1 Introduction
Soit $d\geq 1$ un entier et p un nombre premier, nous étudierons dans cet article la cohomologie de de Rham de ${\mathbb {H}}_K^d$ l’espace de Drinfeld de dimension d sur K une extension finie de ${\mathbb {Q}}_p$ . C’est un ouvert de l’espace projective rigide, sur lequel agit naturellement $G=\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}(K)$ , tel que
où ${\mathcal {H}}$ est l’ensemble des hyperplans K-rationnels de ${\mathbb {P}}_K^d$ et $C=\widehat {\overline {K}}$ le complété d’une clôture algébrique de K.
Dans un article monumental [Reference Drinfel’d14], Drinfeld a construit une tour de revêtements finis étales G-équivariants $({\mathcal {M}}_{Dr}^n)_{n\geq 0}$ de l’espace ${\mathcal {M}}_{Dr}^0:= {\mathbb {H}}_{\breve {K}}^d \times {\mathbb {Z}}$ (avec $\breve {K}= \widehat {K^{nr}}$ le complété de l’extension maximale non ramifiée dans $\overline {K}$ et ${\mathbb {H}}_{\breve {K}}^d={\mathbb {H}}_K^d\otimes _K \breve {K}$ ), de groupe de Galois ${\mathcal {O}}_D^{*}$ avec D l’algèbre à division sur K de dimension $(d+1)^2$ et d’invariant $1/(d+1)$ . La cohomologie étale l-adique pour $l \neq p$ de cette tour fournit une réalisation géométrique de la correspondance de Langlands et de Jacquet-Langlands locales; cf. [Reference Harris23], [Reference Boyer5], [Reference Harris and Taylor24]. Pour $l=p$ , $d=1$ et $K={\mathbb {Q}}_p$ , il est montré dans [Reference Colmez, Dospinescu and Nizioł6] que la cohomologie étale p-adique de ces espaces encode aussi la correspondance de Langlands locale p-adique pour ${\mathrm {GL}}_2({\mathbb {Q}}_p)$ .
Dans ce travail, nous nous intéressons à la cohomologie de de Rham de la tour de Drinfeld, guidés par le principe informel suivant: les résultats l-adiques établis dans [Reference Harris23], [Reference Boyer5], [Reference Harris and Taylor24] doivent avoir des analogues en cohomologie de de Rham, obtenus en oubliant simplement l’action du groupe de Weil $W_K$ de K et en changeant les coefficients. L’action de $W_K$ sur les groupes de cohomologie l-adique est très intéressante, mais elle devient invisible sur les groupes de cohomologie de de Rham, qui encodent uniquement les liens entre les représentations de G et de $D^{*}$ . Ce genre de résultat a été démontré pour $ d=1$ dans [Reference Dospinescu and Le Bras12] (pour $K={\mathbb {Q}}_p$ ) et dans [Reference Colmez, Dospinescu and Nizioł6] (pour K quelconque), pour toute la tour de Drinfeld. Notre résultat principal est une preuve (purement locale) de ce principe quand $n=1$ et d est quelconque, plus précisément pour la ‘partie supercuspidale’ de la cohomologie. Il s’agit d’un analogue en cohomologie de de Rham du résultat l-adique démontré par voie locale par Wang [Reference Wang32]. Nous utilisons de manière cruciale les résultats géométriques concernant ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ obtenus dans loc.cit (la situation est nettement plus compliquée pour ${\mathcal {M}}_{Dr}^n$ quand $n>1$ , et il est peu probable qu’une approche purement locale puisse résoudre ce problème).
Pour énoncer notre résultat principal, nous avons besoin de quelques préliminaires. Le groupe de Galois du revêtement ${\mathcal {M}}_{Dr}^1\to {\mathcal {M}}_{Dr}^0$ est ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ (avec ${\mathbb {F}}_q$ le corps résiduel de K), un groupe cyclique d’ordre premier à p (ce qui jouera un rôle fondamental par la suite). Soit $\theta : {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to C^{*}$ un caractère primitif de ce groupe (i.e., qui ne se factorise pas par la norme ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to {\mathbb {F}}_{q^{e}}^{*}$ pour tout diviseur e de $d+1$ , différent de $d+1$ ). On peut associer à $\theta $ les objets suivants :
$\bullet $ une représentation de Deligne-Lusztig (ou de Green) $\overline {\pi }_{\theta }$ du groupe $\mathrm { GL}_{d+1}({\mathbb {F}}_q)$ .
$\bullet $ une représentation de $D^{*}$
$\bullet $ une représentation de G
La notation est bien entendu inspirée par la correspondance de Jacquet-Langlands pour les représentations supercuspidales de niveau $0$ et de caractère central trivial sur $\varpi ^{{\mathbb {Z}}}$ .
Théorème A. Pour tout caractère primitif $\theta : {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to C^{*}$ il existe des isomorphismes de G-représentations
Expliquons les difficultés qu’il faut surmonter pour prouver ce théorème. La principale est l’absence d’un modèle semi-stable (ou semi-stable généralisé; cf. ci-dessous) de l’espace ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ , alors que l’on dispose d’un tel modèle (construit par Deligne) $\widehat {{\mathcal {M}}}_{Dr}^0$ pour ${\mathcal {M}}_{Dr}^0$ (du côté Lubin-Tate, la situation est meilleure: Yoshida a construit [Reference Yoshida34] un modèle semi-stable généralisé du premier revêtement de l’espace de Lubin-Tate et étudié la géométrie de sa fibre spéciale). Le schéma formel $\widehat {{\mathcal {M}}}_{Dr}^0$ possède une interprétation modulaire; grâce à un théorème fondamental de Drinfeld [Reference Drinfel’d14], ce modèle classifie des déformations par quasi-isogénie d’un ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial de hauteur $(d+1)^2$ au sens de Drinfeld. Soit ${\mathfrak {X}}$ le ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial universel sur $\widehat {{\mathcal {M}}}_{Dr}^0$ , si $\Pi _D$ est une uniformisante de ${\mathcal {O}}_D$ , alors ${\mathfrak {X}}[\Pi _D]$ est un schéma formel en ${\mathbb {F}}_p$ -espaces vectoriels de Raynaud dont on connait une classification [Reference Raynaud29]. De plus, $\widehat {{\mathcal {M}}}_{Dr}^1$ est l’espace obtenu en analytifiant ${\mathfrak {X}}[\Pi _D]\setminus \{0\}$ .
En utilisant les observations ci-dessus, on peut étudier certains ouverts de l’espace ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ , qui admettent un modèle lisse dont la fibre spéciale est isomorphe à une variété de Deligne-Lusztig (cette observation cruciale a été faite en premier par Teitelbaum [Reference Teitelbaum30] quand $d=1$ et a été généralisée par Wang [Reference Wang32]). La difficulté est alors de montrer que l’étude de ces ouverts suffit à comprendre la cohomologie de l’espace tout entier. En cohomologie l-adique, cela se fait par une étude délicate des cycles évanescents pour relier des questions sur ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ à des questions sur la fibre spéciale et plus particulièrement, sur la variété de Deligne-Lusztig. Ces méthodes sont propres à la cohomologie l-adique et pour surmonter cet obstacle, nous avons besoin du point technique suivant. Soit ${\mathcal {X}}$ un schéma formel sur ${\mathcal {O}}_K$ , localement de type fini. On dit que ${\mathcal {X}}$ est de réduction semi-stable généralisée si Zariski-localement sur ${\mathcal {X}}$ on peut trouver un morphisme étale vers $\mathrm {Spf}({\mathcal {O}}_K\langle X_1,...,X_n\rangle / (X_1^{\alpha _1}...X_r^{\alpha _r}-\varpi )$ pour certains $r\leq n$ et $\alpha _i\geq 1$ (ou $\varpi $ est une uniformisante de K). Si l’on peut choisir les $\alpha _i$ égaux à $1$ , on parle de réduction semi-stable.
