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Moussons et monnaies : les voies du commerce entre le monde gréco-romain et l'Inde

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

André Tchernia*
Affiliation:
École des Hautes Études en Sciences Sociales

Extract

On parle encore souvent, quand il est question des relations entre le monde gréco-romain et l'Inde, de la découverte de la mousson, mise en général à l'actif du pilote Hippale, ainsi devenu pour beaucoup « un des grands noms de l'histoire de la navigation » .Ce n'est pas faute pourtant que cette formule ait été critiquée depuis longtemps. Les marins ne découvrent pas un vent et n'inventent rien quand ils l'utilisent : ils s'en servent quand il peut les mener là où ils veulent aller. Dès 1879, J. Kennedy soulignait que la mousson faisait évidemment partie de l'expérience générale bien avant la date discutée où l'on voudrait que les Grecs en eussent pris connaissance vers la fin de l'époque hellénistique ou au début de l'empire : « Tous ceux qui naviguaient le long des côtes d'Afrique et d'Arabie ont dû connaître les moussons depuis les temps les plus reculés, et la route commerciale normale entre le golfe Persique et l'Inde n'a jamais pu longer les rives inhospitalières de la Gédrosie ».

Summary

Summary

The rise of exchange between India and the Greco-Roman world is not due to a “discovery” ofthe monsoon; the utilisation of new maritime routes depended upon historic circumstances which, in the second century B.C. enabled Westerners to understand that by following the parallels one reached the Gulf of Cambay by way of Southern Arabia and Lymiriké by way ofthe Gulf of Aden. This realization is indicative of a first Hellenistic stage in the development of exchanges. Another accompanied the conquest of Egypt and the economic wealth of Rome which ensued. A third stage toward the changing era is marked by the direct appearance of Italian merchants in the Indian Ocean and the use of denarii as a means of exchange. Can one then speak of a monetary haemorrhage? The Roman authorities most certainly found it a source of preoccupation or indignation in the lst century B.C. andfinancial investment in trade with the Orient was important. But the distribution of Roman currency does not concern the whole India. Whe have only a vague idea of the fluctuations which the system of exchange underwent and hâve little reason to believe that the same utilisation continued over several centuries.

Type
L'Économie Antique
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1995

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References

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5. Voir l'introduction de l'édition de Casson, L., The Periplus Maris Eiythraei, Texte avec introduction, traduction et commentaire, Princeton, 1989 Google Scholar et, pour de nouveaux arguments en faveur d'une date proche du milieu du 1er siècle de notre ère, G. Fussman, « Le périple et l'histoire politique de l'Inde », Journal asiatique,1991, pp. 31-38.

6. Le texte et la traduction de la seconde phrase posent des problèmes de détail à peu près insolubles. Je donne ici la traduction du texte le plus traditionnel. On trouvera des propositions un peu différentes dans l'édition de L. Casson, op. cit.,mais ces nuances ne changent rien aux idées que je retiens par la suite.

7. Sans doute entraînés par la traduction latine de Müller, C., Periplus Maris Erythraei, Geographi Graeci Minores, Paris, 1853,1, pp. 257305 Google Scholar, qui, en décalquant le grec schémapar le latin habitusa incité à comprendre « aspect » plutôt que « forme » de la mer ; voir Tchernia, A., « Ad Periplum maris Erythraei 57 », dans Eukrata, Mélanges offerts à Claude Vatin, Publications de l'Université de Provence, 1994, pp. 131136 Google Scholar.

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9. Op. cit.n. 1.

10. Aristobule cité par Strabon, XV, 1, 17 ; Arrien, An.,VI, 21.

11. Sur le « verrou arabe » et Eudaimôn Arabia, voir Désanges, J., Recherches sur l'activité de Méditerranéens aux confins de l'Afrique, Rome, 1978, p. 303 Google Scholar.

12. Cité par Vignaud, H., Histoire critique de la grande entreprise de Christophe Colomb, 2 vols, Paris, 1911, p. 227 Google Scholar, n. 457.

13. H. Vignaud, op. cit.,vol. II, pp. 211-233, a été le grand partisan de l'histoire du pilote inconnu. Morison, Samuel E. a insisté sur le peu de vraisemblance navale de l'épisode dans son Admirai of the Océan Sea, Boston, 1942, pp. 6163 Google Scholar.

