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Déchiffrer les cahiers de doléances

Source, contextes et propositions d’économie politique (département de la Somme, 2018-2019)

Published online by Cambridge University Press:  20 September 2024

Stéphane Baciocchi
Affiliation:
EHESS-CRH/LaDéHiS [email protected]
Romain Benoit-Lévy
Affiliation:
Université Rennes 2/Tempora [email protected]
Simon Castanié
Affiliation:
Sorbonne Université/CRM-EHESS/CRH [email protected]
Simona Cerutti
Affiliation:
EHESS/CRH/LaDéHiS [email protected]
Pierre-Louis Sanchez
Affiliation:
Université Paris Cité/Centre de recherche sur les liens sociaux [email protected]
Emilia Schijman
Affiliation:
CNRS-ENS-EHESS/Centre Maurice Halbwachs [email protected]
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Dans un climat de crise manifeste des voies traditionnelles de représentation politique, les formes de communication directe entre gouvernants et gouvernés suscitent de plus en plus l’intérêt des sciences sociales. Partant d’un ensemble de cahiers de doléances ouverts dans la Somme entre fin 2018 et début 2019 dans le contexte de la mobilisation des Gilets jaunes, cet article prend le parti d’interroger ces cahiers comme une source à part entière, et non pas simplement comme un contenant d’informations. Cela implique d’examiner les liens étroits entre le support et le contenu en mobilisant nos différentes compétences disciplinaires (histoire, sociologie, cartographie, statistique). Cette recherche permet de dégager l’autonomie relative de ce corpus à l’égard d’autres formes de mobilisation, d’identifier les contextes de production des doléances ainsi que les contraintes qui sont liées à cette forme spécifique de communication avec les autorités. L’analyse de quelques thèmes centraux – le travail, la pauvreté et l’impôt – nous introduit à des idéaux de redistribution et de justice sociale qui sont au cœur de ces écrits. Nous essayons enfin de décrire les contours de cette communauté que les doléances dessinent, avec ses ayants droits et ses exclus.

At a moment of crisis for traditional channels of political representation, direct forms of communication between governors and governed are increasingly attracting the interest of the social sciences. Based on a collection of cahiers de doléances (registers of grievances) opened in the Somme between late 2018 and early 2019 in the context of the Gilets jaunes protests, this article seeks to interrogate such documents as a source in their own right, rather than simply a container for information. A collaboration between six researchers, the article examines the close links between the form and content of these registers by drawing on the authors’ various disciplinary skills (history, sociology, cartography, statistics). This approach makes it possible to identify the relative autonomy of this corpus in relation to other forms of mobilization, as well as the contexts in which it was produced and the constraints associated with this specific form of communication with authorities. The analysis of some central themes-work, poverty, and taxation-brings to light the ideals of redistribution and social justice at the heart of these texts. Finally, we attempt to describe the contours of the community represented in the grievances, from those who are incorporated to those it excludes.

Type
Participation et citoyenneté
Copyright
© Éditions de l’EHESS

À la fin de l’année 2018, à Amiens, dans le désordre apparent d’une armoire de la préfecture de la Somme fait de dossiers de police administrative et de rapports sur la laïcité, commence à se former une pile de « cahiers de doléances ». Envoyés par les maires des communes du département, ces cahiers, enregistrés au fur et à mesure de leur arrivée dans un tableur, sont stockés dans l’attente de consignes du gouvernement. L’attention des fonctionnaires de la préfecture se porte alors ailleurs : non loin de là, les ronds-points sont occupés par des Gilets jaunes, puis démantelés par les forces de l’ordre, puis occupés de nouveauFootnote 1. Pour canaliser la protestation qui secoue le pays, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) avait appelé les élus à recueillir les doléances au début du mois de décembre 2018Footnote 2 ; l’initiative sera reprise en janvier par le président de la République Emmanuel Macron dans le cadre de ce qu’il proposa de nommer le « grand débat national »Footnote 3. Au total, dans tout le pays, 16 337 communes vont ouvrir des cahiers de doléances, plus ou moins noircis entre décembre 2018 et mars 2019 – évaluation a priori largement sous-estiméeFootnote 4.

À cette époque, l’une d’entre nous, sociologue, mène une enquête sur les requêtes adressées par les citoyens aux autorités de l’État à partir de 2010. Fréquentant les locaux de la préfecture de la Somme, elle voit arriver au fil des semaines de nouveaux cahiers de doléances. Sur le vif, une question s’impose : entre ces requêtes et ces cahiers, y aurait-il continuité ? Est-il possible de repérer entre ces deux formes des points de luttes et des formulations de problèmes convergents ? Les profils sociaux similaires des rédactrices et rédacteurs de ces textes sont-ils identiques ? De proche en proche, elle rassemble un jeu de 24 cahiers dont deux concernent la ville d’Amiens, peuplée de 130 000 habitants, les autres venant de communes comptant de 100 à 10 000 habitantsFootnote 5.

Un an plus tard, en avril 2020, ces cahiers sont présentés lors d’un séminaire de recherche consacré aux différentes typologies d’adresses à l’autoritéFootnote 6. Coordonnées par un historien contemporanéiste et une historienne moderniste, les séances explorent un ensemble de matériaux à travers lesquels des individus ou des groupes établissent une relation directe avec les autorités : plaintes, suppliques, dénonciations, lettres anonymes, requêtes. À visée comparative et interdisciplinaire, le séminaire rassemble historiennes, historiens et sociologues autour de questions communes : tout le monde peut-il légitimement s’adresser à l’autorité ? L’adresse implique-t-elle une forme particulière d’écriture, un choix des thèmes mis en avant ? Quelles sont, en outre, les configurations sociales qui se dessinent à travers ces requêtes ?

Ces questions n’avaient pas encore été soulevées au sujet des cahiers de doléances de 2018-2019. Surtout, la source « cahier de doléances » avait été directement associée à la mobilisation des Gilets jaunes ou au grand débat national, qui retenaient l’attention de nombreux sociologues. Pourtant, les cahiers avaient parfois été ouverts précocement dans certaines mairies, indépendamment de l’occupation des ronds-points. Prise dans le triple étau de l’assimilation aux Gilets jaunes, de la comparaison historienne avec les cahiers de 1789 et de l’organisation du grand débat national par le gouvernement, la spécificité de ces cahiers de mairie a finalement été négligée, ou à peine mentionnéeFootnote 7.

Notre premier geste a été de nous confronter à la matérialité de la source qui se présente sous la forme de cahiers Footnote 8. Inégalement remplis d’une commune à l’autre, ceux-ci vont de quelques lignes à plusieurs centaines de contributions, pour la métropole d’Amiens. Au sein d’un cahier, une doléance peut tenir en une phrase comme s’étaler sur plusieurs pages. Manuscrite ou dactylographiée, elle peut avoir été rédigée directement dans le cahier ou insérée par collage ou agrafage. Elle peut, de plus, être anonyme, signée, individuelle ou collective et se présenter sous forme de liste, de lettre ou de propositions rédigées. Cette variété de formes graphiques impose un travail d’identification pour transcrire ou compter les doléances au sein des cahiersFootnote 9. Par doléance, nous entendons l’unité constituée par une contribution, rattachée à une même graphie ; c’est pour nous l’unité de base.

Face à la variété matérielle des cahiers, nous nous sommes astreints à un recensement méthodique afin de répondre à quelques questions élémentaires. Où ces cahiers ont-ils été ouverts ? À quelles dates et pour quelle durée ? Sous quelles formes ? Nous avons donc collecté et analysé les 162 cahiers ayant reçu des contributions qui ont ensuite été versées aux Archives départementales de la Somme ou aux Archives nationales, et leurs 978 doléancesFootnote 10. Des indices de leur chronologie sont donnés par les dates inscrites par les contributeurs ou par les tampons apposés par les maires. D’autres sources, telles les statistiques préfectorales et les informations tirées de la presse régionale, nous ont ensuite permis de réinsérer ces écrits dans le contexte plus large des différentes formes de mobilisation à l’échelle de la Somme.

Dès lors qu’on ouvre les cahiers, un autre contexte d’analyse émerge encore en raison de l’effet cumulatif des doléances. L’apparence routinière de la source offre ainsi des indices précieux. Chaque requête est à la fois une communication singulière et une contribution à un corpus. Répétition et redondance donnent à voir, comme grossies à la loupe, les règles de légitimité qui agencent cet échange asymétrique entre gouvernants et gouvernés. Comme toute adresse à l’autorité, les requêtes sont des sources dialogiques ; elles ne peuvent se lire qu’à l’intérieur d’une relation dont le cadre est chargé de contraintes que nous avons cherché à déchiffrerFootnote 11. Reconstituer ces règles de légitimité permet de comprendre la présence ou l’absence dans les cahiers de certains thèmes et figures sociales : qui s’est senti autorisé à contribuer et qui a été exclu ou s’est senti exclu de cet exercice ? Quels sujets ont été considérés plus ou moins pertinents ? Se rendre en mairie pour contribuer à la rédaction d’un cahier collectif implique un certain nombre de compétences – savoir écrire, être informé de l’existence d’un cahier, connaître l’emplacement de la mairie, pouvoir s’y rendre, etc. – ainsi qu’un sentiment de légitimité à prendre part à un débat national autour de la gestion et de la redistribution des ressources collectives. Les cahiers dessinent une communauté d’ayants droit qui, on le verra, est sélective et propose ses propres hiérarchies et priorités.

Tous ces éléments nous ont conduits à faire des choix méthodologiques radicaux. Tout d’abord, travailler la source dans son ensemble. Nous aurions pu tenter d’en extraire des individus, des profils sociaux, des catégories socio-professionnelles, d’âge ou de genre pour dessiner, à travers ces opérations, une sociographie des rédacteurs. On s’y livrera dans une prochaine phase de cette recherche. À ce stade de l’enquête cependant, cette opération aurait effacé des éléments que nous considérons comme importants pour comprendre les cahiers de doléances, à savoir la forme donnée et prise par les textes, les manières de présenter les énoncés et d’établir des liens entre eux, les cohérences que l’on retrouve d’une contribution à l’autre, et les dialogues qui se nouent parfois entre contributeursFootnote 12. Nous avons ensuite considéré chaque contribution et chaque cahier comme une mobilisation en soi, une action située s’inscrivant dans un espace social qui connaît d’autres formes de mobilisationFootnote 13. En tant qu’acte d’écriture, les cahiers dessinent le contexte même dans lequel ils ont été produits et qu’ils contribuent à transformer. Texte et contexte s’entrelacent ainsi et ne forment pas deux niveaux d’analyse distinctsFootnote 14.

Nous commencerons par établir la chronologie fine et les différentes étapes d’ouverture de ces cahiers à l’échelle départementale, en lien avec les autres mobilisations qui leur sont contemporaines – en particulier les manifestations des Gilets jaunes et l’occupation des ronds-points, auxquelles les doléances font parfois directement référence. Il est pour cela nécessaire de déconstruire la séquence communément admise, largement édifiée autour du grand débat national, qui a effacé les traces des mobilisations antérieures. Notre travail révèle plutôt un chassé-croisé entre les premiers « cahiers de doléances » de décembre 2018 et les « cahiers citoyens » ouverts au cours du grand débat national en janvier 2019. Dans une deuxième partie, nous ferons une proposition de lecture de l’ensemble des cahiers. Nous interrogerons en particulier l’apparente dispersion des arguments et les raisonnements proportionnels qu’adoptent les contributeurs afin d’étayer une répartition équitable des ressources. La place saillante de quelques thèmes – le travail, la pauvreté et l’impôt – nous introduit à des idéaux de redistribution et de justice sociale qui sont au cœur de ces écrits. Enfin, nous essaierons de décrire les contours de cette communauté dessinés par les doléances, avec ses ayants droit et ses exclus.

Situer les cahiers de la Somme

Les cahiers de doléances sont installés en mairie quelques jours avant que la préfecture n’entreprenne de démanteler les ronds-points. La chronologie est importante. Dans la Somme, du 16 décembre 2018 au 21 janvier 2019, de Péronne à Flixecourt, huit des principaux campements et cabanes des Gilets jaunes sont évacués par les forces de l’ordre quand un se voit incendié par des inconnus. Les premiers cahiers de doléances connus sont ouverts les 7 et 8 décembre dans les mairies de petites et très petites communes : Quivières (144 habitants en 2019), Villers-Faucon (560), Rollot (770), Glisy (830), Saint-Ouen (1 830), Mers-les-Bains (2 700) et Ham (4 600)Footnote 15.

Aux sources des cahiers

L’ouverture des cahiers s’opère à l’échelon communal ; elle est de la responsabilité du conseil municipalFootnote 16. L’initiative est lancée par l’opération « Mairie ouverte » de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), qui appelle à installer en mairie des cahiers et invite les administrés à venir s’y exprimer, à l’oral comme à l’écritFootnote 17. Il ne semble pas y avoir, au niveau des mairies, de politisation partisane forte dans ce geste d’ouvertureFootnote 18. La logique semble davantage être celle de l’inscription dans des réseaux associatifs d’élus et, nous y reviendrons, de la présence ou l’absence de Gilets jaunes dans la commune. En plus de proposer d’ouvrir un cahier, l’AMRF met à disposition une couverture et un titre pour ces cahiers ; au total, 11 communes ouvrent un « Cahier de doléances et de propositions », en reprenant la couvertureFootnote 19. Ce sont des collectifs, et avant tout des Gilets jaunes, qui se saisissent les premiers de ces cahiers. Ces derniers avaient été les premiers à rédiger collectivement des doléances sur les ronds-points, portant essentiellement sur la mise en place du « RIC », le Référendum d’initiative citoyenneFootnote 20.

Interrogé la semaine suivant la mise en place d’un cahier à Ham, le maire constate qu’il n’a « pas eu encore de retour des administrés ». « Les seuls qui y ont répondu, ajoute-t-il, ce sont des Gilets jaunes, que j’ai rencontrés samedi dernier » – très probablement au rond-point stratégique situé à l’entrée de la ville. Même son de cloche à Rollot, où le maire, une semaine après l’ouverture du cahier destiné à « recueillir les griefs de la population », concède que « cela n’a pas l’air de passionner les foules » : « […] une seule personne est venue. Elle ne portait pas de gilet jaune mais voulait savoir ce qu’il se passait. Nous avons pu échanger également avec cette personne et elle a laissé deux propositions, sur la baisse de la TVA et la relance des investissements »Footnote 21. Au début du mois de janvier 2019, les cérémonies municipales de vœux sont l’occasion de rappeler les initiatives prises durant l’année passée et de souligner que l’ouverture des cahiers en mairie visait à répondre localement à la crise nationale des Gilets jaunesFootnote 22. C’est aussi l’occasion, comme le dit une maire au journaliste local, « [d’]admettre qu’il y a eu très peu de contributionsFootnote 23 » ou, à Saint-Valery-sur-Somme, que « [l]a participation est quasiment nulleFootnote 24 ».

À partir de janvier, l’ouverture du grand débat national vient relancer la participation. Annoncé dès le 10 décembre par le président de la République Emmanuel MacronFootnote 25, d’abord confié à la Commission nationale du débat public (CNDP)Footnote 26, puis finalement repris en main par la « mission du Grand Débat National », celui-ci débute officiellement le 15 janvier 2019Footnote 27. Le gouvernement oriente alors le débat autour de quatre thèmes principaux – transition écologique ; fiscalité ; démocratie et citoyenneté ; organisation de l’État et des services publics – tandis que des réunions peuvent être organisées localement par les associations et les mairies. Celles-ci sont invitées à ouvrir ou à laisser ouverts des cahiers de doléancesFootnote 28. Dans le même temps, l’Association des maires de la Somme (AMF80) continue à inciter les mairies à ouvrir des cahiersFootnote 29. Elle les interroge aussi, via un formulaire, sur le remplissage des cahiers, sur l’organisation de débats et les initiatives lancéesFootnote 30.

L’opération du gouvernement n’a pas le succès escompté. Le nombre de doléances rédigées après l’ouverture du grand débat national ne constitue que 60 % du total des doléances de la Somme. Sur toute la période d’ouverture, de décembre 2018 à février 2019, mis à part Amiens, les contributions sont peu nombreuses et espacées dans le temps. Au total, la moitié des cahiers ouverts contient moins de deux doléances.

Cette faible participation s’explique sans doute d’abord par les modalités de contribution. Celles-ci sont contraintes par le déplacement en mairie à des heures d’ouverture qui coïncident et entrent en concurrence avec celles de nombreuses activités professionnellesFootnote 31. Près de 80 % des 978 doléances que nous avons identifiées ont, en effet, été rédigées en mairieFootnote 32. Elles sont manuscrites et se distinguent de celles envoyées par courrier ou courriel à la mairie, qui les a ensuite imprimées ou recopiées. D’autres participants ont choisi un mode mixte, rédigeant leurs contributions sur l’ordinateur, pour venir les déposer ou les coller dans les cahiers. Comme les cahiers de suggestions ou de réclamations municipaux, auxquels il s’apparenteFootnote 33, le cahier de doléances se trouve généralement placé dans le hall d’accueil (fig. 1) ou au secrétariat de la mairie.

Figure 1 – Installation d’un cahier de doléances au guichet de la mairie de Ham

Légende : Photographie illustrant l’article d’Arnaud Brasseur, « Grand débat national : les cahiers de doléances remis aux préfets », Le Journal de Ham, de son canton et des cantons limitrophes, 20 févr. 2019. À cette date, quelques pages sont rédigées. La signalétique se caractérise par l’usage de la couleur jaune.

Les communes de Bray-lès-Mareuil et de Vaux-Marquenneville précisent « avec possibilité de s’asseoir »Footnote 34. La rédaction en mairie construit dès lors le cahier comme un espace commun offrant la possibilité d’un échange entre rédacteurs à travers les mots qui rebondissent, les questions et réponses qui s’enchaînent ou les commentaires laissés en marge. Dans les deux cahiers d’Amiens, les « +1 » marquant l’accord avec telle ou telle proposition sont nombreux (fig. 2).

Figure 2 – Exemples de reprises et de rebonds d’une doléance et d’un contributeur à l’autre

Légende : Vaux-Marquenneville, dol. 1 à 3, vue 1, ms., s. d. (à gauche) ; Amiens, dol. 31 et 32, vue 39, ms., s. d. (à droite).

Une contributrice débute même sa doléance par « À mon tour »Footnote 35, comme pour marquer une file d’attente et le partage d’une pratique aux guichets de l’administrationFootnote 36.

Ces interactions ne sont pas réservées aux cahiers bien remplis. D’autres contributions, sans se répondre, reprennent les mêmes formes scripturales de présentation, voire parfois les mêmes revendications, signe d’une rédaction inspirée par la lecture des précédentes propositions. À Senarpont, commune rurale à habitat dispersé de 630 habitants, les quatre contributeurs inscrivent tous leurs nom et prénom, leur adresse postale, avant de signer leur doléance. À Flixecourt, bourg rural de 3 200 habitants, trois doléances successives portent les trois mêmes revendications : « Rétablissement ISF ; Revoir les retraites ; Supprimer la TVA sur les produits de première nécessitéFootnote 37 ».

Si la grande majorité des cahiers sont proposés vierges, et ouvrent donc à une expression libre, quelques-uns sont des espaces d’expression contrainte, ou du moins encadrée. À Courcelles-sous-Thoix, le cahier est un assemblage de feuilles agrafées contenant un texte pré-imprimé demandant nom, prénom et adresse postale et laissant libre, pour le reste de la page, un champ intitulé « Votre intervention ». À Daours, trois colonnes ont été tracées au feutre noir, encadrant l’écriture. Il est demandé d’inscrire date, nom et « observations ». La présence de données d’identification est intimement liée aux formes de support choisies. On ne saurait dissocier les doléances de leurs cahiers.

Chassé-croisé chronologique

La dynamique des contributions doit aussi se mesurer à l’aune de la relance ou de la reprise en main par le gouvernement de ce mode de participation. Ce sont au moins deux mouvements d’ouverture que l’on observe pour les cahiers, et qui se retrouvent dans leurs intitulés (fig. 3a-b et fig. 4-5). La datation des cahiers et de leurs doléances est un exercice aussi difficile qu’indispensable pour ne pas s’en tenir aux chronologies officielles. Dater permet d’appréhender le rythme des diverses contributions et, surtout, le chassé-croisé entre, d’une part, les premiers cahiers issus des ronds-points ou de l’initiative des petites communes rurales et, de l’autre, la mise en œuvre du dispositif gouvernemental visant à produire des « cahiers citoyens ».

