Jusqu'a une date très récente l'usage du gnomon chez les Bambara du Soudan français était, on peut dire, général. Il se trouvait presque sans exception dans tous les villages des masa dont les attributions et le rôle dans la société bambara, malgré des travaux importants consacrés à cette ethnie, sont loin d'être exactement connus. Actuellement, l'influence musulmane, comme aussi le contact avec notre civilisation, ont fait disparaître l'emploi de cet instrument astronomique; les vieux Bambara n'en parlent plus que comme d'une chose du passé. Mais la mémoire des informateurs très divers est vive à son endroit, et, sans rien vouloir exagérer, il semblerait qu'il s'agisse là d'un des plus vieux et des plus authentiques édifices de la civilisation Noire.
page 126 note 1 On prend souvent le mot masa comme synonyme de fama (roi), cf. par exemple, Mgr Bazin, H., Dictionnaire Bambara-Français, Imprimerie Nationale Paris, 1906, p. 185Google Scholar, au mot Fama; cependant les notions auxquelles réspondent ces vocables sont très différentes.
page 126 note 2 II va de soi que cegnomon offre de très nombreux types quant à certains de ses éléments. Nous nous limitons intentionnellement dans cet article à l'une de ces variantes.
page 126 note 3 Bien qu'appelé masa dyginye, le wati dyati est à distinguer d'un autre grenier propre au masa et qui est dit lui aussi masa dyginye.
page 126 note 4 Ces mesures ne sont pas à considérer selon la rigueur de notre système métrique.
page 126 note 5 Le pied (sendegenya) bambara mesure vingt-cinq centimètrès.
page 126 note 6 La coudée (nongo) mesure environ cinquante cen timetrès. Les informateurs établissent un rapport qui nous échappe entre la longueur et la largeur du séko.
page 126 note 7 Pour indiquer le diamètre les Bambara disent: ‘la grande largeur du dedans du grenier (dyginye kono na ba)’, ou: ‘le grand milieu du grenier (dyginye tyamandye ba)’. Le rapport entre la circonférence le diamètre du grenier donne à π une valeur sensiblement supérieure à 3.1416.
page 127 note 1 Deux en karité (butirospermum Parkii) et deux en n'guna (sclerocarya Birrea).
page 127 note 2 Le blanc étant le fond sur lequel on trace ces dessins, on laisse un espace entre les cercles noirs et les cercles rouges, ce qui fait apparaître les cercles blancs entre les deux autres couleurs.
page 127 note 3 D'après nos informateurs le silo abrite deux cent quarante paniers de mil (200 en notre compte, car le cent bambara est égal à 80). Le panier-unité pour cette opération est le seki, récipient tronconique, dont le diamètre du fond mesure une coudée, celui de l'ouverture: une coudée et demie, et la hauteur de I'arête: vine coudée et demie. Thébriquement le grenier ne pourrait abriter que quatre-vingt-treize de ces paniers, environ. Disons, cependant, que le mil y est entassé à l'aide du pilon; par ailleurs, étant obligés d'exprimer en unités métriques les unités de mesure bambara, nos calculs n'offrent qu'une approximation relative par rapport à la réalité.
page 127 note 4 Cf. Zahan, D., La notion d'écliptque chez les Dogon et les Bambara du Soudan français, Communication faite au 3émeCongres International des Africanistes de l'Ouest, 12–21Google Scholar décerhbre 1949. Le présent article a fait I'objet également d'une communication à ce meme Congrès.
