Hostname: page-component-586b7cd67f-r5fsc Total loading time: 0 Render date: 2024-11-30T15:35:08.513Z Has data issue: false hasContentIssue false

Sans doute et probablement : des synonymes ?

Published online by Cambridge University Press:  09 September 2021

Anouch Bourmayan*
Affiliation:
STIH, Sorbonne Université
Fumitake Ashino
Affiliation:
Université Keio
*
Corresponding author: Email : [email protected]
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Résumé

Dans cet article, nous entendons dissiper une illusion sémantique : celle de la synonymie de sans doute et de probablement. Nous partons des hypothèses descriptives suivantes : probablement présente une proposition comme probable, c’est-à-dire comme une proposition dont la vérité a plus de raisons d’être confirmée que d’être infirmée, tandis que sans doute présente une proposition comme s’imposant selon une perspective restreinte. Nous défendons l’idée que ces marqueurs sont des adverbes modaux épistémiques présentant un sens littéral distinct mais une même valeur évidentielle : celle d’une inférence à la meilleure hypothèse. Nous expliquons ainsi pourquoi sans doute et probablement peuvent être perçus comme synonymes dans certains contextes, mais montrons que cette synonymie n’est qu’apparente car les marqueurs apportent en réalité un regard différent sur l’information : sans doute présente un jugement médiatisé par une perspective subjective, tandis que probablement véhicule un mode de présentation objectif de l’information.

Type
Article
Creative Commons
Creative Common License - CCCreative Common License - BYCreative Common License - NCCreative Common License - ND
This is an Open Access article, distributed under the terms of the Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives licence (http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/), which permits non-commercial re-use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is unaltered and is properly cited. The written permission of Cambridge University Press must be obtained for commercial re-use or in order to create a derivative work.
Copyright
© The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press

Introduction

Dans de nombreux dictionnaires, tel le Trésor de la langue française informatisé, les marqueurs sans doute et probablement sont présentés comme synonymes. Ce point de vue est également adopté par certains linguistes comme Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014). Dans d’autres travaux cependant, sans doute et probablement sont considérés comme sémantiquement distincts. Vlad (Reference Vlad2005: 223) ordonne ainsi ces marqueurs selon le degré de certitude qu’ils expriment : d’après elle, avec probablement, « la valeur de vérité de l'énoncé se rapproche du domaine modal du probable », tandis qu’avec sans doute, « le degré de certitude de l'énoncé est encore plus grand, la valeur de vérité de l'énoncé étant très proche de la valeur modale <certain> ». Sans doute et probablement sont-ils donc sémantiquement identiques ou différents ? Footnote 1

Dans cet article, nous montrons que sans doute et probablement ne sont pas synonymes, même s’ils peuvent parfois être utilisés dans des contextes identiques. A partir de l’étude d’occurrences issues du corpus contemporain de Frantext, comportant des textes publiés de 1980 à nos jours, et du sous-corpus « France » du corpus de français frTenTen17 de Sketch Engine, constitué de textes collectés sur le web en 2017, nous proposons pour chacun des deux marqueurs une analyse sémantique spécifique qui explique leur proximité apparente tout en rendant justice à leur singularité. Dans une première section, nous montrerons que sans doute et probablement peuvent être utilisés tous deux pour présenter une proposition correspondant à la meilleure hypothèse dans le contexte en jeu, d’où le fait qu’ils soient souvent considérés comme synonymes. Dans une seconde section, après avoir rappelé leur évolution sémantique, nous exposerons nos hypothèses concernant leurs valeurs sémantiques respectives : probablement présente une proposition comme probable, c’est-à-dire comme une proposition dont la vérité a plus de raisons d’être confirmée que d’être infirmée ; sans doute présente une proposition comme s’imposant selon une perspective restreinte. Nous contrasterons notamment cette description avec l’analyse de sans doute proposée par Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014). Dans une troisième section, nous déploierons notre analyse en montrant comment la sémantique de sans doute et celle de probablement s’articulent par rapport aux notions de modalité épistémique et de médiativité. Footnote 2 Nous mettrons en particulier en évidence deux points : les valeurs sémantiques de base respectives de sans doute et probablement sont toutes deux épistémiques et non médiatives, leur valeur médiative étant seconde et inférée pragmatiquement ; leurs valeurs épistémiques sont distinctes, tandis que leurs valeurs médiatives respectives sont similaires. Enfin, dans une quatrième et dernière section, nous explorerons plus avant les valeurs épistémiques des deux marqueurs et montrerons qu’elles se distinguent plus spécifiquement de la façon suivante : sans doute encode une modalité épistémique subjective et probablement une modalité épistémique objective. Ainsi, bien qu’ils puissent être utilisés tous deux pour désigner la meilleure hypothèse dans le contexte en jeu, sans doute et probablement ne sont en réalité jamais parfaitement synonymes. Footnote 3

I. Une apparente synonymie

Si sans doute et probablement peuvent de prime abord être considérés comme synonymes, c’est parce qu’ils permettent tous deux de présenter une proposition comme la meilleure hypothèse dans le contexte en jeu.

Comme le notent Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 43), sans doute ne peut être utilisé pour présenter une proposition dont le locuteur est certain qu’elle est vraie. Il en va de même pour probablement. Cela implique d’une part que les deux marqueurs ne peuvent être utilisés dans des contextes où le locuteur a pu établir la vérité de la proposition par une perception directe du fait ou de l’événement en jeu. En attestent les exemples (1a) et (2a) de Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 44) :

Si (1a) répond aux questions « Qu’as-tu fait l’autre jour ? » ou « À quel événement as-tu assisté l’autre jour ? », ou en d’autres termes si sans doute porte respectivement sur [voir le match du Barça] ou sur [le match du Barça], Footnote 4 et si l’on considère par ailleurs que le locuteur est en mesure d’identifier et de se rappeler l’événement auquel il a assisté, la présence de sans doute rend la phrase pragmatiquement inacceptable. De même, si l’on considère que le locuteur est capable de rendre compte de la sensation qu’il a ressentie, sans doute apparaît pragmatiquement inadapté en (2a). Et si l’on transpose (1a) et (2a) en (1b) et (2b) en remplaçant sans doute par probablement, la conclusion est la même : ni sans doute ni probablement ne peuvent être utilisés pour présenter une information acquise par la perception directe, si celle-ci est censée permettre au locuteur d’être certain du fait ou de l’événement considéré.

De même, sans doute et probablement ne peuvent être utilisés pour présenter une information acquise par le raisonnement si celui-ci permet au locuteur d’avoir la certitude que cette information est vraie. Ainsi, dans un contexte où peut planer une certaine ambiguïté, une proposition présentée par sans doute ou probablement ne peut être interprétée comme une information certaine pour le locuteur. Si nous considérons par exemple (3a) et (4a), ces séquences peuvent chacune être complétées par la proposition « même si l’on ne peut en être complètement certain », tandis qu’une continuation en « j’en suis absolument convaincu » est impossible ou pragmatiquement très étrange : Footnote 5

De fait, ni sans doute ni probablement ne peuvent apparaître dans un contexte où les connaissances du locuteur sont suffisantes pour établir par un raisonnement inférentiel la vérité de la proposition en jeu, comme en témoigne l’étrangeté de l’échange suivant :

Sans doute et probablement sont donc semblables en ce qu’ils ne peuvent présenter qu’une hypothèse dont le locuteur n’est pas entièrement certain.