Figure 3a – Décompte des doléances datées

Note : Doléances pour lesquelles la date exacte est connue, n = 320 (33 %). En trait plein, le 8 décembre 2018, en pointillé, le 15 janvier 2019.

Connaissant la date exacte d’un tiers des doléances (fig. 3a), nous pouvons estimer que plus de 40 % de l’ensemble ont été formulées avant le lancement officiel du grand débat le 15 janvierFootnote 38. Lorsqu’on observe, d’une part, ces dates d’ouverture des cahiers et des premières doléances, et, de l’autre, celles des dernières doléances et de fermeture des cahiers (fig. 3b), on note que les deux mouvements se chevauchent chronologiquement aux alentours de cette date pivot du 15 janvier.

Figure 3b – Chassé-croisé chronologique : premières doléances, dernières doléances, décembre 2018-avril 2019

Note : En gris clair, les premières doléances datées inscrites sur chaque cahier ; en gris foncé, les dernières doléances datées. Nous estimons au 2/3 la part des cahiers ouverts avant le 15 janvier.

Il s’agit d’un moment charnière qui voit la fermeture d’une partie des cahiers de doléances ouverts en décembre et l’ouverture de nombreux nouveaux cahiers, moment qui s’accompagne d’ailleurs de la rédaction d’un nombre relativement conséquent de doléances. Pareil chevauchement chronologique (fig. 4) permet d’identifier non pas deux mais trois grands moments : 1) décembre 2018 ; 2) du 7 au 13 janvier 2019,en prévision de la tenue du grand débat ; 3) à partir du 15 janvier 2019, date officielle d’ouverture dudit débat. Dans l’ensemble, les participations sont scandées par l’ouverture de nouveaux cahiers et s’étiolent jusqu’à mars, par-delà le pic du 22 février, date de clôture officielle fixée par le gouvernement. Les rythmes de fermeture dépendent alors des mairies et, vraisemblablement, de la baisse de la participation.

La reconstitution chronologique du corpus permet de suivre la trajectoire de chaque cahier et d’observer les transformations à l’œuvre. Nous l’avons vu, l’utilisation de certains titres et pages de couverture est liée à des réseaux associatifs d’élus. À partir de leurs propositions, de celles du gouvernement, mais aussi des appellations qui circulent alors dans les médias, chaque mairie choisit et compose son propre titre, au gré des événementsFootnote 39. L’exemple du cahier ouvert à la mairie de Doingt-Flamicourt est probablement le plus abouti (fig. 4).

Figure 4 – Intitulés des « cahiers de doléances »Un exemple d’enchâssement du titre, surtitre et sous-titre

Note : Page de titre (extrait) du cahier « consultation doléances » ouvert à la mairie de Doingt-Flamicourt (déc. 2018). Numérisé (CC_80200_190225_80240_MD_10468) et archivé aux AD Somme, 196W3. Photographie de l’association Rendez les doléances !

Installé en décembre comme cahiers de « Doléances » ou « Consultation Doléances/‘Gilets Jaunes’ », il est par la suite surtitré, en janvier ou plus tard, « Grand Débat/National/2019 ». Ce nouveau cadrage emporte avec lui un autre ajustement : le cahier initial de « doléances » devient de « doléances […]/et/propositions ».

Les mairies ne se bornent pas à modifier ou enrichir l’intitulé des cahiers, et le tournant du 15 janvier est parfois plus radical. À Abbeville, un premier fascicule « Abbeville 1 » est intitulé « CAHIER DE DOLÉANCES DES GILETS JAUNES ». Le dernier écrit est daté du 15 janvier. Alors qu’il reste de la place, la mairie décide d’ouvrir ce jour-là un nouveau « Cahier de Doléances », avec comme mention manuscrite « Abbeville 2 » et une première contribution rédigée une semaine plus tard, créant une discontinuité entre les deuxFootnote 40. Si, dans certaines communes, les cahiers du grand débat prennent la place des « cahiers Gilets jaunes », la plupart conservent le même support, ce qui constitue une forme minimale de continuité, sinon de prolongement. De telles transformations permettent de rendre compte de la combinatoire que l’on observe, à l’échelle du corpus, dans l’intitulé des cahiers. Le syntagme « cahiers de doléances », le plus fréquemment observé, fait l’objet de multiples ajustements et appropriations locales dont l’essentiel tient dans un arbre où se trouvent résumées les différentes familles de titres (fig. 5).

Figure 5 – Intitulés des « cahiers de doléances »Composition, combinaisons et hybridations

Note : L’arbre est construit à partir de l’ensemble des titres des cahiers : à chaque élément de variation, on trace une branche, ce qui permet de visualiser les grandes familles d’intitulés. Dans l’exemple ci-dessus, on part de « cahier » et l’on décompose l’ensemble des titres.

De cet arbre des transformations possibles de l’intitulé « cahiers de doléances » ressort autant la plasticité de l’expression que sa forme matricielle en tant qu’adresse aux autorités. En considérant la dimension temporelle, on observe, d’une part, que le chassé-croisé chronologique est aussi un moment d’hybridation des différentes espèces de cahiers et, d’autre part, qu’au foisonnement des intitulés de décembre 2018 suit le recadrage organisé par les préfectures à partir du 15 janvier 2019. On a là, croyons-nous, un premier élément tangible et un critère solide pour constituer les cahiers en corpus.

Relecture de la séquence chronologique

La coïncidence chronologique entre le démantèlement des ronds-points et l’ouverture des cahiers de doléances en décembre 2018 interroge. S’agissait-il, en ouvrant ces cahiers de doléances, de déplacer le lieu des mobilisations citoyennes des ronds-points aux mairies, d’en changer et canaliser les moyens d’expression, ou bien, plus radicalement encore, d’en renouveler les acteurs ? Le témoignage oral, lors d’une audition au Sénat, d’un des protagonistes de l’initiative prise par l’AMRF est de ce point de vue précieux, notamment en raison de sa date, le 17 janvier, moment charnière dans le passage de la séquence des cahiers de doléances à celle du grand débat nationalFootnote 41. Son intervention résume bien le changement de pied et la perspective politique à l’œuvre au moment du lancement du grand débat :

Dès le mois de décembre, […] nous nous sommes rendu compte que nous étions confrontés à un mouvement de contestation important, marqué par les violences dans les rues de Paris, alors que dans nos villages les citoyens arboraient ces fameux gilets jaunes. Nous souhaitions donc que ces personnes non présentes sur les ronds-points, et qui ne se mobilisaient pas autrement qu’en affichant des gilets jaunes sur le tableau de bord de leur véhicule, s’expriment d’une autre façon.

La suite de son audition met en avant une pluralité d’acteurs qui, selon lui, risque de confisquer la parole aux populations des villages et de changer l’interprétation à venir sur l’origine de la crise :

Il importe de prendre en compte cette souffrance déclenchée par le prix du carburant et la limitation de vitesse à 80 km/h, avec en toile de fond un sentiment d’abandon. Depuis lors, l’origine du mouvement se perd petit à petit, et d’autres se sont emparés du débat. Nous voyons que la politique, les syndicats, les lobbies se placent en première ligne sur le sujet, au risque de recueillir, en mars prochain, des propositions très éloignées de l’origine de la mobilisation. […] C’est pourquoi nous espérons de tout cœur que les maires des départements s’empareront du grand débat, pour faire en sorte que les gens de nos villages s’expriment. Si cela n’est pas fait, nous risquons de nous retrouver le 15 mars [date prévue de la fin du grand débat], avec une synthèse qui ne correspondra en rien à l’origine de la crise Footnote 42.

Au-delà de cette glose politique se dégage la réalité d’une pluralité d’acteurs en concurrence autour de cette ressource politique que constituent l’expression des doléances et leur interprétation. Tout début janvier 2019, les origines, la forme, le public visé, l’identité des contributeurs, les lieux – ronds-points ou mairie –, les thèmes et le devenir des doléances sont autant de terrains sur lesquels se joue un conflit d’interprétation et de juridiction entre les autorités – maires, parlementaires, gouvernement, Présidence de la République – qui en sont les destinataires. Les cahiers ne restituent pas seulement une mobilisation par le bas, ils portent aussi la trace d’une mobilisation par le haut, celle d’autorités pour lesquelles l’organisation et la réception des doléances sont une source de légitimation. Même si les préfectures ont joué un rôle de plus en plus actif dans la collecte puis le traitement des cahiers, les maires, et notamment la figure du « maire rural », sont ici cruciaux dans leur positionnement par rapport au gouvernement et à l’ÉtatFootnote 43. Certains élus ont non seulement transmis, mais se sont aussi fait les porte-parole de leurs administrés, s’exprimant directement dans les cahiersFootnote 44.

Reste que la prédiction du représentant de l’AMRF suivant laquelle les interprétations à venir ne correspondront « en rien à l’origine de la crise » ne saurait être retenue comme hypothèse de travail. Plutôt que la recherche et la détermination des origines, plurielles et imbriquées comme l’indiquent les chronologies que nous avons pu reconstituer, nous interrogerons la place et le rôle des cahiers comme espace public de mobilisation relativement autonome entre, d’une part, les rassemblements de Gilets jaunes aux ronds-points des agglomérations et bretelles d’autoroute et, de l’autre, les réunions publiques locales à l’initiative des maires, adjoints et autres médiateurs locaux du grand débat national. Les cahiers de doléances s’inscrivent dans l’espace ouvert par ces deux pôles de mobilisation, et leurs énoncés, variés et composites, empruntent à l’un et l’autre pôle. On se condamnerait à les percevoir comme fragmentaires, cryptiques, voire parfois illisibles, si l’on ne considérait qu’ils participent d’une configuration où circulent, entre espaces de mobilisation, des griefs, des propositions, des slogans, des plaintes et d’autres énoncés plus explicitement politiques qui seront discutés dans la suite de notre article.

Des espaces de mobilisation qui se chevauchent

L’analyse statistique et cartographique permet de montrer, à grands traits, que les espaces de mobilisation Gilets jaunes, Cahiers et Grand débat national composent, sur le terrain, une mosaïque de situations à l’intérieur desquelles ont pris forme et sens les doléances. La dynamique d’ouverture des cahiers suit en effet un continuum du rural à l’urbain : si, en absolu, les cahiers ruraux sont beaucoup plus nombreux (n = 208) que ceux des villes (n = 26), les taux d’ouverture placent toutefois en tête les villes-centres, les petites villes et les bourgs ruraux (tab. 1).

Tableau et Carte 1 – Ouverture des cahiers, selon le degré de densité de la commune

Légende : Ensemble : Les 772 communes du département de la Somme.

Définitions : Chaque modalité du tableau a été construite à partir des gradients de densité de l’INSEE (« La grille communale de densité à 7 niveaux », 16 mai 2022). Notre catégorie « villes centre et agglomérations urbaines » regroupe les grands centres urbains et les centres urbains intermédiaires. « Communes rurales à habitat dispersé » est la fusion des communes rurales à habitat dispersé et à habitat très dispersé. Vu leur localisation sur la carte, les « ceintures urbaines » de l’INSEE ont été renommées « ceintures urbaines des villes centre ». Les deux dernières modalités – « petites villes » et « bourgs ruraux » – ont été directement reprises.

Pour chaque modalité, le taux d’ouverture rapporte le nombre de communes ayant ouvert un cahier sur le nombre de communes composant le département. Pour les bourgs ruraux, par exemple, il y en a 108 dans tout le département ; 66 d’entre eux ont ouvert un cahier. Cela correspond à un taux d’ouverture de 0,61, soit deux fois plus élevé que la moyenne départementale.

Significativité (Chi-2) : ***, p-value<0,001. Il y a bien interdépendance entre le type de ville et l’ouverture ou non d’un cahier.

Lecture générale du tableau : Les communes très urbaines et très denses – à l’exception de Camon, près d’Amiens – ont ouvert un cahier. Au sein de l’espace rural, les bourgs ruraux se distinguent par leur taux d’ouverture élevé, proche de ceux des petites villes. Ainsi, il serait réducteur d’opposer le rural et l’urbain, comme le montre le contre-exemple des ceintures urbaines, qui ont finalement peu ouvert de cahiers, en proportion. Pour comprendre la dynamique d’ouverture des cahiers, il faut prendre en compte la centralité des villes et des bourgs dans le continuum du rural à l’urbain.

Légende : Les aplats grisés indiquent les communes n’ayant pas ouvert de cahiers. Les triangles figurent les villes, petites villes et ceintures urbaines ; les carrés, les bourgs ruraux ; les cercles, les communes rurales à habitat dispersé. La taille des symboles est proportionnelle à celle de la population recensée en 2019.

Les communes rurales à habitat dispersé ont, en proportion, ouvert moins de cahiers que celles combinant centralité spatiale et densité de l’habitat. Ces deux dimensions sont décisives pour comprendre la dynamique de mise en place des cahiers dans les mairies. Elles le sont aussi pour rendre compte du nombre de doléances collectées. Plus de 70 % des doléances du département sont issues de ces places centrales. Elles constituent la trame d’une distribution spatiale par grappes (crt. 2a et tab. 2a) où l’on observe, de proche en proche, la constitution d’une vaste zone centrale – l’agglomération urbaine amiénoise et son pourtour de bourgs ruraux – et l’émergence de la Baie de Somme – l’agglomération de petites villes autour de Fressenneville, Le Crotoy et Mers-les-Bains à l’ouest, et la concentration autour du chef-lieu d’Abbeville.

Cartes 2a et 2b – Centralité, densité, mobilisations

Note: La taille des symboles est proportionnelle au nombre de doléances. Les triangles figurent les villes, petites villes et ceintures urbaines ; les carrés, les bourgs ruraux ; les cercles, les communes rurales à habitat dispersé. Les lignes de contours (isolignes) indiquent, par proximités décroissantes, les zones de plus ou moins grande intensité quant au nombre de doléances dans un rayon de 10 km à vol d’oiseau.

Légende: Les hachures orientées nord-est indiquent les communes où se sont mobilisés des Gilets jaunes (n = 36 communes pour 61 ronds-points ou points de blocage identifiés par la préfecture, les bulletins quotidiens de la société autoroutière Sanef ou la presse). Les hachures orientées nord-ouest figurent les 44 communes qui ont organisé des réunions publiques (n = 76) dans le cadre du grand débat national.

Une telle distribution spatiale resterait cependant muette si l’on ne tenait pas compte de l’espace politique des mobilisations ayant émaillé l’ensemble du département, entre décembre 2018 et janvier 2019. C’est précisément là où s’est tenue au moins une mobilisation – un rassemblement de Gilets jaunes, une réunion publique dans le cadre du grand débat, l’appui de l’AMRF – que l’on retrouve les cahiers les plus remplis (crt. 2b et tab. 2b, 2c).

Tableau 2a – Nombre de doléances, selon le degré de densité

Légende : Ensemble : Les 978 doléances du département de la Somme.

Lecture : 320 doléances proviennent des villes centre et agglomérations urbaines, soit près d’un tiers de l’ensemble.

Tableau 2b – Présence d’espaces de mobilisation et nombre total de doléances

Légende : Ensemble : Les 978 doléances du département de la Somme.

Lecture : 587 doléances du corpus se trouvent dans une commune prise dans au moins une forme de mobilisation (Gilets jaunes, débat, AMRF).

Tableau 2c – Présence d’espaces de mobilisation et détail du nombre de doléances

Légende : Ensemble : Les 234 communes du département de la Somme ayant ouvert un cahier.

Significativité (Chi-2) : ***, p-value<0,001. Il y a bien interdépendance entre la présence ou l’absence de mobilisation et le nombre de doléances au sein des cahiers.

Lecture : 58 cahiers ne contiennent qu’une doléance.

Lecture générale du tableau : Si l’on considère les communes du département ayant ouvert un cahier, celles prises dans un espace de mobilisation sont minoritaires ; elles représentent environ un quart de l’ensemble. Garder cela à l’esprit est important pour lire le tableau. Ce que l’on observe ici, c’est le franchissement d’un seuil. Parmi les 17 communes qui concentrent le nombre de doléances le plus important (10 ou plus), 15 sont connues pour avoir abrité au moins une mobilisation.

La présence de Gilets jaunes ou de débats locaux accroît le nombre de doléances individuelles et collectives en multipliant les espaces de discussion (tab. 2c). À Moislains, le cahier de doléances se présente comme un cahier « Gilet Jaune ». À Mers-les-Bains, petite ville d’un peu moins de 3 000 habitants, trois Gilets jaunes viennent résumer les doléances collectivement rédigées et débutent leur contribution par ce rappel : « ‘Les Gilets Jaunes des 3 villes sœurs’ au nombre de env 50 en semaine et le week-end près de 300Footnote 45. » À Moreuil, bourg rural de 4 000 habitants où deux ronds-points sont occupés, l’organisation d’une réunion publique en mairie par des Gilets jaunes, le samedi 5 janvier 2019, fait passer le nombre de contributions de 4 à 9 doléances, tandis que le cahier accueille les « Doléances des Gilets Jaunes de Moreuil », organisées en 13 revendications et signées par 20 personnesFootnote 46.

Il en va de même pour les espaces ouverts par les réunions dites « d’initiatives locales » du grand débat national. Leur organisation, parfois dans des communes marquées par la présence de Gilets jaunes, coïncide souvent avec l’ouverture d’un cahier et permet, dans d’autres cas, de revivifier des cahiers parfois peu investis. Ainsi du cahier de Tours-en-Vimeu, commune rurale de 800 habitants : ouvert le 10 janvier 2019, il reçoit une seule doléance le lendemain, avant d’en accueillir trois de plus le 9 février, date à laquelle est organisée une réunion dans la communeFootnote 47. Les conclusions de ce débat sont alors imprimées et intégrées au cahier de doléances.

Enchâssés entre les mobilisations de Gilets jaunes et les réunions du grand débat national, les cahiers se sont constitués comme un lieu de dialogue entre contributeurs, au croisement de différents espaces publics. Par-delà les changements d’appellation de la source et malgré la tentative de reprise en main par le grand débat national, la manière de participer et les thématiques ont peu changé. Les quatre grands axes de discussion proposés par le gouvernement parviennent d’autant moins à enrayer cette dynamique qu’elle est chronologiquement première et massiveFootnote 48 : les contributeurs sélectionnent des thèmes, reformulent les problèmes et mettent en avant d’autres sujets manifestement considérés comme urgents. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que les doléances construisent par elles-mêmes l’un des contextes pertinents pour leur analyse.

Des propositions d’économie politique

Dans la lecture des cahiers de doléances, sociologues, historiennes et historiens, nous l’avons vu, n’ont pas été les premiers interprètes, mais se sont vus précédés par des acteurs de terrain. Pour chaque département, un (sous-)préfet référent a été nommé pour suivre et coordonner le grand débat national et, dans ce cadre, produire un rapport. Si celles et ceux qui rédigent des doléances font appel à l’autorité du chef de l’État, ce (sous-)préfet s’adresse, lui, au préfet référent du grand débat nationalFootnote 49. Chaque production, chaque document est ainsi toujours dialogique, pris dans une chaîne d’adresses à l’autorité.

Ce rapport de synthèse de cinq pages donne une vue d’ensemble sur les cahiers et les débats qui ont été organisés dans la Somme. Il recense les thématiques suivantes : « Le maillage des services publics sur le territoire ; le train de vie (supposé) des élus locaux et nationaux ; la participation citoyenne (plus de démocratie et moins de parlementaires) ; la mobilité et les transports. » Le sous-préfet conclut sur l’existence « d’une masse d’informations intéressantes et conséquentes à étudier, même si nombre de demandes relèvent de l’utopie ou sont contradictoires ». Ces manifestations expriment selon lui « davantage une contestation brute que des propositions alternatives ».

La place centrale faite à certains thèmes comme la colère ou la défaillance des services publics doit probablement être lue à la lumière de la position occupée par le préfet lui-même dans une chaîne de communication avec sa hiérarchie. Est mis en avant ce que l’on considère comme important de porter à l’attention de son propre interlocuteur. La lecture du préfet, dans la tradition d’esprit public Footnote 50, considère ces cahiers comme des inventaires de thèmes et des points critiques, expression et thermomètre de l’opinion publiqueFootnote 51.

