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L’interprétation d’une sainte trace

Le Suaire de Turin et la longue histoire des régimes de preuves (note critique)

Published online by Cambridge University Press:  18 October 2024

Nicolas Sarzeaud*
Affiliation:
Pensionnaire de l’Académie de France à Rome-Villa Médicis [email protected]

Abstract

Si le Suaire de Turin est au cœur d’une controverse médiatique intense centrée sur la question de son authenticité, sa place dans la recherche historique académique est longtemps restée limitée. Il a surtout été l’objet d’une littérature parascientifique, la sindonologie, autoproclamée « science du linceul » qui a cherché à écrire une « préhistoire » de la relique avant son apparition dans la documentation, au xive siècle, mais s’est peu intéressée à la riche trajectoire de l’objet, passant du statut d’image, à Lirey, en Champagne, à celui de relique de la Passion, à Chambéry puis à Turin. Plusieurs travaux récents ont contribué à combler cette lacune. Parmi eux, une monographie d’Andrea Nicolotti, professeur à l’université de Turin, ambitionne à la fois de répondre aux théories fantaisistes qui entourent l’objet et de retracer sa longue histoire. Parmi les questions que cette longue histoire éclaire, celle de l’évolution des régimes de preuve : les linges funéraires, laissés dans le tombeau du Christ, sont traités par l’exégèse comme preuve de la résurrection, et le Suaire de Turin ajoute des indices visibles de la présence d’un corps. Du Moyen Âge à nos jours, le regard sur cette relique a été guidé par la volonté d’interpréter ces traces comme des preuves qui attestent l’histoire sainte, voire en documentent certains détails que les Évangiles ne décrivent pas. Elle met donc en lumière une généalogie ecclésiale, encore trop peu considérée, du paradigme de la preuve par la trace.

While the Shroud of Turin and the question of its authenticity attract much attention in the media, its place in academic history has long remained limited. It has mainly been the subject of a parascientific literature known as sindonology, the self-proclaimed “science of the shroud,” which has sought to write a “prehistory” of the relic before its first appearance in the sources in the fourteenth century. These texts show little interest in the rich trajectory of the object as it moved from the status of an image in Lirey, Champagne, to that of a Passion relic in Chambéry and then in Turin. Several recent works have helped to fill this gap. In particular, a monograph by Andrea Nicolotti, professor at the University of Turin, aims to respond to the fanciful theories surrounding the object and to trace its long history. Among the questions illuminated by this longue-durée history is the evolution of the regimes of proof mobilized: the burial linens left in Christ’s tomb were treated by exegesis as proof of the resurrection, and the Shroud of Turin adds visible evidence of the presence of a body. From the Middle Ages to the present, the reception of this relic has been guided by the desire to interpret these traces as proof of the holy history, even documenting certain details not mentioned in the Gospels. It thus highlights an ecclesiastical genealogy, still too little considered, of the paradigm of proof by trace.

Type
Épistémologie des reliques
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

*

Andrea Nicolotti, The Shroud of Turin: The History and Legends of the World’s Most Famous Relic, trad. par J. M. Hunt et R. A. Smith, Waco, Baylor University Press, [2015] 2020, 524 p. Nous traduisons ici les citations extraites de cet ouvrage. Je remercie Étienne Anheim, Vincent Azoulay, Guillaume Calafat, Odile Celier, Malika Combes et Clémence Peyran pour leurs lectures et remarques précieuses.

References

1. Parmi les exceptions, citons, pour la France, les importants travaux d’André Perret, « Essai sur l’histoire du Saint Suaire du xive au xvie siècle. De Lirey (Aube) à Chambéry », Mémoires de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Savoie, 4, 1960, p. 49-121 et Odile Celier, Le signe du linceul. Le Saint Suaire de Turin : de la relique à l’image, Paris, Éd. du Cerf, 1992.

