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Published online by Cambridge University Press: 30 December 2024
Cet article veut montrer, dans le sillage du livre de Francesca Trivellato, combien la légende de l’invention juive de la lettre de change a joué un rôle déterminant dans l’élaboration des conceptions qui se sont imposées au cours du xviiie comme du xixe siècle sur l’histoire des Juifs en général et sur les caractères de leur activité économique en particulier. Au xviiie siècle, Montesquieu célébra la sophistication des instruments de l’économie, capable de faire obstacle aux initiatives arbitraires des gouvernements et de garantir ainsi les libertés ; les générations suivantes des penseurs des Lumières entreprirent de déthéologiser l’histoire juive en expliquant la pérennité des Juifs dispersés au cours des siècles par leur fonction commerciale. Au xixe siècle, les inquiétudes ou les espoirs engendrés par la promotion de l’industrie et de la banque comme la sensibilité nouvelle à l’égard du Moyen Âge engagèrent à remettre sur le métier le problème des circonstances de l’apparition du « commerce » et du rôle des Juifs dans son surgissement.
In the wake of Francesca Trivellato’s book, this article sheds light on the extent to which the legend of the Jewish invention of bills of exchange shaped views of Jewish history over the eighteenth and nineteenth centuries, and more specifically the characterization of their economic activities. In the eighteenth century, Montesquieu praised the sophistication of commercial instruments, capable of resisting the arbitrary actions of governments and therefore ensuring freedoms. Prominent figures of the Enlightenment contended that the commercial function of Jews had ensured their survival despite their dispersal, thereby proposing a non-theological version of Jewish history. In the nineteenth century, the anxieties and hopes generated by the expansion of industry and trade, as well as the invention of medievalism, prompted new debates about the historical circumstances in which “trade” had emerged and the role of Jews in its growth.
À propos de Francesca Trivellato, Juifs et capitalisme. Aux origines d’une légende, trad. par J. Delarun, Paris, Éd. du Seuil, [2019] 2023.
1. L’intrigue du Livre de Tobit est de fantaisie, mais utilise des données en elles-mêmes vraisemblables : l’activité commerciale des Israélites, leur rôle dans l’administration royale, la dispersion d’habitants originaires de la même localité sur tous les territoires contrôlés par l’Assyrie sont confirmés par les recherches les plus récentes. Voir Devorah Dimant, « Tobit in Galilee », in G. Galil, M. Geller et A. Millard, Homeland and Exile: Biblical and Ancient Near Eastern Studies in Honour of Bustenay Oded, Leyde, Brill, 2009, p. 347-359.
2. Marie Augier, Du crédit public et de son histoire depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, Paris, Guillaumin, 1842, p. 1 et 163.
3. Ibid., p. 165. Voir le développement p. 163-165 : « En ces temps difficiles, ce fut la création, non du billet simple, mais de la lettre de change, dont l’existence entre les Juifs, et d’après notre opinion personnelle, est d’une antiquité assez reculée pour remonter à l’époque de nous ne savons laquelle de leurs captivités. […] La dispersion ne date donc pas seulement de la prise de Jérusalem, mais de temps bien plus reculés. […] Entre ces coreligionnaires éloignés, des correspondances rares, à la vérité, se perpétuèrent, et la lettre de change ou même le billet à ordre en fut probablement une. Quant au billet simple, il était bien plus ancien. 718 ans avant Jésus-Christ, lorsque Rome n’existait pas encore, sous le règne de Salmanazar, roi des Assyriens, qui, après avoir détruit le royaume d’Israël tenait les Juifs en captivité, le saint homme Tobie, qu’il avait fait intendant de sa maison, prêta dix talents d’argent et sur obligation à un pauvre juif, son parent, nommé Gabaël ou Gabelus de Raguès, en Médie. — L’Écriture-Sainte qui mentionne ce fait, avec sa précision ordinaire, ne laisse aucun doute sur l’importance et la richesse plus grande qu’on ne le suppose des faits de civilisation des monarchies anciennes. — Or, la Bible, dans la main des Juifs, avait conservé la mémoire de cet acte ; car rien ne se perdait pour eux ; donc il est vraisemblable que l’obligation souscrite par Gabaël au profit de Tobie n’a fait que venir en mémoire des nationaux, lors de la création de la lettre de change. » « Tobie » est ici une autre graphie, courante, de « Tobit ». Sur le rôle ultérieur des Juifs, voir p. 165-171. On lit dans la table des matières, p. 271 : « Probabilités de l’existence de la lettre de change à dater de la dispersion de la captivité de Babylone. » Le livre de Marie Augier a retenu l’attention de Karl Marx, qui le cite à deux reprises à propos des premières banques médiévales et des monts-de-piété dans Karl Marx, « Remarques sur l’usure précapitaliste », in Le Capital, vol 2, Livres II et III, éd. par M. Rubel, trad. par M. Jacob, M. Rubel et S. Voute, Paris, Gallimard, [1885 et 1894] 2008, chap. 19, p. 1828-1846, ici p. 1828 et 1846.
4. Étienne Cleirac, Us et coustumes de la mer, Bordeaux, Guillaume Millanges, 1647.
5. Francesca Trivellato, Juifs et capitalisme. Aux origines d’une légende, trad. par J. Delarun, Paris, Éd. du Seuil, [2019] 2023, p. 174, mais des formules équivalentes se trouvent dans de très nombreux passages du livre, qui ne cesse d’insister, dès l’introduction, sur le caractère de « légende » du récit de Cleirac sur la lettre de change.