Ce n’est pas notre lecture. Comme nous l’avons écrit, nous avons considéré chaque contribution non pas comme un simple réceptacle de données, ni comme l’expression de groupes sociaux qu’il s’agirait de débusquer (ou, du point de vue du préfet, de surveiller), mais comme des formes de communication avec une autorité, moulées dans un cadre de légitimité, de références partagéesFootnote 52. Cette légitimité ne se réduit pas à la possibilité de s’engager dans une communication verticale avec le président de la République, mais elle concerne aussi la relation horizontale avec la communauté dont on est issu et, partant, la possibilité et la capacité de se faire le porte-parole d’un intérêt collectif.

Nous avons ainsi été attentifs à ce qui était pris en compte par les rédacteurs, sans juger les énoncés qui pouvaient paraître contradictoires (à la manière du préfet) ou incomparablesFootnote 53, en interrogeant, au contraire, le caractère à première vue incongru des associations et des rapprochements faits par les acteurs, pour comprendre les logiques de leurs références.

Un monde en commun

Remarquons d’abord l’existence, au sein des cahiers, de deux registres distincts. Le premier exprime une relation conflictuelle vis-à-vis de la classe politique tout comme la distance qui sépare rédacteurs et rédactrices des membres de cette dernière. « Qu’ils prennent le bus, écrit-on à Amiens, ils se rendront compte des difficultés des citoyens (qu’ils paient parking comme moi !)Footnote 54. » Ou encore : « Les économies commencent par vous, représentants et non pas à taper sur le peupleFootnote 55. » La teneur parfois agressive, ironique, combative des écrits est peut-être à l’origine de l’appréciation du sous-préfet qui évoque la « contestation brute » des cahiers. Ce registre est pourtant loin d’être le plus fréquent.

Le second registre est beaucoup plus nourri. Une majorité de doléances se présente comme une forme de collaboration entre les rédacteurs et les autorités à qui les écrits s’adressent.Si la classe politique est perçue comme une élite éloignée, l’État, au contraire, est très proche, dans la mesure où il est l’affaire de tous. Les doléances manifestent une forme d’attachement à l’État qui s’exprime par une implication directe dans les affaires publiquesFootnote 56, une vigilance sur leur gestion, suscitant souvent de vives critiques. Le registre le plus fréquent est celui de l’avis, de la proposition. Le rédacteur ou la rédactrice répond à ce qu’il ou elle a interprété comme une demande de conseil : « La méthode suivie pour les élaborer [les réformes] doit être complètement revue […] on pourrait utilement s’inspirer des procédures suivies lors des enquêtes publiquesFootnote 57 » ; « En vue des échanges pour des propositions de transformation de notre vie collective, voici quelques propositionsFootnote 58 ». Ou encore : « Je me permets de revenir sur quelques pistes souvent évoquées ou pas ces derniers mois […] pour trouver des compromis qui recueillent un maximum d’adhésionFootnote 59. »

Les contributeurs se placent ainsi sur un pied d’égalité vis-à-vis des gouvernants en affichant une compétence, une légitimité à discuter des ressources communes. Leurs écrits sont adressés à une communauté d’ayants droit vis-à-vis de ces ressources autant qu’aux gouvernants. Un effort est fait pour relier sa voix à la condition des autres. Aussi ne s’agit-il pas de parler de dépenses particulières, mais des coûts communs à tous : taxes, carburant, électricitéFootnote 60. La compétence affichée sur ces différents terrains politiques ou économiques – les affaires de l’État – n’est pas présentée comme un attribut individuel, qui serait lié à une expérience d’études, de travail, de titres, etc. Il s’agit plutôt d’un savoir relationnel, renvoyant au registre d’une appartenance, d’une inscription dans des réseaux d’obligations mutuellesFootnote 61 : « Je ne suis pas un spécialiste, qu’un Français qui aimerait enfin voir les Français partager le pouvoirFootnote 62. »

Plusieurs moyens sont déployés pour invoquer cette communauté d’ayants droit. Y concourent les très nombreuses références à une culture politique nationale que l’on suppose évidemment partagée. Principes énoncés par le général de Gaulle, références rapides à des politiques publiques, usage courant de sigles pourtant difficilement intelligibles au-delà d’un cadre nationalFootnote 63, faits d’actualité ou discour prononcés par le président de la République, tout cela est présent comme autant de clins d’œil à des savoirs communs qu’il suffit d’évoquer pour qu’ils soient compris.

Une place de choix est faite, sans surprise, à la révolution de 1789, dont les références, très fréquentes, sont encouragées par la dénomination « cahier de doléances » qui a été choisie pour désigner cette opération de communication avec l’autorité. La mairie elle-même, parfois, tient à établir cette continuité, tel que le montre l’image choisie comme couverture du cahier de Toutencourt (fig. 6)Footnote 64.

Figure 6 – Couverture « révolutionnaire » du cahier de Toutencourt

Note : La couverture du cahier de Toutencourt, conçue et fabriquée pour l’occasion : entre texte repris des couvertures proposées par l’AMRF et iconographie révolutionnaire.

Les renvois à la nuit du 4 août sont multiples et plusieurs rédacteurs proposent de : « [f]inir ce que 1789 n’a pas fini. À savoir abolition de tous les privilègesFootnote 65 ». Les principes révolutionnaires sont évoqués pour servir d’instruments d’analyse du temps présent :

« Liberté, égalité, fraternité » la devise de la France que nous envient même certains pays malheureusement cette belle devise est loin d’être respectée. C’est pour cette raison, que l’on est obligé d’avoir recours aux cahiers de doléances comme au moment de la Révolution française Footnote 66

[…] quelqu’un de plus intelligent que moi a dit que l’on ne peut envisager l’avenir si l’on ne connaît pas son passé. Les cahiers de doléance ont déjà existé (1788). Louis XVI les a lus […] et il n’a pas donné suite. On connaît les événements qui ont succédé Footnote 67.

Cette connaissance des « événements qui ont succédé » est le présupposé sous-jacent de l’écriture des doléances, qui en fait des textes à lire « entre nous », adressés à une « communauté de semblables » partageant des références, des expériences d’un monde commun. En outre, ce « monde commun » se donne à voir et se construit dans le même temps, à travers des jugements qui convoquent un public rallié autour d’un même événement. Le langage de la honte, du scandale, de l’indécence, très présent dans les doléances, joue ce rôle fédérateur, chacun des trois termes faisant appel à un sens commun de ce qui est nuisible au plus grand nombreFootnote 68. La honte est convoquée, par exemple, lorsqu’il est question des écarts de revenus, de la disproportion tant des salaires que des retraitesFootnote 69 : « Les augmentations des salaires ministériels & autres institutions d’État sont obscènes quand une majorité survit avec le Smic & en dessousFootnote 70. » Les avantages et privilèges des parlementaires, des ministres et des présidents sont tout particulièrement visés. La honte et le scandale s’opposent à l’exemplarité que l’on devrait attendre des représentants politiques : « Aujourd’hui, les notions de dignité, de travail et de respect n’ont qu’une valeur relative. Ne dit-on pas que l’exemple vient d’en haut ? » ; « La sueur de ces personnages [hauts fonctionnaires] vaut-elle 10, 20 fois celle du premier échelon d’un employé de la voirie, sans parler d’autres gratifications non imposées ? » D’autres appellent à « [c]esser ces privilèges accordés aux hauts fonctionnaires » : « [I]l est normal que leurs rémunérations soient élevées mais arrivées à un certain seuil cela devient indécent sans compter les avantages qui vont avec »Footnote 71. Ou encore : « Des enterrement pour certains élus payer par l’État UNE HONTE et j’en passe ! À quoi bon avoir fait une Révolution il y a deux siècles. En fait cela n’a servie à rien. Égalité, Fraternité, égalité, ce n’est qu’une utopieFootnote 72. » Ce langage n’est pas l’expression d’une morale subjective, d’un emportement spontané ou de la colère dénoncée par le préfet dans son rapport. La honte et le scandale s’inscrivent dans un idiome politique ordinaire, qui met en avant la nature du monde en tant que monde commun et permet d’agir et de s’orienter dans l’espace publicFootnote 73.

Enfin, dans ce même registre du « commun », plus de la moitié des contributions sont anonymes ou, au mieux, suivies de simples initiales ou paraphes (tab. 3)Footnote 74.

Ces marques ne servent manifestement pas à identifier le rédacteur ou la rédactrice ; leur présence agit plutôt comme forme d’authentification de l’écrit, la dé-singularisation étant conçue comme une condition de sa légitimitéFootnote 75.

Tableau 3 – Statistiques sur les signatures des doléances

Légende : Ensemble : Les 978 doléances du département de la Somme.

Parmi les signataires, 208 laissent leur adresse postale ou électronique, et 26, parfois les mêmes, leur numéro de téléphone fixe ou portable.

En effet, on ne peut qu’être frappé par la rareté des indications de métiers ou professions (à l’exception notable des métiers d’utilité publique), quand les doléances, comme nous le verrons, parlent beaucoup de travail. De même, la forme grammaticale des énoncés fait obstacle à l’identification du genre des rédacteurs, car ceux-ci sont souvent rédigés comme des propositions infinitives ou comme des slogans (« rétablir l’ISF » ; « Revaloriser les retraites », « moins de députés »). Chacun de ces éléments contribue à cette laborieuse construction d’un monde commun auquel s’adressent les cahiers.

Raisonner en termes proportionnels

Les doléances se présentent souvent sous la forme de listes, c’est-à-dire de contributions organisées par points ou tirets pour introduire chaque demande. À la première lecture domine une impression, déroutante, de désordre : il semblerait presque que le contributeur passe du coq à l’âne tant les énoncés portent sur des thèmes a priori déconnectés les uns des autres, par exemple le montant de tel ou tel impôt, la dette publique, le salaire des hauts fonctionnaires, le pouvoir d’achat des retraités. Les enjeux semblent pulvérisés.

Il faut relire attentivement et de manière cumulative ces listes pour voir se dessiner des sortes de bilans comptables dans lesquels chaque ligne (dépenses de l’État, coût de la santé, distribution de l’impôt, etc.) est mise en relation et mesurée au regard des autres. Dans ce cadre, le montant trop important des salaires des hauts fonctionnaires peut soustraire des ressources à d’autres secteurs, telles la santé ou l’instruction. Tout est présenté dans les termes d’une juste proportion dans la redistribution des ressources publiques, par rapport à un « gâteau à partager » constitué par les ressources communes sur lesquelles chacun a le droit et la responsabilité de dire un mot. Un contributeur s’adresse à « Monsieur le président » le 5 janvier 2019 en lui indiquant :

Il serait préférable de diminuer les indemnités des ministres et des députés

- De supprimer les retraites des anciens présidents au-delà de 5 ans.

- Rétablissement de l’ISF

- Afin d’augmenter le pouvoir d’achat des retraités, des Handicapés, des Travailleurs payés au Smig.

- Suppression de la CSG pour les retraités et également nous désirons une mise en place du RIC Footnote 76.

Dans ce raisonnement proportionnel, ce dont il est question n’est pas une égalité entre les parties, mais plutôt une équité, une juste distribution, un équilibre entre celles-ci. L’enrichissement de l’une ne doit pas se faire au détriment de l’autre : « Retraite beaucoup beaucoup trop faible. 890 €. Trop de politiques payés beaucoup beaucoup trop cher. SMIG pas assez élevéFootnote 77. » On comprend mieux, dès lors, que l’on puisse souhaiter « […] que le salaire du président français représente la moyenne de tous les salaires des françaisFootnote 78 ». En outre, ce souci de proportion rend les textes très chiffrés :

Taux d’intérêt des livrets d’épargne A et LDDS : vous avez abaissé et bloqué jusqu’en 2020 ce taux à 0,75 % alors que l’inflation est pour 2018 fixée par l’Insee à 1,9 % sur un an en date de novembre 2019. Trouvez-vous normal de faire PERDRE de l’argent (1,15 %) aux épargnants qui sont pour une très large majorité d’entre eux des citoyens aux revenus très modestes ? Flat-Tax (PFU) : vous avez instauré cette flax-tax pour permettre de ramener la taxation des plus-values des valeurs mobilières et autres dividendes des nantis à un niveau INDÉCENT au regard des épargnants « ordinaires » […]. Trouvez-vous cela équitable Footnote 79 ?

Le terme « équité » comme l’adjectif « équitable » reviennent fréquemment. Dans ces écrits, l’équité est loin de renvoyer à l’idée vague de justice sociale. L’équité est le cadre de référence et la garantie d’un équilibre entre les différentes composantes du monde social (individus, groupes, institutions, territoires)Footnote 80. Elle est affaire de calcul, de proportion – et non pas d’égalité – entre des parties à la fois différentes et interdépendantes. Si, dans la citation précédente, les pourcentages concernent des objets dont la taille ou la nature paraissent incomparables, c’est que la redistribution est mesurée à l’aune des contributions versées sous forme d’impôt et de travail, et non pas sur les besoins des rédacteurs. Ceux-ci ne sont que très rarement évoqués, parce que la mesure des droits à la redistribution est définie par l’apport de chacun, non pas par ses nécessités.

Ce raisonnement proportionnel qui organise la forme des revendications est appliqué à une pluralité de terrains. On le retrouve aussi dans la considération de l’économie domestique. La demande d’une revalorisation conjointe des retraites et des salaires est reliée à des expériences de constitution et de gestion des ressources familiales. Celles-ci impliquent parfois plusieurs générations à travers l’aide des grands-parents à leurs enfants et à leurs petits-enfants :

Se voir traiter d’inactif, se faire prélever une part de sa pension pour payer le travail, soit ! Cela ne fait pas plaisir mais, soit ! Encore faudrait-il savoir que les retraités ne sont pas, pour la plupart, des inactifs à charge de la société. Ils s’engagent dans leur famille en venant en aide à leurs enfants et petits-enfants par des aides financières, par des aides de garderie voire d’éducation. Ils s’engagent dans la société civile, dans les associations communales, de quartier, culturelles, sportives, humanitaires, dans les conseils municipaux, les relations de voisinage […] Footnote 81.

Impôt, quelle ressource ?

Si l’impôt prend une place aussi importante dans les cahiers de doléances, comme tous les observateurs l’ont également remarqué, c’est parce qu’il est un lieu d’élaboration de ce raisonnement proportionnel Footnote 82. L’impôt est une mesure de la justice sociale, c’est-à-dire d’une répartition équitable des apports aux ressources communes et des droits à une redistribution de ces apportsFootnote 83. Sur ce terrain, le sentiment d’avoir affaire à des traités d’économie politique est flagrant. Un contributeur d’Amiens écrit : « Il n’y aura pas de justice sociale sans une plus grande justice fiscaleFootnote 84. »

Aucune des doléances que nous avons analysées ne demande l’exemption fiscale, et il n’est pas rare de retrouver des plaidoyers pour la conservation de l’impôt ; ce que l’on revendique est la réalisation du principe d’après lequel chacun doit donner selon ses possibilités et recevoir selon son apport à la caisse commune : « Pourquoi supprimer les impôts locaux ? tout citoyen doit participer au fonctionnement des communes, ne serait qu’une petite contribution ; par contre supprimer l’impôt foncier me semblerait plus logiqueFootnote 85. » Nécessaire, l’impôt doit alors peser sur tous : « Tout le monde doit payer l’impôt même si ce n’est que 1 ou 2 euros par mois. L’impôt est ce qui fait de l’individu un citoyen à part entière […]. Celui qui ne paye jamais rien ne se soucie pas d’économiser l’argent publicFootnote 86. »

Un lien très classique est ainsi établi entre le paiement de l’impôt et la participation à la chose commune, à la citoyenneté. Celui-ci est un signe essentiel d’appartenance, tel que l’indiquait la doléance citée plus haut : c’est « ce qui fait de l’individu un citoyen à part entière ». À l’inverse, ne pas payer d’impôts devrait empêcher l’accès à des droits citoyens, par exemple l’usage d’un espace public, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une firme. À Poulainville, le tout premier contributeur suggère d’« imposer les grandes multinationales comme tout le monde, payer des impôts en fonction de ses revenus à partir d’un euro ». Il conclut : « Les valeurs qui doivent compter aujourd’hui sont la justice fiscale et la juste rémunération des efforts »Footnote 87. L’impôt doit être prélevé de manière inégale, comme inégales sont les situations sociales des contributeurs. L’attachement au prélèvement tient précisément à sa capacité à corriger des écarts de situation trop importants, considérés comme disproportionnés, qui se font au détriment des « PETITS »Footnote 88, c’est-à-dire des « épargnants ordinaires », ou encore, des « retraités pauvres », des « fonctionnaires modestes »Footnote 89 :

Salaires de 1 à 20 au lieu de 1 à 40. Plus on gagne, plus on a d’avantages ! Un peu plus d’équité dans ce monde. Un peu plus de justice sociale. Plus de solidarité. Que veut dire Égalité, Fraternité et Liberté ? Rétablir les 14 tranches de manière que l’impôt soit progressif, plus on gagne plus on doit payer. Ce sont les actionnaires du CAC40 qui gagnent le plus, ce sont les plus riches qui ont tous les avantages (une profonde injustice). Supprimer les niches fiscales (c’est toujours les plus riches qui en bénéficient) […] Redistribution des richesses Footnote 90.

Ok pour les impôts, mais les impôts doivent être progressifs, réellement progressifs, et ne pas peser uniquement sur la classe moyenne Footnote 91.

C’est à partir de ces raisonnements autour de l’équité que les doléances, loin de se réduire à des jugements de censure, se présentent comme des propositions d’économie politique axées sur une juste redistribution et un bon usage des ressources. Plusieurs thèmes sont étayés par des arguments parfois très pointus et précis. Ainsi de l’attribution des aides sociales et de leurs montants, du minimum décent pour vivre, de l’affectation différenciée de l’impôt. À ce titre, nombre de contributeurs et de contributrices réclament une meilleure répartition des services publics entre villes et campagnes. Ceux-ci sont perçus comme la contrepartie légitime du paiement des impôts, une sorte de « propriété sociale » dont les cahiers dénoncent l’effritement. Les implications se lisent d’une doléance à l’autre. Voir disparaître « des écoles, collèges, lycées », ou encore des « hôpitaux, maternité, EPHAD, poste, trésorerie »Footnote 92, c’est bien sûr perdre l’accès à des services, mais aussi perdre des lieux de socialisation et d’apprentissage des droits par le partage d’informations, par l’entraide. C’est perdre un point d’ancrage de l’appartenance citoyenne, thème particulièrement saillant dans les doléances des communes rurales. La contribution rédigée par un adjoint au maire de Fransart, commune rurale de 148 habitants située au bord de l’autoroute A1, à mi-distance entre Amiens et Saint-Quentin dans l’Aisne, explique : « nous avons déjà 30 km pour l’hôpital, 7 km pour faire une photo d’identité, 20 km pour la sous-Préfecture, sans transport publicFootnote 93 ».

C’est une idée de citoyenneté contractuelle qui est avancée. Elle est plus liée aux biens et aux choses, à la contribution aux ressources communes, qu’à des idéaux, à des cultures nationales ou à la naissance et la filiation. Cette citoyenneté n’a rien à voir avec le droit du sang. C’est la participation à la construction d’un patrimoine commun et à sa gestion qui organise, selon les contributeurs, cette configuration sociale que nous appelons « citoyenneté »Footnote 94. Elle n’existe pas en dehors de ce lien matériel.

Travail et pauvreté

Dans les cahiers d’Amiens et de son agglomération urbaine, zones moins touchées par la disparition des services publics, le thème de l’accès à ces derniers est moins présent que d’autres points d’ancrage de l’appartenance citoyenne. À commencer par le travail qui, d’après les contributeurs, a perdu les prérogatives essentielles qui en avaient fait, jusqu’à des temps récents, un rempart contre la pauvreté. La définition qui est retenue de la pauvreté ne renvoie pas seulement à un certain niveau de richesse, elle est surtout associée à la dépendance aux aides socialesFootnote 95. L’aide représente la sortie de la réciprocité, du système d’interdépendances où chacun peut être traité à parité.