Théorème B. Soit ${\mathcal {X}}$ un schéma formel de réduction semi-stable généralisée, ${\mathcal {X}}_s=\bigcup \limits _{{\substack {i\in I}}}^{}{Y_i}$ la décomposition en composantes irréductibles de la fibre spéciale et $\pi : {\mathcal {T}}\rightarrow {\mathcal {X}}_\eta $ un revêtement étale en fibre générique de groupe de Galois $\mu _n$ avec $n\wedge p=1$ . Si ${\mathcal {T}}={\mathcal {X}}_\eta $ ou bien ${\mathcal {X}}$ est de réduction semi-stable et ${\mathcal {T}}$ est quelconque, alors pour toute partie finie J de I on a un isomorphisme naturel
où $ Y_J=\bigcap \limits _{{\substack {j\in J}}}^{}{Y_j}$ .
Le cas $n=1$ et ${\mathcal {X}}$ semi-stable (non généralisé) est dû à Grosse-Klönne. On a un analogue en cohomologie étale l-adique en termes de cycles évanescents quand ${\mathcal {X}}$ est algébrisable et $| J | =n=1$ démontré par Zheng [Reference Zheng35] (voir aussi [Reference Dat8]). Nous aurons besoin uniquement du cas où ${\mathcal {X}}$ est semi-stable dans cet article (par contre il est indispensable de travailler avec J et ${\mathcal {T}}$ quelconques), mais le cas semi-stable généralisé devrait être utile pour l’étude du premier revêtement de l’espace de Lubin-Tate.
Au vu de la description de la géométrie de ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ et du théorème B, nous pouvons établir:
Théorème C. Soit $\theta $ un caractère primitif de ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ et notons ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0$ l’ensemble des sommets de l’immeuble de Bruhat-Tits semi-simple de G. On a des isomorphismes
où $\operatorname {\mathrm {DL}}_{{\mathbb {F}}_q}$ est la variété de Deligne-Lusztig introduite dans 4.1.
Le théorème principal A découlera alors de la théorie de Deligne-Lusztig que nous rappelons dans la partie 4.2.
Toutefois, pour étudier les intersections quelconques de tubes au dessus de composantes $\pi ^{-1}(] Y_J [)$ , nous aurons besoin de façon essentielle de la description globale du torseur $\Sigma ^1 \to {\mathbb {H}}^d_K$ réalisé dans [Reference Junger27] que l’on restreindra à $\pi ^{-1}(] Y_J [) \to ] Y_J [$ .
Remerciements
Le présent travail a été, avec [Reference Junger25, Reference Junger27, Reference Junger26], en grande partie réalisé durant ma thèse à l’ENS de Lyon, et a pu bénéficier des nombreux conseils et de l’accompagnement constant de mes deux maîtres de thèse Vincent Pilloni et Gabriel Dospinescu. Je les en remercie très chaleureusement. La preuve du résultat 5.8 doit beaucoup aux conseils de Laurent Fargues (pour m’avoir suggéré de voir le complexe de de Rham sur un revêtement comme une somme directe de complexe sur la base suivant les parties isotypiques) et de Jean-Claude Sikorav (pour l’explication du cas analogue sur le corps des complexes).
2 Préliminaires
2.1 Conventions générales
On fixe dans tout l’article un nombre premier p et une extension finie K de ${\mathbb {Q}}_p$ , dont on note $\mathcal {O}_K$ l’anneau des entiers, $\varpi $ une uniformisante et ${\mathbb {F}}={\mathbb {F}}_q$ le corps résiduel. On note $C=\hat {\overline {K}}$ le complété d’une clôture algébrique de K et $\breve {K}$ le complété de l’extension maximale non ramifiée de K. Soit $L\subset C$ une extension complète de K, susceptible de varier, d’anneau des entiers $\mathcal {O}_L$ , d’idéal maximal ${\mathfrak {m}}_L$ et de corps résiduel $\kappa $ .
Si S est un L-espace analytique, on note ${\mathbb {A}}^n_{ S}$ (resp. ${\mathbb {P}}_{ S}^n$ ) l’espace analytique affine (resp. projectif) sur S, de dimension relative n. Les espaces $\mathring {{\mathbb {B}}}^n_S$ et ${\mathbb {B}}^n_S$ seront les boules unitées ouverte et fermée.
Si X est un L-espace analytique et si $F\subset \mathcal {O}(X)$ est une famille finie de fonctions analytiques sur X et g une autre fonction analytique, on note
De même, $X\left (\left (\frac {F}{g}\right )^{\pm 1}\right )$ ou $X\left (\frac {F}{g},\frac {g}{F}\right )$ désignera $\left \lbrace x\in X|\, \forall f\in F, |f(x)|= |g(x)|\right \rbrace $ . Pour $s\in |C^{*}|$ on note $X\left (\frac {F}{s}\right )=\left \lbrace x\in X|\, \forall f\in F, |f(x)|\leq s\right \rbrace $ (idem pour $X\left (\frac {s}{F}\right )$ ).
Les éléments de la base canonique de ${\mathbb {Z}}^n$ seront notés $(\delta _i)_i$ . Si $x=(x_1,\cdots ,x_n)$ , $\alpha \in {\mathbb {Z}}^n$ et $A\in \operatorname {\mathrm {M}}_{k,n} ({\mathbb {Z}})$ , nous adopterons la notation multi-indice (i.e., $x^\alpha =\prod \limits _{{\substack {i=1}}}^{n}{x_i^{\alpha _i}}$ et $x^A=(x^{A\delta _i})_{1\leq i\leq k}$ ).
2.2 Cohomologie étale et torseurs
Soit n premier à p, on identifie $\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(X, \mu _n)$ et l’ensemble des classes d’isomorphisme de $\mu _n$ -torseurs sur X (i.e., des revêtements galoisiens $\pi : {\mathcal {T}} \to X$ de groupe de Galois $\mu _n$ ). On note $ [{\mathcal {T}}]$ la classe d’isomorphisme du torseur ${\mathcal {T}}$ , vue comme un élément de $\mathrm { H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(X, \mu _n)$ . Si ${\mathcal {T}}_1,{\mathcal {T}}_2$ sont des $\mu _n$ -torseurs sur X, alors ${\mathcal {T}}_1 \times _X {\mathcal {T}}_2 \to X$ est un revêtement de groupe de Galois $\mu _n^2$ et en notant $H\cong\mu_n$ l’antidiagonal, le quotient ${\mathcal {T}}_3={\mathcal {T}}_1\times _X {\mathcal {T}}_2 /H$ est un revêtement de X de groupe de Galois $\mu_n^2/H\cong\mu_n$ et $[{\mathcal {T}}_1]+[{\mathcal {T}}_2]= [{\mathcal {T}}_3]$ . Il est à remarquer que ${\mathcal {T}}_1\times _X {\mathcal {T}}_2$ est encore un revêtement de ${\mathcal {T}}_3$ de groupe de Galois $H\cong\mu_n$ .