2. Voir Paolo Cozzo, La geografia celeste dei duchi di Savoia. Religione, devozioni e sacralità in uno stato di età moderna, secoli xvi-xvii, Bologne, Il Mulino, 2006 ; Paolo Cozzo, Andrea Merlotti et Andrea Nicolotti (dir.) The Shroud at Court: History, Usages, Places and Images of a Dynastic Relic, Leyde, Brill, 2019 ; Julia Huguenin-Dumittan, « Naissance d’une dévotion. Le Saint Suaire au service de la politique ducale de Charles II de Savoie (1504-1536) », mémoire de master, Université de Neuchâtel, 2017 ; Pierre-Olivier Dittmar, « De la trace à l’apparition, la prière photographique », Archives de sciences sociales des religions, 174-2, 2016, p. 169-190 ; id., « La mécanique des suaires », in DDubuisson et S. Raux (dir.), À perte de vue. Les nouveaux paradigmes du visuel, Dijon, Les presses du réel, 2015, p. 53-69 ; Felipe Pereda, Crimen e ilusión. El arte de la verdad en el Siglo de Oro, Madrid, Marcial Pons, 2017 ; Andrew R. Casper, An Artful Relic: The Shroud of Turin in Baroque Italy, Penn State University Press, 2021 ; Jean Wirth, « Une peinture en très piteux état : le suaire de Turin », Art et image au Moyen Âge, Genève, Droz, 2022, p. 491-502 ; Nicolas Sarzeaud, « Copie et culte. Le Suaire du Christ, une image-relique reproductible (xive-xvie s.) », thèse de doctorat, EHESS, 2021 ; id., Les Suaires du Christ en Occident, Paris, Éd. du Cerf, 2024.

3. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. xiv.

4. C’était aussi le propos du dossier « Le suaire de Turin. La vraie histoire d’un faux », L’Histoire, 372, février 2012, p. 38-65, qui contient un entretien avec A. Nicolotti, p. 40-41.

5. Andrea Nicolotti, I Templari e la Sindone. Storia di un falso, Rome, Salerno, 2011 ; id., Dal Mandylion di Edessa alla Sindone di Torino. Metamorfosi di una leggenda, Alexandrie, Edizioni dell’orso, 2011 (traduit en anglais chez Brill en 2014) ; id., Le Saint Suaire de Besançon et le chevalier Othon de la Roche, Vy-lès-Filain, Éd. Franche-Bourgogne, 2015.

6. Id., The Shroud of Turin, op. cit., p. 80-119.

7. Ibid., p. 85.

8. Ibid., p. 106-107.

9. Ibid., p. 85 et 90-91.

10. Ibid., p. 67-72.

11. Ibid., p. 253-375.

12. Ibid., p. 344-346 et 448-449. Pierre Lagrange et Claudie Voisenat recommandent plutôt de parler de « parascience ». Voir Pierre Lagrange et Claudie Voisenat, L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs. Entre savoirs, croyances et fictions, Paris, BPI/Centre Pompidou, 2005.

13. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 364-366.

14. Ibid., p. 415-445.

15. Ibid., p. 36-50 et 393-415.

16. Ibid., p. 410-415.

17. Théorie inconciliable avec l’état de la recherche sur la question de l’émergence du portrait du Christ, synthétisée notamment dans Jean-Michel Spieser, Images du Christ. Des catacombes aux lendemains de l’iconoclasme, Genève, Droz, 2015.

18. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 474. La proximité chronologique et iconographique entre les sépulcres rhénans et le Suaire de Turin a été notée par plusieurs spécialistes : Sylvie Aballéa, Les saints sépulcres monumentaux. Du Rhin supérieur et de la Souabe, 1340-1400, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2003, p. 19 et Isabelle Raviolo, « L’étincelle de l’âme et la cavité à l’endroit du cœur du Christ dans les Saints sépulcres monumentaux », Revue des sciences religieuses, 88-1, 2014, p. 65-94, ici p. 93, n. 5.

19. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 122-130 et 373-375.

20. Cité par A. Nicolotti dans ibid., p. 300.

21. Ibid., p. 130-253.

22. Ibid., p. 135-147 et 183-189.

23. Ibid., p. xiv-xv.

24. Pour donner quelques exemples de ces hésitations, voir Hans Belting, L’image et son public au Moyen Âge, Paris, Gérard Monfort, 1998, p. 150 ou Edina Bozóky, La politique des reliques de Constantin à Saint Louis, Paris, Beauchesne, 2007, p. 22, n. 18.

25. Lire Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivité, trad. par S. Renaut et H. Quiniou, Dijon, Les presses du réel, [2007] 2012 et Charlotte Guichard, « Du ‘nouveau connoiseurship’ à l’histoire de l’art. Original et autographie en peinture », Annales HSS, 65-6, 2010, p. 1387-1401.

