1) Le but de cette étude est de déterminer s'il existe, entre eurythermes et sténothermes, une différence de réaction métabolique à l'égard du réchauffement brusque, comme le laisse supposer une publication de SCHLIEPER [1950]. Une telle différence de réaction, traduisant une différence de sensibilité aux variations thermiques, serait susceptible d'intervenir dans la répartition de la faune entre les milieux à température stable et les milieux à température variable.
2) Des comparaisons intéressent chaque fois 2 ou 3 espèces voisines, à savoir les Turbellariés Crenobia alpina et Planaria gonocephala, les Crustacés Gammarus pulex, Asellus cavaticus et Asellus aquaticus, les larves d'Éphémères Baetis rhodani et Cloëon dipterum, enfin les Mollusques Ancylus fluviatilis et Acroloxus lacustris. L'un des termes de la comparaison provient d'un milieu stable (milieu généralement abrité, ou profond et agité), dans lequel la variation journalière est inférieure à 4° ; l'autre terme provient d'un milieu variable (milieu exposé et peu profond, zone superficielle des eaux stagnantes), dans lequel la variation journalière peut dépasser 9°.
3) Deux méthodes différentes servent, pour plus de sûreté, à déterminer la consommation d'oxygène des animaux : une méthode en milieu confiné, avec dosage de l'oxygène dissous selon WINKLER [1888] et Van DAM [1935], et la méthode manométrique de SCHOLANDER et EDWARDS [1942]. Les animaux disposent toujours d'un substrat rugueux.
Les deux méthodes font intervenir des conditions de milieu différant principalement par l'agitation de l'eau, le taux d'oxygène dissous et la fréquence du tranvasement des sujets. La consommation d'oxygène de Gammarus pulex et Crenobia alpina, par exemple, varie avec la méthode utilisée. Le réchauffement a davantage d'influence sur Asellus cavaticus en eau agitée et aérée. Chez Crenobia, l'aspect même de la réaction au réchauffement se modifie : la Planaire perd sa capacité de résistance lorsqu'elle se trouve en milieu stagnant.
Les conditions de vie au laboratoire et dans les appareils de mesure provoquent, chez plusieurs espèces, une modification graduelle du métabolisme dans un sens ou dans l'autre. Certaines espèces font preuve d'un rythme respiratoire. L'étude de la réaction au réchauffement exige donc l'intervention d'animaux-témoins, dont le comportement permet la correction des diverses réponses.
4) L'analyse de variance et le calcul des régressions interviennent pour déterminer le tracé des courbes-réponses au réchauffement et pour comparer les réactions des espèces entre elles.
5) Les résultats ne révèlent aucune différence systématique de comportement entre animaux de milieux stables et animaux de milieux variables, laissant donc à penser que les variations journalières de température ne jouent pas de rôle important dans la répartition de la faune aquatique. Les différences tendent plutôt à se manifester entre les représentants de groupes zoologiques distincts, car les graphiques mettent en évidence plusieurs traits communs aux deux Planaires, d'autres aux deux Crustacés épigés, d'autres encore aux deux Ephémères Baetidés.
Par ailleurs, l'étude fait apparaître ou confirme des particularités intéressantes de l'habitat et de la physiologie de plusieurs espèces, telles que la grande variabilité des milieux à Crenobia, la résistance temporaire dont cet animal et Planaria gonocephala sont capables de faire preuve à l'égard du réchauffement, la faible influence qu'exerce la température sur la respiration de Gammarus pulex et Asellus aquaticus, enfin la difficulté qu'éprouve Baetis rhodani à se procurer l'oxygène nécessaire, en dehors de son milieu naturel.