dans Nykl, A. R., Hispano-Arabie Poetry and its relations with the Old Provençal Troubadours. Baltimore, 1946 Google Scholar. Foreword, pp. XI-XXVII. Nykl omet de mentionner l'abbé Massieu, Histoire de la poésie française… Paris 1739, cité dans F. Bbaudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen.
page 990 note 2. Cf. Menendez Pidal, R., Poesia arabe y poesia europea, 4e éd., Madrid, 1955 (Coll. Austral, n° 190), pp. 28 Google Scholarss. — Le même, España, Eslabon entre la Cristianidad y el Islam. Madrid, 1956 (Coll. Austral, n° 1280), pp. 61 ss. Malgré toute l'énergie et l'érudition qu'il déploie, Nykl ne parvient jamais à être suggestif, ni convaincant, dans l'ouvrage cité plus haut. L'article d'Irénée Cluzel, « Quelques réflexions à propos des origines de la poésie lyrique des troubadours » dans les Cahiers de Civilisation Médiévale de Poitiers, n° 14, avril-juin 1961, pp. 179-188 ne discute pas sérieusement les preuves. L'ouvrage récent d'Henri Davenson, Les Troubadours. Éd. du Seuil, 1961, mérite par contre les qualificatifs de stimulant, suggestif, provoquant même. Davenson vibre très évidemment au diapason des sentiments des troubadours, mais sa méthode d'enquête historique, tout entière de polémique, se laisse entraîner vers des inconséquences par trop criantes. Après avoir décrit l'évolution de la technique des vers liturgiques sous l'influence de l'école de Saint-Martial de Limoges (pp. 125-127), Davenson écrit : « La technique, on le voit, est au point : il suffira de l'appliquer, non plus à des thèmes religieux mais à chanter l'amour profane et nous aurons la poésie des troubadours (p. 128). » A la page 160 par contre, Davenson dira au sujet de l'objet de la poésie des troubadours : « L'étonnant est que cette religion de l'amour soit apparue en pleine chrétienté occidentale, dans ce milieu de civilisation si profondément imprégné de christianisme. » Comment ceci peut-il s'accorder avec la thèse d'une imitation des vers liturgiques, le lien, franchement, nous échappe ! Plus loin, à la page 166, Davenson va encore plus loin : « I l y a contraste absolu entre morale chrétienne et morale courtoise.»
page 991 note 1. Cf. Menendez Pidal, España, Eslabon…, pp. 33 ss. ; pp. 61 ss. Bien qu'on reconnaisse généralement en Menendez Pidal un des partisans les plus convaincus de la thèse arabe des origines de la poésie des troubadours (voir Cluzel, loc. cit., pp. 185-186. Davenson, op. cit., p. 117) il ne faudrait pas oublier qu'il en fut longtemps un adversaire convaincu, comme il l'avoue lui-même dans Poesia juglaresca y juglares, 5e éd., 1962 (Coll. Austral, n° 300), p. 74 : « Yo pensé asi y seguiria pensando lo mismo si, gracias a reposadas conversaciones de paseo con J. Ribera, no me hubiera penetrado al fin de la intima conviccion de este acerca de la gran influencia del arte musulman sobre el cristiano. » Bien que l'objet précis des doutes mentionnés par Pidal fût la présence simultanée de jongleurs musulmans et chrétiens dans les « Louanges de la Vierge », représentées dans les enluminures du fameux manuscrit des Cantigas du roi Alphonse, ses doutes paraissent bien s'être étendus, à l'origine de ses recherches, à tout le problème des influences mutuelles entre poésie arabe et poésie des troubadours. En effet, la présentation de la naissance et de l'évolution de la poésie lyrique des troubadours chez Pidal s'inspire principalement des théories d'Edmond Faral et de Milas y Fontanals.