Si l’on revient sur le raisonnement proportionnel autour duquel les cahiers sont construits, on peut mesurer l’importance de ce qui est présenté comme une nouvelle expérience du travail. Les écrits dénoncent l’apparent paradoxe qui consiste à voir coexister pauvreté et travail ; ils réclament le « droit de vivre » de leur propre salaire : « Je voudrais une hausse du smic pour arrêter de survivreFootnote 96 » ; « Tout le monde doit pouvoir vivre décemment de son travail dans un pays comme le nôtre » ; « Je ne me reconnais plus dans cette France où je ne vis plus de mon salaire […]. Aujourd’hui, je demande le droit de vivre de mon salaire » ; « Je suis une travailleuse pauvre. Vraiment quotidiennement j’ai la sensation de ‘travailler à perte’ »Footnote 97. Les rédacteurs fustigent la rupture de ce que leurs écrits présentent comme un pacte : alors que le travail de chacun a contribué à la production d’une richesse commune, une juste contrepartie n’a pas suivi, et la menace de la pauvreté plane. « Sommes-nous condamnés à devenir de futurs pauvres ? », s’interroge ainsi un habitant de Vauchelles-les-Quesnoy, qui se décrit comme un « Français moyens à la retraite »Footnote 98.

Voici que la honte et le scandale reviennent – « Se retrouver pauvre parce qu’on est à la retraite, quelle honte » ; « 600 euros de retraite pour un français qui a travaillé toute sa vie ce n’est pas possible, c’est une urgence M. Macron à votre bon cœur, la charité ! »Footnote 99. Ici, l’ironie souligne la distance qui sépare le salaire et les retraites de la charité, et le droit de la bienfaisanceFootnote 100. Ailleurs, encore : « Monsieur président Macron, c’est une honte vous voulez enlever les Réversion que sa date depuis la génération de nos aînés. Les femmes veufs de quoi aurai était et pour vivre et le retraite augmentation de 3 % pour cent quel honte. On ne peux rien faire avec ça. Vous êtes pour les richesFootnote 101. »

Il n’est pas étonnant que ce soient surtout des personnes retraitées qui pointent du doigt ce qui est présenté comme un changement capital : une restriction non seulement des droits tirés du travail, mais aussi de la communauté des ayants droit aux prérogatives associées à ce travail. Un élément de plus si l’on voulait rendre compte de l’âge relativement avancé des rédacteurs des doléances. Ceux-ci prennent la parole à partir d’une situation qu’ils auraient connue et dans laquelle le travail remplissait un rôle protecteur. Ces déclarations font écho à ce que Robert Castel avait identifié déjà dans les années 1990 comme la métamorphose radicale du salariatFootnote 102 – la fin de ce « century of the labouring man », au cours duquel le travail stable faisait partie des attentes de tout un chacun, un moyen d’assurer une vie « digne »Footnote 103. Un passé qui paraît désormais révolu : non pas que le travail salarié ait disparu, mais il aurait perdu sa plausibilité en tant que solution universelle. À lire les cahiers, la condition de « travailleur pauvre » est de plus en plus répandue. L’expérience de la pauvreté n’est plus réservée aux exclus ou bien aux marginaux des univers productifs ; elle menace désormais ceux qui y sont inscrits à plein titre par leurs métiers et leur professionFootnote 104. Selon l’économie politique qui se dégage des cahiers de doléances, le travail, autrefois central, a perdu sa place dans le processus de redistribution. D’où l’importance prise, dans ces écrits, par le thème de l’impôt, terrain encore solide à partir duquel l’on considère pouvoir intervenir légitimement sur cette question.

Les conséquences de ces métamorphoses du travail ne sont pas que d’ordre économique. Elles impliquent la question des rôles à l’intérieur de la famille, des définitions de genre, ainsi que la place de chacun à l’intérieur de la communauté sociale et politique : la « national membership », pour le dire avec les mots de James Ferguson et Tania LiFootnote 105. C’est une raison supplémentaire pour laquelle cette appartenance à la communauté politique est largement évoquée dans les cahiers. Nous avons vu à quel point ceux-ci sont parsemés de références à la nationalité française ; contributeurs et ayants droit à la redistribution sont ainsi désignés en tant que membres de la communauté nationale : « Les français sont étranglés financièrement, et n’arrivent pas à vivre de leur travailFootnote 106. »

Ce type de dénonciation a été lu par les sociologues comme l’expression d’un sentiment de déclassement social – sentiment de dégradation de la position des individus, à l’échelle d’une vie ou dans le rapport à la génération précédenteFootnote 107, ou alors comme l’effet d’un processus de disqualification sociale, dans le sens d’une double perte de protection et de reconnaissance socialeFootnote 108. Ces sentiments sont sûrement palpables dans le langage des cahiers. Les rédacteurs des doléances pointent un désajustement entre, d’une part, les classifications professionnelles et, d’autre part, les conditions de vie, les possibilités de projection dans l’avenir et la reconnaissance sociale dont ils jouissent. Mais ce qui nous paraît intéressant, c’est que ces processus, bouleversants pour les individus, sont présentés dans les cahiers comme un désordre rendant opaque la lisibilité du monde social. Un scandale, encore une fois, qui ne concerne pas uniquement les contributeurs ou les groupes sociaux directement touchés, mais affecte tout un chacun ; c’est pourquoi il peut être porté à l’attention publique.

Qui a le droit d’écrire une doléance ?

Les cahiers de doléances sont donc des cahiers de citoyens, rédigés par des contributeurs et des contributrices qui revendiquent le droit et le devoir d’intervenir sur « le bien-être du pays », une expression récurrente dans les écrits. Ils proposent une idée contractuelle de la citoyenneté qui repose sur le principe d’une réciprocité stricte : le travail et le paiement de l’impôt sont ces contributions au bien commun qui permettent d’exiger, en retour, reconnaissances et ressources. La prise en compte de ce cadre « citoyen » ouvre la voie à l’interprétation de certaines formes et de contenus spécifiques de cahiers, de la présence massive ou, à l’inverse, de l’absence flagrante d’acteurs sociaux. Elle donne un sens, tout d’abord, à un constat qui n’a pas cessé de nous étonner : l’absence de revendications ou de requêtes dans lesquelles les rédacteurs se seraient désignés comme « étrangers » ou comme « pauvres ». Ces lacunes sont une donnée remarquable qui a également été soulignée, en ce qui concerne ces derniers, dans le rapport établi par le sous-préfet référent du grand débat dans la Somme. Celui-ci indique la présence majoritaire des retraités et des actifs issus des classes moyennes, et la faible participation des personnes issues de milieux défavorisésFootnote 109.

L’absence « des pauvres » nous a tout d’abord paru paradoxale puisque, comme nous venons de le voir, il est largement question de pauvreté dans les cahiersFootnote 110. Il n’y a pourtant pas de « pauvres » dans ces écrits : il y a des « travailleurs pauvres » ou des « retraités pauvres ». En d’autres termes, « pauvre » n’est pas un substantif décrivant une condition en soi, c’est plutôt un adjectif qui qualifie la dégradation d’un statut.

Nous avons vu que dans quelques doléances qui traitent de l’aide sociale, celle-ci apparaît comme l’envers du travail et des apports qui y sont liés : « Arrêter de verser de l’argent à des gens qui ne font rien genre RSA aider plus la classe moyenne c’est les gens avec un SMIC qui travaillent et ne peuvent pas boucler les fins de moisFootnote 111. » Les allocataires sont parfois traités d’« assistés », de simples receveursFootnote 112 : « Et peut-être allons continuer à payer cet impôt injuste [CSG] pour financer ceux qui ne travaillent pas et vivent des minima sociaux […]. Je pense qu’il faut cesser d’assister les personnes. Lorsqu’on vit d’assistanat on s’installe dans cette situation […]Footnote 113. » Se loge là toute la différence entre « travailleurs pauvres » et « pauvres », dont l’absence dessine à contrejour le cadre de la « légitimité citoyenne » dans lequel les cahiers s’inscrivent. Les « pauvres » – c’est-à-dire les assistés –, à la différence des « travailleurs pauvres », sont exclus du cadre de la réciprocitéFootnote 114.

Autre élément qui confirme cette lecture, la valorisation, dans la présentation de soi, des métiers qu’on pourrait définir d’utilité publique, liés à l’éducation ou à la santé, mais aussi, dans les campagnes, à l’agriculture, soit des activités qui renvoient au bien commun. Une pièce supplémentaire vient s’ajouter pour construire les doléances comme des textes « citoyens ». Finalement, la présence importante des retraités, soulignée par plusieurs observateurs comme essentiellement liée à la baisse de leur pouvoir d’achatFootnote 115, mérite d’être évaluée à l’aune de l’espace de légitimité dessiné par les cahiers. Participer à leur rédaction signifie non seulement réclamer des revenus décents, mais aussi revendiquer une place à part entière dans la communauté ; à côté des autres et non pas comme une population mineure : « Il faudrait aussi arrêter de dresser les Français les uns contre les autres, les actifs contre les retraités, et un peu plus de respect pour nous qui avons contribué à faire progresser la France. Nous ne sommes pas des fainéants, ni des nantis !! On a fait notre part de travailFootnote 116. » Encore une fois, la retraite n’est ni une aide charitable ni de « l’assistanat » : c’est le juste retour du travail donné qui ouvre un plein accès aux ressources communes. Ce que tant de cahiers disent, c’est que cette place dans la communauté citoyenne est perçue comme fragilisée et que son importance doit être revendiquée. Aucune relation ne peut être établie entre retraite et oisiveté ou entre retraite et dépendance sociale. Dans les doléances, les quelques références aux retraités, en lien avec leur participation associative et l’aide portée aux enfants et à leurs familles, visent à rappeler la place active qu’ils occupent au cœur de la communauté citoyenneFootnote 117. S’engage alors un travail de catégorisation qui mérite toute notre attention : ces retraités arrachent l’activité de soin de la sphère familiale pour l’inscrire pleinement dans le domaine de la citoyenneté. Comme l’exprimait le contributeur de Bray-sur-Somme : les retraités ne sont pas « des inactifs à charge de la société. Ils s’engagent dans leur famille en venant en aide à leurs enfants et petits-enfants […]. Ils s’engagent dans la société civile, dans les associations communales, de quartier […] dans les conseils municipaux, les relations de voisinageFootnote 118 ». En ce sens, si les revendications distributives prennent largement appui sur les droits qu’on considère avoir acquis à travers le travail et le paiement de l’impôt, elles proposent également de nouveaux critères d’accès au cercle des ayants droit. La valorisation du soin comme un apport citoyen est à lire comme un plaidoyer pour la prise en compte de modes de contribution qui, jusque-là, n’avaient pas été reconnus. Dans cette perspective, l’idée même de ce qu’est un travail utile dépasse le cadre de la production de biens et des richesses, et investit le terrain de la reproduction. Le care, à Bray-sur-Somme comme ailleurs, avec tout ce qu’il implique en termes de responsabilité et de prise en charge des choses et des personnes, ressort comme un levier élargissant les voies d’accès aux ressources de la citéFootnote 119. Les bornes de la communauté citoyenne sont sans cesse travaillées – comme le montrent aussi les nombreuses demandes d’une participation plus généralisée à l’impôt, qui parsèment les doléances.

Cette idée de citoyenneté dominée par une stricte réciprocité a manifestement fonctionné comme un filtre, en décourageant certains à prendre part à l’écriture des cahiers, en interpellant d’autres à manifester leur présence, et en orientant toujours la présentation de soi et de ses demandes. La source est une explicitation des critères requis pour prendre part « au banquet commun », « pour s’asseoir autour de la table dans laquelle les ressources communes sont redistribuées »Footnote 120. L’absence d’« étrangers » et de « pauvres », la riche représentation des métiers d’utilité publique et de retraités, l’apparition du soin et de la prise en charge parmi les principes de participation au commun définissent ces critères de légitimité. Les doléances ne questionnent pas la pertinence de la division de la société en classes sociales ni l’intégration de chaque classe dans son ensemble. Elles débattent des modalités de la redistribution à l’intérieur d’une société reconnue comme hiérarchisée, inégale et interdépendanteFootnote 121. La menace qui plane sur celles et ceux qui se sont sentis interpellés par l’ouverture des cahiers est le basculement dans la dépendance, et donc la sortie, pour eux ou leurs enfants, de ce cadre de la réciprocité qui, seul, leur paraît donner accès à des droits.

Il est facile de prévoir un grand succès à venir pour les cahiers de doléances : il a été annoncé par nombre d’articles et ouvrages importants ainsi que par les multiples mentions apparues dans les discours des hommes et des femmes politiques françaisFootnote 122. Dans un climat de crise manifeste des voies traditionnelles de représentation, les formes de communication directe entre gouvernants et gouvernés suscitent intérêts, efforts de compréhension et tentatives de contrôle.

Face à cet engouement annoncé, notre article a voulu proposer à la discussion quelques points importants concernant les procédures d’analyse de la source « cahiers de doléances ». Tout commence par l’accent mis sur le mot « source », qui est loin d’être évident. Nous avons constaté que l’impressionnante masse d’informations déversée dans les cahiers tend souvent à submerger le support dans lequel celle-ci s’inscrit ; peu d’espace est laissé, dans les travaux récents, à l’analyse de la relation existante entre les deux. Nous avons décidé, au contraire, de prendre la source « cahiers de doléances » au sérieux et, par conséquent, de nous demander tout d’abord ce qu’était cet objet ; d’en recenser la variété des intitulés ; d’en retracer les différentes chaînes de production – communales, départementales et nationales ; de reconstituer la chronologie et la géographie de l’ouverture de ces cahiers ; les temps et les modalités de leur rédaction, auxquels se sont ensuite ajoutés ceux de leur collecte et de leur archivage. La perspective interdisciplinaire que nous avons adoptée a été importante, avec la mise à contribution de nos savoirs historiens et sociologiques : connaissance du terrain ethnographique, analyse statistique, attention micro-historienne aux sources, savoirs archivistiques et cartographiques tendus vers la reconstitution du corpus et des chronologies fines de la source.

Ces opérations nous ont permis d’établir l’autonomie relative du corpus des cahiers de doléances, à distance des interprétations qui en font une queue de comète des mobilisations de Gilets jaunes et de celles, orthogonales, qui y voient un sous-produit dérivé de l’initiative gouvernementale du grand débat national. Comme nous l’avons constaté, les cahiers se sont constitués comme un lieu de dialogue entre contributeurs, une forme de mobilisation autonome au croisement de différents espaces publics dans lesquels notre analyse les a réinscrits. Ce qui nous a permis de mesurer et de mettre en valeur toute l’importance de leurs contenus et de leurs propositions. Bien sûr, ces propositions sont largement influencées par les discours médiatiques – dont il est, par ailleurs, difficile de mesurer l’emprise. Il ne s’agit pas d’une limite de la source. Ce constat évident nous a conduits à réfléchir aux opérations de sélection de thèmes, de problèmes et, surtout, à leur réorganisation dans des argumentations dont nous avons essayé de mettre au jour l’originalité.

Il s’agit de formes de mobilisation parmi d’autres, plutôt que de simples traces d’actions. Il s’agit aussi d’adresses à l’autorité qui portent les marques des contraintes liées à ce type particulier de relation. Cette conception des cahiers de doléances exigeait que nous prenions en compte, dans l’analyse de leurs contenus, une pluralité de facteurs. Tout d’abord, les compétences mobilisées pour rendre légitimes les demandes, que nous avons repérées dans la présentation de soi que font les requérants ainsi que dans la sélection des informations et le choix des thèmes. La « culture citoyenne » que les cahiers expriment n’est pas une qualité propre à un groupe social prédéfini que l’on aurait pu identifier d’avance, le miroir d’une communauté d’ayants droit à la parole publique. Ce sont plutôt ces textes qui tracent les contours et les prérogatives de cette communauté et expriment des propositions quant aux conditions de sa compositionFootnote 123.

Les raisonnements inscrits dans les doléances sur les bonnes voies à suivre pour réaliser une correcte redistribution des ressources communes s’expriment dans un langage de la réciprocité et de la proportion, dont la devise pourrait être ainsi formulée : de chacun selon sa condition ; à chacun selon sa contribution. Il s’agit de mettre en avant les apports de chacun à la richesse commune – en termes de travail, d’impôt, d’activité ou de métier utiles – et de revendiquer un retour proportionnel. C’est une demande non pas d’égalité, mais d’équité. Cette proportionnalité équitable est un idiome politique qui ne prend pas en compte les besoins et les nécessités des membres et ne conçoit l’intégration sociale qu’en termes de participation et de contribution. Dans un moment où le travail n’occupe plus la même place dans le processus de redistribution, où l’impôt est imposé de manière jugée non équitable et donne lieu à des retours inadéquats, cet idiome de réciprocité est rappelé par tous ceux qui se voient menacés de basculer hors cadre, vers l’aide sociale et la dépendance. Les préfets, chercheurs, journalistes ont tous relevé le lien étroit entre la question de la fiscalité et la revendication d’une vie plus digne. Nous avons mis en avant à quel point ce lien ne tient pas seulement au fait que l’impôt soit une mesure de justice sociale. L’impôt est l’un des critères de légitimité permettant de participer au pacte distributif, dont les cahiers dénoncent la dégradation. Mais les doléances sont loin de s’arrêter là : des propositions sont faites quant à l’insertion de nouveaux critères à prendre en compte pour qualifier les apports, les droits et les devoirs de chacun. Et ce pour redéfinir les conditions de ce pacte. L’inscription des activités de soin et de prise en charge des personnes parmi les contributions citoyennes, qui les sortent du seul cadre familial, en est un exemple parlant.

« Déchiffrer » les « cahiers de doléances » signifie, croyons-nous, restituer, au plus près de l’expérience de leurs rédacteurs, le sens de leurs revendications, les logiques et les cohérences qui président aux connexions liant chacune d’entre elles – la logique qui préside aux « propositions » d’une économie politique traditionnelle. Restituer, en somme, une idée locale, située, de citoyenneté.

Annexe 1 – Carte générale des cahiers de doléances de la Somme

Annexe 2 – La source : inventaire des cahiers de la Somme

Cet inventaire est construit par commune, puisque chaque cahier est d’abord rattaché à une mairie. Sont indiqués : le titre du cahier ; les dates d’ouverture et de fermeture ou, à défaut, la période minimale d’ouverture (déterminée par les quelques doléances datées) ; le format du cahier1 ; le nombre de doléances avec, entre parenthèses, le nombre de pages remplies ; et la source utilisée : soit le cahier conservé aux Archives départementales de la Somme (AD80), soit la copie des Archives nationales (AN). Ont aussi été indiqués les cahiers ouverts, remplis ou non, décomptés en janvier 2019 par la préfecture de la Somme. Enfin, les entrées précédées d’un astérisque correspondent aux cahiers du premier échantillon rassemblé par l’une d’entre nous en 2018-2019, qui a été notre premier terrain d’expérimentation.

Tableau 1 – Nombre de cahiers de la Somme conservés dans les différents dépôts d’archives

Nombre de communes dont les cahiers de doléance sont conservés aux AD ou aux AN, N = 162+178-150 = 190 communes. On peut y ajouter 8 communes (Berny-en-Santerre, Bonnay, Erches, Ham, Remaugies, Rethonvillers, Vauchelles-lès-Authie et Yzeux) dont on connaît l’existence d’un cahier de doléance renseigné. Enfin, par le truchement du préfet, nous connaissons 36 cahiers ouverts en commune mais non remplis à la date du 28 janvier 2019. Au total, le corpus représente 234 cahiers.

