Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
Pour l'intelligence des forces réelles qui forgent le destin de l'homme, il n'est pas permis de négliger un facteur biologique majeur : la maladie. Au niveau individuel, l'importance du pathologique représente un fait banal. Les débuts de l'étude des incidences de la maladie sur l'histoire personnelle se confondent avec les premiers pas de la médecine, et avec les tout premiers balbutiements de l'art et de la réflexion philosophique. Par le truchement d'un effort tendant à comprendre l'influence des maladies sur l'activité des personnages célèbres, on croyait pouvoir atteindre aussi la « grande histoire ». Les maladies des chefs ne pouvaient-elles déterminer le sort des peuples ? Les historiographes grecs en étaient convaincus. Pensée légitime en une époque où l'on attribuait au génie personnel de quelques guides un rôle prépondérant sur la scène de l'histoire.
page 1473 note 1. Grmek, M. D.Cf. , « Histoire des recherches sur les relations entre le génie et la maladie », Revue d'Histoire des Sciences, 1962, t. XV, pp. 51–68 Google Scholar.
page 1473 note 2. Voir à ce propos une étude instructive d' Esser, A., Côsar und die julisch-claudischen Kaiser in biologisch-ârztlichen Blickfeld, Leiden, Brill, 1958 Google Scholar.
page 1473 note 3. Sans aucun doute, il y a des situations critiques où l'état de santé d'un chef militaire ou d'un dirigeant politique peut avoir des conséquences historiques importantes. Pour les chefs militaires contemporains, voir R. Hargreaves, « The saving quality », Practitioner, 1963, t. 190, pp. 263-271. En ce qui concerne les rois et les grands personnages politiques du passé, on ne saurait être trop prudent en formulant un jugement sur la portée historique de leurs maladies. Malheureusement, une littérature anecdotique sur de tels sujets s'est déversée sur des lecteurs de la fin du siècle dernier et de notre siècle comme un véritable raz de marée. En France, elle a trouvé un coryphée prolixe en la personne du docteur Auguste Cabanes. Ce dernier a essayé de justifier sa méthode (cf. A. Cabanes, L'histoire éclairée par la clinique, Paris, A. Michel, 1921), mais il ne lui a pas été possible de dépasser le stade de la recherche des « curiosités » et des « indiscrétions médicales de l'histoire ». Et pourtant la Médecine et l'Histoire peuvent s'apporter mutuellement des contributions non négligeables, comme l'a si bien montré P. Huard, « La Médecine et l'Histoire », Revue de Synthèse, 1965, 3e sér., ndeg;8 37-39, pp. 103-130.
page 1474 note 1. Pour des indications bibliographiques, voir la monographie capitale de W. Lange-Eichbaum, Génie, Irrsinn und Ruhm, 5e éd., Munich, Reinhardt, 1961, et les ouvrages de R. H. Major, Disease anddestiny, New York, Appleton, 1936, et de J. B. Gilbert et G. E. Mestler, Disease anddestiny ; a bibliography of médical références to the famous, Londres, Dawsons, 1962.
page 1474 note 2. Littré définit la pathologie historique comme « science encore embryonnaire, et dont le développement sera l'un des offices intellectuels du xxe siècle ».
page 1474 note 3. Quelques idées intéressantes à propos du rôle historique des épidémies se trouvent dans l'article de J. P. Granger, « The plague as a factor in history », Glasgow Med. J., 1912, t. LXXVII, pp. 178-186 et 260-273. Pour l'incidence historique des « grandes » épidémies, voir par exemple H. Haeser, Lehrbuch der Geschichte der Medicin und der epidemischen Krankheiten, vol. 3, 3e éd., Iéna, 1882 ; A. Colnat, Les épidémies et Vhistoire, Paris, Le François, 1937 ; E. Martini, Die Wege der Seuchen, Stuttgart, Enke. 1954 ; R. Hare, Pomp and pestilence, Londres, 1954. R. H. Major offre un aperçu sur les relations entre les guerres et les épidémies (” War and disease », /. Lab. Clin. Med., 1943, t. XXVIII, pp. 661-667), tandis que l'importance militaire du typhus se trouve exposée avec beaucoup de verve dans le livre de H. Zinsser, Rats, lice and history, Londres, Routledge, 1934 (nouvelle édition : New York, Bantam Books, 1960). En ce qui concerne la fièvre jaune, voir H. R. Carter, Yellow fever ; an epidemiological and historical study ofhis place and origin, Baltimore, Williams and Wilkins, 1931. Pour l'expérience coloniale française, voir N. P. Gilbert, Histoire médicale de l'armée française à Saint-Domingue en 1802, Paris, 1803 ; Brau, P., Trois siècles de médecine coloniale française, Paris, Vigot, 1931 Google Scholar ; et F. Guerra, « The influence of disease on race, logistic and colonization in the Antilles », J. Trop. Med., 1966, t. LXIX, pp. 23-35.