6. David Nirenberg, Antijudaïsme. Un pilier de la pensée occidentale, trad. par John E. Jackson, Genève, Labor et fides, [2013] 2023.
7. Cette analyse n’occupe qu’un chapitre (le chapitre 6), mais me semble constituer à elle seule un second volet de l’enquête d’ensemble. Voir également la version de ce chapitre publiée antérieurement par F. Trivellato : « Between Usury and the ‘Spirit of Commerce’: Images of Jews and Credit from Montesquieu to the Debate on Emancipation in Eighteenth-Century France », French Historical Studies, 39-4, 2016, p. 645-683.
8. Montesquieu, De l’Esprit des lois, in Œuvres complètes, vol. 2, éd. par R. Caillois, Paris, Gallimard, [1748] 1951, liv. XXI, chap. 20, p. 639-641, ici p. 640.
9. Sur l’étendue et les limites de l’influence de la réflexion de Montesquieu sur les économistes français et anglais du xviiie siècle, voir les admirables analyses d’Albert O. Hirschman, Les passions et les intérêts, Paris, PUF, 1980.
10. Montesquieu, De l’Esprit des lois, op. cit., p. 639.
11. Ibid. Montesquieu tire son information sur les exactions des souverains anglais Jean sans Terre et Henri III du livre de l’antiquaire John Stow, auteur en 1598 d’une description de Londres, rue par rue, qui fait appel aux chroniques médiévales lorsqu’elles évoquent des événements survenus dans les édifices passés en revue. Voir Anthony Bale, « Stow’s Medievalism and Antique Judaism in Early Modern London », in I. A. Gadd et A. Gillespie (dir.), John Stow (1525-1605) and the Making of the English Past: Studies In Early Modern Culture and the History of the Book, Londres, The British Library, 2005, p. 69-80, et particulièrement p. 75. Montesquieu a utilisé l’édition du livre de Stow publiée à Londres en 1720 par le pasteur John Strype.
12. Montesquieu, De l’Esprit des lois, op. cit., p. 640.
13. Ludovico Antonio Muratori, Dissertazioni sopra le antichità italiane, vol. 1, Milan, Giambatista Pasquali, 1751, seizième dissertation, p. 175 sq. : « De’ Prestatori ad Usura Giudei, Compagnie di Soldati, Mesnadieri, Lebbrosi, etc. de vecchi tempi » (je traduis ici les citations extraites de cet ouvrage).
14. Ibid., p. 176.
15. Peut-être faut-il imputer le refus de Muratori de faire état d’une disparition du commerce en corrélation avec l’effondrement de l’Empire romain et le choix d’invoquer la carence des sources à sa volonté de présenter une histoire de l’Italie toujours elle-même, sans solution de continuité. Il a pu soutenir d’un texte à l’autre, sur les questions de périodisation, des positions contradictoires. Voir Eric Cochrane, « Muratori: The Vocation of a Historian », The Catholic Historical Review, 51-2, 1965, p. 153-172, ici p. 169 et Peter von Moos, « Muratori et les origines du médiévisme italien », Romania, 114-453/454, 1996, p. 203-224, ici p. 205.
16. L. A. Muratori, Dissertazioni sopra le antichità italiane, op. cit., p. 177.
17. Ibid.
18. Voir infra, n. 56.
19. L. A. Muratori, Dissertazioni sopra le antichità italiane, op. cit., p. 184.
20. Michael Toch, « Jews and Commerce: Modern Fancies and Medieval Realities », in S. Cavaciocchi (dir.), Il ruolo economico delle minoranze in Europa, sec. xiii-xviii, Florence, Le Monnier, 2000, p. 43-58, ici p. 54.
21. Ni souris ni éléphant dans le tome 13 de Jacques Basnage, Histoire des Juifs depuis Jésus-Christ jusqu’à présent, pour servir de continuation à l’histoire de Joseph, La Haye, Henri Scheurleer, 1716.
22. L. A. Muratori, Dissertazioni sopra le antichità italiane, op. cit., p. 185. Muratori se réfère à l’édition des capitulaires carolingiens procurée par Étienne Baluze en 1677 ; cf. Capitularia Regum Francorum, réimpression de 1780, vol. 2, col. 267-268.
23. L. A. Muratori, Dissertazioni sopra le antichità italiane, op. cit., p. 187.
24. Ibid.
25. Pierre Belon, « Des Juifs habitant en Turquie », in Voyage au Levant. Les observations de Pierre Belon du Mans de plusieurs singularités & choses mémorables, trouvées en Grèce, Turquie, Judée, Égypte, Arabie & autres pays étrangers (1553), éd. par A. Merle, Paris, Chandeigne, 2001, p. 465-468, ici p. 466. Pour les informations de Belon sur les itinéraires du commerce et la place des négociants juifs, confirmées par la recherche la plus récente, voir Ingrid Houssaye Michienzi, « The Silk Market in Bursa around 1500 as It Appears in the Florentine Business Archives », Turcica : revue d’études turques, 50, 2019, p. 53-89, ici p. 72-80.
26. Jean Chardin, Voyages de Mr le Chevalier Chardin, en Perse, et autres lieux de l’Orient, t. 4, Amsterdam, chez Jean-Louis de Lorme, 1711, p. 267. Le regard sur l’islam turc paraît informé par le discours du christianisme médiéval d’un côté et par le discours sur l’irréligiosité philosophique en pays d’islam de l’autre.