Cependant, ces marqueurs ne se contentent pas de présenter une proposition comme une hypothèse parmi d’autres, c’est-à-dire comme une hypothèse valable mais qui ne le serait pas davantage que d’autres hypothèses concurrentes, comme peut le faire par exemple peut-être. Ils assignent en réalité à la proposition le statut d’une hypothèse qui se démarque des hypothèses concurrentes en ce qu’elle est jugée la meilleure, la plus proche de la vérité. Et ce statut ne peut bien sûr être accordé à deux propositions distinctes, d’où le fait que (6a) soit acceptable mais que (6b) et (6c) ne le soient pas :

Faut-il donc attribuer aux deux marqueurs une valeur sémantique identique ?

II. Sans doute et probablement : quelle valeur sémantique de base ?

II.1 La valeur sémantique de sans doute

Comme le rappelle Féron (Reference Féron2002), dans ses premiers emplois, sans doute porte sur un constituant interne à la proposition. Dans son sens littéral, il signifie « sans hésitation » et peut par exemple porter sur un verbe comme embrasser. S’il suit un verbe de connaissance, de croyance, voire d’énonciation, l’absence d’hésitation sera interprétée comme une absence d’incertitude. Puis, dès le XIIe siècle, sans doute peut porter non seulement sur un constituant interne à la proposition mais également sur la proposition elle-même : il devient alors adverbe de phrase. Ces deux emplois coexistent un temps, avant que le premier ne laisse définitivement place au second. Comme le rappelle Féron, ce changement correspond typiquement au premier mouvement de subjectivation décrit par Traugott (Reference Traugott1989) comme caractéristique de l’évolution sémantique d’un certain nombre d’expressions, dont les expressions devenues épistémiques : « une expression déjà existante, dotée d’une fonction référentielle, est utilisée pour signaler l’attitude du locuteur, et du même coup contribuer aux stratégies de conviction que celui-ci met en place » (Féron Reference Féron2002: 29).

En tant qu’adverbe de phrase, sans doute connaît ensuite une seconde phase de subjectivation de sa valeur sémantique, également caractéristique selon Traugott (Reference Traugott1989) des expressions épistémiques indiquant initialement la certitude absolue (voir notamment certainement ou sûrement en français). Tout d’abord utilisé dans son sens compositionnel d’absence de doute, le marqueur voit à partir du XVIIIe siècle sa valeur sémantique s’affaiblir, se trouvant progressivement relayé dans son sens de certitude absolue par sans aucun doute et sans nul doute. De fait, comme le décrit Traugott, utiliser sans doute ou une autre expression épistémique indiquant la certitude pour renforcer son propos peut avoir pour effet paradoxal d’affaiblir celui-ci, car le fait d’ajouter une modalisation, quand bien même pour exprimer une adhésion pleine et entière à la proposition en jeu, ouvre indirectement la voie à une possible discussion sur le statut de cette proposition. De même, Féron rappelle l’hypothèse de Martin (Reference Martin1987) selon laquelle « l’insertion d’un marqueur [de certitude] indique que le locuteur s’attend à des réserves de la part de son interlocuteur ; autrement dit, le marqueur lui-même introduit une image d’univers dans laquelle p est faux – cette image d’univers étant typiquement l’image d’univers de son interlocuteur » (Féron Reference Féron2002: 26). Berrendonner, cité également par Féron (Reference Féron2002: 29), rejoint cette analyse en affirmant que « plus une assertion se dit forte, plus elle est suspecte de faiblesse » (Berrendonner Reference Berrendonner1987: 296). Or cette inférence pragmatique selon laquelle « on ne dirait pas ce que l’on dit à moins qu’il n’y ait [pour l’interlocuteur] quelque doute ou facteur surprise » Footnote 6 (Traugott Reference Traugott1989: 51) peut se conventionnaliser progressivement pour entrer in fine dans la valeur sémantique de l’expression en jeu : c’est précisément le cas pour sans doute. Dès lors, comment décrire précisément la valeur sémantique actuelle du marqueur ?

L’hypothèse descriptive que nous défendons est la suivante (p étant la proposition sur laquelle porte sans doute) :

Dans les sections suivantes, nous examinerons les implications de cette description et montrerons précisément comment elle rend compte des spécificités du comportement sémantique du marqueur. Mais certains points de cette description nécessitent d’être commentés d’emblée, à commencer par la notion de perspective, à laquelle nous donnons un sens épistémique : la perspective d’un individu définit les croyances et les connaissances qu’il ou elle a sur un aspect du monde. Or dans le cas de sans doute, la perspective en jeu est présentée comme restreinte : l’ensemble des informations disponibles sur tel aspect du monde est potentiellement incomplet, lacunaire.

Cette notion de perspective que nous postulons dans le sémantisme de base de sans doute est selon nous héritée de la présence du mot doute dans l’expression. Doute est le déverbal de douter, qui a pour sujet grammatical l’expérienceur, celui qui ressent le doute. De même, le substantif doute implique lexicalement un expérienceur qui peut être réalisé syntaxiquement, par exemple par un pronom possessif comme en (8a) ou par un complément du nom comme en (8b), ou qui peut au contraire être laissé implicite, comme en (8c) et (8d) :

Mais en (8c) et (8d), et de manière générale lorsque l’expérienceur n’est pas réalisé syntaxiquement, le sémantisme de doute requiert que l’expérienceur soit contextuellement identifié pour que la communication s’effectue avec succès, que celui-ci prenne une valeur définie comme en (8c), où il renvoie au locuteur, ou indéfinie comme en (8d), où il pourrait être explicité par des expressions comme « d’une personne » ou « que l’on éprouve ». Footnote 7 La prise en compte d’un expérienceur est donc avant tout une contrainte d’ordre conceptuel, une contrainte imposée par notre compréhension du lexème doute ; et nous pensons que celle-ci se manifeste également au sein du sémantisme du marqueur sans doute – même si le substantif doute se trouve alors pris dans une expression au moins partiellement lexicalisée – sous la forme de ce que nous appelons perspective et qui prend, nous l’avons dit, une valeur épistémique, impliquant la définition d’un ensemble de croyances sur un aspect donné du monde à l’aune desquelles la proposition est évaluée. Dans les deux cas en effet, l’information est médiatisée par une instance spécifique, une subjectivité dont nous verrons qu’elle joue un rôle crucial dans le comportement sémantique du marqueur. Ce qui différencie ensuite le sémantisme de sans doute dans son sens actuel affaibli de celui du sans doute exprimant initialement la certitude, c’est uniquement le caractère restreint de la perspective en jeu. Dans le sens actuel du marqueur, cette perspective est présentée comme incomplète ; les connaissances du locuteur sont potentiellement lacunaires, ouvrant la voie à une éventuelle erreur d’appréciation.

II.2 La valeur sémantique de probablement

Comme le rappelle le Dictionnaire historique de la langue française, l’adverbe probablement apparaît vers le XIVe siècle. Il est issu de l’adjectif probable, lui-même dérivé de probare qui signifie « prouver » en latin. Ainsi, comme l’indique ce dictionnaire, l’adjectif probable a tout d’abord le sens de « que l’on peut prouver, vérifier » Footnote 8 ; puis, à partir de la fin du XIVe siècle, il prend progressivement son sens moderne pour « qualifier un événement, un phénomène qu’il est raisonnable de supposer ». De même, le Trésor de la langue française informatisé définit probable de la manière suivante : « qui a une apparence de vérité ; dont la vérité a plus de raisons d'être confirmée que d'être infirmée ». En outre, au début du XXe siècle, un emploi plus spécialisé de l’adjectif apparaît dans le domaine des mathématiques avec le développement de la théorie dite des probabilités.