page 992 note 1. C'est l'explication fournie par Jeanroy, A., La poésie lyrique des troubadours, 2 vol. Paris, 1934. Vol. I, p. 135 Google Scholar ; par Ed. Fakal, , Les jongleurs en France au Moyen Age. Paris, 1910, pp. 73–79 Google Scholar ; par Milas y Fontanals, M., De los trovadores en España. Estudio de lingua y poesia provençal. Barcelone, 1861 Google Scholar (reproduit dans le tome II des Obras completas de Fontanals éditées par Menendez y Pelayo en 1881 ; cf. pp. 29-30). L'explication est reprise par Davenson, Les troubadours, p. 5. Presque tous ces auteurs, il faut le dire, reconnaissent que la distinction théorique est toujours malaisée à appliquer aux faits.
page 993 note 1. Raynouard, M., Lexique roman ou Dictionnaire de la langue des troubadours. Paris, 1844. 5 vol. Vol. V, p . 428 Google Scholar ; Lévy, Emil, Cari Appel, , Provenzalisches Supplement-Wörterbuch. Bd. VIII (1924), p. 479 Google Scholar ; Appel, C., Provenzalische Chrestomathie. 6e éd., 1930, pp. 814–315 Google Scholar.
page 993 note 2. Dans les poésies conservées de Guillaume IX (Éd. A. Jeanroy, 1913) on compte huit emplois de trobar, tous dans le sens ancien, et qui n'ont aucun rapport avec la désignation du nouvel art lyrique :
I,6 greu partir si fa d'amor qui la trob'a son talen
II,17 Adoba's d'aquel que troba viron sei
IV,5 Qu'enans fo trobatz en dormen, Sobre chevau…
V,15 Trobei la molher d'en Guari
V,32 Trobat avem que anam queren
IX,16 aitals joiys no pot trobar
IX,31 pus hom gensor no'n pot trobar
XI,20 on t u t peccador troban fi
Il n'y a pas de motif sérieux de considérer le trobatz de IV, 5 comme différent des autres emplois du mot, qui n'ont rien à faire avec la désignation de l'art nouveau. Lorsqu'il fait allusion à son art, Guillaume met en avant son caractère musical et lyrique :
« pos de chantar m'es près talenz farai un vers, don sui dolenz » (XI, 1-2)
« Farai un vers… » (V,l)
page 993 note 3. Die Lieder Bertrans von Born, éd. C. Appel. Halle, 1932 :
« Puois no'ns puosc trobar engal Que fos tan bela ni pros » (5, 2-3)
« On'ieu ai trobat del mon la plus certana E la genzor qu'on montan » (7, 13-14)
page 993 note 4. Les Poésies de Cercamon, éd. par A. JEANROY. Paris, 1922. Cf. V, 33 ; VI, 35. Cependant Cercamon connaît le troubadour comme un poète chantant l'amour profane et semant la discorde dans la société :
« Ist trobador, entre ver e mentir,
Afollon drutz e molhers et espos,
E van dizen qu'Amors vay en biays
Per que'l marit endevenon gilos
E dompnas son intradas en pantays
Cui moût vol hom escouter et auzir » (V, 19-24)
page 993 note 5. Les Chansons de Jaufré Rudel, éd. par A. Jeanroy. Paris, 1924 (2e éd.). Chanson 11,10 : « E nô'n puesc trobar mezina. » L'un des premiers emplois de trobar dans le sens de trouver pour désigner la composition se rencontre chez Rudel :
« No sap chantar qui so non di
Ni vers trobar qui motz non fa.
Ni conois de rima co's va
Si razo non enten en si
Mas lo mieus chans comens'aissi
Com plus l'ausiretz, mais valra, a, a. » (VI,l-6)
Même alors, cette invention n'est pas séparable du chant.
Quan vei pels vergiers despleiar
Los cendatz grocs, indis e blans
M'adoussa la votz dels chavans
E'lh sonet que fan li joglar
Que viulan de trop en tenda
Trombas e corn e graile clar…
page 994 note 1. Les poésies de Bernart Marti, éd. par E. Hoepffner, Paris, 1929 :
« Farai un vers ab son novelh
E vuelh m'en a totz querelar
Qu'a penas trobi qui m'apelh
Ni sol mi denhe l'uelh virar.