14. Cité par Pline l'Ancien, VI, 57 ; Fr. 212 de l'édition des fragments de Posidonius par L. Edelstein et I. G. Kidd ; voir le commentaire de ce dernier, pp. 756-757.

15. A. Dihle, « Der Seeweg nach Indien », Innsbrucker Beitrâge zur Kulturwissenschaft, 1974, pp. 5-13 ; id.,« Die entdeckungeschichtlichen Voraussetzungen des Indienhandels der rômischen Kaiserzeit », Aufstieg und Niedergang der rômischen Welt,II, 9, 2, 1978, pp. 546-580 (ces deux articles ont été repris dans le recueil d'articles d' DIHLE, A., Antike und Orient, Heidelberg, 1984, pp. 109117 Google Scholar et 118-152).

16. Voir là-dessus en dernier lieu C. Rapin, Fouilles d'Aï-Khanoum,VIII, La trésorerie du palais hellénistique d'Aï-Khanoum,Mémoire de la Dafa, XXXIII, Paris, 1992 ; Fussman, G., « L'Indo-grec Ménandre ou Paul Demiéville revisité », Journal asiatique, 291,1-2,1993, pp. 61- 138Google Scholar.

17. Strabon, XI, 516 d'après Apollodore d'Artemita : les Grecs ont occupé « non seulement la région de Patalè, mais aussi, sur le reste de la côte, le royaume dit de Saraoste et celui de Sigerdis » ; Périple,§ 47 : monnaies de Ménandre encore présentes à Barygaza au milieu du 1er siècle de notre ère.

18. Deux textes : Elien, NA,15, 8 décrit des pêcheries de perles actives près de la ville de Perimula à l'époque d'Eucratide. Le nom de Perimula se retrouve comme celui d'un cap dans Pline, NH,VI, 72, et si son emplacement exact n'est pas déterminable, il se trouve forcément sur la côte occidentale du Deccan ou près du cap Comorin. Ptolémée, I, 7, 6 cite Diodore de Samos, autrement inconnu, qui précise la position de constellations, le Taureau et les Pléiades, pour les navires qui vont de l'Indikè à la Lymirikè (la côte de Malabar). C'est le seul texte qui semble ne pas inclure la Lymirikè dans l'Indikè, et A. Dihle y voit la trace d'un des premiers voyages d'exploration grecque à partir de l'Indus vers le sud de la côte indienne.

19. Romanis, F. de, « Roma e i Nôtia dell'India, ricerche sui rapporti tra Roma e l'India dravidica dal 30 a.C. all'età Flavia », Helikon, 22-27,1982-1987, pp. 143210 Google Scholar (163-164) ; H. P. Ray, « Trade in the Deccan under the Satavahanas : Numismatic Evidence », Coinage, Trade and Economy, 3rd int. colloqium,Amal Kumar Jha éd., Nashik, 1991, pp. 58-61

20. Strabon, II, 3, 4. Voir J. Thiel, op. cit.n. 2 et J. Désanges, op. cit.n. 11, ch. X.

21. Otto, W. et Bengtson, H., Zur Geschichte des Niederganges des Ptolemàerreiches, Abh.der Bayerischen Akad. der Wissenschaften, Ph.-Hist. Abt., NF, 17, Munich, 1938, pp. 202204 Google Scholar ; J. Thiel, op. cit.n. 2, p. 18.

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23. Lucain, VIII, 172-185.

24. Agatharchide 103 (GGMI, p. 191). Voir la traduction et le commentaire de S. M. Burstein, Londres, 1989, p. 169 et sur ces problèmes l'ouvrage de Federico D E Romanis, Cassia, cinnamomo, ossidiana,à paraître.

25. F. D E Romanis, 1982-1987, art. cité n. 19, pp. 143-210 (n. 5).

26. Voir P. Berghaus, 1991, cité n. 25, p. 108. Je remercie Peter Berghaus de toutes les précisions qu'il m'a apportées au cours de sa visite à Marseille.

27. Slane, K. W., « Observations on Mediterranean Amphoras and Tablewares Found in India », dans Rome and India : The Ancient Sea Trade, Begley, V., de Puma, R. D. éds, The University of Wisconsin Press, 1991, pp. 204215 Google Scholar.

28. H. P. Ray, art. cité n. 19.

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30. II, 5, 12. Voir aussi XVII, 1, 13 et F. D E Romanis, 1982-1987, art. cité n. 19.

