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Un pays divisé : identité, fédéralisme et régionalisme au Canada Félix Mathieu et Évelyne Brie, Québec: Les Presses de l'Université Laval, 2021, 204 p.

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Un pays divisé : identité, fédéralisme et régionalisme au Canada Félix Mathieu et Évelyne Brie, Québec: Les Presses de l'Université Laval, 2021, 204 p.

Published online by Cambridge University Press:  06 January 2025

Maxime Fleury*
Affiliation:
Université du Québec à Chicoutimi ([email protected])
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © The Author(s), 2025. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Cette étude fouillée de Félix Mathieu et Évelyne Brie nous renseigne sur les divisions et tensions qui existent dans la fédération canadienne, en utilisant les données du sondage « La Confédération de demain 2.0 ». Ce livre commence avec un constat et des questions : « le Canada apparaît comme un pays divisé… mais à quel point ? Et surtout, comment expliquer ce phénomène ? » (1). Pour analyser la situation, trois catégories sont utilisées : l'identité, le fédéralisme et le régionalisme. L'ouvrage postule que « la vaste majorité des Canadiens s'accorde pour identifier plusieurs problèmes structurels importants dans le fonctionnement du fédéralisme canadien ». Cependant, les causes de ces problèmes et les solutions à privilégier ne sont pas les mêmes pour tout le monde (5–6).

Pour commencer, la partie théorique du livre propose le terme d’ « identité composite » : « [faisant] référence au fait qu'un individu, dans un contexte et à une époque donnée, se représente comme porteur de multiples identités » (17). La deuxième façon de conceptualiser l'identité composite est en utilisant le concept « équiprimordiale » ; un Québécois peut donc s'identifier autant comme Canadien que Québécois (18).

En ayant les précisions précédentes en tête, l'analyse des identités au Canada devient plus claire. Une des conclusions de Mathieu et Brie est que 80 pour cent des Canadiens accordent une importance assez ou très forte envers la province qu'ils habitent. C'est toutefois plus marqué à certains endroits : Terre-Neuve-et-Labrador, les trois territoires, l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec, la Nouvelle-Écosse et l'Alberta (30). L'appartenance au territoire le plus proche n'est toutefois pas un reniement de l'appartenance au Canada, puisque l'identité composite à dominance canadienne s'observe aussi dans les trois territoires, de même qu'en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique (23). Ainsi, les auteurs affirment qu’être Canadien « ne signifie tout simplement pas la même chose selon la province ou le territoire habité » (53).

Comme la plupart des Canadiens, les Autochtones ont aussi une identité composite. Or, seulement 9,7 pour cent des Autochtones se représentent comme étant seulement autochtone (57). Toutefois, le peu de répondants à l'enquête doit nous mettre en garde contre ces chiffres (58). L'identité équiprimordiale Autochtone/Canadien et celle à dominance autochtone sont les deux plus populaires (58). Il est à noter que les Canadiens ne s'entendent pas sur les questions reliées aux Premiers Peuples. Toutefois, la grande majorité des personnes questionnées sont d'accord avec le fait qu'il y a des écarts importants entre les personnes autochtones et les allochtones, sans s'entendre sur les causes et les moyens pour diminuer ces inégalités (76).

Le rapport au fédéralisme et les divisions entre régions sont les sujets des chapitres quatre et cinq. D'entrée de jeu, 72,4 pour cent des répondants aux sondages déclarent qu'ils sont très satisfaits du régime fédéral (86). Or, l'Alberta, la Saskatchewan (32,5%), le Manitoba (26,5%), Terre-Neuve-et-Labrador (27,6%) et le Nouveau-Brunswick (27.6%) ont un taux d'insatisfaction plus élevé, tandis que le Québec se situe à 24 pour cent (86–87). Il existe donc des griefs et des insatisfactions, mais cela ne se traduit pas par un rejet du fédéralisme pour autant. En général, la centralisation est la voie qui est privilégiée, sauf pour l'enjeu des pouvoirs concernant l’énergie. Du côté des divisions régionales, un peu plus d'un tiers des Canadiens sont d'avis que le Québec et l'Ontario sont systématiquement privilégiés (133). Comme on peut s'y attendre, les provinces de l'Ouest sont celles qui se disent le plus souvent désavantagées (135). Mathieu et Brie propose le concept de fédéralisme asymétrique qui doit viser un caractère multinational qui se traduit dans la « vision Robart » : « le pari de l'unité fédérale plutôt que d'insister sur une forme d'unité moniste qui prendrait le chemin d'une intégration régionale musclée » (147).

À la suite de cette passionnante lecture, nous pouvons mieux conceptualiser et mettre des chiffres sur des problèmes et défis qui traversent la fédération canadienne. La compilation des données et les interprétations sont à saluer et cette étude sera, sans doute, citée à plusieurs reprises. La principale force du livre est de rappeler que nonobstant les métarécits idéalisés que l'on a faits à propos du Canada, ce pays est empreint d'une diversité identitaire et d'intérêts qui ne peut pas se fondre dans un grand tout. Finalement, on pourrait creuser certaines questions, notamment intégrer les revenus des citoyens comme marqueur identitaire, pour voir si la question des classes sociales peut créer des divisions. La piste du fédéralisme proposée par les auteurs semble intéressante. Cependant, on peut se demander comment concilier les différentes demandes identitaires et économiques des provinces et nations. Ne s'agit-il pas ici d'une boîte de Pandore que le gouvernement fédéral ne doit pas ouvrir, sous peine de détériorer davantage la situation ?