Le morphisme de Kummer sera noté $\kappa : {\mathscr {O}}^{*} (X)\to \mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(X,\mu _n)$ . Le torseur $\kappa (u)$ associé à une fonction inversible u sur X sera noté $\pi : X(u^{1/n}) \to X$ . Si $U\subset X$ est un ouvert affinoïde, alors
2.3 Cohomologie de de Rham et torseurs
Si X est un affinoïde sur L, on notera $X^\dagger $ l’espace surconvergent associé. Si $X^\dagger $ est un espace surconvergent lisse, d’espace rigide analytique sous-jacent X, on note $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(X)$ et $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(X^\dagger )$ les hypercohomologies des complexes de de Rham $\Omega _{X/L}^\bullet $ et $\Omega _{X^\dagger /L}^\bullet $ . Par [Reference Grosse-Klönne19, Proposition 2.5], le théorème B de Kiehl [Reference Kiehl28, Satz 2.4.2] et la suite spectrale de Hodge-de Rham, ces cohomologies sont calculées directement à partir du complexe de de Rham correspondant, quand X est Stein.Footnote 1 Les deux cohomologies coïncident si X est partiellement propre (par exemple Stein).
Soit n premier à p et $\pi :{\mathcal {T}} \to X$ un $\mu _n$ -torseur d’un espace analytique lisse X. On a une décomposition $\pi _* {\mathscr {O}}_{{\mathcal {T}}} = \bigoplus \limits _{{\substack {\chi \in \mu _n^{\lor }}}}^{}{{\mathscr {L}}_{\chi }}$ où ${\mathscr {L}}_\chi $ est l’espace propre associé au caractère $\chi $ pour l’action de $\mu _n$ (c’est un faisceau localement libre de rang 1). Le morphisme $\pi $ étant étale, on a
et de même pour le complexe surconvergent. Les différentielles des complexes de de Rham étant $\mu _n$ -équivariantes, elles respectent ces décompositions en somme directe donnant lieu pour chaque $\chi $ à des complexes de cochaînes $\Omega _{X/L}^\bullet \otimes {\mathscr {L}}_{\chi }=:\Omega _{{\mathcal {T}}/L}^\bullet [\chi ]$ et $\Omega _{X^\dagger /L}^\bullet \otimes {\mathscr {L}}_{\chi }=:\Omega _{{\mathcal {T}}^\dagger /L}^\bullet [\chi ]$ dont les cohomologies seront notées $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}({\mathcal {T}})[\chi ]$ et $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm { dR}}({\mathcal {T}}^\dagger )[\chi ]$ . C’est la partie isotypique associée à $\chi $ . En particulier,
Soit ${\mathcal {T}}_1\to X$ , ${\mathcal {T}}_2\to Y$ deux $\mu _n$ -torseurs sur des L-espaces lisses X et Y. On obtient ${\mathcal {T}}_1\times _L Y$ , $X\times _L {\mathcal {T}}_2$ deux revêtements sur $X\times _L Y$ et on construit (voir plus haut pour la définition de H)
C’est un revêtement de $X\times _L Y$ dont la classe s’identifie à $[{\mathcal {T}}_1\times _L Y]+[X\times {\mathcal {T}}_2]$ . Comme ${\mathcal {T}}_1\times _L {\mathcal {T}}_2$ est un revêtement de ${\mathcal {T}}_3$ étale de groupe de Galois H, on a
Proposition 2.1. On a des isomorphismes naturels
idem pour la cohomologie de de Rham surconvergente.
2.4 Cohomologie rigide
La cohomologie rigide d’un schéma algébrique Y sur le corps résiduel $\kappa $ de L sera notée $\mathrm { H}^{*}_{\mathrm {rig}} (Y/L)$ . On rappelle la dualité de Poincaré :
Proposition 2.2.
-
1. Si X est un L-affinoïde lisse, pur de dimension d, alors
$$\begin{align*}\mathrm{H}^{i}_{\mathrm{dR}} (X^\dagger)\cong \mathrm{H}^{2d-i}_{\mathrm{dR},c} (X^\dagger)^\lor \text{ et } \mathrm{H}^{i}_{\mathrm{dR},c} (X^\dagger)\cong \mathrm{H}^{2d-i}_{\mathrm{dR}} (X^\dagger)^\lor.\end{align*}$$ -
2. Si X est un L-espace lisse et Stein, pur de dimension d, alors
$$\begin{align*}\mathrm{H}^{i}_{\mathrm{dR}} (X)\cong \mathrm{H}^{2d-i}_{\mathrm{dR},c} (X)^\lor \text{ et } \mathrm{H}^{i}_{\mathrm{dR},c} (X)\cong \mathrm{H}^{2d-i}_{\mathrm{dR}} (X)^\lor.\end{align*}$$ -
3. Si Y est un schéma lisse sur $\kappa $ , pur de dimension d, alors
$$\begin{align*}\mathrm{H}^{i}_{\mathrm{rig}} (Y/L)\cong \mathrm{H}^{2d-i}_{\mathrm{rig},c} (Y/L)^\lor \text{ et } \mathrm{H}^{i}_{\mathrm{rig},c} (Y/L)\cong \mathrm{H}^{2d-i}_{\mathrm{rig}} (Y/L)^\lor.\end{align*}$$
Démonstration. Voir [Reference Grosse-Klönne19, proposition 4.9] pour le premier point, [Reference Grosse-Klönne19, proposition 4.11] pour le second et [Reference Berthelot3, théorème 2.4] pour le dernier.
Le théorème de comparaison suivant nous sera très utile:
Théorème 2.3. Soit ${\mathcal {X}}$ un schéma formel lisse sur $\operatorname {\mathrm {Spf}} ({\mathcal {O}}_L)$ , de fibre spéciale ${\mathcal {X}}_s$ et de fibre générique ${\mathcal {X}}_\eta $ , on a un isomorphisme naturel
Démonstration. Il s’agit de [Reference Grosse-Klönne21, proposition 3.6].
3 Rappels sur la géométrie de l’espace de Drinfeld
Nous rappelons quelques résultats standards concernant la géométrie de l’espace symétrique de Drinfeld et nous renvoyons à ([Reference Boutot and Carayol4, section 1, 10, sous-sections I.1. et II.6.], [Reference Dat7, sous-section 3.1.], [Reference Wang32, sous-sections 2.1. et 2.2]) pour plus de détails. On fixe une extension finie K de ${\mathbb {Q}}_p$ , une uniformisante $\varpi $ de K et un entier $d\geq 1$ . On note ${\mathbb {F}}={\mathbb {F}}_q$ le corps résiduel de K et $G=\mathrm {GL}_{d+1}(K)$ .
3.1 L’immeuble de Bruhat-Tits
Notons ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}$ l’immeuble de Bruhat-Tits associé au groupe $\operatorname {\mathrm {PGL}}_{d+1}(K)$ . Le $0$ -squelette ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0$ de l’immeuble est l’ensemble des réseaux de $K^{d+1}$ à homothétie près (i.e., ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0$ s’identifie à $G/K^{*}\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)$ ). Un $(k+1)$ -uplet de sommets $\sigma =\{s_0,\cdots , s_k\}\subset {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_{0} $ est un k-simplexe de ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_k$ si et seulement si, quitte à permuter les sommets $s_i$ , on peut trouver pour tout i des réseaux $M_i$ avec $s_i=[M_i]$ tels que
En posant
on obtient un drapeau $0\subsetneq \overline {M}_0\subsetneq \overline {M}_1\subsetneq \cdots \subsetneq \overline {M}_k\cong {\mathbb {F}}^{d+1}$ . On note $d_i=\mathrm {dim}_{{\mathbb {F}}} (\overline {M}_i)-1$ et $e_i=d_{i}-d_{i-1}.$ Nous dirons que le simplexe $\sigma $ est de type $(e_0, e_1,\cdots , e_k)$ .