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34. Nicolet, C., Rendre à César, Paris, 1988, p. 208 Google Scholar. Dans le même ouvrage, C. Nicolet souligne (p. 165) que pecuniaemployé seul ne signifie pas monnaie mais « valeur d'un bien matériel ». C'est en effet le sens premier, et qui subsiste, mais il existe aussi bien des occurrences où pecuniaa le sens d'espèces monétaires : c'est le cas le plus fréquent chez Tacite, et C. Nicolet traduit lui-même dans notre passage pecuniae nostraepar « notre argent ».

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36. Les pages qui suivent reposent essentiellement sur Berghaus, P., « Les phases de l'importation des monnaies romaines en Inde », Bulletin de la Société française de Numismatique, 48, 5, mai 1993, pp. 547549 Google Scholar ; id.,« Zu den romischen Fundmiinzen aus Indien », Revue suisse de Numismatique,1992, pp. 226-247 (avec bibliographie plus complète); id.,«Roman Coins from India and their Imitations », Coinage, Trade and Economy, 3rd int. colloqium,Amal Kumar Jha éd., Nashik, 1991, pp. 108-121 ; P. L. Gupta, « Coins in Rome's Indian Trade », ibid.,pp. 122-137 ; D. Mc Dowall, « Indian Imports of Roman Silver Coins », ibid.,pp. 145- 163 ; id.,« The Evidence of Roman Coins Found in India », communication au séminaire international Trade on the Maritime Silk Route : India and the Roman World between the lst and the 4th Century A. D.,20-21 déc. 1990, Madras ; Turner, P. J., Roman Coins from India, Londres, 1989 Google Scholar.

37. F. D E Romanis, 1988, art. cité n. 4, pp. 31-33.

38. Lo Cascio, E., « La riforma monetaria di Nerone : l'evidenza dei ripostigli », Mélanges de l'École française de Rome (Antiquité), 92, 1, 1980, pp. 445470 Google Scholar.

39. Sur les mines de béryls, E. H. Warmington, op. cit.n. 8, pp. 250-251 ; R. E. M. Wheeler, op. cit.n. 8, p. 145 ; F. D E Romanis, 1982-1987, art. cité n. 19, pp. 165-169 reprend la question avec une note de prudence justifiée

40. Sur ces inscriptions voir en dernier lieu F. D E Romanis, 1988, art. cité n. 4, pp. 15-19. Le lecteur français pourra les trouver commodément dans A. Bernand, Pan du désert,Leyde, 1977, nos 64 et 65.

41. A.Tchernia, , « Le dromadaire des Peticii et le commerce oriental », Mélanges de l'École française de Rome (Antiquité), 104, 1, 1992, pp. 293301 CrossRefGoogle Scholar.

42. Voir n. 24. Je remercie l'auteur de m'avoir fait l'honneur et l'amitié de me communiquer le manuscrit d'un ouvrage exceptionnellement riche de données et d'idées nouvelles.

43. Pline, NH,XXXII, 21-23.

44. F. D E Romanis, 1988, cité n. 4, pp. 38-43 ; Vilar, P., Or et monnaie dans l'histoire, Paris, 1974, p. 122 Google Scholar.

45. On n'a pas trouvé de trésors de deniers sur la côte orientale, mais seulement quelques pièces isolées : deux à Arikamedu, une à Mambalam près de Madras, un peu plus sur la côte de l'Andhra-Pradesh.

46. Sur les différences de conditions économiques et sociales des diverses régions de l'Inde touchées par le commerce romain, et sur le rôle de ces conditions dans les échanges, voir le remarquable article de Thapar, Romila, « Black Gold : South Asia and the Roman Maritime Trade », South Asia, 1992, XV, 2, pp. 127 CrossRefGoogle Scholar (9-19).

47. P. VILAR, op. cit.47, pp. 120-122. Ces variations sont dues à celles, très importantes, que subit à ces époques la valeur des métaux précieux en Occident.

48. Art. cité n. 19, pp. 199-209.

49. Voir en dernier lieu C. Rodewald, Money in the Age of Tiberius,Manchester, 1976 ; le compte rendu qu'en a donné E. Lo Cascio dans Journal of Roman Studies,1978, pp. 201-202 et, du même auteur, « Moneta e politica monetaria nel principato », Annali dell'Istituto Italiano di Numismatica,1978, pp. 241-252 ; Crawford, M., La moneta in Grecia e a Roma, Bari, 1986, pp. 122123 Google Scholar et appendice 6.