Si l’on en vient maintenant plus spécifiquement à probablement, dans ses premiers emplois, l’adverbe, tout comme sans doute, porte sur un constituant interne à la proposition. Il est alors adverbe de manière et signifie « d’une manière probable », comme en témoigne l’exemple suivant, tiré du Littré :

Puis, selon l’évolution décrite par Traugott (Reference Traugott1989) et déjà exposée ci-dessus pour sans doute, probablement perd son sens référentiel pour prendre sa valeur épistémique actuelle, passant sur un plan syntaxique d’adverbe de constituant à adverbe de phrase, comme on peut le voir en (10) (où certainement garde en revanche encore son statut d’adverbe de constituant) :

Nous proposons ainsi de décrire le sens actuel de probablement de la manière suivante, p étant la proposition sur laquelle porte le marqueur :

Cette description peut sembler triviale en ce qu’elle se contente apparemment de prendre acte du fait que probablement est dérivé de l’adjectif probable, mais elle porte en réalité des informations cruciales, dont nous verrons qu’elles permettent de rendre compte de l’écart sémantique du marqueur avec sans doute.

Premièrement, (11) ne fait pas état d’une perspective particulière. De fait, contrairement au mot doute, issu d’un verbe qui sélectionne comme sujet un expérienceur, et qui dans ses emplois non figés implique que l’expérienceur soit identifié, si ce n’est de manière explicite, du moins sur un plan conceptuel, l’adjectif dont dérive probablement ne requiert de complément mentionnant un expérienceur ou une perspective épistémique ni sur le plan syntaxique ni sur le plan conceptuel. Ainsi, en (12), selon moi n’est pas sélectionné par probable :

Et de même pour probablement, morphologiquement dérivé de probable ; en (13), selon lui ne peut dépendre de l’adverbe et prend nécessairement portée large sur lui :

D’où le fait qu’il nous apparaisse nécessaire de mentionner la présence d’une perspective spécifique dans la description sémantique de sans doute, mais préférable de ne pas le faire pour probablement. Footnote 9

A l’inverse, dans la description que nous proposons pour probablement, nous explicitons le sens de probable pour mettre en évidence une dimension importante du marqueur qui n’est pas présente dans la valeur sémantique de sans doute : probablement indique que l’évaluation est fondée rationnellement, qu’elle n’est pas le fruit d’une intuition Footnote 10 mais repose sur un examen raisonné des informations disponibles, puisque le locuteur « a plus de raisons [de] confirm[er] que [d’]infirm[er] » que la proposition est vraie. En effet, récurrente dans les définitions proposées par les différents dictionnaires pour probable et probablement, cette dimension rationnelle est inscrite dans la base même de l’adverbe, dérivé – comme nous l’avons rappelé précédemment – du verbe latin probare signifiant « prouver ». Celle-ci se trouve en outre renforcée par l’existence du sens spécialisé que probable prend en statistique, et qui tend à inscrire le sémantisme du marqueur dans l’ordre rigoureux et objectif des sciences. Sans doute, quant à lui, ne donne pas d’information sur la nature du processus permettant au locuteur d’évaluer la proposition en jeu : seul est indiqué le statut que celle-ci reçoit selon une certaine perspective.

Enfin, si sans doute et probablement connaissent tous deux un premier basculement – caractéristique des expressions modales épistémiques selon Traugott – d’une valeur référentielle vers une valeur épistémique, qui se traduit sur un plan syntaxique par le passage du statut d’adverbe de constituant à celui d’adverbe de phrase, seul sans doute connaît une seconde phase d’affaiblissement de sa valeur épistémique, également décrite par Traugott comme fréquente pour les expressions épistémiques indiquant initialement la certitude absolue, comme nous l’avons vu plus haut. De fait, jamais probablement n’a permis d’exprimer la certitude absolue ; contrairement à sans doute, sa valeur sémantique actuelle n’est pas dérivée à partir d’un noyau initial instituant la proposition comme certaine. Dans les descriptions que nous proposons respectivement pour les deux marqueurs, nous gardons trace de cette différence, l’affaiblissement de la valeur épistémique de sans doute étant marquée par la dimension « restreinte » de la perspective en jeu, c’est-à-dire par le caractère potentiellement lacunaire des informations dont le locuteur dispose pour effectuer son assertion (il suffit d’ôter cette caractérisation pour retrouver le sens premier de l’adverbe de phrase, celui d’absence de doute, impliquant une certitude absolue).

II.3 Une analyse alternative de sans doute : Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014)

Une analyse de sans doute concurrente de la nôtre est proposée par Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014). D’après elles, sans doute présente en effet deux emplois distincts. Dans un premier emploi, il serait selon Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 46) un « marqueur de probabilité dans un raisonnement inférentiel », raisonnement menant à l’élaboration d’une hypothèse explicative, parfois appelé « inférence à la meilleure explication ». Footnote 11,Footnote 12 Le processus de mise au jour de l’information exprimé par sans doute impliquerait ainsi une prudence et une objectivité caractéristiques du processus scientifique, s’opposant à une simple conjecture. Dans ce cas, affirment Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 48), la probabilité exprimée par le marqueur est « moyenne », et celui-ci est synonyme de probablement. Mais selon Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 49), sans doute présenterait également un second emploi dans lequel il serait cette fois un « modal épistémique d’opinion exprimant la certitude » – une certitude non absolue mais « élevée ». Le marqueur n’impliquerait alors pas de raisonnement inférentiel mais permettrait au locuteur d’indiquer une opinion subjective. Miche et Lorda illustrent ces deux emplois par les exemples suivants :

Or, cette analyse diffère de la nôtre sur deux points au moins : premièrement, la distinction de deux emplois de sans doute dont l’un serait inférentiel et objectif, tandis que l’autre marquerait une opinion subjective ; deuxièmement, la synonymie de sans doute avec probablement. Dans ce qui suit, nous allons au contraire défendre l’idée que ce que Miche et Lorda désignent comme le second emploi de sans doute correspond à la valeur générale du marqueur, tandis que le comportement sémantique qu’elles décrivent comme le premier emploi de sans doute correspond en réalité à la valeur sémantique de probablement. Pour cela, commençons par examiner les implications des hypothèses descriptives que nous avons proposées en (7) et (11) par rapport aux notions de modalité épistémique et de médiativité.

III. Sans doute et probablement : des marqueurs épistémiques ou médiatifs ?

Si la médiativité désigne le marquage de la source de l’information donnée, plusieurs auteurs restreignent l’extension des marqueurs médiatifs à des éléments grammaticaux et en excluent au contraire les termes lexicaux (voir notamment Aikhenvald Reference Aikhenvald2003 et Reference Aikhenvald2007, Anderson Reference Anderson1986, Lazard Reference Lazard2001 et Plungian 2010). En ce sens, ni sans doute ni probablement ne sont des marqueurs médiatifs, le français ne possédant pas de catégorie grammaticale spécifique pour la médiativité. Si nous posons ici la question du statut médiatif de sans doute et de probablement, c’est dans une acception large de la médiativité admettant les unités lexicales (voir par exemple Boye et Harder Reference Boye and Harder2009 ou Squartini Reference Squartini2008).