Abbeville (mairie de), Cahier de doléances des gilets jaunes. Abbeville 1, tome 1, rempli du 7 au 15 janv. 2019, cahier 180 p. (21 x 29,7 cm), 39 dol. (36 p.), AD80, 196 W 1 • Cahier de doléances. Abbeville 2, tome 2, rempli du 22 janv. au 13 févr. 2019, cahier 180 p. (24 x 32 cm), 9 dol. (13 p.), AD80, 196 W 1 • Ailly-sur-Noye*, Ailly-sur-Noye [en couverture], Cahier citoyens [en première page :], rempli du 16 janv. au 22 févr. 2019, cahier 180 p. (24 x 32 cm), 4 dol. (2 p.), AD80, 196 W 1 • Ailly-sur-Somme, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], s. d., cahier 96 p. (24 x 32 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 1 • Airaines, Cahier de doléances et propositions à l’attention des pouvoirs publics, décembre 2018, ouvert le 20 déc. 2018, rempli du 24 déc. 2018 au 30 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 11 dol. (35 p.), AD80, 196 W 148 • Albert, *Cahier de doléances et de propositions. Ville d’Albert. Ce document sera transmis au service de l’État, rempli du 10 janv. au 13 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 25 dol. (18 p. + 4 p. supp.), AD80, 196 W 1 • Allery, *Cahier de doléances 2019, à partir du 11 janv. 2019, cahier 160 p. (17 x 22 cm), 3 dol. (5 p.), AD80, 196 W 1 Allonville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Amiens, *Cahier de doléances (1). Amiens. 17-déc-19, tome 1, rempli du 17 déc. 2018 au 25 janv. 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 173 dol. (148 p. + 28 p. supp.), AD80, 196 W 1 • *Amiens. Cahier de doléances (02) [ajout ms.:] en date du 28 janvier 2019, fermé le 20 février 2019 au soir (21 droite), tome 2, rempli du 24 janv. au 15 févr. 2019, cahier 180 p. (21 x 29,7 cm), 39 dol. (40 p. + 7 p. supp.), AD80, 196 W 1 • Argoeuves, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], s. d., cahier 180 p. (17 x 22 cm), 4 dol. (6 p.), AD80, 196 W 1 • Arguel, Cahier de doléances, s. d., 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Arrest, *Cahier de doléances. Janvier 2019, ouvert le 2 janv., rempli du 11 au 17 janv. 2019, feuilles A3 pliées agra-fées, 10 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (1 p. + 2 p. supp.), AD80, 196 W 1 • Ault, Cahier de doléances de la commune d’Ault-80460-, rempli du 28 au 29 janv. 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 3 dol. (1 p. + 21 p. supp.), AD80, 196 W 1 • Aumâtre, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019].

Bacouel-sur-Selle, Bacouel-sur-Selle [en couv.], Cahier de doléances [en première page], s. d., cahier de 14 p. (restantes d’un cahier de 100 p. réemployé) (17 x 22 cm), 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 1 • Barleux, Le grand débat national. Cahier de doléances, ouvert le 21 janv. 2019, cahier de 48 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Beaucamps-le-Vieux, *Cahier de doléances, s. d., cahier 32 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Beaucourt-sur-l’Hallue, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Beauquesne, Cahier de doléances [la couverture est le courrier d’envoi à la préfecture, agrafé, titre en première page], rempli du 9 au 11 janv. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 3 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Beauval, [titre inconnu], rempli le 11 déc. 2018, 8 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Béhen, Cahier de doléances, s. d., 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Belloy-en-Santerre, Cahier de doléances, rempli le 14 févr. 2019, 2 f. A4 agrafées, 3 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Belloy-sur-Somme, Registre de concertation en mairie de Belloy sur Somme, ouvert suite au lancement par le Président de la République française du grand débat national, du 15 janvier au 15 mars 2019, ouvert du 15 janv. au 15 mars 2019, 27 f. + 5 p. de la lettre du Président de la République reliées, en ouverture (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Bermesnil, Bermesnil [en couv.], Cahier de doléances [en première page], rempli le 14 janv. 2019, cahier 100 p. (17 x 22 cm), 2 dol. (4 p.), AD80, 196 W 1 • Bernes, Cahier de doléances et propositions, rempli le 21 janv. 2019, 5 f. A3 pliées agra-fées (21 x 29,7 cm), 2 dol. (5 p.), AD80, 196 W 2 Berny-en-Santerre, [cahier ouvert en mairie et indiqué complété au 28 janv. 2019, mais non versé aux AD ni numérisé] • Bertangles, Bertangles [en couv.], Cahier citoyen [en première page], rempli le 7 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 3 dol. (4 p.), AD80, 196 W 2 Béthencourt-sur-Mer, [titre inconnu], rempli le 9 janv. 2019, 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Bettencourt-Saint-Ouen, Doléances, rempli le 15 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 2 • Bonnay, Grand débat national. Registre des propositions de Bonnay (Somme), ouvert le 26 févr. 2019, pochette rassemblant 6 f. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 2 • Bonneville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Bouillancourt-en-Séry, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] Bourseville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Bouttencourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Bouvaincourt-sur-Bresle, Bouvaincourt-sur-Bresle [en couv.], Registre de doléances [en première page], ouvert le 4 janv., rempli le 10 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (4 p.), AD80, 196 W 2 • Boves, *Cahier de doléances, ouvert le 8 janv. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Brailly-Cornehotte, Cahier de doléances, rempli le 10 déc. 2018, 2 f. A4 agrafées, 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Bray-lès-Mareuil, Doléances et propositions des citoyens, opération ouverture exceptionnelle de la mairie : samedi 15 décembre 2018 de 11h à 12h, rempli le 15 déc. 2018, 7 f. A4 agrafées, 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Cahier de doléances et de propositions des citoyens, rempli le 10 janv. 2019, 1 p. ajoutée au précédent livret, 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Bray-sur-Somme, *Doléances et propositions des brayonnes et brayons. Janvier 2019, rempli le 21 janv. 2019, 30 f. A4 reliées, 5 dol. (7 p.), AD80, 196 W 2 • Bresle, Grand débat national, cahier de propositions [couverture de l’Association intercommunale des maires et élus du Val de Somme], ouvert le 15 janv. 2019, 10 f. A4 reliées, 5 dol. (3 p.), AD80, 196 W 2 • Briquemesnil-Floxicourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Brutelles, Cahier d’expression citoyenne, ouvert du 15 janvier au 15 mars 2019, ouvert le 15 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Buigny-Saint-Maclou, Buigny-Saint-Maclou [en couv.], Cahier de doléances [en première page], rempli et clôt le 14 janv. 2019, cahier 192 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Bussy-lès-Daours, *Cahier de doléances citoyennes, à l’attention des pouvoirs publics, rempli du 8 au 24 janv. 2019, 21 f. A4 reliées, 8 dol. (9 p.), AD80, 196 W 2 • Bussy-lès-Poix, Cahier de doléances, rempli du 2 au 7 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 22.

Bacouel-sur-Selle, Bacouel-sur-Selle [en couv.], Cahier de doléances [en première page], s. d., cahier de 14 p. (restantes d’un cahier de 100 p. réemployé) (17 x 22 cm), 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 1 • Barleux, Le grand débat national. Cahier de doléances, ouvert le 21 janv. 2019, cahier de 48 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Beaucamps-le-Vieux, *Cahier de doléances, s. d., cahier 32 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Beaucourt-sur-l’Hallue, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Beauquesne, Cahier de doléances [la couverture est le courrier d’envoi à la préfecture, agrafé, titre en première page], rempli du 9 au 11 janv. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 3 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Beauval, [titre inconnu], rempli le 11 déc. 2018, 8 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Béhen, Cahier de doléances, s. d., 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Belloy-en-Santerre, Cahier de doléances, rempli le 14 févr. 2019, 2 f. A4 agrafées, 3 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Belloy-sur-Somme, Registre de concertation en mairie de Belloy sur Somme, ouvert suite au lancement par le Président de la République française du grand débat national, du 15 janvier au 15 mars 2019, ouvert du 15 janv. au 15 mars 2019, 27 f. + 5 p. de la lettre du Président de la République reliées, en ouverture (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 1 • Bermesnil, Bermesnil [en couv.], Cahier de doléances [en première page], rempli le 14 janv. 2019, cahier 100 p. (17 x 22 cm), 2 dol. (4 p.), AD80, 196 W 1 • Bernes, Cahier de doléances et propositions, rempli le 21 janv. 2019, 5 f. A3 pliées agra-fées (21 x 29,7 cm), 2 dol. (5 p.), AD80, 196 W 2 Berny-en-Santerre, [cahier ouvert en mairie et indiqué complété au 28 janv. 2019, mais non versé aux AD ni numérisé] • Bertangles, Bertangles [en couv.], Cahier citoyen [en première page], rempli le 7 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 3 dol. (4 p.), AD80, 196 W 2 Béthencourt-sur-Mer, [titre inconnu], rempli le 9 janv. 2019, 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Bettencourt-Saint-Ouen, Doléances, rempli le 15 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 2 • Bonnay, Grand débat national. Registre des propositions de Bonnay (Somme), ouvert le 26 févr. 2019, pochette rassemblant 6 f. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 2 • Bonneville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Bouillancourt-en-Séry, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] Bourseville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Bouttencourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Bouvaincourt-sur-Bresle, Bouvaincourt-sur-Bresle [en couv.], Registre de doléances [en première page], ouvert le 4 janv., rempli le 10 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (4 p.), AD80, 196 W 2 • Boves, *Cahier de doléances, ouvert le 8 janv. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Brailly-Cornehotte, Cahier de doléances, rempli le 10 déc. 2018, 2 f. A4 agrafées, 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Bray-lès-Mareuil, Doléances et propositions des citoyens, opération ouverture exceptionnelle de la mairie : samedi 15 décembre 2018 de 11h à 12h, rempli le 15 déc. 2018, 7 f. A4 agrafées, 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Cahier de doléances et de propositions des citoyens, rempli le 10 janv. 2019, 1 p. ajoutée au précédent livret, 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Bray-sur-Somme, *Doléances et propositions des brayonnes et brayons. Janvier 2019, rempli le 21 janv. 2019, 30 f. A4 reliées, 5 dol. (7 p.), AD80, 196 W 2 • Bresle, Grand débat national, cahier de propositions [couverture de l’Association intercommunale des maires et élus du Val de Somme], ouvert le 15 janv. 2019, 10 f. A4 reliées, 5 dol. (3 p.), AD80, 196 W 2 • Briquemesnil-Floxicourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Brutelles, Cahier d’expression citoyenne, ouvert du 15 janvier au 15 mars 2019, ouvert le 15 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Buigny-Saint-Maclou, Buigny-Saint-Maclou [en couv.], Cahier de doléances [en première page], rempli et clôt le 14 janv. 2019, cahier 192 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 2 • Bussy-lès-Daours, *Cahier de doléances citoyennes, à l’attention des pouvoirs publics, rempli du 8 au 24 janv. 2019, 21 f. A4 reliées, 8 dol. (9 p.), AD80, 196 W 2 • Bussy-lès-Poix, Cahier de doléances, rempli du 2 au 7 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 22.

Cagny, Cahier de doléances, s. d., 23 f. A4 reliées, 6 dol. (3 p. + 9 p. supp.), AD80, 196 W 2 • Caix, *Commune de Caix [en couv.], Cahier de doléances citoyennes [première page], rempli le 20 févr. 2019, cahier de comptabilité 96 p. (21 x 29,7 cm), 5 dol. (8 p.), AD80, 196 W 2 • Canaples, Cahier de doléances, rempli le 14 janv. 2019, cahier 180 p. (21 x 29,7 cm), 5 dol. (6 p.), AD80, 196 W 2 • Candas, Cahier de doléances, Grand débat, clôt le 27 mars 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 2 • Caours, Cahier de doléances, ouvert le 5 févr. 2019, cahier de 96 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 2 • Cardonnette, *Cahier de doléances, clôt le 16 janv. 2019, 10 f. A4 agrafées, 3 dol. (7 p.), AD80, 196 W 2 • Cartigny, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], rempli le 8 déc. 2018, 5 f. A4 agrafées, 4 dol. (5 p. + 2 p. supp.), AD80, 196 W 2 • Cayeux-sur-Mer, Cahier de doléances, rempli le 22 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 4 dol. (4 p.), AD80, 196 W 2 • Chépy, Cahier de doléances, rempli du 8 janv. au 14 févr. 2019, cahier d’environ 192 p. (21 x 29,7 cm), 4 dol. (6 p.), AD80, 196 W 2 • Cocquerel, Cahier de doléances, rempli le 10 janv. 2019, cahier [48 p.] (21 x 29,7 cm), 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 23

•Conty, Cahier de doléances et de propositions citoyennes, rempli du 15 janv. au 7 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 2 dol. (6 p.), AD80, 196 W 3 • Corbie, Cahier de doléances, rempli du 17 janv. au 4 févr. 2019, 15 f. A4 reliées, 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 3 • Courcelles-sous-Moyencourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Courcellessous-Thoix, Grand débat national, du 15 janvier au 15 mars 2019, ouvert le 15 janv. 2019, 4 f. A4 agrafées, 1 dol. (5 p.), AD80, 196 W 3 • Creuse, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019].

Daours, Cahier de doléances, rempli du 21 janv. au 1er mars 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 3 dol. (2 p. + 1 p. supp.), AD80, 196 W 3 • Démuin, [titre inconnu], s. d., 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Doingt-Flamicourt, Doléances. Consultation doléances « Gilets jaunes » [ajout ultérieur en dessous :] et propositions [et en surtitre :] Grand débat national 2019, [en première page :] Consultation doléances décembre 2018, ouvert en déc. 2018, rempli du 16 janv. au 19 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 4 dol. (2 p. + 9 p. supp.), AD80, 196 W 3 • Dominois, Cahier de doléances 2019, s. d., cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (5 p.), AD80, 196 W 3 • Dommartin, Cahier de doléances, s. d., 1 f. A4 impr. et 1 f. extraite d’un cahier A4, les deux agrafées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 3 • Dompierre-sur-Authie, Cahier de doléances, ouvert le 24 janv.4, rempli du 25 janv. au 15 févr. 2019, 10 f. A4 agra-fées, 9 dol. (10 p.), AD80, 196 W 3 • Domvast, Cahier des doléances, ouvert le 18 janv. 2019, 16 f. A4 reliées, 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 3 •Doudelainville, Cahier de doléances, ouvert le 15 janv. 2019, 7 f. A4 reliées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 3 • Doullens, Cahier de doléances, s. d., cahier 180 p. (24 x 32 cm), 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 3 • Dreuil-lès-Amiens, [titre inconnu], 8 ou 10 p. num.5, 4 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Drucat, Cahier de doléances et de proposition. A l’attention du Président de la République et du gouvernement, ouvert le 24 janv., rempli le 29 janv., fermé le 19 févr. 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 3 • Dury, Cahier de doléances, s. d., cahier 100 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 3.

Eaucourt-sur-Somme, Cahier de doléances (Grand débat), rempli le 22 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 3 dol. (4 p.), AD80, 196 W 3 • Épagne-Épagnette, Cahier de doléances. Grand débat national, s. d., 5 f. A4 reliées6, 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 3 • épehy, Cahier de doléances, rempli le 14 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 3 • Eppeville, Cahier de doléances, s. d., 1 f. impr. plus 1 f. extraite d’un cahier (24 x 32 cm), les deux agrafées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 3 • Équancourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Erches, [cahier ouvert en mairie et indiqué complété au 28 janv. 2019, mais non versé aux AD ni numérisé] • Ergnies, Cahier de doléances, rempli le 17 déc. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 4 dol. (4 p. + 7 p. supp.), AD80, 196 W 3 • Estréboeuf, [sans titre], s. d., 2 f., l’une impr, l’autre extraite d’un cahier (21 x 29,7 cm), 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 3 • Estrées-Mons, Grand débat 2019. Cahier de doléances, ouvert le 21 janv., fermé le 20 févr. 2019, 4 f. extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 1 dol. (5 p.), AD80, 196 W 3 • Étricourt-Manancourt, Cahier de doléances, rempli du 14 au 15 janv., clôturé le 20 févr. 2019, 19 f. A4 reliées, 5 dol. (2 p.), AD80, 196 W 3.

Favières, [nom de la commune en couverture, en première page :] Doléances, lundi 14-01-2019, ouvert le 14 janv., rempli le 20 févr. 2019, cahier 192 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (4 p.), AD80, 196 W 3 • Ferrières, Recueil de doléances, s. d., 12 p. num., 3 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Feuquièresen-Vimeu, [nom de la commune en couverture, en première page :] Cahier de doléances. « Grand débat national », rempli du 5 au 8 févr., fermé le 20 févr. 2019, cahier 100 p. (21 x 29,7 cm), 4 dol. (4 p.), AD80, 196 W 3 • Fins, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Flaucourt, Grand débat national. Cahier de doléances, ouvert le 21 janv., doléance en date du 19 janv., cahier 48 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 3 • Flers, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Flesselles, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], s. d., 6 f. A4 agrafées, 6 dol. (6 p.), AD80, 196 W 4 • Doléances et propositions collectées par la commune de Flesselles, « la parole aux citoyens », rempli du 15 au 18 févr. 2019, 30 f. A4 reliées, 7 dol. (4 p. + 23 p. supp.), AD80, 196 W 4 • Flixecourt, Cahier de doléances, rempli du 8 janv. au 21 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 12 dol. (6 p. + 5 p. supp.), AD80, 196 W 4 • Fontaine-sur-Somme, [nom de la commune en couverture, en première page :] Cahier de doléances, rempli le 12 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 4 dol. (10 p.), AD80, 196 W 4 • Fort-Mahon-Plage, Cahier de doléances, rempli le 17 janv. 2019, 3 f. A3 pliées et agrafées, 3 dol. (4 p.), AD80, 196 W 4 • Fouilloy, Grand débat national. Cahier de propositions [couverture de l’Association intercommunale des maires et élus du Val de Somme], [en première page :] Dossier de doléances, ouvert le 10 janv., rempli le 15 janv. 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (5 p.), AD80, 196 W 4 • Framicourt, Registre des doléances, 2019, rempli le 5 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 4 • Fransart, Cahier de doléances, rempli le 13 déc. 2018, 5 f. A4 agrafées, 1 dol. (5 p.), AD80, 196 W 4 • Fresnoy-Andainville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Fressenneville, Cahier de doléances et de propositions de l’action « gilets jaunes ». Ce document sera transmis aux préfets et parlementaires, rempli le 11 févr., fermé le 20 févr. 2019, 35 f. A4 reliées, 9 dol. (12 p.), AD80, 196 W 4 • Friaucourt, Cahier de doléances, s. d., cahier 96 p. (24 x 32 cm), 3 dol. (1 p.), AD80, 196 W 4 • Frise, Cahier de doléances. Grand débat national. 2019, rempli le 28 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 4 • Friville-Escarbotin, Cahier de doléances, s. d., cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 3 dol. (2 p.), AD80, 196 W 4.

Gamaches, Cahier de doléances, rempli du 11 déc. 2018 au 20 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 11 dol. (13 p. + 2 p. supp.), AD80, 196 W 4 • Gauville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Gentelles, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Glisy, *Cahier de doléances, rempli le 8 déc. 2018, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (4 p.), AD80, 196 W 4 •Grivesnes, Cahier de doléances et de propositions, fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 4 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4 • Gueschart, *Cahier de doléances et de propositions, rempli le 11 janv. 2019, 10 f. A4 agrafées, 10 dol. (13 p.), AD80, 196 W 4 • Guignemicourt, [titre inconnu], s. d. (avant le 11 févr. 2019), 16 p. num., 8 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Guillaucourt, Cahier citoyen, rempli le 4 mars 2019, 15 f. A4 plus 2 copies doubles A4 agrafées, 12 dol. (20 p.), AD80, 196 W 4 • Guyencourt-sur-Noye, Cahier de doléances, rempli le 19 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4.

Hallencourt, Cahier de doléances, fermé le 20 févr. 2019, 4 f. extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 3 dol. (5 p.), AD80, 196 W 4 • Ham, [cahier ouvert en mairie et indiqué complété au 28 janv. 2019, mais non versé aux AD ni numérisé] • Hangest-en-Santerre, Cahier de doléances et de propositions. Le grand débat national, s. d., cahier 96 p. (24 x 32 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4 • Harponville, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Hébécourt, Cahier d’expression citoyenne, ouvert le 15 janv. et fermé le 20 févr. 2019, 11 f. A4 reliées, 4 dol. (5 p. 3 p. supp.), AD80, 196 W 4 • Hem-Hardinval, Cahier de doléances, rempli du 8 au 11 déc. 2019, 10 p. num., 2 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Herbécourt, [titre inconnu], rempli le 5 févr. 2019, 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 •Hervilly, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Hescamps, Cahier de doléances (18/01/2019), ouvert le 18 janv., rempli le 18 janv., fermé le 20 févr. 2019, cahier 48 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4 • Heudicourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Hornoy-le-Bourg, Registre de doléances. Le 01.01.2019, ouvert le 1er janv., rempli du 15 janv. au 4 févr. 2019, pochette avec 1 f. A4 impr. plus 1 f. extradite d’un cahier (21 x 29,7 cm), 2 dol. (1 p.), AD80, 196 W 4 • Huchenneville, [titre inconnu], s. d., sans doléance, AD80, 196 W 4.