page 1475 note 1. Bruner, Ch. G., Morborum antiquitates, Vratislaviae, Korn, 1774 Google Scholar.
page 1475 note 2. Hirsch, A., Handbuch der historisch-geographischen Pathologie, 2eéd., Stuttgart, Enke, 1881–1886, 3 vol.Google Scholar
page 1475 note 3. Creighton, C., A history of épidémies in Britain, Cambridge, Univ. Press, 1891 Google Scholar (nouvelle édition : Londres, Cass, 1965). Un compte rendu fort intéressant fut publié à l'occasion de la nouvelle édition : R. S. Robert, « Epidémies and social history ; an essay review », Med. Hist., 1968, t. XII, pp. 305-306.
page 1475 note 4. A. Corradi, Annali délie épidémie occorse in Italia délie prime memoriefino al 1850, Bologna” Gamberini et Parmeggiani, 1865-1880, 4 vol.
page 1475 note 5. G. Sticker, Abhandlungen aus der Seuchengeschichte und Seuchenlehre, Giessen, Tôpelmann, 1908-1912, 3 vol.
page 1475 note 6. J. D. Rolleston, The history ofthe acute exanthemata, Londres, Heinemann, 1937.
page 1475 note 7. M. Laignel-Lavastine, Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l'art dentaire et de l'art vétérinaire, Paris, A. Michel, 1934-1949, 3 vol. Cet ouvrage contient plusieurs chapitres consacrés à l'histoire de différentes maladies ; la valeur de ces chapitres est très inégale.
page 1475 note 8. Pazzini, A. et Baffoni, A., Storia délie malattie, Rome, Ed. Clinica nuova, 1950 Google Scholar.
page 1475 note 9. Bett, W. R., The History and conquest of common diseases, Norman, Univ. of Oklahoma Press, 1954 Google Scholar.
page 1475 note 10. Ackerknecht, E. H., Geschichte und Géographie der wichtigsten Krankheiten, Stuttgart, Enke, 1963 Google Scholar.
page 1475 note 11. Henschen, F., The history and geography of diseases, New York, Delacorte Press, 1966 Google Scholar.
page 1475 note 12. Finke, L. L., Versuch einer allgemeinen medicinisch-praktischen Géographie, Leipzig, Weidmann, 1792–1795, 3 vol.Google Scholar
page 1475 note 13. Cf. M. D. Grmek, « Géographie médicale et histoire des civilisations », Annales E.S.C., 1963, t. XVIII, pp. 1071-1097.
page 1475 note 14. May, J. M., Ecology ofhuman disease, New York, MD Publ., 1959 Google Scholar ; May, J. M., Studies in disease ecology, New York, Hafner, 1961 Google Scholar.
page 1476 note 1. J., Wagner-Jauregg, Fieber und Infektionstherapie, Vienne, 1936 Google Scholar
page 1477 note 1. A. B. Sabin, « Nature of inherited résistance to viruses », Proc. Nat. Acad. ScL, 1952, t. XXXVIII, pp. 540-546.
page 1477 note 2. R. J. Dubos, The white plague : tuberculosis, man and society, Boston, Little, 1952.
page 1477 note 3. R. J. Dubos et J. G. Hirsch, Bacterial and mycotic infections of man, 4e éd., Philadelphia- Montreal, 1965.
page 1478 note 1. J. Lowe et F. Mcnulty, « Tuberculosis and leprosy ; immunological studies in healthy persons », Brit. Med. J., 1953, p. 579.
page 1478 note 2. H. Floch, « La réaction de Mitsuda rendue positive par une primo-infection tuberculeuse est-elle accompagnée d'une immunité relative antilépreuse ? » Bull. Soc.path. exot., 1954, t. XXXXVII, pp. 771-775.
page 1478 note 3. R. Chaussinand, « Tuberculose et lèpre, maladies antagoniques », /. of Leprosy, 1948, pp. 431-438.
page 1478 note 4. Voir en particulier les expériences japonaises : K. Yanagisawa, « The effect of BCG vaccination upon occurrence of leprosy », Traits. Ith Intern. Congr. Leprosy, Tokyo, 1958, pp. 351-356.
page 1478 note 5. Cette hypothèse fut exprimée pour la première fois dans l'article : H. E. Sigerist, « Der Aussatz auf den Hawaiischen Insein », Verh. Schweiz. Naturf. Ges., 1932, pp. 452-453.