Mais au sein de cette dernière approche, une autre équivoque existe concernant l’extension précise de la catégorie des marqueurs médiatifs et l’articulation entre médiativité et modalité épistémique. Comme le rappellent Dendale et Van Bogaert (Reference Dendale and Van Bogaert2012) ou Barbet (Reference Barbet2012), au sens restreint, la médiativité concerne strictement la désignation de la source d’information, excluant ainsi les modaux épistémiques, qui par définition expriment un jugement du locuteur sur la fiabilité de l’information qu’il transmet. Cependant, certains auteurs, tels Mithun (Reference Mithun1986) ou Chafe (Reference Chafe1986), adoptent une conception plus large de la médiativité incluant à la fois l’indication de la source de l’information et l’attitude du locuteur vis-à-vis de cette information. De fait, la modalité épistémique est fréquemment mise en rapport avec la médiativité inférentielle, au motif que « ce n’est qu’au terme d’un raisonnement que l’on peut poser la possibilité ou la nécessité d’un fait » (Barbet Reference Barbet2012: 55). Cependant, des raisons existent pour refuser cet amalgame et continuer de distinguer médiativité (inférentielle) et modalité épistémique, c’est-à-dire source et plausibilité de l’information (voir notamment Barbet Reference Barbet2012, de Haan Reference De Haan1999, Reference De Haan2001 et Cornillie Reference Cornillie2009). De fait, cette distinction est cruciale pour analyser sans doute et probablement sur un plan sémantique, car si ces marqueurs présentent une même valeur médiative dérivée pragmatiquement, leurs valeurs sémantiques de base respectives diffèrent l’une de l’autre.

III.1 Les valeurs sémantiques de base de sans doute et de probablement

Si nous reprenons les descriptions proposées en (7) et (11) – descriptions dont nous montrons à la fin de cette section et dans la section suivante qu’elles rendent compte des similarités mais également des différences entre les deux marqueurs sur un plan sémantique – sans doute et probablement s’inscrivent tous deux dans la catégorie des adverbes modaux épistémiques, qui, comme le rappellent Molinier et Levrier (Reference Molinier and Levrier2000: 91), Footnote 13 « ont pour fonction d’évaluer la vérité ou le degré de certitude, sur une échelle nécessairement positive, de la proposition qu’ils accompagnent ». De fait, sans doute et probablement présentent les deux propriétés définitoires des adverbes modaux selon la définition de Molinier et Levrier (Reference Molinier and Levrier2000: 91-92) : ils sont capables de constituer seuls une réponse à une question totale, et peuvent toujours être accompagnés dans cet emploi par la proforme oui, comme en témoigne (16). Footnote 14

Il n’est donc pas surprenant que Molinier et Levrier (Reference Molinier and Levrier2000: 91) classent explicitement probablement et sans doute dans la catégorie des modaux. Guimier (Reference Guimier1996) quant à lui ne cite que probablement mais le range également parmi les adverbes modaux épistémiques, qu’il place aux côtés des adverbes modaux aléthiques dans la catégorie des adverbes assertifs, c’est-à-dire des adverbes qui « sont le signe d’une évaluation quantitative portée sur le contenu propositionnel » (Guimier Reference Guimier1996: 112).

Or, si ces auteurs s’accordent sur le fait que probablement et sans doute (lorsqu’ils citent ce dernier) appartiennent à la classe des adverbes modaux épistémiques, les typologies sophistiquées qu’ils établissent chacun concernant les adverbes permettent de mettre davantage en perspective la valeur sémantique spécifique des marqueurs. De fait, les adverbes modaux appartiennent, selon Molinier et Lévrier (Reference Molinier and Levrier2000), à la catégorie plus générale des adverbes disjonctifs d’attitude, par opposition aux adverbes disjonctifs de style, deux catégories que Molinier (Reference Molinier2009) renomme respectivement adverbes d’énoncé et adverbes d’énonciation. Reprenant les définitions initiales de Quirk et Greenbaum (Reference Quirk and Greenbaum1973: 242), Molinier (Reference Molinier2009: 9) rappelle que les premiers « commentent le contenu de l’énoncé », tandis que les seconds « véhiculent le commentaire du locuteur sur la forme de ce qu’il dit, définissant en quelque sorte sous quelles conditions il parle ». De son côté, Guimier (Reference Guimier1996) – qui distingue les adverbes portant sur le dit, ceux portant sur le dire et ceux portant sur la visée de discours – classe les adverbes modaux épistémiques dans la première catégorie, rejoignant ainsi l’analyse de Molinier et Levrier (Reference Molinier and Levrier2000) et de Molinier (Reference Molinier2009).

Mais doit-on s’arrêter là pour circonscrire la valeur sémantique de base de sans doute et de probablement ? Les catégories citées par ces auteurs sont-elles exclusives l’une de l’autre ? Tel n’est pas le point de vue de Guimier, qui insiste au contraire sur le fait qu’« un même adverbe […] combine parfois, dans un même contexte, des caractéristiques propres à plusieurs modes de fonctionnement » (Reference Guimier1996: 161). Ainsi, probablement et sans doute appartiennent à la classe des adverbes d’énoncé (ou adverbes disjonctifs d’attitude), mais sont-ils réellement étrangers à la classe des adverbes d’énonciation ? Molinier (Reference Molinier2009) propose trois critères, non nécessairement exclusifs l’un de l’autre, pour identifier les adverbes d’énonciation. Tout d’abord, l’adverbe peut entrer dans une paraphrase dans laquelle il qualifie un verbe de parole placé dans une proposition principale (voir (17)) ; ensuite, il peut présenter une forme syntaxiquement complexe comprenant des substantifs tels que mots, termes, propos ou des verbes comme parler ou dire (voir (18)) ; enfin, il peut donner lieu à une paraphrase mettant en jeu les substantifs ou verbes précédents (voir (19)) :

Ni probablement ni sans doute ne présentent stricto sensu ces propriétés. Cependant, si sans doute ne porte pas sur le dire, il concerne les croyances du locuteur et apporte donc un commentaire sur le locuteur tout autant qu’il commente la teneur de la proposition elle-même. De fait, si l’on transpose les critères de Molinier du domaine de la parole à celui de la croyance, sans doute répond au premier critère, puisqu’il comporte le substantif doute. Et s’il ne peut lui-même entrer dans une paraphrase dans laquelle il qualifie un verbe de croyance, le marqueur peut facilement être paraphrasé par un tel verbe ou par une locution verbale équivalente :

De même, Guimier (Reference Guimier1996: 141) définit, au sein des adverbes portant sur la visée de discours, la classe des adverbes illocutifs, qui « permettent au locuteur de caractériser l’acte illocutoire, c’est-à-dire l’acte qu’il tend à réaliser au travers de la simple production de son message, en disant quelque chose des partenaires de cet acte, en l’occurrence de lui-même en tant que locuteur, ou de son interlocuteur ». Or la même remarque peut être faite : si sans doute ne qualifie pas tant l’acte de parole que l’acte de pensée soutenant l’assertion, il s’éloigne dans une certaine mesure des adverbes portant sur le dit en ce qu’il ne se contente pas de commenter le contenu de la proposition mais renvoie également à l’état cognitif du locuteur (ce que notre description en (7) retranscrit par la notion de perspective). A l’inverse, probablement ne présente pas ces caractéristiques : il commente spécifiquement le contenu de la proposition, non l’acte de parole ou de pensée du locuteur. Du point de vue de leur valeur littérale, sans doute et probablement sont donc semblables en ce qu’ils expriment une valeur modale épistémique et non une valeur médiative. Mais ils diffèrent en ceci que seul probablement exprime littéralement une valeur spécifiquement épistémique, portant uniquement sur le contenu propositionnel. Sans doute quant à lui illustre cette porosité sémantique relevée par Guimier comme caractéristique de certains adverbes : s’il commente la valeur de vérité de la proposition, c’est en décrivant l’état cognitif du locuteur. Comme nous le verrons dans la section suivante, ce contraste permet d’expliquer l’inscription respective des deux marqueurs au sein du paradigme objectivité/subjectivité.