Inval-Boiron, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Irles, [titre inconnu], s. d., 8 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2.

La Chaussée-Tirancourt, Doléances destinées à nos élus, rempli du 8 déc. 2018 au 14 févr. 2019, cahier 60 p. (17 x 22 cm), 7 dol.(7 p. + 2 p. supp.), AD80, 196 W 4 • Laucourt, Cahier de doléances : nationales, régionales, locales. Janvier 2019, ouvert le 17 janv. 2019, cahier 32 p. (17 x 22 cm), 5 dol. (10 p.), AD80, 196 W 47 • Le Crotoy, Cahier de doléances, ouvert le 2 janv., rempli du 19 nov. 20188 au 19 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 15 dol. (14 p.), AD80, 196 W 3 • Le Hamel, Cahier de doléances et/ou de propositions, rempli le 9 janv. 2019, 5 f. A4 reliées, 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4 • Licourt, Opération mairie ouverte, rempli du 15 janv. au 20 févr., fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 5 dol. (13 p.), AD80, 196 W 4 • Lignières-en-Vimeu, [nom de la commune en couverture, en première page :] Cahierde doléances, s. d., cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4 • Lihons, Cahier de doléances, rempli du 20 déc. 2018 au 18 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 7 dol. (14 p.), AD80, 196 W 4 • Longavesnes, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Longpré-les-Corps-Saints, Cahier de doléances, rempli le 18 janv. 2019, 1 f. A4 impr. plus 1 f. simple A4, agrafées, 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 4 • Longueau, *Doléances des Gilets jaunes, rempli du 8 déc. 2018 au 2 févr. 2019, 8 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/29 • Café citoyen, le mardi 12 mars 2019, rempli le 12 mars 2019, 8 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Retour flyers du 12/03/2019, rempli jusqu’au 12 mars 2019, 12 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Lucheux, Cahier de doléances pour la justice et le bien commun, rempli le 5 févr. 2019, 4 f. A4 agrafées (feuilles auparavant collées sur un cahier), 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 4.

Maisnières, Cahier de doléances, dernière doléance postérieure au 25 févr. 2019, 10 p. num., 2 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Maison-Ponthieu, Cahier de doléances et de propositions, s. d., 2 f. A4 agrafées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 4 • Marcelcave, [Cahier de doléances10], s. d., 2 f. A4 agrafées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 4 • Marchélepot-Misery, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], fermé avant le 21 déc. 2018, 3 f. A4 agrafées, 3 dol. (1 p. + 7 p. supp.), AD80, 196 W 4 • Mareuil-Caubert, [sans titre], remplile 15 janv. 2019, pochette contenant 1 f. simple (21 x 29,7 cm), 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 5 • Maricourt, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Marquaix, Cahier de doléances, rempli du 15 janv. au 19 févr. 2019, cahier 48 p. (17 x 22 cm), 7 dol. (8 p.), AD80, 196 W 5 • Méharicourt, Cahier de doléances, ouvert le 24 janv. 2019, 9 f. A4 agrafées (don’t 8 sont le formulaire du Grand débat national partiellement complété), 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Méricourt-l’Abbé, [en couverture :] Cahier de doléances, [en première page :] Grand débat national, cahier de propositions [page de couverture de l’Association intercommunale

des maires et élus du Val de Somme], ouvert le 15 janv. 2019, rempli le 11 déc. 201811, fermé le 20 févr. 2019, 3 f. A4 agrafées dont 2 extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Mers-les-Bains, *Cahier de doléances, rempli du 8 déc. 2018 au 11 janv. 2019, 51 f. A4 reliées, 9 dol. (11 p. + 2 p. supp.), AD80, 196 W 5 • Mézières-en-Santerre, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Miraumont, Grand débat national, ouvert le 30 janv. 2019, 14 p. num., 4 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Moislains, Cahier de doléances Gilets jaunes12, ouvert le 10 janv. 2019, 3 f. simples extradites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 6 dol. (6 p.), AD80, 196 W 5 • Mons-Boubert, Cahier de doléances, s. d., cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (4 p.), AD80, 196 W 5 • Montdidier, Registre de doléances des citoyens, rempli du 20 déc. 2018 au 19 févr. 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 17 dol. (6 p. + 12 p. supp.), AD80, 196 W 5 • Montonvillers, [titre inconnu], fermé le 6 févr. 2019, 8 p. num., 2 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Moreuil, « Gilets jaunes ». Cahier de doléances et de propositions à l'attention des pouvoirs publics13, rempli du 21 déc. 2018 au 1er févr. 2019, cahier 192 p. (21 x 29,7 cm), 16 dol. (18 p.), AD80, 196 W 5 • Morlancourt, [titre inconnu], rempli le 23 déc. 2018, 8 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2.

Naours, Cahier de doléances, rempli le 8 janv. 2019, 2 f. A4 agrafées, 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Nesle, Cahier de doléances, 2018/2019, rempli le 9 janv. 2019, cahier 48 p. (24 x 32 cm), 6 dol. (5 p.), AD80, 196 W 5 •Nesle-l’Hôpital, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Neufmoulin, Cahier de doléances, rempli du 4 au 20 févr. 2019, fermé le 21 févr. 2019, 22 p. num., 2 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Neuillyl’Hôpital, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Neuville-au-Bois, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Nibas, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], s. d., 2 f. A4 agrafées, 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Noyelles-sur-Mer, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019].

Oust-Marest, Cahier de doléances, ouvert le 7 janv., fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 2 dol. (5 p.), AD80,

196 W 5 • Ovillers-la-Boisselle, [titre inconnu], s. d., 26 p. num., 1 dol., [cahier nonversé aux AD] AN, 20210229/2.

Pendé, Cahier de doléances, décembre 2018, ouvert en déc. 2018, 4 f. A4 agrafées, 4 dol. (4 p.), AD80, 196 W 5 • Péronne, Cahier de doléances, s. d., cahier 180 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (12 p.), AD80, 196 W 5 • Picquigny, Registre de doléances, ouvert le 4 janv., rempli du 7 janv. au 19 févr. 2019, 6 f. extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 6 dol. (9 p.), AD80, 196 W 5 • Poix-de-Picardie, [sans titre], s. d., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/214 • Pont-Noyelles, Cahier de doléances, rempli le 25 janv. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 5 • Pont-Remy, Cahier de doléances, rempli du 25 au 30 janv., fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 5 dol. (6 p.), AD80, 196 W 5 • Poulainville*, Cahier de doléances, rempli du 4 janv. au 26 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 4 dol. (7 p.), AD80, 196 W 5 •Prouzel, Registre de doléances, rempli le 19 févr. 2019, 11 f. A4 agrafées, 3 dol. (11 p.), AD80, 196 W 5 • Proyart, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Puchevillers, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019].

Quend, [sans titre15], rempli du 8 déc. au 21 févr. 201916, 9 f. A4 agrafées plus 4 f. par courrier, 8 dol., (9 p. + 4 p. supp.), AD80, 196 W 5 • Querrieu, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Quivières, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], [à l’intérieur :] Cahier de doléances du 8 décembre 2018, ouvert le 8 déc., rempli du 7 au 8 déc. 201817, envoyé (donc fermé) le 14 janv. 2019 à la sous-préfecture de Péronne, 18 p. num., 8 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2.

Ramburelles, Cahier de doléances national, s. d., cahier 48 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (2 p.), AD80, 196 W 5 • Rambures, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Remaugies, [cahier manquant] AD80, 196 W 5 • Remiencourt, titre, dates et format inconnus, [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Rethonvillers, Cahier de doléances, s. d., cahier 48 p. ancien (17 x 22 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 5 • Ribemont-sur-Ancre, Grand débat national. Cahier de propositions [couverture de l’Association intercommunale des maires et élus du Val de Somme], ouvert le 15 janv. 2019, 10 f. A4 reliées, 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Rivery, *Registre de doléances. Grand débat [et en première page :] Revendications à inscrire au cahier de doléances de la mairie de Rivery, rempli du 10 au 22 janv. 2019, 20 f. A4 agrafées, 7 dol. (13 p.), AD80, 196 W 5 • Roisel, Cahier de doléances, rempli du 14 janv. au 19 févr. 2019, cahier 48 p. (24 x 32 cm) réemployé18, 8 dol. (5 p.), AD80, 196 W 5 • Rollot, Cahier de doléances, rempli du 8 déc. 2018 au 31 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 4 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Ronssoy19, Grand débat national, s. d., 1 f. A4, 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 5 • Rosières-en-Santerre, Cahier de doléances, ouvert le 10 janv., rempli le 17 janv., fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 5 • Roye, Cahier de doléances, s. d., cahier 200 p. (21 x 29,7 cm20), 19 dol. (23 p.), AD80, 196 W 5 • Rubempré, Cahier de doléances, rempli du 14 janv. au 5 févr., fermé le 19 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Rue, Registre de doléances, rempli du 28 déc. 2018 au 12 févr. 2019, cahier 100 p. (21 x 29,7 cm), 11 dol. (8 p. + 7 p. supp.), AD80, 196 W 6.

Sailly-Flibeaucourt*, Cahier de doléances, rempli du 10 au 27 janv. 2019, cahier 48 p. (24 x 32 cm), 5 dol. (6 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Acheul, [sans titre], rempli le 16 janv. 2019, 1 f. simple (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Blimont, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Saint-Fuscien*, Gilets jaunes. Cahier de doléances, rempli le 7 janv. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 9 dol. (9 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Gratien, Registre de doléances. Grand débat national, ouvert le 14 janv., rempli le 28 janv. 2019, 2 f. extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Léger-lès-Domart, Cahier d’expression citoyenne, fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 4 dol. (4 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Ouen, *[sans titre21], rempli le 7 déc. 2018, 3 f. extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Quentin-la-Motte-Croix-au-Bailly, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], ouvert le 15 janv., fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (24 x 32 cm), 11 dol. (5 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Riquier, [titre inconnu], rempli le 8 févr., envoyé (donc fermé) le 12 févr. 2019, 8 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Saint-Sauflieu, Cahier de doléances, rempli du 12 janv. au 27 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 4 dol.22 (7 p. + 6 p. supp.), AD80, 196 W 6 • Saint-Valery-sur-Somme, [nom de la commune en couverture, en première page :] Cahier de doléances, rempli du 7 janv. au 10 févr. 2019, cahier 192 p. (17 x 22 cm), 12 dol. (19 p.), AD80, 196 W 6 • Saint-Vaast-en-Chaussée, [cahier ouvert en mairie mais sans information sur son remplissage au 28 janv. 2019] • Sauvillers-Mongival, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Saveuse, Cahier de doléances, s. d., cahier 180 p. (21 x 29,7 cm), 3 dol. (1 p. + 4 p. supp. [17 x 22 cm]), AD80, 196 W 6 • Senarpont, Cahier de doléances, ouvert le 22 janv., rempli du 22 au 23 janv. 2019, fermé le 20 févr. 2019, cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 4 dol. (8 p.), AD80, 196 W 6 • Sentelie, Cahier de doléances. « Débat national », s. d., 8 p. num., 2 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Seux, [cahier ouvert en mairie mais sans information sur son remplissage au 28 janv. 2019] • Soyécourt, Cahier de doléances, s. d., 1 f. A4, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 6.

Thennes, Grand débat national. Cahier de doléances, rempli le 19 févr. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 1 dol. (5 p.), AD80,

196 W 6 • Thézy-Glimont, [nom de la commune en couverture, en première page :] Cahier de doléances, ouvert le 8 déc. 2018, rempli le 7 janv. 2019, envoyé (donc fermé), le 6 fév. 2019, 14 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Tours-en-Vimeu, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], ouvert le 10 janv., rempli du 11 janv. au 26 févr. 2019, cahier 48 p. (24 x 32 cm), 5 dol. (5 p.), AD80, 196 W 6 • Toutencourt (mairie de), Cahier de doléances et de propositions citoyennes / Ce document sera transmis au préfet et parlementaires [couverture illustrée, iconographie révolutionnaire], rempli le 24 janv. 2019, 11 f. A4 reliées, 7 dol. (7 p.), AD80, 196 W 6.

Valines, Cahier de doléances, rempli le 8 déc. 2018, 2 f. A4 agrafées23, 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Vauchelles-lès-Authie, Cahier de doléances, dates inconnues, 13 f. A4 agrafées, nombre de doléances inconnu (1 p.), AD80, 196 W 6 • Vauchelles-les-Quesnoy, Cahier de doléances, rempli le 15 janv., fermé le 15 mars 2019, 18 f. A4 reliées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 6 • Vaudricourt, Cahier de doléances, s. d., cahier 48 p. (17 x 22 cm), 3 dol. (3 p. + 3 p. supp.), AD80, 196 W 6 • Vauvillers, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Vaux-en-Amiénois, *Cahier de doléances, rempli le 15 janv. 2019, 8 f. A4 agrafées dont 1 extraite d’un cahier (21 x 29,7 cm), 3 dol. (7 p.), AD80, 196 W 6 • Vaux-Marquenneville, *Doléances et propositions des citoyens, fermé le 10 déc. 2018, cahier 96 p. (17 x 22 cm), 8 dol. (5 p.), AD80, 196 W 6 • Vaux-sur-Somme, Cahier de doléances, s. d., cahier 100 p. (21 x 29,7 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 6 • Vercourt, Cahier de doléances, s. d., cahier 48 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 6 • Vers-sur-Selle, Cahier de doléances, rempli le 11 janv. 2019, 3 f. extraites d’un cahier (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Vignacourt, *Registre des doléances et propositions, s. d., 2 f. A4 reliées, 3 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Ville-sur-Ancre, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Villers-aux-érables, *[titre inconnu], rempli le 8 janv. 2019, 6 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Villers-Bocage, *Cahier de Doléance ouvert pour la commune de Villers-Bocage, rempli du 10 au 29 janv. 2019, cahier 96 p. (17 x 22 cm). 4 dol. (2 p. + 2 p. supp.), Ad80, 196 W 6 • Villers-Bretonneux, *[sans titre], rempli du 8 au 11 janv. 2019, 20 p. num., 8 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Villers-Faucon, Cahier de doléances, ouvert le 8 déc. 2018, fermé le 20 févr. 2019, 2 f. A4 agrafées, 1 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Villers-sous-Ailly, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Villesur-Ancre, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019] • Voyennes, Cahier de doléances, s. d., cahier 96 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p.), AD80, 196 W 6 • Vraignes-en-Vermandois, [sans titre], rempli le 2 déc. 2018, 14 p. num., 1 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Vron, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], ouvert le 17 déc. 2018, fermé le 16 janv. 2019, 2 f. A4 agrafées, 2 dol. (2 p.), AD80, 196 W 6.

Warlus, [cahier ouvert en mairie mais non rempli au 28 janv. 2019].

Yonval, Cahier de doléances, ouvert le 21 janv. 2019, cahier 192 p. (24 x 32 cm), 1 dol. (1 p.), AD80, 196 W 6 • Yzengremer, Cahier de doléances et de propositions (ce document sera transmis aux préfets et parlementaires) [couverture de l’AMRF], s. d., 8 p. num., 2 dol., [cahier non versé aux AD] AN, 20210229/2 • Yzeux, Grand débat national du 15 janvier 2019. Cahier de propositions, s. d., cahier 180 p. (21 x 29,7 cm), 2 dol. (3 p. + les 5 p. de la lettre du Président de la République), AD80, 196 W 6.

  1. 1. À noter qu’une différence est faite entre les pages et les feuilles, pour mieux s’approcher de la matérialité des cahiers. Les pages correspondent à une seule face, un recto. Les feuilles, à deux faces (recto et verso). Donc une feuille correspond à deux pages. Par exemple, à Belloy-en-Santerre, sur les 2 feuilles agrafées, soit 4 pages, seulement 1 page a été remplie par les trois doléances. En outre, comme le format des cahiers issus du commerce ne décomptent pas la couverture dans leur nombre de pages, la feuille de couverture portant le titre du cahier n’a pas été comptée pour les assemblages de feuilles agrafées ou reliées : seules les feuilles pouvant être complétées ou l’ayant été ont été comptées.

  2. 2. Aux AD80, le « cahier » n’est plus composé que de 2 feuilles agrafées : une photocopie de la couverture et la page remplie arrachée. Le cahier lui-même, resté vierge en bonne partie, a dû être gardé en mairie.

  3. 3. La page de couverture, ainsi que celle écrite, ont été découpées et insérées dans une pochette.

  4. 4. à la suite d’un courrier du maire à ses administrés du 22 janvier 2019.

  5. 5. Le cahier existe en deux exemplaires aux AN, ayant suivi deux circuits différents.

  6. 6. Ces 5 feuilles sont précédées de la lettre du Président de la République aux Français (5 f.) et du courrier de la secrétaire générale de la préfecture transmettant la lettre (1 f.).

  7. 7. Une mention manuscrite précise qu’il s’agit d’un « cahier donné par M. le maire ».

  8. 8. Cette date, inscrite sur la 12e doléance (dactyl.), est sans doute erronée.

  9. 9. Les numérisations des trois ensembles de doléances de Longueau ont été classées par la BNF, non pas dans les cahiers, mais dans les contributions individuelles.

  10. 10. En l’absence de page de couverture – les feuilles simples ayant été extraites d’un cahier –, le titre est le nom donné au cahier par le maire dans le message qui justifie l’extraction des feuilles et accompagne leur envoi.

  11. 11. Cette doléance antérieure à l’ouverture du cahier est une doléance collective diffusée dans plusieurs communes.

  12. 12. Sur la couverture, sous le titre, une grande image de gilet jaune.

  13. 13. Il est précisé à la suite du titre : « Tout propos injurieux n’est pas toléré dans ce cahier de doléances, merci.»

  14. 14. Les 21 et 22 février 2019, la mairie de Poix envoie une doléance par courriel au sous-préfet référent. Dans le message, la mairie indique que le cahier en mairie est resté vierge. Reçue et transférée par courriel, la doléance a été classée par la BNF dans les contributions individuelles, et non dans les cahiers citoyens (AN, 20210229/2, CO-80290-190315-D-11991).

  15. 15. Le cahier est sans titre, mais le maire l’appelle « cahier citoyen » dans le courriel du 28 mars 2019 par lequel il en envoie la copie.

  16. 16. La dernière doléance, du 21 février, postérieure à la fermeture du cahier a été envoyée par courrier directement au Président de la République (AN, 20210229/2, CO-80120-190225-M-13519).

  17. 17. Le cahier a été ouvert le 8 décembre au matin, en même temps que la mairie. Datée du 7 décembre, la 13e doléance est dactylographiée : elle a probablement été écrite la veille de l’ouverture de la marie et déposée plus tard lors de l’opération « mairie ouverte ».

  18. 18. Les marques de plusieurs pages arrachées au début du cahier témoignent d’un réemploi de ce dernier.

  19. 19. La page est un formulaire édité par la mairie pour l’occasion, dont le titre est l’en-tête.

  20. 20. Le cahier a une reliure solide, épaisse, très solennelle.

  21. 21. Cahier appelé « cahier citoyen » par la mairie dans le courrier d’envoi à la sous-préfecture de Péronne, le 28 mars 2019.

  22. 22. Le nombre de doléances tient compte d’une contribution au « cahier d’expression citoyenne » de la commune de Saint-Sauflieu, et plus largement au « GRAND DÉBAT NATIONAL » envoyée par la poste en février 2019 directement à la Mission du Grand débat. Le nombre de pages n’en tient pas compte, l’information manquant.

  23. 23. L’une des deux feuilles est la photocopie d’une page d’un « cahier de doléances d’ordre général », installé en mairie hors du cadre du Grand débat. Le cahier lui-même a été laissé à la mairie, seule cette page a été transmise.