27. Le passage est signalé dans F. Trivellato, Juifs et capitalisme, op. cit., p. 157.
28. Jean-Baptiste Tavernier, Les six voyages… en Turquie, en Perse, et aux Indes, vol. 2 (qui porte sur l’Inde), Paris, Gervais Clouzier et Claude Barbin, 1676, liv. 1, chap. 2, p. 16. Voir aussi ibid., liv. 1, chap. 6, p. 57 : « Multan est le lieu d’où sortent tous les Banians qui viennent négocier dans la Perse, où ils font le même métier des Juifs comme j’ai dit ailleurs, & l’enchérissent sur eux par leurs usures » ; liv. 1, chap. 8, p. 85 : « Ces Banians sont pour le négoce pires mille fois que les Juifs & plus savants qu’eux en toutes sortes de ruses & de malices quand ils se veulent venger » ; liv. 3, chap. 3, p. 368 : « La troisième caste est celle des Banians qui s’adonnent tous au trafic, & dont les uns sont cherafs, c’est-à-dire changeurs ou banquiers, & les autres courtiers par l’entremise desquels les marchands vendent et achètent. Ceux de cette caste sont tellement subtils & adroits dans le négoce, que comme j’ai dit ailleurs, ils pourraient donner leçon aux Juifs les plus raffinés » (dans ces citations, j’ai modernisé l’orthographe).
29. F. Vincenzo Maria di S. Caterina Da Siena, Il viaggio all’Inde orientali del P. F. Vincenzo Maria di S. Caterina Da Siena, Procuratore generale de Carmelitani scalzi, Rome, Stamperia di Filippomaria Mancini, 1672, p. 114. Adam Olearius, secrétaire d’une mission envoyée auprès du roi de Perse par le duc de Holstein, a lui aussi rapproché banians et Juifs, mais à un autre titre. Il note, à propos des banians, le déphasage, dans l’Inde moghole, entre condition matérielle et condition sociale (Adam Olearius, Relation de voyage en Moscovie, Tartarie et Perse, avec celui de J. A. de Mandelslo aux Indes orientales, vol. 2, trad. par A. de Wicquefort, Paris, Jean du Puis, [1] 1666, p. 197) : « Les Mahométans, pour être fiers et indolents, traitent les banians quasi comme des esclaves, et avec mépris ; de la même façon que l’on fait en Europe les Juifs aux lieux où on les souffre. » Pour la version originale du Journal de Mandelslo, avant sa révision par Olearius, voir Voyage en Inde & en Perse. Le Journal de Johann Albrecht von Mandelslo, 1637-1640, trad. par F. de Valence, Paris, Chandeigne, [1647] 2008. La comparaison avec la condition des Juifs n’y figure pas : on doit conclure qu’elle est due à Olearius.
30. Faraz Anjum, « Islam and Hinduism in the Eyes of Early European Travellers to India », Journal of the Research Society of Pakistan, 54-1, 2017, p. 52-67, ici p. 55 (avec renvoi à Haribar Das, The Norris Embassy to Aurangzib 1699-1702, éd. par S. C. Sarkar, Calcutta, Firma K. L. Mukhopadhyay, 1959, p. 163 ; je traduis).
31. Jacques Savary des Brûlons et Philémon-Louis Savary, Dictionnaire universel du commerce, vol. 1, Paris, Jacques Estienne, 1723, col. 716-717. Cette entrée a été paraphrasée dans une rubrique « Chérafs » de l’Encyclopédie. Il me semble bien improbable que ce texte de trois lignes, au milieu des quelque 74 000 articles de l’Encyclopédie, ait « scellé le destin des Juifs comme symbole de l’habileté commerciale », comme le soutient F. Trivellato, Juifs et capitalisme, op. cit., p. 157-158.
32. Denis Diderot, Œuvres complètes de Diderot, vol. 2, éd. par J. Assézat et M. Tourneux, Paris, Garnier, 1875, p. 97 (l’auteur souligne). Voir plus largement « Introduction aux grands principes », p. 71-99 ; « Examen du Prosélyte répondant par lui-même », p. 89-93, ici p. 92 ; et « Réponse de Diderot à l’examen du Prosélyte répondant par lui-même », p. 94-99, ici p. 97. Cette page est citée par Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme, vol. 3, De Voltaire à Wagner, Paris, Calmann-Lévy, 1968, p. 128.
33. Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII, t. 1, éd. par R. Pomeau, Paris, Classiques Garnier, [1756] 1990, p. 150 et 152. Voltaire revient sur la comparaison avec les banians et les Guèbres dans Questions sur l’Encyclopédie, article « Juifs » : voir l’édition présentée et annotée par N. Cronk, C. Mervaud et G. Pink, Paris, Robert Laffont, [1770-1772] 2019, deuxième lettre, p. 1236 : « Les Banians, les Guèbres, sont avec vous les seuls peuples qui, dispersés hors de leur patrie, ont conservé leurs anciens rites » ; et septième lettre, p. 1246 : « Voulez-vous vivre paisibles ? imitez les Banians et les Guèbres ; ils sont beaucoup plus anciens que vous, ils sont dispersés comme vous. Les Guèbres surtout, qui sont les anciens Persans, sont esclaves comme vous après avoir été longtemps vos maîtres. Ils ne disent mot ; prenez ce parti. »
34. Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII, t. 2, éd. par R. Pomeau, Paris, Classiques Garnier, [1756] 1990, p. 57.