page 1479 note 1. La bibliographie sur la « peste noire » est immense. Les ouvrages classiques sont ceux de J. F. C. Hecker, Der schwarze Todin vierzehnten Jahrhundert, Berlin, 1832 ; du cardinal F. A. Gasquet, The Black Death c/1348 and 1349, Londres, Bell, 1893 ; de A. Phillippe, Histoire de la peste noire (“1348-1350,) d'après des documents inédits, Paris, 1853 ; et de J. Nohl, Der Schwarze Tod, Potsdam, 1924. Pour les sources, voir A. Coville, « Écrits contemporains sur la peste de 1348 à 1350 », Hist. Litt., 1928, t. XXXVII, pp. 325-390. Pour les incidences économiques et sociales, nous attirons l'attention en particulier sur les publications suivantes : H. B. Allyn, « The Black Death ; its social and économie results », Ann. Med. Hist., 1925, t. VII, pp. 226-236 ; Y. Renouard, « Conséquences et intérêt démographiques de la peste noire de 1348 », Population, 1948, t. III, pp. 459-466 ; E. Carpentier, « Autour de la peste noire : famines et épidémies dans l'histoire du xive siècle », Annales E.S.C., 1962, t. XVII, pp. 1062-1092 ; E. Carpentier, Une ville devant la peste (Orvieto), Paris, S.E.V.P.E.N., 1963 ; W. M. Bowsky, « The impact of the Black death upon Sienese government and society », Spéculum, 1964, t. XXXIV, pp. 1-34 ; J. C. Russell, « Effects of pestilence and plague, 1315-1385 », Comp. Stud. Soc. Hist., 1966, t. VIII, pp. 464-473 ; S. L. Thrupp, « Plague effects in médiéval Europe », Comp. Stud. Soc. Hist., 1966, t. VIII, pp. 474-483. Malgré le grand nombre d'études de ce genre, leurs résultats ne sont pas encore incorporés dans les manuels d'histoire générale. Selon W. L. Langer (” The next assignment », Amer. Hist. Rev., 1958, t. LXIII, pp. 283-304), ces directions de recherche devraient être une des tâches les plus urgentes de l'historiographie actuelle.
page 1479 note 2. Pour une mise au point, voir L. F. Hirst, The conquest of plague. A study of the évolution of epidemiology, Oxford, Clarendon Press, 1953, et G. Blanc, « La disparition de la peste et ses causes épidémiologiques », Sem. Hôp., 1961, t. XXXVII, pp. 105-110.
page 1480 note 1. Des recherches en ce sens sont menées actuellement par le professeur H. H. Mollaret, à l'Institut Pasteur de Paris.
page 1480 note 2. A. C. Allison, « Protection afforded by sickle-cell trait against sub-tertian raalarial infection », Brit. Med. J., 1954,1, pp. 290-294.
page 1480 note 3. Cela fut démontré en particulier par Lehmann. En ce qui concerne les aspects génétiques et le mécanisme de la sélection naturelle dans cet exemple, voir T. Dobzhansky, L'homme en évolution, Paris, Flammarion, 1966, p. 179.
page 1480 note 4. Cf. J. Bernard, « Esquisse d'une géographie des maladies du sang », Ann. Géogr., 1965, t. LXXIV, pp. 271-280 ; Bernard, J. et Ruffié, J., Hématologie géographique, Paris, Masson, 1966 Google Scholar
page 1481 note 1. Preston, F. W., « The commonness and rarity of species », Ecology, 1948, t. XXIX, pp. 254–283 CrossRefGoogle Scholar.
page 1481 note 2. Williams, Cf. C. B., Patterns in the balance of nature and related problems in quantitative ecology, Londres-New York, Académie Press, 1964 Google Scholar.
page 1481 note 3. Cette opinion est fondée sur les recherches statistiques de G. Herdan (” The mathematical relation between the number of diseases and the number of patients in a community », /. R. Statist. Soc, 1957, t. CXX, sect. A, pp. 320-330) et sur nos propres analyses encore assez fragmentaires.
page 1482 note 1. Holcomb, R. C., Who gave the world syphilis ? The Haitian myth, New York, Froben, 1930 Google Scholar.
page 1482 note 2. Hudson, E. H., Non-venereal syphilis, Edinburgh- London, Livingstone, 1958 Google Scholar, et Hudson, E. H., « Christopher Columbus and the history of syphilis », Acta Tropica, 1968, t. XXV, pp. 1–16 Google Scholar.
page 1482 note 3. Moller-Christensen, V., « Evidence of tuberculosis, leprosy and syphilis in Antiquity and the Middle Ages », Proc. XIX Intern. Congr. Hist. Med., Basel, Karger, 1966, pp. 229–237 Google Scholar.
page 1482 note 4. Ce travail est dirigé par J. Meyer et E. Le Roy Ladurie. Voir J. Meyer, « Une enquête de l'Académie de médecine sur les épidémies (1774-1794) », Annales E.S.C., 1966, t. XXI, pp. 729-749. Pour les difficultés méthodologiques de cette enquête, voir J.-P. Peter, « Malades et maladies à la fin du xvme siècle », Annales E.S.C., 1967, t. XXII, pp. 711-751. Ce dernier se plaint, ajuste titre, du « vocabulaire médical archaïque, à première vue indéchiffrable ».
page 1483 note 1. Voir M. D. Grmek, « Les origines d'une maladie d'autrefois : le scorbut des marins », Bull. Inst. Océanogr. Monaco, 1968, numéro spécial 2, pp. 505-523.