Trobat m'an nesci e fadelh
Quar no sai l'aver ajustar » (VI, 1 ss.)
Ici, dans une même strophe, trobar signifie trouver, mais l'art poétique est désigné d'une autre façon : c'est un vers avec musique. Bernart Marti exprime bien d'ailleurs l'ambition du nouvel art :
« De far sos novelhs e fres
So es bella maestria
E qui belhs motz lass'e lia
De belh'art s'es entremes ; » (VI,73-76)
Voir aussi VI,22 et VI,15 pour d'autres exemples de trobar : trouver.
page 994 note 2. Les poésies de Peire Vidal, éd. par Anglade, J.. Paris, 1923 (2e éd.), V,23Google Scholar : « Dans totas partz trob falhensa » ; aussi VII,28, 40, VIII,2, X,3, etc.
page 994 note 3. Poésies complètes du troubadour Marcabru, publiées avec traduction, notes et glossaire par J. M. L. Dejeanne. Toulouse, 1909. Glossaire, p. 291. Nous avons compté dix-neuf emplois de trobar dans le sens de trouver, découvrir, contre trois désignant clairement le nouvel art : XII bis v. 5 (Mais eu trop miels que negus) ; XXXI, 15 (Ieu'm met de trobar en plai) ; XXXIII,7 (E segon trobar naturau), et un quatrième douteux : XXVI,10 (orguanet, E trobet, A chantar comensa). Marcabru connaît l'expression trobador qu'il utilise par deux fois : XXXIII.9 ; XXXVII.7.
page 994 note 4. « Ce sont donc les faits qui, dans leur interprétation la plus matérielle, et dans le plus concret des langages, nous affirment l'union intime de la musique et de la poésie dans la lyrique du Moyen Age. » Aubey, P., Trouvères et troubadours. Paris, 1909, p. 8.Google Scholar Opinion judicieuse reprise par Davenson, H., Les troubadours, p. 77.Google Scholar
page 994 note 5. Éd. Appel, 22, 1-6.
page 995 note 1. Ibid., 28, 41-44.
page 995 note 2. Éd. Dejeanne, XII bis, 1-5.
page 995 note 3. Ibid., XXXI, 15-23.
page 995 note 4. Peire d'Alvernhia, Liriche. Testo, traduzione e note a cura di Alberto Del Monte. Torino, 1955, XVI, 1-7. Peire d'Auvergne fait usage des deux sens du mot trobar : trouver, découvrir, XI,37 (Amor mi lais Dieus trobar), IX, 44, 46 (qui la cui'autra trobar, … non pot hom gaire trobar) ; faire des vers V, 68 (de trobar ses ferais fatz), XI, 1 (Sobre'l vielh trobar e.l novel), XI,20 (pos qu'es mos trobars tan valens), XIII,38-39 (Marcabrus per gran deritura, trobet d'altretal semblansa), XV,60 (car del fin trobar non roncas). On sait que Peire d'Auvergne est l'inventeur du trobar ries, et même du trobar dus, ce qui indique une étape importante de l'évolution selon laquelle le sens des paroles ou leur sonorité prend le dessus sur la mélodie proprement dite. Peut-être faut-il alors le considérer comme responsable du changement survenu dans l'emploi de trobar pour désigner le nouvel art lyrique ? C'est bien là le sens de la chanson XI : « Sobre'l vielh trobar e.l novel… » où il dit (w. 22-24) :
« qu'ieu soi raitz e die qu'ieu soi premiers
de digz complitz, vensen mos fatz guerriers,
que'm levan critz que ieu no m'en tenh pro. »
page 996 note 1. Ibid., XII, 1-6.
page 997 note 1. Éd. Appel, 17, 29 ss.
page 997 note 2. Poesia juglaresca, (éd. Austral), 5e éd., p. 22.
page 997 note 3. Ribera y Tarrago, J., Disertaciones y Opusculos. 2 vol. Madrid, 1928, vol. II, pp. 135–140.Google Scholar
page 998 note 1. Nous réservons pour un prochain travail l'étude détaillée de ce document et du codex qui le contient ; son intérêt pour l'histoire de la vie sociale en Espagne médiévale dépasse l'usage limité que nous en faisons ici.