26. Marc Bloch, Les rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale, particulièrement en France et en Angleterre, Paris/Strasbourg, Librairie Istra, 1924 et Marco Mostert, « Marc Bloch et le positivisme », in A. Despy-Meyer et D. Devriese (dir.), Les positivismes. Philosophie, Sociologie, Histoire, Science, Turnhout, Brepols, 1999, p. 195-209.

27. Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », in Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, éd. (avec iconographie) par M. Rueff, Lagrasse, Verdier, [1989] 2010, p. 218-294, ici p. 292.

28. Parmi les auteurs fondateurs de cette démarche, il faut bien évidemment citer Peter Brown et André Vauchez : voir notamment les bilans dressés à deux stades différents par Jean-Claude Schmitt, « La fabrique des saints », Annales ESC, 39-2, 1984, p. 286-300 et Philippe Cordez, « Les reliques, un champ de recherches. Problèmes anciens et nouvelles perspectives », Bulletin d’information de la Mission historique française en Allemagne, 43, 2007, p. 102-116.

29. C’est le titre d’un article inédit de Nicolas Guyard ; la formule a été reprise pour la journée d’études « Vraies et fausses reliques, un vrai faux problème », organisée par Michelle Fournié à l’université Toulouse-Jean Jaurès le 11 mars 2019 ; voir aussi Catherine Vincent, Michelle Fournié et Daniel Le Blévec (dir.), « Corps saints et reliques dans le Midi », Cahiers de Fanjeaux, 53, 2019, notamment p. 28-30.

30. Charles S. Peirce, « Éléments de logique » [1904], in Écrits sur le signe, éd. et trad. par G. Deledalle, Paris, Éd. du Seuil, 1978, p. 140. De son côté, l’icône est « un signe qui renvoie à l’objet qu’il dénote simplement en vertu des caractères qu’il possède ». Le Suaire superpose donc l’icône et l’indice. Voir Jean-Marie Schaeffer, L’image précaire. Du dispositif photographique, Paris, Éd. du Seuil, 1987, p. 101.

31. C. Ginzburg, « Traces », art. cit. Parmi l’immense littérature née de cette proposition épistémologique, voir Denis Thouard (dir.), L’interprétation des indices. Enquête sur le paradigme indiciaire avec Carlo Ginzburg, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007.

32. « Mysterium resurrectionis D.N. Jhesu Christi », cité par Gabriel Avedichian (dir.), Origines et raison de la liturgie catholique en forme de dictionnaire, trad. par l’abbé J.-B.-E. Pascal, Petit-Montrouge, Ateliers catholiques, 1844, col. 957A : Sed cur liquivere sepulchro/Sudarium cum linteo ? – Ista quia resurgenti/Non erant necessaria/Imo resurrectionis/Restant haec indicia.

33. Jean Chrysostome parle déjà de « signe de la résurrection [anastáseos sêmeîon, ἀναστἀσεως σημεῖον] » pour désigner les linges, et explique qu’un voleur n’aurait pas pris le temps de décoller les draps du corps dans Homiliae lxxxv in Joannem, PG 59, col. 465.

34. Erich Auerbach, Figura, trad. par M.-A. Bernier, Paris, Belin, [1938] 1993.

35. Par exemple chez Thomas d’Aquin, « Super Jo. XX, l. 1 », Marie-Dominique Philippe (trad. et éd.), Commentaire sur l’Évangile de saint Jean, vol. 2, Paris, Éd. du Cerf, 2006, p. 412-413.

36. Sur sa place dans les jubilés, voir Étienne Anheim et al., « Rome et les jubilés du xive siècle : histoires immédiates », É. Hubert et O. Redon (dir.), no spécial « Rome des jubilés », Médiévales, 40, 2001, p. 53-82. Sur la Véronique, voir, parmi bien d’autres, la somme Amanda Murphy et al. (dir.), The European Fortune of the Roman Veronica in the Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2018. Sur la lettre apocryphe, voir une mise à jour récente par Victoria Kirkham, « Laura Battiferra’s ‘Letter from Lentulus’ and the Likeness of Christ in Renaissance Italy », I Tatti. Studies in Italian Renaissance History, 22-2, 2019, p. 239-272.

37. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 91.

38. Paul Bertrand est l’un des historiens qui a développé cette approche, notamment dans « Authentiques de reliques : authentiques ou reliques ? », Le Moyen Âge, 112- 2, 2006, p. 363-374. Une étude plus large sur la question du faux est attendue.

39. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 4991A, Aymeric de Peyrac, Chronicon universale, v. 1399-1400, fol. 8r-v : Quid vero dicunt per illud certo consultu, quod illud non est sudarium proprium domini nostri Ihesu Christi pro eo, quia dictum linteamen est de coloribus citra fimbrias intinctum, et quia bulle seu lictere auctentice minime reperiuntur quod sibi fuerit adportatum vel quod illud fuerit dictum proprium sudarium. Sur cet objet, lire les nombreux travaux de Michelle Fournié, qui cite ce texte dans « Les suaires méridionaux du Christ, des reliques ‘clémentines’ ? Éléments d’enquête », in C. Barralis et al. (dir.), Église et État, Église ou État ? Les clercs et la genèse de l’État moderne, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2014, p. 417-432.

40. Baudri de Bourgueil, Historia Hierosolymitana [peu après 1107], Patrologia latina, t. 166, Petit-Montrouge, Ateliers catholiques, 1854, col. 115.

41. Adam J. Davis, The Holy Bureaucrat: Eudes Rigaud and Religious Reform in Thirteenth-Century Normandy, Ithaque, Cornell University Press, 2006, p. 142.

42. Amos Funkenstein, Theology and the Scientific Imagination: From the Middle Ages to the Seventeenth Century, Princeton, Princeton University Press, 1986.

43. Nicholas Vincent, The Holy Blood: King Henry III and the Westminster Blood Relic, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 94-99.

44. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 159.

45. Ulysse Chevalier, « Relation de réparation par les Clarisses de Chambéry en 1534 », Autour des origines du suaire de Lirey, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1903, app. P, p. 49.

46. William J. Mitchell, The Reconfigured Eye: Visual Truth in the Post-Photographic Era, Cambridge, MIT Press, 1994.

47. Étienne Anheim, « La vérité de la représentation. L’art italien et ses récits à la fin du Moyen Âge », in J.-P. Genet (dir.), La vérité. Vérité et crédibilité : construire la vérité dans le système de communication de l’Occident, xiiie - xviie siècle, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2015, p. 223-236, ici p. 227. Sur le régime d’une vérité objective de l’image dans une histoire longue, voir aussi L. Daston et P. Galison, Objectivité, op. cit. et Peter Burke, Eyewitnessing: The Uses of Images as Historical Evidence, Londres, Reaktion Books, 2001.

48. Sur la question des différentes formes de vision, voir Jérôme Baschet, « Vision béatifique et représentations du paradis (xie-xve siècle) », in A. Paravicini Bagliani (dir.), La visione e lo sguardo nel Medio Evo, Florence, Sismel, 1997, p. 73-93. Sur memoria et avenir, voir Hans Belting, Image et culte. Une histoire de l’image avant l’époque de l’art, trad. par F. Muller, Paris, Éd. du Cerf, 1998, p. 19-24.

49. Alfonso Salmeron, Comentarii in evangelicam historiam, Cologne, Antonium Hierat, & Joannem Gymnicum, 1613, t. X, tract. xxxv, p. 294 : Sic illa Sindon etiam munda, qua fuit sepeliendus Dominus, & involvendus a Iosepho ab Arimathia, quæ etiam hodie Nicæ ostenditur, reliquit integram Christi figuram, in qua tam pars anterior Domini, quam posterior ostendit huius veli signa apertissima. Le Suaire se trouve à Nice entre 1537 et 1543.

50. F. Pereda, Crimen e ilusión, op. cit., p. 283-316 pour le cas du Suaire, intégré à une galerie de reliques-preuves.

51. A. R. Casper, An Artful Relic, op. cit., notamment p. 17 et 30-38.

52. F. Pereda, Crimen e ilusión, op. cit., p. 283-316 pour le cas du Suaire, intégré à une galerie de reliques-preuves.

53. Jean Calvin, Traité des reliques, éd. par A. Autin, Paris, Bossard, [1543] 1921, p. 133. Voir Pierre Antoine Fabre et Mickaël Wilmart, « Le Traité des reliques de Jean Calvin (1543). Texte et contextes », in P. Boutry, P. A. Fabre et D. Julia (dir.), Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, vol. 1, Paris, Éd. de l’EHESS, 2009, p. 29-68 et Nicolas Balzamo, « La querelle des reliques au temps de la Renaissance et de la Réforme », Bibliothèque d’humanisme et renaissance, 77-1, 2015, p. 103-131.

