Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Ce qui manqua d'abord aux endeuillés de la Grande Guerre, ce fut le corps de ceux qui étaient morts. A cet égard, les deuils de guerre ne sont jamais identiques à ceux du temps de paix : en effet, sauf pour les blessés qui eurent la chance d'être hospitalisés et de pouvoir recevoir la visite des leurs avant de mourir, les familles n'ont pu, dans l'immense majorité des cas, assister et accompagner les mourants dans leur agonie. Le plus souvent, les soldats sont morts seuls, et presque toujours sans le soutien de leurs proches. Toutes les procédures de préparation au deuil furent ainsi supprimées. Comme furent supprimés tous les rites qui d'ordinaire accompagnaient les premiers moments de la perte.
The families who had lost some of their members during the Great War were first bereft of the bodies of those who had died. The need to recover their bodies was a sign of the acute grief caused by their long absence or separation. The very conditions of the fights had multiplied the number of missing persons in all camps. Such a situation was extremely traumatic. In spite of numerous difficulties, it is clear that the grief caused by World War I can be efficiently studied by historians. “Mourning accounts” in particular allow us to fathom the intimacy of suffering. Such an historical approach and outlook will be proposed through the study of three particular cases.
1. Sur ce point, voir en particulier Jauffret, Jean-Charles, « La question du transfert des corps, 1915-1934 », Les oubliés de la Grande Guerre, Supplément d'âmes,hors-série n° 3, pp. 67–89 Google Scholar.
2. Lors de l'inauguration de la première partie du monument en 1927, Mgr Ginisty est surce point tout à fait explicite : « Vous que nous avons vus tant de fois errants à travers ce labyrinthe de la mort, cherchant le nom, la trace de votre bien-aimé, l'appelant d'une voix entrecoupée de sanglots, venez à I'ossuaire. Voilà la tombe qui, probablement, contient quelque chose de lui. Séchez vos pleurs » (cité par Carine Trévisan, « Le corps disparu ou le “ cadavre noir “ de I'histoire : à propos deL'Acaci.de Claude Simon », article non publié aimablement communiqué à l'auteur).
3. Marie-Frédérique Bacqué,Le deuil à vivr.,Paris, Éditions Odile Jacob, 1992, 262 p., p. 108. Pour un point de vue anthropologique, parfaitement cohérent avec le précédent, voir : Thomas, Louis-Vincent, Le cadavre. De la biologie àVanthropologie, Paris, Complexe, 1980, 220 Google Scholar.p.
4. Pour des récits de deuil, et une prise en compte effective de la douleur, voir les diverses contributions de Françoise Thébaud, et notamment « La guerre et le deuil chez les femmes françaises », dansGuerre et culture (1914-1918.,Jean-Jacques Becker (dir.)et a.,Paris, Éditions Armand Colin, 1994, 445 p., pp. 103-110. Voir aussi Annette Becker,La guerre e.la fo.,Paris, Éditions Armand Colin, 1994, 141 p. Winter, Jay, Sites of Memory, Sites of Mourning. The Great War in European Cultural History, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, 310 Google Scholar.p. Voir aussi l'intéressant article d'Agnès Walch et Scarlett Beauvalet, « Le veuvage : une expérience de spiritualité conjugale. Trois témoignages de veuves catholiques (1832-1936) »,Histoire, Économie et Société.,1995, n° 4, pp. 609-625 (parmi trois cas de veuvage, le deuil mystique de Mireille Dupouey, qui perdit son mari en 1915, et écrivit alors sesLettres à Vabsen.,suivie deCahier.avant de mourir en 1932.)
5. Catulle-Mendès, Jane, La prière sur I'enfant mort, Paris, A. Lemerre, 1921, 400 p., p. 11 Google Scholar.Nous nous basons ici sur son livre majeur pour le travail qui nous occupe. Françoise Thébaud en avait signalé I'existence dansLa femme au temps de la guerre de 191.,et je la remercie de m'avoir indiqué l’emplacement du seul exemplaire disponible à ma connaissance, qui se trouve à la BHVP. L'ouvrage ne figure pas à la BN, et ne se trouve dans aucun catalogue : il a sans doute été édité à compte d'auteur chez l'éditeur habituel de Jane, ce qui explique son extrême rareté.