References

1. Le mouvement des Gilets jaunes (du nom de la veste de sécurité routière) est apparu en France en octobre 2018. À l’origine de cette mobilisation non structurée se trouve la hausse de la taxe sur les produits énergétiques conduisant à l’augmentation du prix du carburant automobile. Les contestations, largement organisées à travers les réseaux sociaux, se sont multipliées dans les zones rurales et périurbaines, autour des ronds-points, mais elles ont aussi rapidement investi les centres-villes et les métropoles. Les revendications se sont élargies notamment au coût de la vie, à la justice fiscale et au niveau des salaires.

2. Pour une présentation de l’opération « Mairie ouverte », voir la synthèse publiée par l’Association des maires ruraux de France (ci-après AMRF), « Doléances et propositions collectées par les maires ruraux de France. ‘La parole aux citoyens’. Les maires ont la clé. Synthèse nationale », 14 janv. 2019, https://www.amrf.fr/wp-content/uploads/sites/46/2019/01/Synth%C3%A8se-Globale-V2.pdf.

3. Ministère de l’Intérieur et ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Lettre interministérielle à l’adresse des préfets, Paris, 4 janv. 2019 ; Élysée, Lettre du Président de la République aux Français, Paris, 13 janv. 2019, https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/13/lettre-aux-francais. Le terme est déjà présent dans l’allocution et le communiqué du président du 10 décembre 2018.

4. Le nombre est celui, officiel, avancé par Pierre N’Gahane dans son Rapport conclusif Préfet Référent (ministère de l’Intérieur, mission pour le grand débat national, 11 avr. 2019, p. 2). Pour sa synthèse, le cabinet de conseil Roland Berger, associé à Cognito et Bluenove, a pu s’appuyer sur 19 899 « cahiers citoyens » numérisés par la Bibliothèque nationale de France (ci-après BNF). Nous savons que ces numérisations sont lacunaires : en extrapolant à partir de l’exemple de la Somme, on obtient un nombre de cahiers supérieur à 25 000, soit un écart considérable avec les chiffres officiels.

5. Le premier échantillon des cahiers de doléances, établi à partir des numérisations de cahiers collectés sur le terrain, a été intégralement codé sur tableur d’octobre 2020 à janvier 2021. Il regroupe 293 doléances, réparties sur 26 communes de la Somme. Leur distribution géographique donne à voir l’écrasante prépondérance amiénoise (187 doléances). Loin derrière viennent les communes d’Albert (16) et de Gueschart (10). Ces cahiers sont décrits avec précision dans l’inventaire critique adossé à cet article (voir Annexe 2). Amiens et sa couronne périurbaine concentrent un habitant sur deux ainsi que près de 70 % des emplois, dont 41 % relèvent du secteur tertiaire non marchand. Quelques bourgs ruraux se trouvent néanmoins dans cet échantillon et sont marqués par une forte présence agricole.

6. « S’adresser à l’autorité : suppliques, plaintes, lettres anonymes dans une perspective interdisciplinaire », séminaire coordonné par Alain Blum et Simona Cerutti, entre novembre 2019 et mai 2020, à l’EHESS. À partir de mars 2020, le séminaire (coordonné avec Emilia Schijman) s’est tenu sous forme de visioconférence, principalement sur Zoom. Il s’est ensuite prolongé à l’automne 2020, en présence.

7. Laurent Jeanpierre, In Girum. Les leçons politiques des ronds-points, Paris, La Découverte, 2019, p. 49-50, 53, 115 et, surtout, p. 120-133 (« La bataille des mairies ») ; Pierre Blavier, Gilets jaunes. La révolte des budgets contraints, Paris, PUF, 2021, p. 16, 73 et 170. Le premier repère que les doléances, en tant que forme d’expression politique très présente dans les échanges électroniques entre Gilets jaunes, ont circulé des ronds-points aux mairies en passant par les « doléances murales ». Le second souligne également la proximité entre les revendications des Gilets jaunes et les arguments présents dans les cahiers.

8. « Cahier » est le terme d’usage employé par les mairies et repris par les contributeurs. Ce terme générique recouvre une grande diversité de supports matériels. La plupart sont des cahiers issus du commerce, type cahiers d’écolier. Il existe également des cahiers confectionnés par la mairie elle-même, qui sont composés de feuilles volantes agrafées ou reliées. D’autres, plus rares, sont de simples compilations de lettres ou de courriels reçus par la mairie. D’un point de vue analytique, nous désignons donc comme cahier le dispositif communal de collecte et de transmission de doléances sous forme de recueil. Nous excluons, de fait, les contributions individuelles n’ayant pas transité par la mairie.

9. Ce travail de définition a été négligé par les opérateurs au moment de la dématérialisation de la source en vue de son exploitation informatisée. En témoignent les erreurs dans les transcriptions et, surtout, l’inexactitude de l’estimation du nombre total de doléances. Voir la communication de Matías Ferrera, « Des contributions aux synthèses : les transcriptions », à la journée d’étude « Les cahiers citoyens, approche croisée », organisée par le Centre d’analyse et de mathématique sociales (CAMS), Campus Condorcet, Aubervilliers, le 11 février 2022.

10. Plus de 30 % des 772 communes de la Somme ont ouvert un cahier, parfois resté vide. Pour une vue d’ensemble des cahiers conservés aux AD de Somme, à la BNF et/ou aux Archives nationales, voir l’inventaire critique infra.

11. Les propositions méthodologiques de Luc Boltanski et d’Alain Cottereau n’ont rien perdu de leur importance, notamment : Luc Boltanski, Yann Darré et Marie-Ange Schiltz, « La dénonciation », Actes de la recherche en sciences sociales, 51, 1984, p. 3-40 ; Alain Cottereau, « Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail d’après les audiences prud’homales (1806-1866) », no spécial « Les prud’hommes xixe-xxe siècle », Le mouvement social, 141, 1987, p. 25-60.

12. Les travaux des sociologues pragmatistes autour de la prise de parole et de la constitution de l’espace public ont été des références importantes. Voir, en particulier, Daniel Cefaï, Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l’action collective, Paris, La Découverte/MAUSS, 2007 ; id., « Publics, problèmes publics, arènes publiques… Que nous apprend le pragmatisme ? », Questions de communication, 30, 2016, p. 25-64.

13. Cette conception des cahiers, mais plus généralement des sources, en tant qu’actions plutôt que comptes rendus d’actions, doit beaucoup aux recherches s’inspirant des différents courants pragmatistes. Cette démarche est aussi au centre des travaux du Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (Grhil), en particulier dans l’ouvrage Écriture et action. xviie-xixe siècle, une enquête collective, Paris, Éd. de l’EHESS, 2016 ; Dans cette même perspective, voir Emilia Schijman, « Suppliques et accès aux droits. Écrire au président de la République en France (xxie siècle) », in E. Asquer et L. Ceci (dir.), Scrivere alle autorità. Suppliche, petizioni, appelli, richieste di deroga in età contemporanea, Rome, Viella, 2021, p. 163-185 ; ead., « The Petition Ceremony: Letters to the President of Argentina », Ethnography, 22-4, 2021, p. 474-494 ; voir en outre l’ouvrage de Julien Fretel et Michel Offerlé, Écrire au président. Enquête sur le guichet de l’Élysée, Paris, La Découverte, 2021 ainsi que le compte rendu de cet ouvrage par Quentin Verreycken dans le présent numéro des Annales HSS, p. XXX-XXX.

14. Sur l’articulation entre texte et contexte, voir Simona Cerutti et Isabelle Grangaud, « Sources and Contextualizations: Comparing Eighteenth-Century North African and Western European Institutions », Comparative Studies in Society and History, 59-1, 2017, p. 5-33, ici p. 9.

15. Nous n’avons pas retenu la date douteuse du « 29 novembre 2018 » inscrite sur le cahier de Vaux-en-Amiénois, composé d’une feuille détachée et d’un courrier électronique imprimé daté du 15 janvier 2019.

16. Ce qui explique la grande variété des formes qu’ont ces cahiers, qu’un travail approfondi devra explorer. Voir l’inventaire détaillé de chaque cahier à la fin de cet article.

17. AMRF, « Communiqué de presse. Action ‘Mairie ouverte’ du samedi 8 au samedi 15 décembre », Lyon, 7 déc. 2018 ; id., « Doléances et propositions collectées par les maires ruraux de France », op. cit.

18. Les maires construisent plutôt leur légitimité en mobilisant un registre de « proximité villageoise ». Voir Sébastien Vignon, « Des maires en campagne(s). Transformations des répertoires de mobilisation électorale et des registres de légitimité politique dans les mondes ruraux », Politix, 113-1, 2016, p. 17-42.

19. Pour la liste des onze communes, voir l’inventaire. Pour la liste des intitulés des cahiers, voir la figure 5. Nous n’avons pas réussi à savoir, auprès de l’AMRF, quelles communes faisaient partie de leur réseau en 2019.

20. Voir, dans l’inventaire critique, les cahiers « Gilets jaunes » d’Abbeville, Fressenneville, Longueau, Moislains, Nibas et Saint-Fuscien. Sans compter les quelques cahiers sans autre marque explicite que leur couverture couleur jaune, les premiers cahiers de décembre sont marqués par une grande porosité avec la mobilisation des Gilets jaunes, mise en valeur par le collectif de recherche citoyenne sur les cahiers de doléances dirigé par Magali Della Sudda dans « Les cahiers de la colère », Le Monde diplomatique, 1er juin 2022, p. 20. Voir aussi Magali Della Sudda, Jean-Pierre Lefèvre et Pierre Robin (dir), De la valse des ronds-points aux cahiers de la colère, Bordeaux, Rebellio, 2023. Sur l’élaboration de doléances « Gilets jaunes » comme forme d’exercice démocratique, voir Benoît Hazard, « Lorsque les ‘sans-parts’ se rallient au ‘pouvoir vivre’. Ethnographie des associations des gilets jaunes sur les ronds-points de l’Oise », M. Abélès, S. Boncompagni et S. Wahnich (dir.), no spécial « Approches ethnographiques des gilets jaunes », Condition humaine / Conditions politiques. Revue internationale d’anthropologie du politique, 1, 2020, https://revues.mshparisnord.fr/chcp/index.php?id=237.

21. Ludovic Lascombe, « Les citoyens invités à envoyer leurs doléances dans l’est de la Somme », Le Courrier picard, 15 déc. 2018 ; id., « Citoyens, à vos cahiers de doléances », Le Courrier picard, 16 déc. 2018, p. 19. Voir la première doléance du cahier de Rollot, où l’on retrouve, datées du 8 décembre, les deux « propositions » manuscrites évoquées par le maire : « Refonte totale du système social. Baisse importante de la T.V.A. Ce qui relancera l’économie avec un pouvoir d’achat plus important » (Rollot, dol. 1, vue 2, ms., 8 déc. 2018).

22. Mairie de Rollot, « Réunion du Conseil municipal. Compte rendu de la séance du 21 décembre 2018. Questions diverses. Cahier de doléances mairie », Le Rollotois, 87, févr. 2019, p. 11. Le cahier a été ouvert le 8 décembre, comme on l’apprend à l’occasion des vœux du maire, le 12 janvier : « Chacun peut venir y noter ses attentes et autres suggestions, qui sont, au fil de l’eau, remontées à l’A.M.F. » (ibid., p. 2). Voir F. J. et F. M., « Événement – Des maires à l’écoute de la colère des gilets jaunes », Le Courrier picard, 9 déc. 2018, p. 5.

23. Anonyme, « Deux grands débats le 1er mars à Péronne et Ham », Le Courrier picard, 10 févr. 2019. Le cahier de Ham est l’un des 8 cahiers de la Somme dont nous savons qu’il n’a pas été déposé aux archives départementales.

24. Magali Mustioli-Hercé, « Politique. Les cahiers de doléances n’attirent pas la foule », Le Courrier picard, 11 janv. 2019, p. 8.

25. L’allocution présidentielle du 10 décembre 2018 décrit les maires comme « des citoyens qui doivent recevoir les demandes [du débat national] et s’en faire les relais », Présidence de la République, « Faire de cette colère une chance. Adresse du Président de la République Emmanuel Macron à la Nation », Élysée, lundi 10 déc. 2018, https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/12/10/adresse-du-president-de-la-republique-du-lundi-10-decembre-2018.

26. Créée en 1995, la CNDP est une « autorité publique qui veille au respect du droit à l’information et à la participation du public sur l’élaboration des projets et des politiques ayant un impact sur l’environnement » (site de la CNDP). Plusieurs articles de presse permettent de retracer les débats de l’époque autour des hésitations puis du refus du gouvernement de passer par cette instance, lui préférant la création d’une mission ad hoc rattachée au Premier ministre.

27. Décret no 2019-23 du 14 janvier 2019 instituant une mission d’organisation et de coordination du grand débat national.

28. Dans la communauté de communes du Val-de-Somme, à l’est d’Amiens, 14 mairies sur 33 ont ouvert un cahier, dont 4 ont une couverture proposée par l’Association intercommunale des maires et élus du Val de Somme et sont ouverts autour du 15 janvier. Pour le détail, voir l’inventaire.

29. Une lettre du 30 janvier 2019 du maire de Miraumont à ses administrés en témoigne. S’il n’a pas ouvert physiquement de cahier en mairie, il indique que « l’Association des Maires de France a recommandé à ses adhérents de participer au GRAND DÉBAT NATIONAL organisé par l’État ». « C’est dans ce contexte que je me permets de vous faire parvenir ce courrier », précise-t-il. Sous son message, un espace est laissé pour rédiger sa doléance et la renvoyer en mairie.

30. Formulaire de l’AMF 80, « Doléances et initiatives communales ». Un courriel de la préfecture du 21 janvier 2019 précise que 212 communes y ont répondu – dont 37 ont participé à l’action « Mairie ouverte » du 8 décembre et 112 ont ouvert un cahier.

31. Les doléances manuscrites datées se répartissent ainsi, au fil de la semaine : lundi (n = 33), mardi (n = 67), mercredi (n = 29), jeudi (n = 47), vendredi (n = 44), samedi (n = 16) et dimanche (n = 3).

32. Et pourtant, cet accès est parfois difficile. À Quend, une contributrice qui se qualifie comme « citoyenne neutre » finit par s’adresser directement au président de la République pour lui envoyer sa doléance, n’ayant pu le faire via le cahier.

33. Dans le cahier de Favières, les restes des premières pages, découpées, permettent de l’identifier comme un ancien cahier de suggestions. À Valines, un Post-it du secrétariat de la mairie sur une photocopie précise qu’il est « impossible de [vous] adresser l’original car cette doléance fait partie d’un cahier de doléances d’ordre général qui est conservé en mairie ».

34. Information recueillie par courriel en janvier 2021.

35. Amiens, dol. 27, vues 35-37, ms., s. d. Le choix a été fait de restituer toute la diversité des graphies et des niveaux de langue employés par les rédacteurs. La syntaxe, l’orthographe et la typographie de chaque contribution ont ainsi été fidèlement retranscrites. En privilégiant une restitution brute, sans lissage, nous entendons prendre au sérieux la forme de l’interpellation propre aux doléances.

36. Vincent Dubois, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 1999.

37. Flixecourt, dol. 4 à 6, vue 4, ms., s. d.

38. Le gouvernement s’était montré très attentif à cette première vague de doléances, au point de demander aux préfets une synthèse des premières remontées du terrain. Voir Marcelo Wesfreid, « Fiscalité, immigration, élites… découvrez les premières doléances du ‘grand débat’ », Le Figaro, 10 janv. 2019. Le journaliste a pu consulter cette note qu’il résume en indiquant que les « élites sont particulièrement visées », que la limitation des vitesses de circulation à 80 km/h constitue, dans la suite des revendications des Gilets jaunes, un « point de crispation », que les retraités et les « ruraux populaires » ont bien plus participé que les « citadins ». Nous n’avons pas pu consulter cette note adressée au cabinet du ministre Sébastien Lecornu.

39. Avant d’opter pour « cahier citoyen », le gouvernement avait proposé l’appellation de « cahier de droits et de devoirs », repris par le sous-préfet référent dans un courriel du 27 janvier 2019.

40. Voir l’inventaire pour les références précises de ces cahiers.

41. Travaux parlementaires au Sénat, Comptes rendus de la délégation aux collectivités territoriales, « Audition de M. Dominique Dhumeaux, président de l’AMR72, maire de la commune Fercé-sur-Sarthe », séance du 17 janv. 2019. D. Dhumeaux, Président de l’AMRF de la Sarthe, se présente comme étant à l’initiative, au début de décembre 2018, de l’ouverture partout en France des cahiers de doléances en mairie, ce qui explique son audition au Sénat.

42. Travaux parlementaires au Sénat, Comptes rendus de la délégation aux collectivités territoriales, « Audition de M. Dominique Dhumeaux, président de l’AMR72, maire de la commune Fercé-sur-Sarthe », séance du 17 janv. 2019.

43. Pour le département de la Somme, nous avons identifié 46 cahiers mis en circulation par les réseaux associatifs des maires, AMF80 ou AMRF. Près d’un quart de ces cahiers n’a pas été remis en préfecture. Si l’on ajoute les 8 cahiers qui semblent être restés en mairie, on compte presque un quart de cahiers qui ont complètement ou partiellement échappé au circuit préfectoral (voir l’introduction de l’inventaire, infra).

44. À Albert, ville-centre de 9 979 habitants, le cahier commence par une lettre du conseil municipal au Premier ministre. À Marquaix-Hamelet, commune rurale de 194 habitants, 5 doléances sur 7 sont le fait du maire, d’un adjoint et de trois conseillers municipaux.

45. Mers-les-Bains, dol. 2, vues 3-6, ms., s. d.

46. Moreuil, dol. 10, vues 11-13, ms., s. d. Notons que l’une des doléances qui suit commence par préciser que son auteur « ne [se] revendique pas ‘Gilets jaunes’ », car il a des reproches à leur faire, tout en les félicitant pour leur courage.

47. Tours-en-Vimeu, dol. 1, vues 2-3, ms., dol. 2, 3 et 4, vues 4-5, ms. et dactyl.

48. Parmi les cahiers qui s’inscrivent explicitement dans le cadre du grand débat, certains se présentent comme des formulaires reprenant les thèmes choisis par le gouvernement. À Ronssoy, le texte est pris dans une structure préexistante de lignes, cases et champs : date, nom et prénom, adresse, téléphone, courriel ; puis, au milieu de la page, le verbe « concerne » introduit l’espace de la doléance, pris dans un cadre avec des lignes tracées ; la page finit par la signature. Un chapeau en haut de page rappelle les thèmes du grand débat. À Toutencourt, des pages thématiques sont proposées selon les axes du débat. Ailleurs, des maires sont allés jusqu’à encadrer plus strictement le contexte d’écriture lui-même. À Dompierre-sur-Authie, le recueil commence par une « Note aux habitants/Cahier de doléances » du maire en date du 22 janvier.

49. Archives départementales de la Somme, 196W1, Note pour Monsieur le préfet coordonnateur du grand débat national. Objet : Rapport conclusif sur le grand débat national dans la Somme, Amiens, 2 avril 2019. Les citations du paragraphe suivant proviennent toutes de ce rapport. Ces préfets référents sont institués par une circulaire interministérielle de cadrage du grand débat adressée aux préfets le 16 janvier 2019. Dans la Somme, il faut attendre le 22 janvier pour qu’il soit nommé (Actualité de la préfecture de la Somme). Il faut dire que la préfecture a connu une période de transition entre le départ du préfet d’alors, le 4 janvier, et la nomination de la nouvelle préfète, le 21 janvier 2019.

50. Le premier point du compte rendu conclusif de la préfecture porte d’ailleurs sur le « sentiment général » du département de la Somme (Note pour Monsieur le préfet coordonnateur du grand débat national. Objet : Rapport conclusif sur le grand débat national dans la Somme, Amiens, 2 avr. 2019, p. 1).

51. Pierre Karila-Cohen, L’État des esprits. L’invention de l’enquête politique en France, 1814-1848, Rennes, PUR, 2008.

52. Simona Cerutti et Massimo Vallerani, « Suppliques. Lois et cas dans la normativité de l’époque moderne - Introduction », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 13, 2015, https://doi.org/10.4000/acrh.6545.