54. Alfonso Paleotti, Esplicatione del Sacro Lenzuolo ove fu involto il Signore, e delle piaghe in esso impresse col suo pretioso sangue confrontate con la Scrittura sacra, Bologne, Rossi, 1599. Voir les travaux d’Antoinette Gimaret, « Représenter le corps anatomisé aux xvie et xviie siècles : entre curiosité et vanité », Études Épistémè, 27, 2015, https://doi.org/10.4000/episteme.501 et ead., « Du blason à la relique : Paleotti et l’invention du saint Suaire », in J. Goeury et T. Hunkeler (dir.), Anatomie d’une anatomie. Nouvelles recherches sur les blasons anatomiques du corps féminin, Genève, Droz, 2018, p. 551-572, ainsi que l’article d’Odile Celier, « Quid sunt plagae istae in medium manuum tuarum. Les stigmates censurés », in D. de Courcelles (dir.), Stigmates, Paris, Cahier de l’Herne, 2001, p. 79-90.

55. Jacques Chifflet, De linteis sepulchralibus Christi servatoris crisis historica, Anvers, Planck, 1624 : il est traduit sous le titre Hiérothonie de Jésus-Christ, ou Discours des saincts suaires de Nostre Seigneur, trad. par A. D. C. P., Paris, Sébastien Cramoisy, 1631.

56. Voir, en particulier, Nicolas Guyard, « Le sens des reliques. Pratiques érudites et dévotionnelles autour des reliques du Christ en France au xviie siècle », Revue Mabillon, nouvelle série, 33-94, 2022, p. 189-211. L’auteur utilise la production prolifique autour des principaux suaires du pays. Le cas exemplaire du Suaire de Cahors a été étudié par Georges Depeyrot, « Henri de Navarre, les autels et la coiffe : faits et légendes », Bulletin de la Société des études du Lot, 140, 2019, p. 100-134.

57. Nicolas Guyard, « Un essai de normalisation. Diffusion et réception des reliques des catacombes. L’exemple de Lyon au xviie siècle », Histoire, monde et cultures religieuses, 38-2, 2016, p. 67-85.

58. Médard de Compiègne, La Vie de S. Ovide, martyr, et la translation de son corps de Rome à Paris…, Paris, M. Le Prest, 1667, p. 36 : « On peut faire ce jugement sur la beauté et l’intégrité de ses dents, qui se voyent blanches nettes, arrangées, sans qu’il en manque une seule ni qu’elles soient intéressées de la moindre tache de pourriture, marque évidente qu’il a embrassé la foy catholique dans sa grande jeunesse, lorsqu’elle est ordinairement dans une certaine constitution d’esprit qui se donne la liberté de juger de tout et de n’approuver que ce qui s’accorde avec sa fantaisie, niant tout ce qu’elle ne peut comprendre. »

59. Jean Mabillon, « Dissertation ou Lettre d’Eusèbe à Théophile sur le culte des saints inconnus », in Le moine et l’historien. Œuvres choisies, éd. par D.-O. Hurel, Paris, Bouquins, 2007, p. 754, cité dans Dominique Julia et Stéphane Baciocchi, « Le moment Mabillon. Expérience archéologique, vérité historique et dévotion collective », in S. Baciocchi et C. Duhamelle (dir.), Reliques romaines. Invention et circulation des corps saints des catacombes à l’époque moderne, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2016, p. 535-574.

60. Notamment dans sa lettre à l’évêque de Blois, citée dans J. Mabillon, « Dissertation… », art. cit., p. 692.

61. Voir Charles Wackenheim, « Science et foi : un exemple de concordisme au xixe siècle », Revue des sciences religieuses, 54-2, 1980, p. 153-163 et Wiktor Stoczkowski, Aux origines de l’humanité. Anthologie, Paris, Pocket, 1996. Le carbone 14 est d’ailleurs un ennemi commun des sindonologues et des créationnistes (voir A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 431-433).

62. N. Guyard, Les reliques du Christ, op. cit., p. 244-247.

63. Pierre Batiffol, « La science des reliques et l’archéologie biblique », Revue biblique, 1-2, 1892, p. 186-202, cit. p. 201.

64. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 253-259.

65. Secondo Pia, « Mémoire envoyé à Arthur Loth sur la reproduction photographique du saint Suaire de Turin, 29 juin 1907 », publié par Arthur Loth, La photographie du saint Suaire de Turin, Paris/Poitiers, H. Oudin, 1909, p. 18-20.