page 999 note 1. La préférence donnée à al-kâtib et al-muqâtil pour désigner respectivement Mercure et Saturne trahit un relent astrologique marqué. Ces deux expressions semblent avoir été en usage en Espagne arabe : Zarqali les utilise indifféremment avec les expressions classiques d'al-utârid et az-zuhal ; cf. Millas y Vallicrosa, J. M., Estudios sobre Azarquiel, 1943-1950, pp. 480–483 Google Scholar. Le Glossarium latino arabicum du XIe siècle, publié par Seybold (Ch. Fr. Seybold, « Glossarium latino-arabicum », dans Semitische Studien, Heft XV-XVII, 1900), en donnant la liste des planètes en fin de texte, contient les expressions al-kâtib et al-muqâtil pour Mercure et Saturne, tout comme dans notre document. Le Glossarium est d'origine espagnole.
page 999 note 2. Une autre expression, d'origine persane, au relent astrologique marqué. Cf. O. Neugebauee, « Notes on al-Kaid » dans Journal of the American Oriental Society, t. 77 (1957), pp. 211-215; Hattner, W., « Le problème de la planète kaïd » dans Les Conférences du Palais de la Découverte, Univ. de Paris, Série D, n° 36 (1955)Google Scholar.
page 1000 note 1. Vu la teneur générale de notre document, qui fait surtout état des habitudes de plaisirs et de réjouissances dans la société mozarabe, il y a lieu de se demander s'il ne s'agit pas ici des pratiques peu vertueuses mentionnées par Ibn 'Abdun dans son traité de hisba (Voir E. Lévi-Provençal, Séville musulmane, paragraphe 154, pp. 108-109 ; le même, Histoire de l'Espagne musulmane, t. III (1953), pp. 226, 444-448 ; Pérès, H., La poésie andalouse en arabe classique au XIe siècle, pp. 277–279, 280, n. 4).Google Scholar
page 1000 note 2. Voir Lévi-Provençal, E., Histoire de l'Espagne musulmane, t. III, p. 220 Google Scholar : « La véritable aristocratie était constituée, dans la société mozarabe, par le clergé séculier et régulier. »
page 1000 note 3. Ibid., pp. 183-184, et les notes 2 et 3 de p. 183.
page 1000 note 4. On a pai exemple, en « Saturnus-Taurus », l'expression classique de farazun geri (faras un jarî) pour désigner un cheval rapide.
page 1000 note 5. L'Archiprêtre de Hita le mentionne au moins deux fois dans le Libro de buen amor, 1000 et 1213 ; il emploie même l'expression de tañer caramillo qui est une traduction littérale de notre drab karamel. Pour Peire Vidal (éd. Anglade, VII,30) : « Que fols patres qu'a bel poi caramela », c'est le chalumeau du pâtre. Le Dauphin d'Auvergne connaît aussi le caramels (E. Faral, Les jongleurs en France au Moyen Age, Append. III, paragraphe 193) : « En f lautas ni en caramels, Non faretz acordar los sos. »
page 1000 note 6. Cf. Pérès, H., La poésie andalouse en arabe classique, p. 320 Google Scholar ; Lévi-Provençal, E., Histoire de l'Espagne musulmane, III, p. 312, n. 1.Google Scholar
page 1000 note 7. Ainsi, en « Luna-Leo «.Jon lit, autant que nous avons pu le déchiffrer, Pilleum Hobuliur (?) = kaleluet (?) uuesci. Ce dernier vocable se réfère à la coloration ou à la bigarrure du vêtement, tout comme le thob uuesci = vestimenta occulata, en « Mars-Cancer », qui semble désigner les vêtements colorés des danseuses et des jongleurs (Voir R. Menendez Pidal, Poesia juglaresca, pp. 13, 15 ; voir également, H. Pérès, La poésie andalouse…, pp. 386, 390). Quant à kaleluet, comme le latin pilleum suggère un bonnet, ce doit être ou bien le kalansuat, sorte de haut bonnet oriental en