35. Ibid., p. 66.
36. F. Trivellato, Juifs et capitalisme, op. cit. p. 372, n. 69, se méprend en soutenant qu’Anacharsis Cloots se démarquait de l’opinion courante qui voyait dans les Hébreux de l’époque biblique un peuple d’agriculteurs.
37. Montesquieu n’est pas loin. Cloots était le neveu de Cornelius de Pauw, dont les Recherches philosophiques sur les Grecs (1787-1788) s’inscrivent en faux contre le mythe spartiate et exaltent la commerçante Athènes ; Benjamin Constant cite plusieurs fois l’ouvrage lorsqu’il oppose guerre et commerce : voir Benjamin Constant, Écrits politiques, éd. par M. Gauchet, Paris, Gallimard, 1997, p. 767, n. 3.
38. Anacharsis Cloots, Lettre sur les Juifs, à un ecclésiastique de mes amis, lue dans la séance publique du Musée de Paris, le 21 novembre 1782, Berlin, s. n., 1783, p. 4-5.
39. Ibid., p. 8. Allusion aux déportations des Arméniens et à leur installation forcée dans un quartier d’Ispahan, la « Nouvelle Julfa », sous Shāh Abbas Ier.
40. Ibid., p. 47-48.
41. Pour Voltaire, au contraire, les Juifs se sont adonnés au commerce, et au commerce de l’argent en particulier, dès la haute Antiquité. Voir Voltaire, Dieu et les hommes, éd. par N. Cronk, Paris, Gallimard, [1769] 2023, chap. 29, p. 164 : « C’est le propre des Juifs d’être partout courtiers, revendeurs, usuriers ; d’amasser de l’argent par la frugalité et l’économie. L’argent fut l’objet de leur conduite dans tous les temps, au point que, dans le roman de leur Tobie, livre canonique ou non, un ange descend du ciel pendant leur captivité, non pas pour consoler ces malheureux dispersés, non pas pour les ramener à Jérusalem, ce qu’un ange pouvait sans doute, mais pour conduire dans une ville des Mèdes le jeune Tobie, qui va redemander de l’argent qu’on devait à son père. […] Ils trafiquèrent donc pendant les soixante-et-douze ans de leur transmigration. Ils gagnèrent beaucoup. »
42. A. Cloots, Lettre sur les Juifs…, op. cit., p. 53-54. Cloots fait ici allusion à l’édit du Code théodosien, XIII, 5, 18 (févr. 390), et son interprétation est confirmée par Amnon Linder, The Jews in Roman Imperial Legislation, Détroit/Jérusalem, Wayne State University Press/The Israel Academy of Sciences, 1987, p. 182-184. D’où Cloots tire-t-il son information ? Pas de l’Histoire des Juifs du pasteur Basnage : l’édit que résume Cloots est absent des pages consacrées, dans le volume 12, aux édits de Théodose.
43. A. Cloots, Lettre sur les Juifs…, op. cit., p. 2.
44. Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, trad. et éd. par A. Renaut, Paris, Garnier Flammarion, [1798] 1993, p. 155-156, n. 24.
45. Ibid., p. 155-156.
46. Ibid. (l’auteur souligne).
47. Ibid.
48. On trouve dans le manuscrit la leçon (voir l’édition de Emmanuel Kant, Anthropologie in pragmatischer Hinsicht, éd. par Karl Vorländer, Leipzig, F. Meiner, [1798] 1922, p. 121, n. c.) « Morris Cangallerie ». Il s’agit manifestement d’une erreur de transcription, et il faut lire, comme l’ont suggéré deux spécialistes des études kantiennes, « Marquis de Langallerie » (voir le commentaire sur § 203-206 de Reinhard Brandt, Kritischer Kommentar zu Kants Anthropologie in pragmatischer Hinsicht, Hambourg, F. Meiner, 1999, avec renvoi au premier auteur de cette proposition). Ces érudits n’ont pas identifié le personnage. Il s’agit du marquis Philippe de Gentil de Langallerie (1661-1717), qui conçut en 1714, dans une perspective millénariste, un plan rocambolesque pour la restauration d’un État juif.
49. Voir Louis-Sébastien Mercier, chap. 79, « Juifs », in L’An deux mille quatre cent quarante. Rêve s’il en fût jamais, vol. 3, s. l., s. n., 1786, p. 177-183. Entre une première édition, de 1770, et celle de 1786, l’ouvrage a triplé de volume. Les éditions récentes ne reprennent que le texte de l’édition originale. Mercier signale, p. 179 en note, qu’« on […] doit [aux Juifs] l’invention des lettres de change, qui protège le commerce contre toute violence, qui le maintient dans toutes les parties du monde », et ajoute : « mais aussi depuis cette invention, le négociant, l’homme riche, n’ont plus de patrie ; ils transportent leur fortune où bon leur semble ; & le cosmopolite, qui a tous les moyens de faire écouler ses richesses, n’enfante & ne nourrit aucune idée généreuse ou patriotique. »
50. Ibid., p. 178.
51. Ibid., p. 180-181.
52. Ibid., p. 182.
53. Ibid., p. 183.
54. Giuseppe Marcocci, « Ebrei e utopia nel secolo dei Lumi. Una lettura del capitolo LXXIX de L’An 2440 di Louis-Sébastien Mercier », Rivista di storia e letteratura religiosa, 41-2, 2005, p. 355-388.