III.2 La valeur sémantique dérivée de sans doute et probablement

Nous l’avons vu en section I, sans doute et probablement sont semblables en ce qu’ils ne peuvent présenter qu’une hypothèse et non une information certaine, mais une hypothèse qui se démarque cependant des autres hypothèses concurrentes en ce qu’elle est jugée la meilleure, la plus proche de la vérité. Or ce comportement sémantique commun aux deux marqueurs est cohérent avec les descriptions que nous avons proposées en (7) et en (11). De fait, pour sans doute, considérer qu’une proposition s’impose selon une perspective restreinte, c’est-à-dire selon les informations qui sont disponibles, revient à dire qu’à l’appui de connaissances qu’il sait potentiellement lacunaires, le locuteur a mené un raisonnement au terme duquel il a sélectionné une proposition qui lui est apparue meilleure que les autres. De même, pour probablement, dire que l’on a plus de raisons de confirmer que d’infirmer la proposition, c’est dire que le raisonnement permet d’établir celle-ci comme la meilleure hypothèse. A partir de deux sens littéraux différents que l’on peut qualifier de modaux, on voit ainsi émerger un sens pragmatique commun de nature médiative cette fois, concernant le raisonnement inférentiel mené par le locuteur pour établir une proposition comme la meilleure hypothèse.

Peut-on préciser la nature de ce raisonnement inférentiel, de cette « inférence à la meilleure hypothèse » impliquée par le sens littéral de chacun des deux marqueurs ? Dendale et De Mulder (Reference Dendale and De Mulder1996: 313) décrivent une opération qui s’inscrit dans une « logique de la découverte », impliquant de générer et d’évaluer différentes hypothèses pour n’en sélectionner in fine qu’une seule, ce choix se justifiant par sa cohérence avec les connaissances du locuteur. Footnote 16 Or, dès lors que ces connaissances sont lacunaires, la conclusion qui découle du raisonnement ne peut être certaine : dans une inférence à la meilleure explication, « les prémisses risquent toujours d’être incomplètes et incertaines ou incorrectes. Il se peut donc toujours qu’il y ait des facteurs dont le locuteur n’a pas pu tenir compte : ou bien des prémisses qu’il n’a pas activées, ou bien des arguments en faveur ou à l’encontre de certaines prémisses dont il ne disposait pas. » (Dendale Reference Dendale1994: 35, cité par Dendale et De Mulder Reference Dendale and De Mulder1996: 315). Par conséquent, « [ce type de raisonnement] laisse toujours place à une négociation, éventuellement à l’expression d’un doute » (Desclés et Jackiewicz 2006: 38).

Peut-on préciser davantage la nature de cette inférence à la meilleure explication exprimée par sans doute et probablement ? Pour Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 47), concernant sans doute, cette inférence est de nature spécifiquement causale : il s’agirait pour le locuteur de formuler une hypothèse sur la cause d’un fait donné. Or, dans notre corpus, les propositions sur lesquelles portent sans doute sont loin d’exprimer systématiquement la cause d’un phénomène observé. En témoignent par exemple (21) et (22), dans lesquels sans doute modalise des propositions constituant des prévisions sur un fait donné – l’évolution de programmes en (20) et la date d’une réunion en (21) – qui n’ont pas vocation à expliquer quelque fait que ce soit :

Il en va de même pour probablement, qui présente par exemple une hypothèse sur un état passé en (23) et une prédiction en (24) :

Ainsi sans doute et probablement partagent-ils une valeur médiative commune qui ne doit pas être réduite à l’établissement d’une cause mais constitue de manière plus générale une inférence à la meilleure hypothèse.

D’après Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014: 49), dans son second emploi de « modal épistémique d’opinion exprimant la certitude », sans doute permet au locuteur de donner une opinion qui « ne vient pas d’un raisonnement inférentiel, mais d’une expérience ou d’un processus de réflexion ». Outre que la différence entre « raisonnement inférentiel » et « processus de réflexion » demanderait à être précisée, Miche et Lorda ne donnent pas d’argument véritable justifiant que sans doute n’implique pas de raisonnement inférentiel dans un exemple comme (15) :

Or, même s’il s’agit de formuler un propos qui paraît subjectif (le terme bouleversant étant un adjectif axiologique), rien n’empêche que le locuteur ait procédé selon une inférence à la meilleure hypothèse en considérant les informations qu’il a à sa disposition (par exemple, son ressenti émotionnel à la lecture des différents romans de cet auteur, et plus précisément la quantité de larmes qu’il a versées, la persistance du roman dans sa mémoire …), tout en tenant compte du fait qu’il s’agit d’un jugement subjectif dont les critères peuvent varier selon les lecteurs et qu’on ne peut donc imposer comme un fait indiscutable. En effet, si l’on considère dans notre corpus les occurrences où sans doute introduit un jugement axiologique marqué par la présence d’un superlatif ou d’un terme axiologique, à l’instar des exemples proposés par Miche et Lorda pour illustrer ce qu’elles considèrent être le second emploi de sans doute, on trouve plusieurs cas où le marqueur présente explicitement dans son cotexte des indices de ce raisonnement, c’est-à-dire des éléments de justification du choix opéré par le locuteur :

La distinction proposée par Miche et Lorda entre les deux emplois de sans doute ne tient donc pas : de même que probablement, sans doute véhicule toujours un sens médiatif second, dérivé pragmatiquement, indiquant que l’assertion effectuée résulte d’une inférence à la meilleure hypothèse.

C’est en outre cette valeur médiative commune entre les différentes occurrences de sans doute qui nous conduit à remettre en cause l’hypothèse de Miche et Lorda selon laquelle sans doute exprimerait une « certitude élevée » dans l’un de ses emplois et une « probabilité moyenne » dans l’autre. Si elle peut en effet aller de la forte probabilité à la quasi-certitude, la force épistémique de la proposition sur laquelle porte sans doute dépend dans tous les cas de la quantité et de la fiabilité des indices disponibles pour le locuteur, et en dehors de tout contexte, rien ne permet de dire que la proposition [elle a pleuré] en (14) est présentée comme plus probable ou plus certaine que la proposition [son dernier roman est le plus bouleversant de tous] en (15). De même, concernant l’analyse de Vlad (Reference Vlad2005), selon laquelle sans doute indiquerait un degré de certitude proche du « certain » et probablement une valeur de vérité proche du « probable » : la valeur médiative des deux marqueurs étant similaire, la force épistémique de la proposition dépend avant tout du contexte spécifique dans lequel apparaît chaque occurrence.

Ainsi, bien que sans doute et probablement présentent une valeur littérale différente, leur valeur médiative commune explique qu’ils puissent paraître synonymes. Cependant, dans la dernière section, nous montrons que cet écart sémantique au niveau littéral est crucial pour expliquer des divergences bien réelles entre les deux marqueurs.

IV. Sans doute, un marqueur de subjectivité vs. probablement, un marqueur d’objectivité

Nous l’avons vu, Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014) distinguent deux emplois de sans doute, l’un impliquant un processus objectif de mise à jour de l’information, caractéristique de la démarche scientifique, l’autre permettant au locuteur d’indiquer une opinion subjective. Sans doute serait en outre synonyme de probablement dans son premier emploi. Or notre hypothèse est que cette opposition entre subjectivité et objectivité, si elle est structurante, permet en réalité de distinguer non pas deux emplois de sans doute, mais bien la valeur sémantique de sans doute et celle de probablement.