vogue dans la société andalouse (cf. Lévi-Provençal, op. cit., pp. 404, 427, 428, 446 ; en p. 404 le bonnet est porté par un jongleur précisément). Le Vocabulista in arabico, du XIIIe siècle et d'origine espagnole, publié à Florence en 1871 par C. Schiaparelli, contient kalansuwat = capellus, p. 163 et kallawta = capellus, p. 169, ce dernier, qui ressemble à « calotte », ayant une graphie plus proche de celle de notre document. Cf. Lévi-Provençal, E., L'Espagne musulmane au Xe siècle. Institutions et vie sociale. Paris, 1932, p. 27 Google Scholar. — En « al-kaid-Capricornus », la chemise est appelée kaba, qui se retrouve également dans le Vocabulista in arabico, p. 158, bien qu'on ait kamisia, plus normal, à la p. 164. Pérès, H., La poésie andalouse, p. 318 Google Scholar mentionne qabâ’ avec le sens de chemise, tandis qu'E. Lévi-Provençal, Histoire de l'Espagne musulmane, III, le décrit comme une cape militaire écarlate, portée aussi par les chrétiens du Nord. L'origine serait peut-être capa, et nous aurions ici un exemple de plus d'un mot roman passé à l'arabe parlé. En «Luna-libra», vestire pallium = libehaibeg (libs'abâ'a) a trait au manteau du bédouin.
page 1001 note 1. Il est question de la chasse au faucon en « al-kaid-Libra » ( venare cum accipitre = haid bi catan /said bi qatan). En « al-kaid-Leo », un terme de chasse que nous n'avons pu encore identifier : venare arate = zaid burac ; Miss Hanan Sa'id, de Beyrouth, suggère bark, chameaux. DOZY, Supplément aux dictionnaires arabes, I, p. 76 : barakat, pi. burak, « était la prononciation espagnole pour canard = sarcelle ». Le Vocabulista in arabico, selon Dozy, a burâk(at) qui se rapproche davantage de notre document. La chasse au lapin de garenne est aussi mentionnée en « Jupiter-Scorpius » : venare leporem = haid arnab. Voir LÉVi-PRovenÇAl, , Histoire de l'Espagne musulmane, III, p. 287 Google Scholar. Le sport est représenté par la natation en « as-sigre-Taurus » : natare in lacum = gamrfi bahre ; la lutte : trepeliatores = legub ahyrag /la'ab as-sirâ/ en « Mars-Libra » ; équitation ou course : cabalcare camelum : rukub gaemel en Sol-Cancer, equitare elefantem : rukub fil en « Venus-Virgo ».
page 1001 note 2. L'expression nuzha = transportatio (qui revient par deux fois : en « Luna-Aries » : transportatio per loca amena = nuhha fil buhten/ nuzha fi bustan / et en « Sol-Virgo » : de domicilio contemplare loca amena = nuzha min datiarha (?) ) désignait à Séville une promenade très populaire en barque sur le Guadalquivir, accompagnée souvent d'arrêts dans les jardins bordant le fleuve pour faire des parties de plaisir, boire du vin. Cf. Pérès, H., La poésie andalouse, pp. 140 et 208, n° 4Google Scholar. Notre document mentionne aussi ces beuveries sur les bords de la rivière : en « Luna-Virgo » : bibere super ripam aque = scorbhgaleuuedi /shurb ‘alâ wadi/, ainsi qu'en « Saturnus-Sagittarius », où cependant l'équivalent est donné par erreur comme apprehendere musicam.
page 1002 note 1. Le caractère populaire, et non scientifique, de notre document ressort sans conteste de deux expressions concernant la médecine : en « Jupiter-Leo », medieinam discere se dit legeb bisattanazi/ la'ab bi shaitâniya = jouer avec l'influence diabolique ; de même en « as-sigre-Scorpius », sanare infirmum est l'équivalent latin de l'arabe ifaca min abilis /ifâqa min Iblis = délivrer de Satan.