55. Paul Bénichou a commenté ces pages dans « Sur quelques sources françaises de l’antisémitisme moderne », Commentaire, 1, 1978, p. 67-79, ici p. 74-75. Il ne pouvait alors connaître les Leçons inédites de Michelet (voir infra, n. 58), publiées en 1987.
56. Jules Michelet, Histoire de France, vol. 3, Philippe le Bel, Charles V, présentation de P. Petitier, Sainte-Marguerite-sur-Mer, Éd. des Équateurs, [1837] 2008, p. 77.
57. Ibid., p. 79 (l’auteur souligne).
58. Jules Michelet, Leçons inédites de l’École normale. Histoire des xive, xve, xvie siècles, éd. par F. Berriot, Paris, Éd. du Cerf, 1987, p. 204. Les Leçons, conservées grâce aux notes prises par les auditeurs de Michelet, offrent, aux p. 186-196 (« Commerce industrie ») et surtout 197-204 (« De l’or »), une première mouture des pages du troisième volume de l’Histoire de France. Paul Viallaneix a insisté, dans son Introduction à l’édition des Œuvres complètes de Michelet, tome 5 (Paris, Flammarion, 1975), sur la lente maturation, entre la fin des années 1820 et 1837, de cette vision du xive siècle.
59. J. Michelet, Histoire de France, vol. 3, op. cit., p. 80.
60. Ibid. Michelet ajoute en note : « Dans l’usure, les Juifs, dit-on, ne faisaient qu’imiter les Lombards, leurs prédécesseurs (Muratori) ». Dans les Leçons, Michelet a cette observation (J. Michelet, Leçons inédites…, op. cit., p. 204) : « Tout ce qui a été dit du Juif doit s’entendre du Lombard : seulement ce dernier était moins outragé parce qu’il était moins hostile. »
61. J. Michelet, Leçons inédites…, op. cit., p. 201.
62. Ibid., p. 203. Voir, bien entendu, le discours de Shylock dans William Shakespeare, Le Marchand de Venise, in Œuvres complètes, vol. 1, trad. par F.-V. Hugo, Paris, Gallimard, 1959, acte III, scène 1, p. 1234-1235 : « Je suis un Juif ! Un Juif n’a-t-il pas des yeux ? […] si vous nous outragez, est-ce que nous ne nous vengerons pas ? »
63. J. Michelet, Histoire de France, vol. 3, op. cit., p. 80. Voir W. Shakespeare, Le Marchand de Venise, op. cit., acte I, scène 3, p. 1215 : Shylock justifie l’intérêt en rappelant par quel manège le patriarche Jacob augmentait son troupeau.
64. Jules Michelet, La Sorcière, éd. par P. Viallaneix, Paris, Garnier-Flammarion, [1862] 1966, livre premier, chap. 5, p. 77.
65. Ibid., p. 78, n. 1.
66. Ibid., chap. 5.
67. Dans le troisième volume de l’Histoire de France, le chrétien approche de la « sombre petite maison » du Juif (J. Michelet, Histoire de France, vol. 3, op. cit., p. 81).
68. Jules Michelet, Histoire de France au xvie siècle, vol. 8, Réforme, Paris, Chamerot, 1855, chap. 3, p. 44-45.
69. Michelet, au demeurant, ne dit pas qu’ils en furent les inventeurs.
70. Allusion au rite, observé à Toulouse, au xie siècle, du soufflet infligé par un chrétien à un Juif à Pâques. Michelet reprend au demeurant, page 80 note 2, une explication de cet usage donnée par une source tardive et inexacte.
71. J. Michelet, Histoire de France, vol. 3, op. cit., p. 81.
72. Alphonse Toussenel, Les Juifs, rois de l’époque. Histoire de la féodalité financière, Paris, Libraire de l’école sociétaire, 1845.
73. Jules Michelet, Le Peuple, éd. par P. Viallaneix, Paris, Garnier-Flammarion, [1846] 1974, p. 141, n. 1. Michelet évoque ici une neutralité des Juifs face aux conflits internes des sociétés chrétiennes médiévales. Il portera un jugement bien différent, en 1864, dans La Bible de l’humanité (Bruxelles, Éditions Complexe, [1864] 1998, p. 282, n. 1) : « Le Juif, par toute la terre, a été le meilleur esclave, l’appui de ses tyrans même. »
74. George Gordon Byron, « L’âge de bronze » [1823], in Œuvres complètes de Lord Byron, deuxième série, trad. par B. Laroche, Paris, V. Lecou, 1847, p. 397-420, ici p. 414-415. Bertrand Russell a cité les vers de Don Juan et dénoncé les pièges du romantisme anticapitaliste dans son essai « Byron and the Modern World », Journal of the History of Ideas, 1-1, 1940, p. 24-37, ici p. 36.
75. Thomas B. Macaulay, Speeches of Lord Macaulay, Londres, Longmans, Green and Co., 1877, p. 55-56 (je traduis). Ce passage reprend les termes du discours que Macaulay avait prononcé sur le sujet dès avril 1830 et publié l’année suivante. Voir la traduction française : « Des incapacités politiques des Juifs » [1831], in Thomas B. Macaulay, Essais politiques et philosophiques, trad. par G. Guizot, Paris, Michel Lévy frères, 1862, p. 380-398, ici p. 385-386 : « La signature du juif sur le revers d’une feuille de papier peut avoir plus de valeur que la parole royale de trois rois, ou l’honneur national de trois nouvelles républiques américaines. Mais ce serait la plus effroyable des calamités nationales qu’il pût mettre devant son nom le titre de : Right Honourable ».