Considérons une base $(\overline {f}_0,\cdots , \overline {f}_d)$ adaptée au drapeau (i.e., telle que $\overline {M}_i=\left \langle \overline {f}_0,\cdots , \overline {f}_{d_i}\right \rangle $ pour tout i). Pour tout choix de relevés $(f_0,\cdots ,f_d)$ de $(\overline {f}_0,\cdots ,\overline {f}_d)$ dans $M_0$ , on a
où
avec $d_{-1}=-1$ . Si $(f_0,\cdots ,f_d)$ est la base canonique de $K^{d+1}$ , nous dirons que $ \sigma $ est le simplexe standard de type $(e_0, e_1,\cdots , e_k)$ .
La réalisation topologique de l’immeuble sera notée $|{\mathcal {B}}{\mathcal {T}}|$ . Nous confondrons les simplexes avec leur réalisation topologique de telle manière que $|{\mathcal {B}}{\mathcal {T}}|=\bigcup \limits _{{\substack {\sigma \in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}}}}^{}{\sigma }$ . Les différents k-simplexes, vus comme des compacts de la réalisation topologique, seront appelés faces. L’intérieur d’une face $\sigma $ sera noté $\mathring {\sigma }=\sigma \backslash \bigcup \limits _{{\substack {\sigma '\subsetneq \sigma }}}^{}{\sigma '}$ et sera appelé cellule.
3.2 L’espace des hyperplans K-rationnels
On note ${\mathcal {H}}$ l’ensemble des hyperplans K-rationnels dans ${\mathbb {P}}^d$ . Si $a=(a_0,\dots , a_d)\in C^{d+1}\backslash \{0\}$ , $l_a$ désignera l’application
Ainsi ${\mathcal {H}}$ s’identifie à $\{\ker (l_a),\; a\in K^{d+1}\backslash \{0\} \}$ et à ${\mathbb {P}}^d (K)$ .
Le vecteur $a=(a_i)_{i}\in C^{d+1}$ est dit unimodulaire si $|a|_{\infty }(:=\max (|a_i|))=1$ . L’application $a\mapsto H_a:=\ker (l_a)$ induit une bijection entre le quotient de l’ensemble des vecteurs unimodulaires $a\in K^{d+1}$ par l’action évidente de ${\mathcal {O}}_K^{*}$ et l’ensemble $\mathcal {H}$ .
Pour $a\in K^{d+1}$ unimodulaire et $n\geq 1$ , on considère l’application $l_a^{(n)} $
et on note
Alors ${\mathcal {H}} = \varprojlim _n {\mathcal {H}}_n$ et chaque ${\mathcal {H}}_n$ est fini.
3.3 Géométrie de l’espace symétrique de Drinfeld
Nous allons maintenant décrire l’espace symétrique de Drinfeld ${\mathbb {H}}_K^d$ . Il s’agit de l’espace analytique sur K dont les C-points sont
On dispose d’une application G-équivariante
donnée par
si $z=[z_0,\cdots , z_d] \in {\mathbb {H}}_K^d (C)$ . L’image $\tau (z)$ ne dépend pas du représentant de z car les normes sont vues à homothétie près. Le fait de prendre le complémentaire des hyperplans K-rationnels assure que $\tau (z)$ est séparée et donc une norme sur $K^{d+1}$ . D’après un résultat classique de Iwahori-Goldmann [Reference Goldman and Iwahori18], l’espace des normes sur $K^{d+1}$ à homothétie près s’identifie bijectivement (et de manière G-équivariante) à l’espace topologique $|{\mathcal {B}}{\mathcal {T}}|$ , ce qui permet de voir $\tau $ comme une application
Nous renvoyons à [Reference Boutot and Carayol4, §I.4] quand $d=1$ ou [Reference Wang32, §2.1] pour la justification des faits suivants. Soit $\sigma \in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_{k}$ un simplexe de type $(e_0, e_1,\cdots , e_k)$ et posons
L’ouvert ${\mathbb {H}}_{K,\sigma }^d$ est un affinoïde, admettant un modèle entier ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_K,\sigma }^d =\operatorname {\mathrm {Spf}} (\hat {A}_\sigma )$ où $\hat {A}_\sigma $ est le complété p-adique de ${\mathcal {O}}_K [X_0,\cdots , X_d,\frac {1}{P_\sigma }]/(\prod \limits _{{\substack {i=0}}}^{k}{X_{d_{i}}}-\varpi ),$ pour un certain polynôme $P_{\sigma }\in {\mathcal {O}}_K[X_0,...,X_d]$ qui est décrit dans [Reference Wang32, §2.1] ou dans [Reference Junger26, §1.5]. Tous ces modèles locaux ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_K,{\sigma }}^d$ se recollent pour donner lieu à un modèle global ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_K}^d=\bigcup _\sigma {\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_K,{\sigma }}^d$ de ${\mathbb {H}}_{K}^d$ . La fibre spéciale ${\mathbb {H}}_{\mathbb {F}}^{d}$ de ce modèle admet une décomposition similaire $\mathrm{idem} =\bigcup _\sigma {\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},{\sigma }}^d$ qui vérifie ${\mathbb {H}}_{K,{\sigma }}^d=]{\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},{\sigma }}^d[$ . Nous ne nous servirons ici que du cas où $\sigma =s$ est un sommet. L’algèbre $\hat {A}_s$ est alors le complété p-adique de
avec $\tilde {a}=(\tilde {a}_i)_i $ un relevé de a dans ${\mathcal {O}}_K$ . Pour ${\mathbb {H}}_{K,\mathring {\sigma }}^d$ , il s’agit de l’ouvert (dans une base adaptée)
avec $M_{-1}=\varpi M_k$ . Considérons les ouverts
et les morphismes
Il est montré dans [Reference De Shalit10, 6.4] que les morphismes ci-dessus induisent un isomorphisme
De même, on peut définir des ouverts en fibre spéciale ${\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\mathring {\sigma }}^d={\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},{\sigma }}^d\setminus \bigcup _{\sigma '\subsetneq \sigma }{\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},{\sigma '}}^d$ telle que ${\mathbb {H}}_{K,\mathring {\sigma }}^d=]{\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\mathring {\sigma }}^d[$ .