page 1002 note 2. AI-Maqqarî témoigne à quel point les Andalous étaient persuadés que l'excellence de leurs dispositions naturelles et de leur culture était l'effet d'astres favorables. Cf. Analectes, Introd. par Dugat, p. LXXIII ; Pékès, H., La poésie andalouse, pp. 20 Google Scholar ss. Les premiers Latins à s'intéresser à la culture arabe en Espagne y découvrirent en premier lieu l'intérêt extraordinaire qu'on y portait à l'astrologie : Hermann le Dalmate, Robert de Chester, Daniel de Morley et Gérard de Crémone en témoignent tous.
page 1002 note 3. Menendez Pidal, R., Poesía juglaresca, p. 116 Google Scholar, note cette absence de l'idée de Croisade dans la poésie lyrique gallégo-portugaise.
page 1002 note 4. En plus des termes désignant le chant (cantilenas bonas), la danse (raqs sabiya, danse de jeune fille ; hominem saltatorem). Deux expressions données en latin sont malheureusement restées sans leur équivalent arabe : componere metrum, en « Venus-Sagittarius », et apprehendere musicam, traduisant par erreur scorbgale uuedi. Il eût été passionnant de connaître les équivalents arabes populaires de ces expressions.
page 1003 note 1. Cf. Lévi-Pkovençal, E., Histoire de l'Espagne musulmane, III, p. 450 et n° 2Google Scholar. Cf. Farmer, H. G., A History of Arabian Music to the XIIIth Century. Londres, 1929, pp. 153, 155Google Scholar. C'est l'origine de Valbogue espagnol et de l'alboguet français.
page 1004 note 1. Cf. H. G. Farmer, op. cit., p . 16 ss. ; p . 154 : « special favorite with the virtuosi, even challenging the supremacy of the 'ûd .” Farmer, H. G., « The Canon and Eschaquiel of the Arabs », dans Journal of the Royal Asialic Society, Londres, 1926, pp. 239–240 Google Scholar. Dans l'History of Arabian Music, p. 107, Farmer mentionne l'expression siyyah s'appliquant aux notes hautes, en opposition à isjâh, s'appliquant aux notes basses selon al-Kindî. Peut-être s'agit-il de la guitarra morisca dont l'Archiprêtre de Hita disait qu'elle donnait des sons aigus (v. 1228) par opposition à la guitare latine ; mais l'Archiprêtre mentionne aussi le rabe, qui n'est autre que le rebâb, au son « criard », v. 1229 : « El rabe gritador con la su alta nota. »
page 1004 note 2. Ribera y Tarrago, J., Disertaciones y Opusculos, t. II, pp. 141 ss.Google Scholar
page 1004 note 3. Cf. Farmer, H. G., A History of Arabian Music, p. 112 ss.Google Scholar ; également p. 73 où on lit dans une citation du Kitâb al-Aghâni que darb désigne l'accompagnement du chant avec les instruments. R. Blachère, Grammaire de l'arabe classique, 3e éd., paragraphe 488, p. 475, donne un autre exemple tiré du Kitâb al-Agâhnï, V, 354 où le terme, appliqué au jeu du “oud, revient en effet six fois dans une conversation entre Ishaq al-Mausilï et Ibrahim ibn al-Mahdi en présence du caliphe al-Mu'tasim ; durant cette séance Ishaq accompagna (yadribu) sur le 'oud le chanteur Zurzûr.
page 1005 note 1. Engelmann, W. H., Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l'arabe, Leyde, 1861 Google Scholar. Deuxième édition, R. Dozy et W. H. Engelmann, Leyde, 1869. Notre citation est tirée de cette deuxième édition, pp. 2-3.
page 1005 note 2. Ibid., (2e éd.), p. 3, n. 2.
page 1005 note 3. Ibidem.