76. Jules Michelet, Histoire du xixe siècle, vol. 3, Jusqu’à Waterloo, Paris, Michel Lévy, 1875, p. xiii. Il dupliquait aussi les formules du livre de 1837 vingt-sept ans plus tard, dans La Bible de l’Humanité (op. cit., p. 279) : « Dans les grands bouleversements, [le Juif] se dit que la richesse était seule une sûreté […]. Quelle richesse ? La plus facile à garder ou à sauver, mobile et légère, c’est l’or. » Et il ajoute : « Quelle ? encore mieux, l’invisible, l’or placé dans des mains sûres. Si les Phéniciens, comme on dit, ont inventé l’écriture, les Juifs presque aussitôt ont inventé le billet » (l’auteur souligne). Mais en 1837, et dès 1835-1836, Michelet célébrait la découverte au xive siècle de l’« or », qui « enfermait une révolution et un progrès immense » (Leçons inédites, op. cit., p. 204) ; en 1864, ce sont les Juifs qui inventent dès l’époque biblique la richesse « mobile », pour leurs propres besoins.
77. J. Michelet, Histoire du xixe siècle, vol. 3, op. cit., p. xii-xiii.
78. Ce passage du discours est cité par Georges Weill, « Les Juifs et le saint-simonisme », Revue des études juives, 31-62, 1895, p. 261-273, ici p. 266 (l’article est pour l’essentiel consacré à la figure d’Olinde Rodrigues). Pour le discours en son entier, voir Œuvres de Saint-Simon & d’Enfantin, vol. 4, Paris, E. Dentu, 1865, p. 208-219. La place de personnalités juives ou d’origine juive dans le mouvement saint-simonien a été souvent soulignée ; voir Vincent Peillon, « Joseph Salvador, le saint-simonisme et le judaïsme », in Jérusalem n’est pas perdue. La philosophie juive de Joseph Salvador et le judéo-républicanisme français, Lormont, Le bord de l’eau, 2022, p. 261-292, où est listée la bibliographie antérieure, dans laquelle se détache le livre de Michael Graetz, Les Juifs en France au xixe siècle. De la Révolution française à l’Alliance israélite universelle, trad. par S. Malka, Paris, Éd. du Seuil, 1989. L’or, le Juif, le Lombard firent une apparition combinée, apparentée à bien des égards à celle du Michelet des années 1830, mais de tonalité saint-simonienne, dans Joseph Salvador, chap. VI « Commerce », in Histoire des institutions de Moïse, et du peuple hébreu, vol. 1, Première partie, livre III, Paris, Ponthieu et Cie, 1828, p. 390-339, ici p. 337-338, et il importe ici de citer le passage intégralement : « L’espoir qu’ils gardèrent longtemps de recouvrer leur liberté, et l’accueil peu favorable qu’ils reçurent des autres nations, les attachèrent à la fortune mobilière. Les persécutions et les spoliations auxquelles ils furent en butte affermirent ces idées. Alors naquit entre eux et les peuples qui les opprimèrent une guerre intestine, dans laquelle l’or fut la seule arme défensive et offensive des Hébreux. Cependant durant le cours de cette lutte déplorable, où le plus fort se plaisait par système à faire du faible un objet de pitié, ils rendirent d’éminents services au commerce, que l’ignorance du moyen-âge poursuivit de son mépris. Si l’invention des lettres de change ne leur appartient pas en propre, si l’on doit l’attribuer à cette nuée d’agioteurs italiens et lombards qui, vers le commencement du xiie siècle, inonda l’Europe, et qui, en disparaissant, laissa sur les Juifs tout l’odieux de son passage, ils en répandirent l’usage de toute part. Tribu dispersée parmi toutes les tribus de la société humaine, ils continuèrent à travailler, sans s’en douter eux-mêmes, à la formation de cette unité qui est toute la pensée de leur loi : ils mirent en rapport l’Europe, l’Asie et l’Afrique ; ils transportèrent dans chacune les produits des autres, et réveillèrent chez la plupart des peuples européens les idées d’industrie et de liens commerciaux. Quelle résistance n’ont-ils pas faite sur le seul terrain laissé à leur activité ! Et n’est-ce pas une chose frappante que de les voir se redresser souvent du sein de la poussière, envelopper leurs oppresseurs, et s’élever, par leurs propres forces, au point d’agir sur la destinée des empires ! » Les Lombards se sont livrés à l’agiotage, les Juifs ont promu le commerce ; et ce faisant ils ont œuvré dans l’ordre économique au rapprochement entre les peuples, comme ils ont œuvré dans l’ordre spirituel en exaltant l’unité de la famille humaine, dont le monothéisme porte le pressentiment.
79. G. Weill, « Les Juifs et le saint-simonisme », op. cit., p. 264.
80. Prosper Enfantin, Colonisation de l’Algérie, Paris, P. Bertrand, 1843, p. 105.
81. Pierre Leroux, « Les Juifs, rois de l’époque », La revue sociale, 4, 1846, p. 49-58, ici p. 51 (l’auteur souligne). Leroux a republié l’article dans son recueil Malthus et les économistes, ou Y aura-t-il toujours des pauvres ?, Boussac, Imprimerie de Pierre Leroux, 1849, p. 1-67 : sur l’origine de la banque, voir la note p. 15-16. Voir P. Bénichou, « Sur quelques sources françaises de l’antisémitisme moderne », art. cit., p. 72-73 ; id., Le temps des prophètes [1977], in Romantismes français, vol. 1, Paris, Gallimard, 2004, p. 789 ; Marcel Stoetzler, « Antisemitism, Capitalism, and the Formation of Sociological Theory », Patterns of Prejudice, 44-2, 2010, p. 160-193, ici p. 168-169.