Le concept de subjectivité en langue est introduit par Benveniste (Reference Benveniste1966), mais Lyons (Reference Lyons1977: 787-849) est le premier à l’appliquer en détail aux expressions modales épistémiques. Footnote 17 D’après lui, celles-ci peuvent être utilisées pour donner une estimation purement subjective de la vérité d’une proposition, ou au contraire pour indiquer la probabilité objective, mesurable, du fait décrit. On aurait ainsi une opposition entre modalité épistémique subjective, correspondant à une conjecture fondée sur la simple intuition, Footnote 18 et modalité épistémique objective, impliquant un processus de mise au jour de l’information qui relève de la démarche scientifique. Nuyts (Reference Nuyts2001) nuance quelque peu cette approche en indiquant qu’effectuer un jugement épistémique implique nécessairement d’avoir des preuves ou au moins des indices corroborant cette affirmation. Il propose ainsi de relire la distinction de Lyons en termes de qualité des indices disponibles : une affirmation fondée sur des éléments perçus comme fiables sera perçue comme objective, tandis que des indices fragiles ou incertains seront plutôt le fondement d’un jugement épistémique subjectif. Dans cette perspective, comme l’affirme Nuyts, l’opposition entre objectivité et subjectivité ne relève pas tant du domaine épistémique que d’une interaction entre celui-ci et le domaine médiatif. Une seconde manière de clarifier la description de Lyons selon Nuyts est de dire qu’un modal épistémique est utilisé subjectivement si le jugement est fondé sur des preuves détenues par le seul locuteur ; au contraire, l’utilisation objective d’un modal épistémique implique de recourir à des preuves partagées ou facilement accessibles à un large groupe de gens qui en infèrent la même conclusion : on passe donc d’une responsabilité personnelle à une responsabilité partagée. Footnote 19

Nuyts affirme que la dimension subjective ou objective d’une expression modale épistémique relève avant tout de son emploi, le modal pouvant éventuellement rester neutre par rapport à cette distinction. Ainsi, il ne reconnaît guère qu’aux adjectifs modaux épistémiques la caractéristique sémantique d’exprimer systématiquement un pôle du paradigme objectivité/subjectivité, et aux prédicats mentaux celle d’être toujours subjectifs. D’après Nuyts, les adverbes modaux épistémiques sont ainsi essentiellement neutres, même s’ils peuvent dans certains contextes impliquer une évaluation subjective ou objective. Or notre hypothèse est ici que la dimension subjective de sans doute et l’orientation objective de probablement sont toutes deux encodées dans la valeur sémantique de chacun des marqueurs, qu’elles s’expriment quel que soit le contexte. De fait, les descriptions que nous avons proposées en (7) et (11) impliquent un regard différent porté sur l’information. En (7), c’est la notion de perspective qui induit la subjectivité exprimée par sans doute : le jugement est présenté comme médiatisé par une instance particulière qui assume le socle de connaissances sur lequel se fonde l’assertion. A l’inverse, (11) ne fait pas état d’une perspective particulière ni n’exprime aucune marque de subjectivité, mais indique explicitement le fondement rationnel sur lequel repose l’affirmation, attribuant à probablement un mode de présentation objectif de l’information.

Or ces hypothèses apparaissent validées par un examen de la fréquence d’apparition des deux marqueurs dans différents corpus. Pour chacun des corpus étudiés, nous avons établi le ratio correspondant au nombre d’occurrences de sans doute divisé par le nombre d’occurrences de probablement. Pour comparer les valeurs obtenues aux valeurs présentes généralement dans la langue, nous avons renormalisé ces valeurs (moyenne/écart type) en nous appuyant sur une distribution de référence établie à l’aide de trente sous-corpus de plus d’un million d’items lexicaux chacun tirés de frTenTen17 de Sketch Engine. Footnote 20 En effet, nous avons choisi Sketch Engine comme corpus de référence car celui-ci, étant constitué d’un ensemble de textes collectés sur le web en 2017 sans sélection de domaines ou de thèmes spécifiques, peut être considéré comme un contexte neutre, sans biais particulier pour un regard plus objectif ou au contraire plus subjectif sur la réalité.

Si nous examinons tout d’abord le corpus contemporain de Frantext, celui-ci peut être considéré dans son ensemble comme un corpus subjectif, en ce qu’il comporte 90% de textes dits « littéraires » s’inscrivant dans des genres tels que l’autobiographie, la poésie, la correspondance…, dont la vocation n’est pas d’établir des faits scientifiques, de proposer des jugements fondés sur des preuves dont la fiabilité serait reconnue par l’ensemble des membres d’une communauté, mais plutôt d’exprimer une sensibilité personnelle par rapport au réel. Or dans ce corpus, le ratio entre la fréquence de sans doute et celle de probablement est de 5,5, ce qui correspond à une distance de 2,2 écarts types en faveur de sans doute par rapport à notre distribution de référence. En outre, si dans ce même corpus on considère plus spécifiquement un genre comme la poésie, dont le degré de subjectivité assumé est plus fort encore, ce nombre s’élève à 6,2, ce qui correspond cette fois à une distance de 2,4 écarts types en faveur de sans doute par rapport à la distribution de référence. Cependant, si nous examinons un genre comme le roman policier, certes « littéraire » mais offrant un discours d’apparence plus objective puisque les intrigues concernent l’élucidation de faits réels par l’accumulation d’indices susceptibles de convaincre un ensemble de personnes, le rapport entre les deux fréquences diminue à 3,4, et la distance par rapport à la distribution de référence n’est plus que de 1,2 écart type, montrant un écart encore réel en faveur de sans doute par rapport à l’usage standard des deux marqueurs, mais réduit par rapport à des corpus plus nettement subjectifs comme le genre poétique dans Frantext.

Si l’on considère maintenant la presse, dans un journal comme Le Monde, le ratio est sensiblement similaire à celui de Sketch Engine puisqu’il est de 1,6, et la distance à notre distribution de référence est limitée à 0,27 écart type, ce qui n’a rien de surprenant puisque Le Monde couvre un large spectre de thèmes d’actualité et se veut politiquement neutre. Au contraire, le ratio se réduit fortement pour des revues scientifiques comme Sciences et Avenir (0,6), Science et Vie (0,9) ou Pour la Science (0,9), Footnote 21 probablement devenant même plus fréquent que sans doute. Or le risque que ces valeurs soient dues au hasard apparaît très faible, puisque leur distance par rapport à la distribution de référence est respectivement de 2,2, 1,4 et 1,4 écarts types.

Enfin, si l’on consulte des corpus proprement scientifiques, dont l’enjeu n’est pas seulement de vulgariser le discours scientifique mais bien d’en produire un, la prédominance de probablement par rapport à sans doute est frappante : dans le corpus « Ecrits scientifiques en français », dont la page de présentation indique qu’il a été « conçu pour être représentatif des différents genres et disciplines scientifiques », on dénombre 340 occurrences de probablement pour 1 occurrence de sans doute, tandis que dans le corpus « EEIDA français », composé de communications écrites et de transcriptions de conférences en linguistique et géochimie, le ratio entre les deux fréquences est de 0,5, probablement apparaissant deux fois plus que sans doute. Là encore, l’examen de la distance de ces valeurs normalisées (respectivement 12,7 et 2,6 écarts types) par rapport à la distribution de référence indique qu’il est improbable que cette variation soit due au hasard.

L’analyse de différents contextes marqués par leur caractère relativement neutre, plus subjectif ou au contraire spécifiquement objectif, confirme ainsi l’hypothèse que probablement et sans doute, quoique présentant tous deux une proposition comme la meilleure hypothèse dans le contexte en jeu, ne le font pas sur un même mode : avec probablement, le jugement épistémique est censé émaner d’une démarche objective, tandis que sans doute présente celui-ci comme médiatisé par une subjectivité. Certes, tous les contextes ne correspondent pas nécessairement nettement à l’un des pôles du paradigme objectivité/subjectivité, mais c’est alors le choix de l’expression lui-même qui donnera au propos une orientation plus objective ou subjective.