Remarque 3.1. Nous avons introduit précédemment une décomposition en somme adapté au simplexe:
avec $N_i=\left \langle f_{d_{i-1}+1},\cdots , f_{d_{i}} \right \rangle $ . En particulier, un vecteur unimodulaire a est dans $M_i$ si et seulement si la projection sur $ N_{i+1} \oplus \cdots \oplus N_k$ est divisible par $\varpi $ . Ainsi tout vecteur a de $M_i$ peut s’écrire sous la forme $a=a_1+a_2$ avec $a_1\in N_i$ , $a_2\in M_{i-1}$ et on a d’après la description des morphismes ci-dessus:
3.4 Géométrie de la fibre spéciale de ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_K}^d$
Si s est un sommet de ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}$ on note
l’étoile ouverte, respectivement fermée de s. Pour un simplexe $\sigma $ , on note
En prenant des intersections, des unions et des complémentaires d’espaces de la forme ${\mathbb {H}}_{K,{\sigma }}^d$ , ${\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},{\sigma }}^d$ , on peut encore définir des espaces ${\mathbb {H}}_{K,\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )}^d$ , ${\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )}^d$ (idem pour $\operatorname {\mathrm {Fst}}$ ) tels que ${\mathbb {H}}_{K,\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )}^d=]{\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )}^d[$ .
Les composantes irréductibles de la fibre spéciale de ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_K}^d$ sont les fermés ${\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}^d$ et sont donc indexées par l’ensemble des sommets de ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0$ . On obtient ainsi un recouvrement admissible $({\mathbb {H}}_{K,\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}^d)_{s\in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0}=(]{\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}^d[)_{s\in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0}$ de ${\mathbb {H}}_K^d$ dont les intersections d’ouverts sont de la forme ${\mathbb {H}}_{K,\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )}^d$ pour $\sigma \subset {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}$ un simplexe. En fibre spéciale, le lieu lisse de cette intersection est l’ouvert
car $\mathring {\sigma }=\sigma \backslash \bigcup \limits _{{\substack {\sigma '\subsetneq \sigma }}}^{}{\sigma '}$ . En particulier, le lieu lisse d’une composante irréductible est
où H parcourt l’ensemble des hyperplans ${\mathbb {F}}$ -rationnels (cf (1)). De plus, ${\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}^d$ est une compactification qui s’obtient comme suit ([Reference Genestier17, sous-section III.1.] ou [Reference Wang33, 4.1.2]). Posons $Y_0 ={\mathbb {P}}_{{\mathbb {F}}}^d$ et construisons par éclatements successifs une suite d’espaces
Supposons que l’on ait préalablement construit $Y_0 , \cdots , Y_i$ . On a des morphismes $p_i :Y_i \to Y_{i-1}$ et $\tilde {p}_i =p_i\circ \cdots \circ p_1 : Y_i \to Y_{0}$ . On pose $Z_i$ le transformé strict par $\tilde {p}_i$ de l’union des espaces de codimension $i + 1$ dans $Y_0$ . On définit $Y_{i+1}$ comme l’éclaté de $Y_i$ suivant $Z_i$ . Alors, on a $Y_d\cong {\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}^d$ .
3.5 Interprétation modulaire de l’espace de Drinfeld
Pour construire le premier revêtement de l’espace de Drinfeld, nous avons besoin d’une interprétation modulaire de cet espace, ce qui demande quelques notions et notations.
Rappelons que D est une K-algèbre centrale à division, de dimension $(d+1)^2$ et d’invariant $\frac {1}{d+1}$ et considérons ${\mathcal {O}}_{(d+1)}$ l’anneau des entiers d’une extension non-ramifiée de K, de degré $d+1$ contenue dans D. Si A est une ${\mathcal {O}}_K$ -algèbre, un ${\mathcal {O}}_D$ -module formel sur $\mathrm {Spec}(A)$ (ou, plus simplement, sur A) est un groupe formel X sur A muni d’une action de ${\mathcal {O}}_D$ , notée $\iota : {\mathcal {O}}_D \to \mathrm {End}(X)$ , qui est compatible avec l’action naturelle de ${\mathcal {O}}_K$ sur l’espace tangent $\mathrm {Lie}(F)$ (i.e., pour a dans ${\mathcal {O}}_K$ $d\iota (a)$ est la multiplication par a dans $\mathrm {Lie}(F)$ ). Le ${\mathcal {O}}_D$ -module formel X est dit spécial si $\mathrm {Lie}(X)$ est un ${\mathcal {O}}_{(d+1)}\otimes _{{\mathcal {O}}_K} A$ -module localement libre de rang $1$ . On a le résultat classique suivant:
Proposition 3.2. Sur un corps algébriquement clos de caractéristique p, il existe, à isogénie près, un unique ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial de dimension $d+1$ et de $({\mathcal {O}}_K$ -)hauteur $(d+1)^2$ .
On notera $\Phi _{\overline {{\mathbb {F}}}}$ l’unique (à isogénie près) ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial sur $\overline {{\mathbb {F}}}$ de dimension $d+1$ et hauteur $(d+1)^2$ (l’entier d étant fixé par la suite, nous ne le faisons pas apparaître dans la notation $\Phi _{\overline {{\mathbb {F}}}}$ ).
Soit $\mathrm {Nilp}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}$ la catégorie des ${\mathcal {O}}_{\breve {K}}$ -algèbres sur lesquelles $\varpi $ est nilpotent. Considérons le foncteur ${\mathcal {G}}^{Dr} : \mathrm {Nilp}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}} \to \mathrm {Ens}$ envoyant $A\in \mathrm {Nilp}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}$ sur l’ensemble des classes d’isomorphisme de triplets $(\psi , X, \rho )$ avec:
-
• $\psi : \overline {{\mathbb {F}}} \to A/ \varpi A$ est un ${\mathbb {F}}$ -morphisme,
-
• X est un ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial de dimension $d+1$ et de hauteur $(d+1)^2$ sur A,
-
• $\rho : \Phi _{\overline {{\mathbb {F}}}} \otimes _{\overline {{\mathbb {F}}}, \psi } A/ \varpi A \to X_{A/ \varpi A}$ est une quasi-isogénie de hauteur zéro.
Le théorème fondamental suivant, à la base de toute la théorie, est dû à Drinfeld:
Théorème 3.3 [Reference Drinfel’d14].
Le foncteur ${\mathcal {G}}^{Dr}$ est représentable par ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}^d$ .
Remarque 3.4. On définit le foncteur $\tilde {{\mathcal {G}}}^{Dr}$ de la même manière que ${\mathcal {G}}^{Dr}$ mais en ne fixant plus la hauteur de la quasi-isogénie $\rho $ . Alors $\tilde {{\mathcal {G}}}^{Dr}$ est, lui aussi, représentable par un schéma formel $\widehat {{\mathcal {M}}}^0_{Dr}$ sur $ \operatorname {\mathrm {Spf}} ({\mathcal {O}}_K)$ , qui se décompose
où ${\mathcal {G}}^{Dr,(h)}$ est défini comme précédemment en imposant que la quasi-isogénie $\rho $ soit de hauteur $(d+1)h$ . Chacun des ${\mathcal {G}}^{Dr,(h)}$ est alors isomorphe (non canoniquement) au foncteur ${\mathcal {G}}^{Dr}$ , ce qui induit un isomorphisme non-canonique
3.6 La tour de Drinfeld
On note $\mathfrak {X}$ le ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial universel sur ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}^d$ (cf. th. 3.3) et $\tilde {{\mathfrak {X}}}$ le module formel spécial universel déduit de la représentabilité de $\tilde {{\mathcal {G}}}^{Dr}$ . Pour tout entier $n\geq 1$ , l’action de $\Pi _D^n$ induit une isogénie de ${\mathfrak {X}}$ et de $\tilde {{\mathfrak {X}}}$ . Le schéma en groupes $\mathfrak {X}[ \Pi _D^n] = \ker ( \mathfrak {X} \xrightarrow {\Pi _D^n} \mathfrak {X})$ (resp. $\tilde {{\mathfrak {X}}}[\Pi _D^n]$ ) est fini plat, de rang $q^{n(d+1)}$ sur ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}^d$ (resp. $\widehat {{\mathcal {M}}}^0_{Dr}$ ).