page 1005 note 4. Ibid., p. 12. Constatation reprise par Menendez Pidal, R., Poesla juglaresca, p. 81 Google Scholar : o Quien en su curiosidad por las cosas de la vida antigua haya sentido una decepciôn siempre reiterada al leer nuestros documentos de los siglos XI y XII concédera que en la habituai aridez de ellos, o no hay lugar, o lo hay escasisimo para una menciôn de juglares o de poesia en esa epoca ; en medio del vasto silencio que esos documentos guardan sobre los mas varios e interesantes aspectos de la sociedad de entonces, no es de esperar que aparezcan noticias literarias, y convendremos en que la ausencia de alusiones no es argumento valido para negar la existencia de juglares y obras literarias que en esos siglos nos veamos obligados a suponer por calquier razon. » A quoi on peut ajouter le témoignage de LÉVi-Provençal, , Islam d'Occident, p. 161 Google Scholar, poputouchant la société espagnole du temps : « On n'étudie guère, quand on suit le développement de l'histoire politique de la Péninsule au cours du Moyen Age, qu'un aspect très partiel de son passé : l'histoire de son évolution sociale, qui, faute de documents, est encore mal connue, éclairerait sans doute avec netteté, si l'on avait les moyens de l'aborder, des problèmes qui demeurent encore dans la pénombre, sinon dans l'obscurité. » Alfred JEANROY, fort de cette pénurie de documents, proposait presque de laisser dormir la question : « Or, pour cette époque, les documents sont, du côté provençal, inexistants, et du côté arabe, extrêmement maigres. Il semble, en effet, que la poésie andalouse des dizième et onzième siècles ait subi, elle aussi, de grandes pertes. Cette controverse se résout donc, en somme, en un non liquet… » (La poésie lyrique des troubadours, Paris, 1934, Vol. II, p. 367). Les abondantes recherches sur les zajjals et les muwashshahas andalous, arabes, juifs et romans, publiées depuis, ont heureusement maintenu l'intérêt en éveil.
page 1006 note 1. Disertaciones y Opusculos, II, pp. 140-143. On a traité cette étymologie, soit par le mépris ( Jeanroy, A., La poésie lyrique, I, p. 75, n° 2Google Scholar), soit en la déformant ( Davenson, H., Les troubadours, p. 128 Google Scholar qui donne la racine arabe comme étant tsariba !). E. Garcia Gomez, Nuevas escenas andaluzas (Coll. Austral, n° 1220, pp. 114-116), regrette simplement que l'étymologie ne soit pas acceptable en bonne philologie ; nous nous étonnons cependant que ce grand arabisant et fin connaisseur de la poésie médiévale n'ait pas songé à passer du taraba de Ribera au daraba si fréquemment rencontré dans les textes arabes musicaux du Moyen Age. Nous avons rappelé plus haut comment certaines erreurs de Ribera, dans les étymologies proposées pour trobador, mais aussi motete, conductus, cornamusa (Disertaciones y Opusculos, II, pp. 133-149) ont rendu facile le rejet de son étymologie de ségrel-zejjelero qui paraît pourtant impeccable, et constitue, à notre avis un cas exactement parallèle à notre drabar-trobador.