Conclusion

Dans cet article, nous avons voulu dissiper une illusion sémantique : celle de la synonymie de sans doute et de probablement. Nos hypothèses explicatives étaient les suivantes : probablement présente une proposition comme probable, c’est-à-dire comme une proposition dont la vérité a plus de raisons d’être confirmée que d’être infirmée, tandis que sans doute présente une proposition comme s’imposant selon une perspective restreinte. Nous avons donc défendu l’idée que ces marqueurs sont des adverbes modaux épistémiques revêtant un sens littéral distinct – de fait, sans doute emprunte également des traits à la catégorie des adverbes d’énonciation – mais une même valeur médiative inférable quel que soit le contexte : celle d’une inférence à la meilleure hypothèse. Cela nous a permis d’expliquer pourquoi sans doute et probablement peuvent être perçus comme synonymes dans certains contextes, puisque ceux-ci présentent tous deux la proposition sur laquelle ils portent comme l’hypothèse la plus satisfaisante dans le contexte en jeu. Cependant, nous avons montré que cette synonymie n’est qu’apparente car les marqueurs apportent en réalité un regard différent sur l’information, ce qu’expriment nettement les descriptions que nous avons proposées : tandis que sans doute présente un jugement médiatisé par une perspective spécifique, probablement véhicule un mode de présentation objectif de l’information. Cette nuance sémantique n’est pas nécessairement visible dans des contextes peu polarisés par rapport à la distinction objectif/subjectif, mais devient évidente lorsqu’on regarde attentivement des corpus à vocation plus nettement objective ou subjective.

Footnotes

1 Ce travail est né de notre intérêt respectif pour sans doute (voir [Bourmayan Reference Bourmayan2012]) et pour probablement (voir [Ashino Reference Ashino2015]). Mais d’autres marqueurs pourraient être introduits dans cette étude comparative, parmi lesquels certainement, assurément ou certes, dont sans doute paraît également très proche. Nous espérons que ce texte pourra encourager le développement de tels travaux.

2 Médiativité traduit le terme anglais evidentiality.

3 Nous n’aborderons pas ici la question de l’inscription respective de sans doute et de probablement dans les structures concessives. Sur ce sujet, voir notamment Rossari et al. (Reference Rossari, Ricci and Salsmann2015).

4 (1a) pourrait aussi constituer une réponse à la question « Quand as-tu vu le match du Barça », sans doute portant alors sur le constituant [l’autre jour].

5 Les termes en gras dans cette citation ainsi que dans les suivantes le sont de notre fait.

6 Nous traduisons.

7 En (8c) et (8d), on pourra parler de constituant inarticulé, au sens défini par Recanati (Reference Recanati2002).

8 Sur la dérivation des adjectifs en -ables et le fait que ceux-ci ne sont pas de simples équivalents de pouvoir et d’un verbe transitif mis au passif, mais impliquent la conformité à un certain stéréotype, voir Anscombre et Leeman (Reference Anscombre and Leeman1994).

9 Cette observation n’enlève rien au fait qu’un énoncé modalisé par probablement puisse être pris en charge par le locuteur, c’est-à-dire que celui-ci assume pleinement la responsabilité de l’évaluation épistémique en jeu. Pour une remarque similaire concernant plus généralement les modaux épistémiques dits « objectifs », voir Nuyts (Reference Nuyts2001: 384-385).

10 Nous faisons ici une utilisation pré-théorique du terme.

11 Sur la notion d’« inférence à la meilleure explication », voir notamment Harman (Reference Harman1965), Josephson et Josephson (Reference Josephson and Josephson1995) et Lipton (Reference Lipton2004).

12 Miche et Lorda (Reference Miche and Lorda2014) assimilent ce raisonnement à une abduction, notion forgée par Peirce pour désigner un certain type d’inférence distinct de l’induction et de la déduction. Cependant, comme l’a montré Fann (Reference Fann1970) de manière détaillée, l’abduction n’est pas un concept stable dans les travaux de Peirce. Douven (Reference Douven2017) distingue ainsi sur le plan chronologique un premier sens selon lequel l’abduction réfère à un raisonnement produisant des hypothèses, et un second sens, plus récent et plus répandu dans la littérature actuelle, selon lequel l’abduction désigne un raisonnement permettant à la fois de créer et d’évaluer des hypothèses. C’est dans ce dernier sens seulement que le mot abduction peut être compris comme synonyme d’« inférence à la meilleure explication », une expression que Peirce lui-même n’a pas employée dans ses écrits (voir Douven Reference Douven2017). De fait, la question de savoir si l’on peut assimiler abduction et inférence à la meilleure explication est fortement débattue, et plusieurs auteurs insistent pour ne pas confondre deux notions qu’ils jugent distinctes (voir par exemple Campos Reference Campos2011 et Walton Reference Walton2001). Pour éviter toute confusion, nous emploierons ici l’expression d’inférence à la meilleure explication.

13 Molinier et Levrier (Reference Molinier and Levrier2000) subsument également sous cette définition les adverbes modaux aléthiques, qui, eux, concernent plus spécifiquement l’énonciation de vérités logiques.

14 La première propriété est reprise à Borillo (Reference Borillo1976: 85).

15 Dans son sens modal initial non affaibli, sans doute serait paraphrasable par ne pas douter que et n’avoir aucun doute sur le fait que.

16 Dendale et De Mulder (Reference Dendale and De Mulder1996: 311) rappellent que « ce sont là […] des opérations que Peirce entendait subsumer, dans ses écrits les plus récents, sous l’abduction ».

17 Celui-ci travaille plus spécifiquement sur l’anglais.

18 Ici encore, nous employons ce terme en un sens pré-théorique.

19 Nuyts propose une troisième relecture possible de l’opposition entre modalité épistémique objective et modalité épistémique subjective, fondée sur la catégorie de la mirativité. Nous laissons cependant celle-ci de côté, faute de place, mais également parce que Nuyts refuse de l’assumer entièrement.

20 Cette renormalisation a été effectuée après application du logarithme néperien aux valeurs afin que la distribution soit assimilable à une Gaussienne.

21 Le calcul a été fait en prenant en considération l’ensemble des textes de chaque revue disponibles sur le web pendant l’année ayant précédé le 2 octobre 2020.