On note $\Sigma ^0={\mathbb {H}}^d_{\breve {K}}$ et ${\mathcal {M}}^0_{Dr}=(\widehat {{\mathcal {M}}}^0_{Dr})^{\mathrm { rig}}\cong {\mathbb {H}}^d_{\breve {K}}\times {\mathbb {Z}}$ . Pour $n\geq 1$ on définit
Les morphismes d’oubli $\Sigma ^n \to \Sigma ^0$ et ${\mathcal {M}}^n_{Dr}\to {\mathcal {M}}^0_{Dr}$ définissent des revêtements finis étales de groupe de GaloisFootnote 2 ${\mathcal {O}}_D^{*}/(1+ \Pi ^n_D {\mathcal {O}}_D)$ . On a encore des isomorphismes non-canoniques ${\mathcal {M}}^n_{Dr}\cong \Sigma ^n\times {\mathbb {Z}}$ et les revêtements respectent ces décompositions.
Le groupe G s’identifie au groupe des quasi-isogénies de ${\mathfrak {X}}$ , il agit donc naturellement sur chaque niveau de la tour $({\mathcal {M}}^n_{Dr})_{n\geq 0}$ . De même, le groupe ${\mathcal {O}}_D^{*}$ permute les points de $\Pi ^n_D $ -torsion et ${\mathcal {O}}_D^{*}$ agit sur ${\mathcal {M}}^n_{Dr}$ à travers son quotient ${\mathcal {O}}_D^{*}/(1+ \Pi ^n_D {\mathcal {O}}_D)\simeq \mathrm { Gal}({\mathcal {M}}^n_{Dr}/{\mathcal {M}}^0_{Dr})$ . Ces deux actions commutent entre elle et les revêtements ${\mathcal {M}}^n_{Dr}\to {\mathcal {M}}^0_{Dr}$ sont G-équivariants. En revanche, le revêtement $\Sigma ^n\to \Sigma ^{0}$ est seulement $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)$ -équivariant.Footnote 3
3.7 Le premier revêtement
Nous nous intéressons désormais au cas $n=1$ . On peut encore définir une flèche de réduction $\nu $ de $\Sigma ^1$ vers l’immeuble de Bruhat-Tits ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}$ s’inscrivant dans le diagramme:
Pour tout sous-complexe simplicial $T \subseteq {\mathcal {B}} {\mathcal {T}}$ , on note
Le groupe de Galois de $\Sigma ^1$ est ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ . Ce groupe est cyclique et son cardinal
est premier à p. C’est un revêtement modérément ramifié et ces deux propriétés joueront un rôle central dans la suite. Le schéma $\mathfrak {X}[ \Pi _D]$ est, en particulier, un schéma en ${\mathbb {F}}_p$ -espaces vectoriels et la condition que $\mathfrak {X}$ soit spécial entraîne que $\mathfrak {X}[ \Pi _D]$ est un schéma de Raynaud. Pour énoncer les conséquences de cette observation, introduisons quelques notations.
Écrivons
Si on fixe $b\in ({\mathbb {F}})^{d+1} \backslash \{ 0 \}$ , on construit $u_1(z)=(b_0z_0 +\cdots +b_d z_d)^{-N}\tilde {u}_1$ une fonction inversible de ${\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},s}^d\cong {\mathbb {P}}_{ {\mathbb {F}}}^d\backslash \bigcup _{H\in {\mathcal {H}}_1} H$ pour s le sommet standard de ${\mathcal {B}}{\mathcal {T}}$ . Notons que la projection de $u_1$ dans ${\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},s}^d)/ ({\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}_{{\mathbb {F}},s}^d))^N$ ne dépends pas du choix de b et celui-ci n’aura donc pas d’incidence sur les résultats à suivre. Pour simplifier, nous pourrons prendre $b=(0,\cdots ,0,1)$ . On peut aussi relever $u_1$ en une fonction inversible dans ${\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}},s}^d)$ voire même dans ${\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}^d_{\breve {K},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)})$ que l’on notera encore $u_1$ .
En utilisant la classification des schémas de Raynaud, on a d’après [Reference Junger26, Théorème 4.9 et Remarque 4.10]Footnote 4 (cet énoncé étend les résultats de Teitelbaum [Reference Teitelbaum30, Théorème 5] pour $d=1$ et de Wang [Reference Wang32, Lemme 2.3.7.] pour d quelconque):
Théorème 3.5. Il existe $u\in {\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}^d_{\breve {K}})$ vérifiant $u\equiv u_1 \pmod {{\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}^d_{\breve {K},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)})^N}$ telle que
En particulier, $\Sigma ^1_{\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}\cong {\mathbb {H}}^d_{\breve {K},\operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}((\varpi u_1)^{\frac {1}{N}})$ .
Remarque 3.6. Notons que le résultat précédent ne décrit pas l’action de $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)\varpi ^{{\mathbb {Z}}}=\operatorname {\mathrm {Stab}}_{G}(\operatorname {\mathrm {Ost}}(s))$ . Toutefois, d’après [Reference Junger26, Remarque 4.12], toutes les actions possibles sur $\Sigma ^1$ commutant avec le revêtement se déduisent l’une de l’autre en tordant par un caractère
Nous déterminerons l’action provenant de l’interprétation modulaire dans 6.3.
4 Cohomologie des variétés de Deligne-Lusztig
4.1 Variétés de Deligne-Lusztig
Considérons les groupes algébriques $G=\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1, \overline {{\mathbb {F}}}}$ et $G_0=\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1,{\mathbb {F}}}$ , ainsi que le morphisme de Frobenius F défini par $(a_{i,j})_{i,j} \mapsto (a_{i,j}^q)_{i,j}$ . Soit B le sous-groupe des matrices triangulaires supérieures, T le tore des matrices diagonales, U le sous-groupe de B des matrices unipotentes.
On identifie le groupe de Weyl $W=N_G(T)/T$ à ${\mathfrak {S}}_{d+1}$ par le biais des matrices de permutation. Soit w la matrice de permutation associée au cycle $(0, 1, \dots , d) \in {\mathfrak {S}}_{d+1}$ . On définit
On a un diagramme commutatif:
Le groupe $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})=G(\overline {{\mathbb {F}}})^{F=1}$ agit sur $Y(w)$ et $X(w)$ par multiplication à gauche. Le groupe fini commutatif
agit librement (par multiplication à droite) sur $Y(w)$ . La flèche $\pi $ est un revêtement fini étale qui induit un isomorphisme $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ -équivariant
On peut rendre ces objets plus explicites comme suit [Reference Deligne and Lusztig11, 2.2]. D’une part $T^{wF}$ s’identifie à ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ via l’application $x \in {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*} \mapsto \mathrm {diag}(x, Fx, \dots , F^dx)$ . D’autre part, considérons la variété
où H parcourt l’ensemble des hyperplans ${\mathbb {F}}$ -rationnels. Elle possède une action naturelle de $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ . On rappelle que l’on a aussi construit dans la section précédente deux applications $\tilde {u}_1(z)\in {\mathscr {O}}({\mathbb {A}}^{d+1}_{{\mathbb {F}}}\backslash \{0\})$ et $u_1(z)=\tilde {u}_1(z)/z_d^N\in {\mathscr {O}}^{*}(\Omega ^d_{{\mathbb {F}}})$ .