6. Ibid.,p. 24.
7. Ibid.,p. 25.
8. Ibid.,p. 29.
9. Ibid.,p. 27.
10. Ibid.,p. 31.
11. Ibid.,pp. 31-32.
12. Ibid.,p. 33
13. Ibid.,p. 34.
14. Ibid.,p. 32.
15. Ibid.,p. 34.
16. Ibid.,p. 32.
17. Ibid.,p. 17
18. Ibid.,p. 37.
19. Ibid.,p. 44.
20. Ibid.,p. 44.
21. Ibid.,p. 52
22. Ibid.,p. 81.
23. Ibid.,pp. 105-107.
24. Ibid.,p. 138.
25. Ibi.,p. 145.
26. Ibid.,p. 177.
27. Ibid.,p. 184.
28. Ibid.,p. 188.
29. Ibi.,p. 194.
30. Ibi.,p. 197.
31. Ibid.,p. 209.
32. Ibid.,p. 233.
33. Ibid.,p. 245.
34. Ibi.,p. 245.
35. Ibi.,pp. 245-246.
36. Ibid.,p. 247.
37. Ibi.,p. 247.
38. Ibi.,p. 249.
39. Ibid.,p. 252.
40. Ibid.,pp. 256-257.
41. Le grand-pere de Maurice, Ernest Gallé, était le cousin d'Émile Gallé, le célèbre verrier de Nancy mort en 1904. Les Gallé de Creil sont des « propriétaries » vivant de leurs rentes depuis la fin du 18c siècle au moins. Les revenus de la famille s'élevaient à plus de 20 000 francs à la veille de 1914, quatre à cinq domestiques étaient employés à la maison. Maurice était l'enfant unique de Auguste Gallé et de Berthe Franchemont, épousée en 1894. II était né l'année suivante, en 1895.
42. Outre le goût pour l'armée du père, on notera que dès avant la guerre, on lisait régulièrementI'Écho de Pari.dans la famille, Maurice inclus. Cette famille était intensément mobilisée au service de la guerre : Berthe Gallé s'occupait de six filleuls de guerre.
43. La famille Gallé pendant la Grande Guerre a fait l'objet d'un mémoire de maîtrise soutenu à l'université de Picardie-Jules Verne : Nathalie Garreau, Impact de la premiere guerre mondiale sur les Gallé, famille bourgeoise de Creil, Mémoire de maîtrise sous la direction de N. Chaline et S. Audoin-Rouzeau, 1992, 208 ff. Cette recherche, comme les sources dont il est fait état dans ce chapitre, était basée sur les archives du musée de Creil (Oise), qui fut la maison des Gallé jusqu'à la fin des années 1920. Ces archives n'étant pas classees, je n'ai pas indiqué les références des documents familiaux cite s dans les pages qui suivent.
44. Ce second cercle compte aussi probablement deux autres membres de la famille, mais nous n'avons pu les identifier.
45. L'expression est de Jay Winter,Sites of Memory, Sites of Mourning…, op. cit.
46. Les sources d'archives qui sont à la base de ce chapitre sont constitutées par les dossiers : « Fusillés de Souain-Campagne de réhabilitation de la Ligue des droits de rhomme, 1915-1926 », BDIC F° A res 196/1, 2 et 3. lis contiennent notamment la correspondance de Blanche avec la Ligue. La documentation, riche pour le debut des années 1920, s'arrête après 1926. Les renseignements biographiques dont il est fait état ici sont tirés d'une notice préparée par Blanche elle-même pour aider aux conférences de la Ligue des droits de I'homme dans le cadre de son combat contre les conseils de guerre et la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » (BDIC F° A res 196/2) et de de Jacqueline Laisné, Fouvrage, Pour I'honneur de Théo et des caporaux de Souain, fusillés le 17 mars 1915, Cherbourg, Éditions Isoète, 1996, 201 Google Scholar.