66. S. Pia, « Mémoire… », p. 19.

67. O. Celier, Le signe du linceul, op. cit., p. 98. Elle décrit particulièrement bien la controverse française qui emporta des personnages importants comme Paul Claudel, p. 97-105.

68. Ulysse Chevalier, « Étude critique sur l’origine du Saint-Suaire de Lirey-Chambéry-Turin », in Bulletin d’histoire ecclésiastique et d’archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap et Viviers, 20, 1900, p. 113-167, ainsi que « Autour des origines du Suaire de Lirey, avec documents inédits », in Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 7, 1903, p. 237-312. Les deux ont été publiés à part chez Picard en 1900 et 1903.

69. Paul Vignon, Le linceul du Christ. Étude scientifique, Paris, Masson, 1902. Il expose ce projet dans une lettre à Antoine Legrand transcrite par O. Celier, Le signe du linceul, op. cit., p. 108.

70. Ian Wilson, The Shroud of Turin: The Burial Cloth of Jesus Christ?, New York, Doubleday, 1978 ; André-Marie Dubarle, Histoire ancienne du linceul de Turin jusqu’au xiiie siècle, Paris, F.-X. de Guibert, 1985.

71. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 376-415.

72. Ibid., p. 177-182. Voir aussi A. Nicolotti, Dal Mandylion…, op. cit.

73. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 303.

74. Comme l’avait noté le sociologue Pierre Lagrange, « même quand les acteurs passent leur temps à construire d’autres régimes d’existence, c’est par rapport à celui du physicien qu’ils veulent être pris en considération » (Pierre Lagrange, « Pourquoi les croyances n’intéressent-elles les anthropologues qu’au-delà de deux cents kilomètres ? », Politix, 100-4, 2012, p. 201-220, ici p. 215).

75. Pierre Barbet, La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien, Paris, Médiaspaul, [1950, Paris, Dillien] 1993.

76. Georges Didi-Huberman, « L’Indice de la plaie absente. Monographie d’une tache » [1984], in L’image ouverte, Paris, Gallimard, 2007, p. 235-285, cit. p. 240-241.

77. A. Nicolotti, The Shroud of Turin, op. cit., p. 454-455.

78. Philippe Kaenel, « Le corps du Christ entre imaginaires photographique et graphique au xxe siècle : autour du suaire de Turin », Les cahiers du GRIT, 1, 2011, p. 79.

79. P.-O. Dittmar, « La mécanique des suaires », art. cit.

80. J’emprunte cette formule à Gil Bartholeyns, « Le passé sans l’histoire. Vers une anthropologie culturelle du temps », Itinéraires, 3, 2010, p. 47-60.

81. Gilbert Raes, « The Textile Study of 1973-1974 », Shroud Spectrum International, 38-39, 1991, p. 3-6.

82. Gabriel Vial, « Le linceul de Turin : étude technique », Bulletin du CIETA, 67, 1989, p. 11-24, reproduit dans Prélèvement sur le linceul effectué le 21 avril 1988 et études du tissu. Actes du Symposium scientifique international de Paris sur le linceul de Turin, septembre 1989, Paris, O.E.I.L., 1990, p. 75-99, notamment p. 93.

83. Étienne Anheim, Loïc Bertrand et Mathieu Thoury, « Micro-imagerie de matériaux anciens complexes », Revue de synthèse, 136-3/4, 2015, p. 329-354.

84. C. Ginzburg, « Traces », art. cit.

85. Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868, ici p. 847 : il cite Henri-Irénée Marrou, « Comment comprendre le métier d’historien », in C. Samarran (dir.), L’Histoire et ses méthodes, Paris, Gallimard, 1961, p. 1465-1540, ici p. 1468-1470.

86. Les travaux récents sur Mabillon cités ci-avant rétablissent la complexité du tableau. Pour l’histoire médiévale, plusieurs chantiers récents ont mis en évidence la part jouée par la question historique dans le légendaire des saints : Fernand Peloux, Les premiers évêques du Languedoc. Une mémoire hagiographique médiévale, Genève, Droz, 2022 ; Marie-Céline Isaïa, Une autre histoire. Histoire, temps et passé dans les Vies et Passions latines, ive- xie siècle, Aubervilliers, IRHT, 2023.