82. P. Leroux, Malthus et les économistes…, op. cit., p. 16.
83. Ibid., p. 27 (l’auteur souligne).
84. Ibid., p. 22-23.
85. Ibid., p. 44. L’image de l’artillerie contraint ici Leroux à dater l’invention de la lettre de change du xve siècle au plus tôt. À moins qu’il faille comprendre que l’invention de la lettre de change remonte au haut Moyen Âge, et que la banque, dans son prolongement, apparut vers les xve-xvie siècles.
86. Ibid., p. 47.
87. Ibid., p. 50-51.
88. Ibid., p. 50.
89. Lamennais (poursuivi pour ultramontanisme en 1826) avait lancé à ses juges, comme le rappelle Leroux (ibid., p. 52) : « Je vous ferai voir ce que c’est qu’un prêtre. »
90. Ibid., p. 51-52 (l’auteur souligne).
91. Cette phrase figure déjà en conclusion de l’article « Castes » publié par Pierre Leroux et Jean Reynaud dans L’Encyclopédie nouvelle. Dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel, vol. 3, Paris, Gosselin, 1837, p. 303-311.
92. P. Leroux, Malthus et les économistes…, op. cit., p. 65-67.
93. Karl Marx, Introduction générale à la critique de l’économie politique [1857], in Philosophie, éd. par M. Rubel, trad. par L. Evrard et al., Paris, Gallimard, 2003, p. 445-485, ici p. 478-479 et 480.
94. Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858, dits « Grundrisse », éd. et trad. par J.-P. Lefebvre, Paris, Les éditions sociales, 2018, p. 215.
95. Id., « Formes qui précèdent la production capitaliste », in K. Marx, F. Engels et V. I. Lénine, Sur les sociétés précapitalistes. Textes choisis, éd. par le Centre d’études et de recherches marxistes, Paris, Les éditions sociales, 1978, p. 180-226, ici p. 196.
96. Ibid., p. 196.
97. Karl Marx, Le capital, vol. 1, Livre I, éd. par M. Rubel, trad. par J. Roy, Paris, Gallimard, [1867] 2008, p. 162.
98. Id., Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure, éd. et trad. par J. Ponnier, Bordeaux, Ducros, [1902] 1970, p. 246. Marx reprend deux fois la référence aux dieux d’Épicure dans Le capital III : d’abord dans le chapitre 13 « Remarques historiques sur le capital marchand » (K. Marx, Le capital, vol. 2, op. cit., p. 1655-1667, ici p. 1660 ; sur ce passage, voir le commentaire de Ludolph Kuchenbuch, « Marx et le féodalisme. Sur le développement du concept de féodalisme dans l’œuvre de Marx », L’atelier du Centre de recherches historiques, 27, 2023, https://doi.org/10.4000/acrh.25990, n. 213) et ensuite dans K. Marx, « Remarques sur l’usure précapitaliste », art. cit., p. 1834.
99. Ce que fait remarquer Tom Navon (à la suite d’Edmund Silberner) dans « Handelsvolk: Marx’s View of the Jews as a Trading-People and its Implications », Critique, 51-1, 2023, p. 19-36, ici p. 24.
100. Bruno Bauer, « La Question juive » [1843], in K. Marx, La question juive. Suivi de La question juive par Bruno Bauer, trad. par J.-M. Palmier et J.-M. Caillé, Paris, UGE, 1968, p. 69. Je préfère laisser Bürgerliche Gesellschaft plutôt que d’avoir à choisir entre « société bourgeoise » (traduction retenue dans cette édition) et « société civile ».
101. K. Marx, « Remarques sur l’usure précapitaliste », art. cit., p. 1845.
102. Voir Christopher Clark, Histoire de la Prusse, trad. par É. Chédaille, P. Hersant et S. Kleiman-Lafon, Paris, Perrin, [2006] 2014, p. 520-531.
103. Voir Iain McDaniel, « The Politics of Historical Economics: Wilhelm Roscher on Democracy, Socialism and Caesarism », Modern Intellectual History, 15-1, 2018, p. 93-122.
104. Voir le chapitre 3 sur le commerce de Wilhelm Roscher, Grundriss zu Vorlesungen über die Staatswirthschaft nach geschichtlicher Methode, Göttingen, Druck und Verlag der Dieterichschen Buchhandlung, 1843, p. 75-76, § 36. Jonathan Karp a signalé l’existence de ces lignes dans The Politics of Jewish Commerce: Economic Thought and Emancipation in Europe, 1638-1848, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 261.
105. L’essai de Roscher, « La position des Juifs au Moyen Âge, considérée du point de vue de la politique commerciale générale », parut en revue parallèlement dans sa version allemande et en traduction italienne. Le texte allemand peut se lire dans le recueil d’articles de Wilhelm Roscher, Ansichten der Volkswirtschaft aus dem geschichtlichen Standpunkte, vol. 2, Leipzig, C. F Winter, 1878, p. 321-354. Une traduction en anglais parut en 1944 dans Historia Judaica, 6-1, p. 1-12. Elle n’inclut pas la quatrième partie de l’article, consacrée à la comparaison avec les différentes diasporas commerciales.