53. La référence, encore une fois, aux recherches de Luc Boltanski est nécessaire, tout comme celles aux méthodes d’analyse d’Alain Cottereau et Mokhtar Mohatar Marzok dans Une famille andalouse. Ethnocomptabilité d’une économie invisible, Saint-Denis, Bouchène, 2012, p. 11.

54. Amiens 1, dol. 18, vue 29, ms., 20 déc. 2018.

55. Amiens 1, dol. 22, vue 33, ms., 21 déc. 2018.

56. Alexis Spire, Résistances à l’impôt, attachement à l’État. Enquête sur les contribuables français, Paris, Éd. du Seuil, 2018.

57. Amiens 1, dol. 71, vue 68, ms., 8 janv. 2018.

58. Amiens 1, dol. 9, vue 17, dactyl., 17 déc. 2018.

59. Gueschart, dol. 10, vue 12, dactyl., s. d.

60. C’est la recherche d’Isabelle Thireau qui a attiré notre attention sur ce point : Isabelle Thireau, « S’accorder sur ce qui est. Les dimensions politiques d’un rassemblement public à Tianjin », Politix, 125, 2019-1, p. 161-190, depuis développées dans ead., Des lieux en commun. Une ethnographie des rassemblements publics en Chine, Paris, Éd. de l’EHESS, 2020.

61. Pour la relation entre compétence et appartenance, voir Margaret R. Somers, « The ‘Misteries’ of Property: Relationality, Rural-Industrialization, and Community in Chartist Narratives of Political Rights », in J. Brewer et S. Staves (dir.), Early Modern Conceptions of Property, Londres, Routledge, 1995, p. 62-92. Voir, en outre, Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, trad. par F. Bouillot, Paris, Payot, [1996] 2015, p. 251.

62. Amiens 1, dol. 20, vue 30, dactyl. et corrections ms., s. d.

63. Pour le seul cahier d’Amiens, 41 contributions sur 187 écrivent le sigle « CSG », quand 31 mentionnent l’« ISF ». P. Blavier (Gilets jaunes, op. cit., p. 170) observe lui aussi, pour les cahiers qu’il a pu analyser, la « forte diffusion » du mot d’ordre « rendre l’ISF » et, surtout, de la critique « de l’augmentation de la CSG sur les retraites et leur désindexation de l’inflation ». CSG (contribution sociale généralisée), ISF (impôt de solidarité sur la fortune), SMIC (salaire minimum de croissance) et TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sont les acronymes les plus fréquents dans les demandes, utilisés sans définir ce que ces sigles recouvrent.

64. Ces références révolutionnaires réunissent des prérogatives précieuses : elles fournissent une légitimation forte à un mouvement politique en quête de reconnaissance en l’inscrivant dans une tradition largement partagée. La continuité entre les cahiers de 2018 et ceux de 1789 relève ainsi de la construction politique dans laquelle convergent des volontés de légitimation aussi bien de leurs rédacteurs que des élus qui ont pris en charge l’ensemble de l’opération. Cette continuité confirme et renforce l’image de la « communauté de semblables ». Tout rapprochement – par les protagonistes, les thèmes, la forme – entre les deux sources (qui fait partie de nos projets futurs) devra prendre en compte cette dimension de légitimation.

65. Amiens 1, dol. 129, vue 131.

66. Thézy-Glimont, dol. unique, ms., 7 janv. 2019. Ce propos introduit une longue doléance de 6 pages.

67. Fressenneville, dol. 3, vues 5-6, ms., s. d.

68. Damien de Blic et Cyril Lemieux, « Le scandale comme épreuve. Éléments de sociologie pragmatique », Politix, 71, 2005-3, p. 9-38 ; Luc Boltanski et al., Affaires, scandales et grandes causes. De Socrate à Pinochet, Paris, Stock, 2008.

69. C’est en ce sens qu’Edward P. Thompson concevait une « économie morale » de la foule, comme une injonction collective à une juste répartition des richesses, et non pas comme une ontologie éthique (l’interprétation souvent avancée) : E. P. Thompson, « The Moral Economy Reviewed », in Customs in Commun, Londres, Merlin, 1991, p. 259-351 ; sur ce point, voir notamment James G. Carrier, « Moral Economy: What’s in a Name », Anthropological Theory, 18-1, 2018, p. 18-35.

70. Amiens, dol. 27, vue 35, ms., s. d.

71. Albert, dol. 16, vue 19, dactyl., s. d.

72. Vaux-en-Amiénois, dol. 1, vue 4, ms., s. d.

73. Hannah Arendt, La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard, [1954] 1989. Voir, en outre, Ronald Beiner, « Hannah Arendt on Judging », in H. Arendt, Lectures on Kant’s Political Philosophy, éd. par R. Beiner, Chicago, The University of Chicago Press, 1982, p. 89-174.

74. Des signatures peuvent parfois être demandées par les communes dans le cas des cahiers où l’écriture est encadrée ou prise dans des formulaires.

75. Sur les processus de dé-singularisation en tant que stratégie de légitimation des écrits, voir L. Boltanski, Y. Darré et M.-A. Schiltz, « La dénonciation », art. cit. ; et sur celui des signatures demeurent essentiels les travaux de Béatrice Fraenkel, notamment La signature. Genèse d’un signe, Paris, Gallimard, 1992.

76. Poulainville, dol. 3, vue 5, ms., 5 janv. 2019.

77. Beaucamps-le-Vieux, dol. 1, vue 3, ms., s. d.

78. Amiens, dol. 30, vue 38, ms., s. d.

79. Arrest, dol. 2, vue 4, dactyl., 16 janv. 2019, tamponnée le 17 janv. 2019. « LDDS » est l’acronyme de Livret de développement durable et solidaire.

80. Cette conception relationnelle de l’équité en tant que modèle de coordination des rapports humains est au centre des travaux de Dario Mantovani sur l’aequitas romana ; l’auteur montre sa « réfraction » jusqu’à des temps très récents. Voir en particulier Dario Mantovani, « L’aequitas romana : una nozione in cerca di equilibrio », in D. Mantovani et S. Veca (dir.), Quante equità ?, Milan, Istituto Lombardo di Scienze e Lettere, 2017, p. 15-60. Voir aussi ses cours au Collège de France, « L’équité. Histoire romaine du désir de justice », 24 févr.-26 mai 2021.

81. Bray-sur-Somme, dol. 2, vue 3, ms., s. d.

82. Il ne faut pas confondre la mesure de proportionnalité dont il est question dans les doléances avec les impôts dits « proportionnels ». Parce qu’ils appliquent à tous un taux unique, indépendamment des revenus des contribuables, et relèvent donc d’un principe d’égalité plutôt que d’équité, ces derniers sont considérés comme injustes. Parmi les impôts proportionnels, c’est la contribution sociale généralisée (CSG) qui fait l’objet de griefs massifs dans les cahiers. Cet impôt est d’autant plus impopulaire qu’il est souvent associé à un instrument au service de l’assistance, que l’on oppose au travail comme source de dignité et de rémunération méritée : A. Spire, Résistance à l’impôt, op. cit ; Alexis Spire et Nicolas Delalande, Histoire sociale de l’impôt, Paris, La Découverte, 2010, p. 97-99.

83. Ce principe que nous pourrions appeler de « la réciprocité équitable », dessinée par les doléances, institue des continuités formelles avec les cahiers de 1789, dominés par le thème de l’impôt. Voir Pierre Serna, Que demande le peuple ? Les cahiers de doléances de 1789. Manuscrits inédits, Paris, Textuel, 2019, p. 66 ainsi que le compte rendu de cet ouvrage par Laurent Jeanpierre dans le présent numéro des Annales HSS, p. 75-80. À l’intérieur d’une bibliographie assez fournie demeurent utiles : la récolte de textes dirigée par Michel Denis et Pierre Goubert, 1789. Les Français ont la parole, Paris, Julliard, 1964 ; Roger Chartier, « Cultures, Lumières, doléances : les cahiers de 1789 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 28-1, 1981, p. 68-93 ; et enfin Philippe Grateau, Les cahiers de doléances, une relecture culturelle, Rennes, PUR, 2001, avec une très riche bibliographie thématique. Cette convergence est bien l’une des rares qui unissent, selon nous, les cahiers des deux périodes historiques, que tout éloigne par ailleurs, depuis les modalités de rédaction jusqu’aux demandes qui les nourrissent. Ce thème devra faire l’objet d’un travail à part. Mais ce qui nous paraît intéressant, et moins attendu, est qu’une continuité se dessine avec une autre forme d’adresse à l’autorité, les suppliques individuelles, considérées par l’historiographie ainsi que par le sens commun comme des expressions archaïques de demandes de faveur, symboles du monde paternaliste – le pré-droit – d’Ancien Régime : l’inverse, en somme, du droit. Sur ce thème, voir Simona Cerutti, Archéologie des droits. Suppliques et pauvreté dans les sociétés de l’époque moderne, à paraître.

84. Amiens 1, dol. 71, vue 69, ms., 8 janv. 2019.

85. Amiens 1, dol. 65, vue 62, ms., s. d.

86. Amiens 1, dol. 144, vue 147, ms., 16 janv. 2019.

87. Poulainville, dol. 1, vues 2-4, ms., 4 janv. 2019.

88. Arrest, dol. 2, vue 4, dactyl., 16 janv. 2019, tamponnée le 17 janv. 2019.

89. Caix, dol. 1, vue 3, ms., s. d.

90. Aubigny, lettre du 23 févr. 2019.

91. Amiens 2.

92. Bray-sur-Somme, dol. 2, vue 5, ms., s. d. EHPAD est l’acronyme d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

93. Fransart, dol. 1, vue 2, dactyl., 13 déc. 2018.

94. Sur ce sujet, voir Simona Cerutti, Thomas Glesener et Isabelle Grangaud (dir.), La cité des choses. Une nouvelle histoire de la citoyenneté, Toulouse, Anacharsis, 2024.

95. Cette relation entre pauvreté et assistance, établie par Georg Simmel (Les pauvres, trad. par B. Chokrane, Paris, PUF, [1907] 2018), a été au cœur de plusieurs travaux sociologiques. Le travail de Claire-Sophie Roi sur la Picardie donne à voir la prégnance de cette association parmi les habitants de la région : Claire-Sophie Roi, « Vivre le manque en Picardie. Les campagnes de la pauvreté », Communications, 98, 2016-1, p. 37-51.

96. Quivières, dol. 4, ms., 8 déc. 2018.

97. Dans l’ordre des trois citations : Amiens 1, dol. 100, vue 92, ms., s. d. ; Amiens 1, dol. 136, vue 137, ms., s. d. ; Amiens 1, dol. 16, vue 27, ms., 20 déc. 2018.

98. Vauchelles-les-Quesnoy, dol. 2, vue 3, ms., s. d.

99. Amiens 1 et 2.

100. Voir les réflexions de Darren Thiel, « ‘It Isn’t Charity Because We’ve Paid into It’: Social Citizenship and the Moral Economy of Welfare Recipients in the Wake of 2012 UK Welfare Reform Act », Qualitative Sociology, 45, 2022, p. 291-318.

101. Amiens, dol. 76, vue 75, ms., s. d.

102. Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.

103. Pour une riche analyse des transformations connues par le travail dans les sociétés occidentales depuis la fin des Trente Glorieuses, voir James Ferguson, Give a Man a Fish: Reflections on the New Politics of Distribution, Durham, Duke University Press, 2015.

104. C’est exactement ce passage des pauvres depuis les marges du système productif à son cœur qu’analysent R. Castel, puis J. Ferguson et, plus récemment, Serge Paugam, à l’occasion d’un retour sur son concept de disqualification sociale. Voir Serge Paugam, L’attachement social. Formes et fondements de la solidarité humaine, Paris, Éd. du Seuil, 2023, p. 237-246. Sur le même sujet, voir, en outre, Lorenzo Coccoli (dir.), I poveri possono parlare ? Soggetti, problemi, alleanze, Rome, Futura, 2021.

105. James Ferguson et Tania Li, « Beyond the ‘Proper Job’: Political-Economic Analysis after the Century of the Labouring Man », Institute for Poverty, Land and Agrarian Studies (PLAAS), Working Paper, 51, 2018. Le thème était déjà au cœur de l’ouvrage de R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op. cit.

106. Villers-Bretonneux, dol. 7, dactyl., s. d.

107. Sur les dynamiques de déclassement social dans la France contemporaine, voir Camille Peugny, Le déclassement, Paris, Grasset, 2009 et Éric Maurin, La peur du déclassement. Une sociologie des récessions, Paris, Éd. du Seuil, 2009 ; plus récemment, Rémi Sinthon, Repenser la mobilité sociale, Paris, Éd. de l’EHESS, 2018.

108. À ce propos, voir S. Paugam, L’attachement social, op. cit.

109. Note pour Monsieur le préfet coordonnateur du grand débat national. Rapport conclusif sur le grand débat national dans la Somme, Amiens, 2 avr. 2019, p. 1. Ces informations ressortent aussi dans la synthèse de P. N’Gahane, Rapport conclusif, op. cit., p. 12.

110. Reste que l’environnement social des cahiers, à l’échelle du département de la Somme, est particulièrement contrasté : on peut observer que les cahiers sont généralement présents dans les zones d’agglomération les plus denses, et sont tantôt localisés dans les communes les plus pauvres (au nord-est de Péronne ou sur la Baie de Somme et autour d’Abbeville), tantôt les moins pauvres (dans l’agglomération d’Amiens et l’Amiénois où se concentrent le plus grand nombre de cahiers et de doléances).

111. Gueschart, dol. 4, vue 5, ms, s. d.

112. Ces tensions au sein des classes populaires étaient déjà repérées dans les travaux classiques d’Olivier Schwartz (Le monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990), puis de Jean-François Laé et Numa Murard (Deux générations dans la débine. Enquête dans la pauvreté ouvrière, Montrouge, Bayard, 2011). Dans la lignée des analyses menées par O. Schwartz, voir Marie-Hélène Lechien et Yasmine Siblot (dir.), no spécial « ‘Eux/nous/ils’ ? Sociabilités et contacts sociaux en milieu populaire », Sociologie, 10-1, 2019, et, en particulier, Séverine Misset et Yasmine Siblot, « ‘Donner de son temps’ pour ne pas être des ‘assistés’. Bénévolat associatif et rapports à la politique au sein de ménages stables des classes populaires », http://journals.openedition.org/sociologie/4950.

113. Albert, dol. 16, vue 19, dactyl., s. d.

114. Il est utile de souligner la proximité flagrante entre ces critères et ceux qui ont régi, d’après certains chercheurs, la jouissance des biens communaux dans les campagnes occidentales à l’époque moderne et contemporaine. Le principe d’après lequel ceux-ci étaient accessibles aux membres d’une localité de manière proportionnelle, en fonction de leurs apports et de leur fortune, excluait, dans les faits, la participation des « pauvres » à cette ressource. Voir notamment Bernard Derouet, « Territoire et parenté. Pour une mise en perspective de la communauté rurale et des formes de reproduction familiale », Annales HSS, 50-3, 1995, p. 645-686.

115. Outre le rapport du préfet, voir Didier Le Bret (dir.), Rendez les doléances ! Enquête sur la parole confisquée des Français, Paris, JC Lattès, 2022.

116. Amiens 2, dol. 10, vue 10, dactyl., 4 févr. 2019.

117. Car l’accord est manifestement unanime autour du fait « qu’on ne fonde pas de la citoyenneté sur de l’inutilité sociale » (R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op. cit., p. 429).

118. Bray-sur-Somme, dol. 2, vue 3, ms., s. d.

119. Sur l’économie du care, voir le recueil récent, Christine Bauhardt et Wendy Harcourt (dir.), Feminist Political Ecology and the Economics of Care: In Search of Economic Alternatives, Londres, Routledge, 2020. Sur les aspects politiques et éthiques, voir Patricia Paperman et Sandra Laugier (dir.), Le souci des autres. Éthique et politique du care, Paris, Éd. de l’EHESS, 2005.

120. Simona Cerutti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Montrouge, Bayard, 2012, p. 113.

121. La question n’est pas l’égalité mais l’équité, c’est-à-dire celle de la réalisation d’une justice au sein d’un système hiérarchisé et fortement inégalitaire. Voir Giovanni Levi, « Aequitas vs Fairness. Reciprocità ed equità fra età moderna ed età contemporanea », Rivista di storia economica, 2, 2003, p. 195-204.

122. Parmi les responsables politiques ayant fait référence aux cahiers de doléances, notamment pour critiquer leur abandon par le président de la République Emmanuel Macron, citons Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, lors de la campagne présidentielle de 2022, et, plus récemment, Marine Le Pen.

123. Autour de ce renversement de perspective qui fait de l’action de revendication l’un des lieux de construction de groupes (plutôt qu’une expression de ces derniers), voir Alexandra Bidet et Carole Gayet-Viaud (dir), L’engagement comme expérience, Paris, Éd. de l’EHESS, 2023.

Figure 0

Figure 1 – Installation d’un cahier de doléances au guichet de la mairie de HamLégende : Photographie illustrant l’article d’Arnaud Brasseur, « Grand débat national : les cahiers de doléances remis aux préfets », Le Journal de Ham, de son canton et des cantons limitrophes, 20 févr. 2019. À cette date, quelques pages sont rédigées. La signalétique se caractérise par l’usage de la couleur jaune.

Figure 1

Figure 2 – Exemples de reprises et de rebonds d’une doléance et d’un contributeur à l’autreLégende : Vaux-Marquenneville, dol. 1 à 3, vue 1, ms., s. d. (à gauche) ; Amiens, dol. 31 et 32, vue 39, ms., s. d. (à droite).

Figure 2

Figure 3a – Décompte des doléances datéesNote : Doléances pour lesquelles la date exacte est connue, n = 320 (33 %). En trait plein, le 8 décembre 2018, en pointillé, le 15 janvier 2019.

Figure 3

Figure 3b – Chassé-croisé chronologique : premières doléances, dernières doléances, décembre 2018-avril 2019Note : En gris clair, les premières doléances datées inscrites sur chaque cahier ; en gris foncé, les dernières doléances datées. Nous estimons au 2/3 la part des cahiers ouverts avant le 15 janvier.

Figure 4

Figure 4 – Intitulés des « cahiers de doléances »Un exemple d’enchâssement du titre, surtitre et sous-titreNote : Page de titre (extrait) du cahier « consultation doléances » ouvert à la mairie de Doingt-Flamicourt (déc. 2018). Numérisé (CC_80200_190225_80240_MD_10468) et archivé aux AD Somme, 196W3. Photographie de l’association Rendez les doléances !

Figure 5

Figure 5 – Intitulés des « cahiers de doléances »Composition, combinaisons et hybridationsNote : L’arbre est construit à partir de l’ensemble des titres des cahiers : à chaque élément de variation, on trace une branche, ce qui permet de visualiser les grandes familles d’intitulés. Dans l’exemple ci-dessus, on part de « cahier » et l’on décompose l’ensemble des titres.

Figure 6

Tableau et Carte 1 – Ouverture des cahiers, selon le degré de densité de la commune

Figure 7

Cartes 2a et 2b – Centralité, densité, mobilisationsNote: La taille des symboles est proportionnelle au nombre de doléances. Les triangles figurent les villes, petites villes et ceintures urbaines ; les carrés, les bourgs ruraux ; les cercles, les communes rurales à habitat dispersé. Les lignes de contours (isolignes) indiquent, par proximités décroissantes, les zones de plus ou moins grande intensité quant au nombre de doléances dans un rayon de 10 km à vol d’oiseau.

Figure 8

Tableau 2a – Nombre de doléances, selon le degré de densité

Figure 9

Tableau 2b – Présence d’espaces de mobilisation et nombre total de doléances

Figure 10

Tableau 2c – Présence d’espaces de mobilisation et détail du nombre de doléances

Figure 11

Figure 6 – Couverture « révolutionnaire » du cahier de ToutencourtNote : La couverture du cahier de Toutencourt, conçue et fabriquée pour l’occasion : entre texte repris des couvertures proposées par l’AMRF et iconographie révolutionnaire.

Figure 12

Tableau 3 – Statistiques sur les signatures des doléances

Figure 13

Tableau 1 – Nombre de cahiers de la Somme conservés dans les différents dépôts d’archives