Proposition 4.1. On a des identifications $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ -équivariantes entre $X(w)$ et $\Omega ^d_{{\mathbb {F}}}$ et entre $Y(w)$ et
De plus, $\pi $ est induite par la projection naturelle ${\mathbb {A}}_{{\mathbb {F}}}^{d+1} \backslash \{ 0 \}\to {\mathbb {P}}_{{\mathbb {F}}}^{d}$
Remarque 4.2.
-
• En envoyant $(z_0,...,z_d)\in Y(w)$ sur $(z_d^{-1}, [z_0:\cdots :z_d])$ et $(t,z=[z_0:\cdots: z_d])\in \Omega^d_{\mathbb{F}}(u_1^{1/N})$ sur $(\frac{z_0}{tz_d},\cdots,\frac{z_{d-1}}{tz_d}, t^{-1})$ sous l’identification précédente, on obtient un isomorphisme ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ -équivariant (le deuxième terme n’a pas d’action naturelle de $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ …)
$$ \begin{align*}Y(w)\simeq \Omega^d_{{\mathbb{F}}}(u_1^{1/N}).\end{align*} $$ -
• Comme dans la remarque 3.6, toutes les actions possibles de $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ sur $ \Omega ^d_{{\mathbb {F}}}(u_1^{1/N})$ commutant avec le revêtement se déduisent l’une de l’autre en tordant par un caractère
$$\begin{align*}\chi \in \operatorname{\mathrm{Hom}} (\operatorname{\mathrm{GL}}_{d+1}({\mathcal{O}}_K),\ \mu_N(\Omega^d_{{\mathbb{F}}}))\cong{\mathbb{F}}^{*},\end{align*}$$et le lemme 6.3 exhibe une identification naturelle avec l’ensemble des actions considérées dans 3.6. Dans 6.3, nous verrons que l’action provenant de l’interprétation modulaire de $\Sigma ^1$ et l’action naturelle sur $\operatorname {\mathrm {DL}}^d_{{\mathbb {F}}}$ coïncident sous cette bijection.
Démonstration. On identifie $G/B$ à la variété des drapeaux complets de $(\overline {{\mathbb {F}}})^{d+1}$ . On vérifie facilement qu’un drapeau $\{ 0 \} \subsetneq D_0 \subsetneq \dots \subsetneq D_{d}=(\overline {{\mathbb {F}}})^{d+1} $ est dans $X(w)$ si et seulement si pour tout i on a
On obtient un plongement $X(w) \to {\mathbb {P}}_{{\mathbb {F}}}^{d}, (D_i) \mapsto D_0$ . La projection d’un point $z=(z_0, \dots , z_d) \in (\overline {{\mathbb {F}}})^{d+1} \backslash \{ 0 \}$ est dans l’image de ce morphisme si et seulement si $(z, Fz, \dots , F^d z)$ est une base de $(\overline {{\mathbb {F}}})^{d+1}$ , ce qui revient à dire que $\det ((z_i^{q^j})_{0\le i,j\le d})$ est non nul. Mais
On en déduit alors un isomorphisme
La variété $ G/U$ classifie les paires $((D_i)_i, (e_i)_i)$ avec $(D_i)_i$ un drapeau et $e_i\in D_i/ D_{i-1}$ . Une paire $((D_i)_i, (e_i)_i)$ est dans $Y(w)$ si et seulement si $(D_i)_i\in X(w)$ et
Ainsi la flèche $((D_i)_i, (e_i)_i)\mapsto e_0$ induit un plongement $Y(w)\to {\mathbb {A}}_{{\mathbb {F}}}^{d+1} \backslash \{ 0 \}$ rendant le diagramme suivant commutatif:
Un point $x=(z_0, \dots , z_d) \in {\mathbb {A}}_{ {\mathbb {F}}}^{d+1} \backslash \{ 0 \}$ est dans l’image de ce morphisme si et seulement si $\det ((z_i^{q^j})_{0\le i,j\le d})=(-1)^d \det (F\cdot (z_i^{q^j})_{0\le i,j\le d})$ . Cela revient à écrire
4.2 Cohomologie étale des variétés de Deligne-Lusztig
On note $\operatorname {\mathrm {DL}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}}}$ l’extension des scalaires de $\operatorname {\mathrm {DL}}_{{\mathbb {F}}}^d$ à $\overline {{\mathbb {F}}}$ . Soit $l\ne p$ un nombre premier, nous allons rappeler la description de la partie cuspidale de la cohomologie l-adique à support compact de $\operatorname {\mathrm {DL}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}}}$ .
Soit $\theta : {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to \overline {{\mathbb {Q}}}_l^{*}$ un caractère, on dit que $\theta $ est primitif s’il ne se factorise pas par la norme ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to {\mathbb {F}}_{q^e}^{*}$ pour tout diviseur propre e de $d+1$ . Si M est un $ \overline {\mathbb {Q}}_l[{\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}]$ -module on note
Si $\pi $ est une représentation de $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ , on dit que $\pi $ est cuspidale si $\pi ^{N({\mathbb {F}})}=0$ pour tout radical unipotent N d’un parabolique propre de $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}$ . La théorie de Deligne-Lusztig (ou celle de Green dans notre cas particulier) fournit:
Théorème 4.3. Soit $\theta : {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to \overline {{\mathbb {Q}}}_l^{*}$ un caractère.
a) Si $\theta $ est primitif, alors $\mathrm {H}^{i}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t},c}(DL_{\bar{\mathbb{F}}}^d, \bar{\mathbb{Q}}_l)[\theta]$ est nul pour $i\ne d$ et
est une $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}( {\mathbb {F}})$ -représentation irréductible, cuspidale, de dimension $(q-1)(q^2-1) \dots (q^d-1)$ . Toutes les représentations cuspidales sont ainsi obtenues.
b) Si $\theta $ n’est pas primitif, aucune représentation cuspidale n’intervient dans $\bigoplus _{i}\mathrm { H}^{i}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t},c}(\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d, \overline {{\mathbb {Q}}}_l)[\theta ]$ .
Démonstration. Voir [Reference Deligne and Lusztig11, cor. 6.3], [Reference Deligne and Lusztig11, th. 7.3], [Reference Deligne and Lusztig11, prop. 7.4], [Reference Deligne and Lusztig11, prop. 8.3], [Reference Deligne and Lusztig11, cor. 9.9], pour ces résultats classiques.
Ainsi, la partie cuspidale $\mathrm {H}^{*}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t},c}(\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d, \overline {{\mathbb {Q}}}_l)_{\mathrm {cusp}}$ de $\mathrm {H}^{*}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t},c}(\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d, \overline {{\mathbb {Q}}}_l)$ est concentrée en degré d, où elle est donnée par $\bigoplus _{\theta } \overline {\pi }_{\theta ,l}\otimes \theta $ , la somme directe portant sur tous les caractères primitifs.