106. W. Roscher, Ansichten…, op. cit., p. 334 : le premier épanouissement, « eines nationales Handelstandes » ; la traduction anglaise donne « a national merchant’s caste ». Un historien du commerce, Wilhelm Kiesselbach, a présenté dès 1860 une vision du rôle économique des Juifs dans l’Antiquité et au Moyen Âge très proche de celle que propose Roscher quinze ans plus tard : voir les trois premiers chapitres de son livre Der Gang des Welthandels und die Entwicklung des europäischen Völkerlebens im Mittelalter, Stuttgart, J. G. Cotta, 1860.
107. W. Roscher, Ansichten…, op. cit., p. 339-340.
108. À la suite de M. Toch, « Jews and Commerce », art. cit., p. 44 ; id., « Was There a Jewish Slave Trade (or Commercial Monopoly) in the Early Middle Ages? », in S. Hanss et J. Schiel (dir.), Mediterranean Slavery Revisited, 500-1800, Zürich, Chronos, 2014, p. 421-444, ici p. 422. M. Toch reprend la mise en perspective historiographique proposée par Toni Oelsner dans deux articles : Toni Oelsner, « Wilhelm Roscher’s Theory of the Economic and Social Position of the Jews in the Middle Ages: A Critical Examinaton », Yivo Annual of Jewish Social Science, 12, 1958-1959, p. 176-195, en particulier p. 176-177 et 184, n. 31, et dans id., « The Place of the Jews in Economic History as Viewed by German Scholars: A Critical-Comparative Analysis », The Leo Baeck Institute Year Book, 7-1, 1962, p. 183-212.
109. Heinrich Graetz, Geschichte der Juden von den ältesten Zeiten bis auf die Gegenwart: Aus den Quellen neu bearbeitet, vol. 5, Geschichte der Juden vom Abschluß des Talmud (500) bis zum Aufblühen der jüdisch-spanischen Cultur (1027), Leipzig, O. Leiner, [1860] 1871, p. 193 (je traduis).
110. Le très riche dossier fourni à ce sujet par Toni Oelsner dans « The Place of the Jews… », art. cit., est hautement instructif.
111. Heinrich von Treitschke, Politik. Vorlesungen gehalten an der Universität zu Berlin, vol. 1, Leipzig, Verlag von S. Hirzel, 1899, p. 295-296 (je traduis).
112. Comme l’écrit T. Oelsner, « Wilhelm Roscher’s Theory… », art. cit., p. 177 (je traduis).
113. Werner Sombart, Les Juifs et la vie économique, trad. par S. Jankélévitch, Paris, Payot, [1911] 1923. C’est ce que veut montrer T. Oelsner dans son second article, « The Place of the Jews… », art. cit. Voisinent, dans les deux articles de T. Oelsner, des affirmations déraisonnables, des batteries d’arguments prévisibles et des développements absolument remarquables, où se combinent une érudition époustouflante et une acuité de réflexion singulière. La discussion critique (dans « The Place of the Jews… ») sur le tableau de l’histoire économique juive qu’a présenté Max Weber dans plusieurs de ses œuvres est particulièrement précieuse. T. Oelsner, issue en Allemagne d’une famille modeste, a participé après 1933 à la résistance antinazie aux côtés de ses camarades communistes ; partie aux États-Unis, elle y est restée très isolée, probablement du fait de ses convictions pro-soviétiques conservées jusqu’à la fin de sa vie. Ses travaux ont eu pour moteur, au moins en partie, son irritation devant une historiographie autour du judaïsme allemand à l’époque moderne et contemporaine qui, à son gré, a fait la part belle aux « réussites » de magnats de la finance et de l’industrie et a largement ignoré les milieux juifs appartenant aux classes moyennes ou populaires : voir Toni Oelsner, « Dreams of a Better Life: Interview with Toni Oelsner », New German Critique, 20, 1980, p. 31-56. Son étude « Three Jewish Families in Modern Germany: A Study of the Process of Emancipation » (Jewish Social Studies, 4-3, 1942, p. 241-268) est de tout premier ordre.
114. W. Sombart, Les Juifs et la vie économique, op. cit., p. 202.
115. Ibid., p. 203.
116. Ibid., p. 446.
117. Ibid., p. 450.
118. Ibid., p. 357.
119. Ibid., p. 455.
120. Werner Sombart, Le socialisme allemand, trad. par G. Welter, Paris, Payot, [1934] 1938, p. 217-220 (l’auteur souligne). La distinction entre l’étape du surgissement de l’esprit capitaliste et le moment de son inscription dans des institutions, dans un système, correspond à celle entre le capitalisme naissant et le capitalisme avancé (Hochkapitalismus). Voir Werner Sombart, Le bourgeois. Contribution à l’histoire morale et intellectuelle de l’homme économique moderne, trad. par S. Jankélévitch, Paris, Payot [original allemand : 1913 ; 1928] 1966, p. 183 : « à la phase du capitalisme naissant c’est l’entrepreneur qui fait le capitalisme, tandis que dans la phase avancée c’est le capitalisme qui fait l’entrepreneur ». La judaïsation de l’économie et de la société, amorcée à l’époque du judaïsme naissant, s’est donc intensifiée sous le capitalisme avancé.
121. Voir la traduction française Henri Heine, « Les héroïnes de Shakspeare [sic] – Jessica. Le Marchand de Venise », in De l’Angleterre, Paris, Michel Lévy frères, [1867] 1877, p. 9-253, ici p. 175-176.