page 128 note 1 L'angle formé par chaque extrémité avec les arêtes Est et Ouest du cylindre sont les quatre coins du monde (dyen seleke nani, litt., monde coins quatre) appelés en bambara: baba koro seleke (angle Nord-Est), baba tlebi seleke (angle Nord-Ouest), banin koro seleke (angle Sud-Est), banin tlebi seleke (angle Sud-Ouest). Remarquons, cependant, que l'expression bambara dyen seleke nani qu'on serait tenté de traduire par ‘points cardinaux’ peut être prise dans deux sens: pour un observateur qui serait placé au centre du monde les ‘quatre coins’ sont ceux formés par les diagonales fictives du carré de la terre; pour celui, par contre, qui se mouverait sur les cotes de la surface du monde, ils sont les sommets mêmes du polygone terrestre (cf. Zahan, D., La notion d'orientation chez les Bambara et les Dogon, à paraître).Google Scholar
page 128 note 2 II est intéressant de noter au sein de la même collectivité la coexistence de ces diverses façons de diviser l'année. Celle-ci est dite avoir deux, trois ou quatre saisons selon qu'on veut déterminer, entre autres, des moments de plus en plus précis du temps compris entre deux phénomènes météorologiques consécutifs importants et durables, tels que: averses, chaleur humide, froid, chaleur sèche. Toutefois, la division fondamentale est celle régie par le sec l'humide qui partagent, en gros, l'année en deux moitiés égales: saison des pluies, saison sèche. Cette division du temps se rencontre non seulement chez les Bambara mais également chez les Dogon, chez les Mossi, et elle est sans doute commune à toute la partie de l'Afrique soumise au même régime climatique que celle où vivent les peuples mentionnés cidessus.
page 128 note 3 Nous avons recueilli des documents sur plusieurs types de greniers-gnomon. II résulte de la comparaison de ces documents que les données astronomiques représentées sur le gnomon le sont au moyen de divers éléments architecturaux. Les vingtsept mansions lunaires, par exemple, sont symbolisées tantôt par vingt-sept solives, tantôt par les vingtsept cercles coloriés. De même, les douze mois sont indiqués soit par les douze pierres, soit par douze cercles peints sur le corps du grenier.
page 129 note 1 On ne saurait trop insister sur l'importance de ces trois couleurs dans nombre de populations de l'Afrique; ce sont les teintes fondamentales. Autrefois, les colporteurs de cotonnades ne véhiculaient sur les marchés que les fils blancs, rouges et noirs Par ailleurs, toute la ritologie vestimentaire est commandée par les idées cosmologiques sous-jacentes à ces trois couleurs; les rites sacrificiels eux-mêmes ne sont pas exempts de leur emprise (plumes, poils et peau des victimes sont des ‘habits’). II en est de même de la ritologie cathartique.
page 129 note 2 Nombre destitutions et d'activités sociales sont régies chez les Bambara, tout comme chez d'autres populations africaines, par les phases et les positions périodiques de certaines planètes. Le cycle de la circoncision, par exemple, est commandé par le retour de Vérms (sigi dolo) à son plus vif éclat durant son élongation orientale, période où Vénus est étoile du matin. Les phases des planètes et leurs positions sont déterminées par leur éclat vif ou terne.
page 129 note 3 C'est-à-dire 360 selon notre compte. L'année bambara compte en effet 360 jours, comme l'année dogon. Cf. Ganay, S. de, ‘Notes sur la théodicée bambara’, Revue de I'Histoire des Religions, Paris, avril-juin 1949, p. 209Google Scholar ; Zahan, D., Aperçu sur la pensée théogonique des Dogon, Cahiers Internationaux de Sociologie, Paris, avril-juin 1949, p. 124, n. 25.Google Scholar
page 129 note 4 Dix, qui dans le système arithmétique soudanais (Bambara, Dogon, Mossi) se réduit à un, est toujours un recommencement.
page 129 note 5 Le véritable propriétaire du silo est le masa. Celui-ci en confiait la garde à un fils de captif (le woloso) qui recevait le titre de ‘propriétaire du grenier (dyginye tigi)’.
page 129 note 6 D'autres mesures étaient prises à l'aide de ce gnomon ou à l'aide de gnomons plus primitifs, semble-t-il, à d'autres moments du jour. Dans l'état actuel des enquêtes, il semblerait que ces dernières mensurations soient des essais d'arpentage de l'espace cosmique.
page 130 note 1 Ce problème seta traité dans notre étude sur l'espace et le temps chez quelques populations du Soudan français.
page 130 note 2 Cf. Zahan, D., Aperçu sur la pensée théogonique Dogon, p. 130 et n. 46.Google Scholar
page 130 note 3 On peut se demander si, chez les Dogon, le grenier qui laisse apparaître la structure sociale et le système philosophique et religieux de cette population (cf. Griaule, M., Dieu d'eau, Éditions du Chêne, Paris, 1948)Google Scholar n'est pas lui aussi un gnomon prodigieusement enveloppé dans le mythe. Par ailleurs, des enquêtes récentes menées chez les Mossi, tendent à attester, à présent même, l'usage du grenier-gnomon.