47. Pièces du procès en conseil de guerre de mars 1915, réunies par le Conseil de Rennes de 1921, BDIC F° A res 196/2.
48. Reuillard, Gabriel, L'Humanité, 25 mai 1921, BDIC F° A res 196/3 Google Scholar.
49. Maupas, Veuve, Le fusillé, Cherbourg, Éditions Isoète, 1994, 287, pp. 84–85 Google Scholar.Cette nouvelle édition est le fac-similé de l'édition publiée à Paris, Maison coopérative du Livre, en 1934.
50. Lettre de Blanche à LDH, 14 août 1925, BDIC F° A res 196/1.
51. Reuillard, Gabriel, L'Humanité, 25 mai 1921, BDIC F° A res 196/3 Google Scholar.
52. Lettre de M. Menidrey, 3 avril 1915, BDIC F° A res 196/2.
53. Le fusillé, op. cit.,p. 86 ss.
54. BDIC F° A res 196/2.
55. Lettre du secrétaire général LDH à BM, 2 avril 1919, BDIC F° A res 196/2.
56. Le combat « réhabilitationniste » n'est pas notre sujet: nous ne le rappelons ici que pour rendre compréhensible le deuil de Blanche Maupas. Sur la campagne de réhabilitation dans son ensemble, on se reportera à l'excellent article de Nicolas Offenstadt, « Construction d'une “grande cause“: la réhabilitation des “fusillés pour l'exemple “ »,RHM.,janviermars 1997, pp. 69-85. Et du auteur, même: Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), Paris, Éditions Odile Jacob, 1999, 281 Google Scholar.
57. Lettre de Blanche par Roger Monclin, citée, Les damnés de la guerre. Les crimes de la guerre et de la justice militaire, 1914-1918, Boulogne, Union pacifiste de France, 1978, 169, p. 26 Google Scholar.
58. Jacqueline Laisné,op. ci.,p. 10.
59. Carte du 23 mai 1921, BDIC F° A res 196/2.
60. BDIC F° A res 196/2. En octobre 1923 en revanche, si le liseré noir subsiste, il n'est plus fait référence au fusillé de Souain. Blanche adopte alors la formule : « Madame Maupas- Directrice d'école, membre du conseil départemental de la Manche, membre de la commission permanente du syndicat national. » Et elle rajoute à la main : « Vice-présidente de la section de la Ligue des droits de l'homme-Avranches ».
61. Nicolas Offenstadt, art. cite, p. 72.
62. Lettre du secrétaire général LDH à Blanche, 8 décembre 1920, BDIC F° A res 196/2.
63. Le fusillé, op. cit.,p. 125.
64. L'Humanité.,13 juin 1921, BDIC F° A res 196/2.
65. Lettre de Blanche au secrétaire général LDH, 2 février 1923, BDIC F° A res 196/1.
66. Lettre de Blanche au secrétaire général LDH, 25 juin 1923, BDIC F° A res 196/1.
67. Ibid.
68. Lettre de Blanche au secrétaire général LDH, 27 juillet 1923, BDIC F° A res 196/1.
69. Robineau, Lettre de Blanche à, conseiller général, président de la LDH de l'Aisne, Le démocrate de l'Aisne, 13 Janvier 1924, BDIC F° A res 196/3 Google Scholar.
70. Le Rappe.,11 août 1923. L'article que nous allons suivre est dû à René Parod : « A propos des martyrs de Souain […]. Détails complets sur la cérémonie de Sartilly ».
71. Ibid.
72. Ibid.
73. Ibid.
74. Ibid.
75. Ibid.
76. Le fusillé, op. cit.,p. 164.
77. Ibid.,pp. 175-176.
78. Ibid.,p. 164.
79. Ibid.,p. 177.
80. Ibid.,p. 204.
81. Ibid.,p. 208.
82. Ibid.,p. 211.
83. Ibid.,p. 212.