References

Références

Aikhenvald, A. Y. (2003). Evidentiality in typological perspective. In: A. Y. Aikhenvald and R. M. W. Dixon (dirs.), Studies in evidentiality. Amsterdam: Benjamins, pp. 131.10.1075/tsl.54CrossRefGoogle Scholar
Aikhenvald, A. Y. (2007). Information source and evidentiality: What can we conclude? Italian Journal of Linguistics, 19.1: 209227.Google Scholar
Anderson, L. B. (1986). Evidentials, paths of change, and mental maps: Typologically regular asymmetries. In: W. Chafe and J. Nichols (dirs.), Evidentiality: The linguistic coding of epistemology. Norwood, NJ: Ablex, pp. 273312.Google Scholar
Anscombre, J.-C. et Leeman, D. (1994). La dérivation des adjectifs en « -ble » : morphologie ou sémantique ? Langue française, 103: 3244.CrossRefGoogle Scholar
Ashino, F. (2015). Etude comparative des marqueurs de ‘probabilite’: le cas de probablement et éventuellement. In: J. Kawaguchi (dir.), Studies at the forefront of French linguistics, vol. 3 : Modality. Tokyo: Edition Hituzi, pp. 3957. (en japonais)Google Scholar
Barbet, C. (2012). Devoir et pouvoir, des marqueurs modaux ou évidentiels? Langue française, 173: 4963.10.3917/lf.173.0049CrossRefGoogle Scholar
Benveniste, É. (1966). De la subjectivité dans le langage. In: Problèmes de linguistique générale, 1. Paris: Gallimard, pp. 258266.Google Scholar
Berrendonner, A. (1987). La Logique du soupçon. In: Pensée naturelle, logique et langage, hommage à J.-B. Grize, Neuchâtel: Université de Neuchâtel, pp. 287297.Google Scholar
Borillo, A. (1976). Les adverbes et la modalisation de l’assertion. Langue française, 30: 7489.CrossRefGoogle Scholar
Bourmayan, A. (2012). Doute, Certitude ou Verite restreinte: les Paradoxes de la Valeur Semantique de Sans doute. In: M. Carel (dir.), Argumentation et Polyphonie: de Saint Augustin à Robe-Grillet. Paris: L'Harmattan, pp. 5984.Google Scholar
Boye, K. et Harder, P. (2009). Evidentiality: Linguistic categories and grammaticalization. Functions of Language, 16.1: 943.CrossRefGoogle Scholar
Campos, D. G. (2011). On the distinction between Peirce’s abduction and Lipton’s inference to the best explanation. Synthese. 180.3: 419442.10.1007/s11229-009-9709-3CrossRefGoogle Scholar
Chafe, W. (1986). Evidentiality in English conversation and academic writing. In: W. Chafe and J. Nichols (dirs.), Evidentiality: The Linguistic Coding of Epistemology. Norwood, NJ: Ablex, pp. 261272.Google Scholar
Cornillie, B. (2009). Evidentiality and epistemic modality: On the close relationship of two different categories. Functions of Language, 16.1: 4462.CrossRefGoogle Scholar
De Haan, F. (1999). Evidentiality and epistemic modality: Setting boundaries. Southwest Journal of Linguistics, 18: 83101.Google Scholar
De Haan, F. (2001). The relation between modality and evidentiality. In: R. Müller and M. Reis (dirs.), Modalität und Modalverben im Deutschen, Hamburg: Helmut Buske, pp. 201216.Google Scholar
Dendale, P. (1994). DevoirE: marqueur modal ou évidentiel ? Langue française 102: 2440.CrossRefGoogle Scholar
Dendale, P. et De Mulder, W. (1996). Déduction ou abduction: le cas de devoir inférentiel. In: Z. Guentchéva, L’énonciation médiatisée, Louvain/Paris: Peeters, pp. 305318.Google Scholar
Dendale, P. et Van Bogaert, J. (2012). Réflexions sur les critères de définition et les problèmes d’identification des marqueurs évidentiels en français. Langue française, 173.1: 1329.CrossRefGoogle Scholar
Desclés, J.-P. et Jackiewicz, A. (2006). Abduction et prise en charge énonciative de la causalité. Linx, 54: 3547.CrossRefGoogle Scholar
Douven, I. (2017). Abduction. The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Edward N. Zalta (dir.), URL: https://plato.stanford.edu/archives/sum2017/entries/abduction/, consulté le 4 mars 2021.Google Scholar
Fann, K. T. (1970). Peirce’s Theory of Abduction, The Hague: Martinus Nijhoff.CrossRefGoogle Scholar
Féron, C. (2002). Le renforcement de l’assertion dans Le voir dit de Guillaume de Machaut. Étude syntactico-sémantique de certainement et de quelques locutions en sans n. L’Information Grammaticale, 92: 23-30.Google Scholar
Guentchéva, Z. (2014). Peut-on identifier, et comment, les marqueurs dits ‘médiatifs’ ? In: J.-C. Anscombre, E. Oppermann-Marsaux et A. Rodriguez Somolinos (dirs.), Médiativité, polyphonie et modalité en français: études synchroniques et diachroniques, Paris: Presses de la Sorbonne nouvelle, pp. 35-50.Google Scholar
Guimier, C. (1996). Les adverbes du français: le cas des adverbes en -ment. Paris: Ophrys.Google Scholar
Harman, G. (1965). The inference to the best explanation. The Philosophical Review. 74.1: 8895.CrossRefGoogle Scholar
Josephson, J. R. et Josephson, S. G. (dirs.) (1995), Abductive Inference: Computation, Philosophy, Technology, Cambridge: Cambridge University Press.Google Scholar
Lazard,‘ G. (2001). On the grammaticalization of evidentiality. Journal of Pragmatics, 33: 359367.CrossRefGoogle Scholar
Lipton, P. (2004) Inference to the best explanation : Second edition. New York: Routledge.Google Scholar
Lyons, J. (1977). Semantics, vol. 2. Cambridge: Cambridge University Press.Google Scholar
Martin, R. (1987). Langage et croyance: les « univers de croyance » dans la théorie sémantique. Bruxelles: Pierre Mardaga.Google Scholar
Miche, E. et Lorda, C. U. (2014). Probability and certainty markers in French and in Spanish (Sans doute/Sin duda). Language and Dialogue, 4.1: 42-57.Google Scholar
Mithun, M. (1986). Evidential diachrony in northern Iroquoian. In: W. Chafe and J. Nichols (dirs.), Evidentiality: The linguistic coding of epistemology. Norwood, NJ: Ablex, pp. 89112.Google Scholar
Molinier, C. (2009). Les adverbes d’énonciation. Comment les définir et les sous-classifier. Langue française, 161: 9-21.Google Scholar
Molinier, C. et Levrier, F. (2000). Grammaire des adverbes. Description des formes en -ment. Genève: Droz.Google Scholar
Nuyts, J. (2001). Subjectivity as an evidential dimension in epistemic modal expressions. Journal of Pragmatics, 33: 383400.CrossRefGoogle Scholar
Plungian, V. A. (2001). The place of evidentiality within the universal grammatical space, Journal of Pragmatics, 33: 349358.CrossRefGoogle Scholar
Quirk, R. et Greenbaum, S. (1973). A university grammar of English. Harlow: Longman.Google Scholar
Recanati, F. (2002). Literal meaning, Cambridge: Cambridge University Press.Google Scholar
Rossari, C., Ricci, C. et Salsmann, M. (2015). Modal forms expressing probability and their combination with concessive sequences in French and Italian. Article présenté à Workshop on Corpus-Based Research in the Humanities (CRH). URL: https://libra.unine.ch/Publications/Margot_Salsmann/31923, consulté le 10 mars 2021.Google Scholar
Squartini, M. (2008). Lexical vs. grammatical evidentiality in French and Italian. Linguistics, 46.5: 917947.CrossRefGoogle Scholar
Traugott, E. (1989). On the rise of epistemic meanings in English: An example of subjectification in semantics. Language, 57: 3365.Google Scholar
Vlad, D. (2005). Adverbes marqueurs de modalisation dans les énoncés au conditionnel. In: J. Goes (dir.), L’adverbe: un pervers polymorphe. Arras: Artois Presses Université, pp. 221239.Google Scholar
Walton, D. (2001). Abductive, presumptive and plausible arguments. Informal Logic. 21.2: 141169.Google Scholar

Corpus

Ecrits scientifiques en français. URL : https://corpora.aiakide.net/scientext20/?do=SQ.setView&view=corpora, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
EEIDA français. URL : https://corpora.aiakide.net/scientext20/?do=SQ.setView&view=corpora, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
FRANTEXT. URL : https://www.frantext.fr, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
Le Monde [en ligne]. URL : https://www.lemonde.fr, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
Pour la Science [en ligne]. URL : https://www.pourlascience.fr, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
Sciences et Avenir [en ligne]. URL : https://www.sciencesetavenir.fr, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
Science et Vie [en ligne]. URL : https://www.science-et-vie.com, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar
Sketch Engine. URL : https://www.sketchengine.eu, consulté le 12 octobre 2020.Google Scholar