page 1006 note 2. Cf. Garcia Gomez, E., Nuevas escenas andaluzas, p. 115 Google Scholar : « Hay que pensarla produciendo en los oyentes entusiasmo, extasis, enajenaoion, emocion fisica de alegria o tristeza. Todo esto se llama en arabe tarab. »
page 1007 note 1. Lévi-Provençal, E., Histoire de l'Espagne musulmane, III, p. 446, note 1.Google Scholar
page 1007 note 2. Cf. Menendez Pidal, R., Poesia juglaresca, pp. 154–155 Google Scholar. Pidal cite un passage du Cancionero de Baena, 103 : « oid a Martin cuando canta (e) tarie. » Expression qui équivaut au couple fréquemment rencontré dans les Vidas provençales : « cantar e trobar. » Pidal, loc. cit., p. 159, décrit bien l'évolution qui tendait à faire du trobador un simple poète, diseur, tandis que la profession musicale se spécialise et se détache de la poésie proprement dite : « Si en la fiesta (couronnement de Jean II) interviene la poesia, estara a cargo, no de los juglares musicos, sino del nuevo oficio cortesano de trovador o mero poeta ; asi lo expresa la Cronica del condestable Miguel Lucas, cuando refiere las bodas de este en Jaen, 1461 : ‘Pues trompetas, ministriles de dulzainas [le deuziema de notre document î ] y chirimias [le karamel de notre document], atavaleros [du fabl arabe : tambour], tamborines y pandereteros ]le pandoragrec, ou bendir d'Ibn Quzmân, Diwan X I I ] , y foxos [le buxium = deuziema de notre document ?], truhanes, y tafiedores de cuerda, y otras personas de mas autoridad, asi como trovadores, y otros que en taies f iestas de semejantes senores de estado acostumbran y suelen recibir y que a las dichas fiestas habian concurrido…»
page 1008 note 1. Il est vraiment étonnant qu'on ose récuser l'interprétation arabe des vers 27-30 de la Chanson V de Guillaume d'Aquitaine, donnée par A. Lévi-Provençal dans Arabica, I (1954), pp. 47-48 et 208-211. Voir un sommaire des réactions dans Kl. Heger, Die bisher veröffentlichten Hargas und ihre Deutungen. Tübingen 1960 (Beihefte zur Zeitschrift für Komanische Philologie, l o i Heft) in fine parmi les Appendices.
page 1008 note 2. Et aussi Bertrand de Born, éd. Appel, 43, v. 11. Marcabru, éd. Dejeanne, XXXIII, 9, XXXVII, 7 e t c . . Peire Vidal, éd. Angalde, I, 6 : « Quan li autre trobador, Estan mut… »
page 1008 note 3. Poesia juglaresca, p. 16.
page 1008 note 4. La découverte récente des harchas en langue romane incline Damaso alonso, De los siglos oscuros al de oro (Madrid, 1958, pp. 29-34) à faire remonter les débuts de cette littérature un siècle plus tôt.
page 1009 note 1. Cf. Menendez Pidai, R., España, Eslabon entre la Cristiandad y el Islam, p. 138, n. 121.Google Scholar
page 1009 note 2. On a noté, avec raison, que la conception de l'amour, chez les premiers troubadours, est toute profane et mondaine, sans cette recherche d'un idéal éthique qui ne se manifestera que plus tard : « L'idée d'ennoblissement, au sens éthique, est absente des vers de Guillaume IX et de Cercamon ; en revanche, on y trouve des allusions à un affinement de la conduite et des manières, à une amélioration temporelle et mondaine. Il n'est nullement question de se perfectionner moralement pour s'élever au niveau de la perfection morale de la dame ; il s'agit tout simplement d'être agréable, avenant, pour ne pas déplaire. » Cluzel, I. « Quelques réflexions à propos des origines de la poésie lyrique des troubadours », in Cahiers de Civilisation Médiévale, n° 14, 1961, p. 179 CrossRefGoogle Scholar.
page 1010 note 1. Jeanroy, , La poésie lyrique, I, pp. 132–139 Google Scholar, compte cinq rois, deux princes, deux évêques parmi les poètes méridionaux dont on possède un e biographie ; une vingtaine appartiennent à la noblesse, surtout pauvre, et une autre quinzaine sont fils de bourgeois, de marchands, d'artisans.
page 1010 note 2. Ibid. I, p. 146 ss. Le témoignage si intéressant, et si important sous un certain angle historique, de Guiraut Riquier est souvent au cœur des exposés sur la condition des troubadours dans la société médiévale. Voir Menendez Pidal, R., Poesia juglaresca, pp. 17–27 Google Scholar. Jeanroy, A., La poésie lyrique, I, pp. 146–149 Google Scholar. Anglade, J., Le Troubadour Guiraut Riquier, p. 122 Google Scholar ss. Fakal, E., Les jongleurs en France au Moyen Age, pp. 72–73 Google Scholar. Mais il faut y voir surtout, comme nous le suggérons ici, l'expression d'un besoin de réglementation sociale plus qu'un témoignage reflétant les conditions historiques du siècle précédent.