Remarque 4.4. (voir [Reference Deligne and Lusztig11, 6.3] et [Reference Yoshida34, Proposition 6.8.(ii) et remarques]) Soit $N=q^{d+1}-1$ et fixons un isomorphisme ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\simeq {\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}$ et ${\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}^{\vee }\simeq {\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}$ . Soient $\theta _{j_1}$ et $\theta _{j_2}$ deux caractères primitifs vus comme des éléments de ${\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}$ via $j_1$ , $j_2$ , les représentations $\overline {\pi }_{\theta _{j_1}}$ et $\overline {\pi }_{\theta _{j_2}}$ sont isomorphes si et seulement si il existe un entier n tel que $j_1= q^n j_2$ dans ${\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}$ .
4.3 Cohomologie rigide des variétés de Deligne-Lusztig
Nous aurons besoin d’un analogue des résultats présentés dans le paragraphe précédent pour la cohomologie rigide. Cela a été fait par Grosse-Klönne dans [Reference Grosse-Klönne22]. Si $\theta : {\mathbb {F}}^{*}_{q^{d+1}}\to \overline {K}^{*}$ est un caractère, posons
où
et où $M[\theta ]$ désigne comme avant la composante $\theta $ -isotypique de M.
Théorème 4.5. Fixons un premier $l\ne p$ et un isomorphisme $\overline {K} \cong \overline {{\mathbb {Q}}}_l$ . Si $\theta $ est un caractère primitif, alors
est isomorphe en tant que $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}})$ -module à $\overline {\pi }_{\theta ,l}$ , en particulier c’est une représentation irréductible cuspidale.
Démonstration. Cela se fait en trois étapes; cf. [Reference Grosse-Klönne22, 4.5]. Dans un premier temps, on montre [Reference Grosse-Klönne22, 3.1] que les $\overline {K}[\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}}) \times {\mathbb {F}}^{*}_{q^{d+1}}]$ -modules virtuels
coïncident. Il s’agit d’une comparaison standard des formules des traces de Lefschetz en cohomologies étale l-adique et rigide. Dans un deuxième temps (et c’est bien la partie délicate du résultat), on montre que $\bigoplus _{i}\mathrm {H}^{i}_{\mathrm {rig},c}(\operatorname {\mathrm {DL}}_{{\mathbb {F}}}^d/ \overline {K})[ \theta ]$ est bien concentré en degré d; cf. [Reference Grosse-Klönne22, th. 2.3]. On peut alors conclure en utilisant le théorème 4.3.
5 Cohomologie de de Rham et revêtements cycliques modérés
Dans ce chapitre L sera une extension non ramifiée de K, donc $\varpi $ en est une uniformisante. Toutes les cohomologies de de Rham seront calculées sur le complexe surconvergeant ie. nous écrirons par abus $\mathrm { H}^{*}_{\mathrm {dR}} (X)$ pour tout espace analytique X au lieu de $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} (X^{\dagger })$ .
5.1 Réduction semi-stable généralisée
Soit ${\mathcal {X}}$ un schéma formel topologiquement de type fini sur $\operatorname {\mathrm {Spf}} ({\mathcal {O}}_L)$ , de fibre générique ${\mathcal {X}}_\eta $ et de fibre spéciale ${\mathcal {X}}_s$ . On a une flèche de spécialisation $\operatorname {\mathrm {Sp}}: {\mathcal {X}}_\eta \rightarrow {\mathcal {X}}_s$ . Pour tout sous-schéma $Z\subset {\mathcal {X}}_s$ on note $]Z[_{{\mathcal {X}}}$ le tube de Z dans ${\mathcal {X}}_\eta $ (i.e., l’espace analytique
On dit que ${\mathcal {X}}$ est de réduction semi-stable généralisée s’il existe un recouvrement ouvert (Zariski) ${\mathcal {X}}=\bigcup \limits _{{\substack {t\in T}}}^{}{U_t}$ et un jeu de morphismes étales (pour certains $r\leq d$ et $\alpha _i\geq 1$ )
Dans ce cas, quitte à rétrécir les ouverts $U_t$ et à prendre r minimal, on peut supposer que les composantes irréductibles de la fibre spéciale $\overline {U}_t$ de $U_t$ sont les $V(\overline {x}^{*}_i)$ pour $i\leq r$ avec $\overline {x}^{*}_i =\overline {\varphi }_t (\overline {x}_i)$ . Elles ont les multiplicités $\alpha _i$ . On dit que ${\mathcal {X}}$ est de réduction semi-stable si de plus tous les $\alpha _i$ valent $1$ . Dans ce cas, les fibres spéciales $\overline {U}_t$ sont réduites.
5.2 Enoncé du résultat principal
Soit ${\mathcal {X}}$ un schéma formel sur $\operatorname {\mathrm {Spf}} ({\mathcal {O}}_L)$ , de réduction semi-stable généralisée, de fibre générique ${\mathcal {X}}_\eta $ et de fibre spéciale ${\mathcal {X}}_s$ . On note $(Y_i)_{i\in I}$ l’ensemble des composantes irréductibles de ${\mathcal {X}}_s$ . On suppose que le recouvrement ${\mathcal {X}}_s=\bigcup \limits _{{\substack {i\in I}}}^{}{Y_i}$ est localement fini (i.e., pour toute partie finie J de I, les composantes $Y_j$ pour $j\in J$ n’intersectent qu’un nombre fini de composantes irréductibles de ${\mathcal {X}}_s$ ). Si J est un sous-ensemble de I, on note
Le but de cette section est de prouver le théorème suivant:
Théorème 5.1. Soient ${\mathcal {X}}$ semi-stable généralisé et $(Y_i)_{i\in I}$ comme ci-dessus, et soit $\pi : {\mathcal {T}}\rightarrow {\mathcal {X}}_\eta $ un revêtement étale de groupe de Galois $\mu _n$ avec n premier à p. Pour toute partie finie J de I la flèche de restriction induit un isomorphisme
si ${\mathcal {X}}$ est de réduction semi-stable (non généralisée) ou $n=1$ (i.e., ${\mathcal {T}}={\mathcal {X}}_\eta $ ).
Remarque 5.2.
-
1. Si ${\mathcal {X}}$ est de réduction semi-stable (non généralisée) et $n=1$ (i.e., ${\mathcal {T}}={\mathcal {X}}_\eta $ ) le théorème ci-dessus a été démontré par Grosse-Klönne [Reference Grosse-Klönne20, Theorem 2.4.]. Il s’agit d’un point crucial dans sa preuve de la finitude de la cohomologie rigide. Le principal intérêt de notre généralisation est la présence du revêtement cyclique $\pi $ de la fibre générique de ${\mathcal {X}}_\eta $ .
-
2. Si de plus ${\mathcal {X}}$ est algébrisable et $|J|=1$ , le résultat [Reference Zheng35, Lemme 5.6] est un analogue en cohomologie étale l-adique du théorème ci-dessus.
Comme dans la preuve originale, on procède en deux étapes. On applique dans un premier temps un certain nombre de réductions assez techniques (cf. 5.5 et 5.6) pour se ramener à l’étude des revêtements de couronnes. Ces étapes sont similaires à la démonstration de Grosse-Klönne, qui utilise des recouvrements bien choisis et la suite spectrale de Cech. Dans notre cas, on reprend les mêmes recouvrements de ${\mathcal {X}}_\eta $ puis on les tire en arrière par $\pi $ pour étudier l’espace ${\mathcal {T}}$ . Le seul point technique à adapter dans ces réductions est la vérification que l’espace final obtenu est bien décrit par un revêtement de couronnes (voir 5.16).
La deuxième étape de la preuve est le calcul de la cohomologie de de Rham d’un revêtement cyclique modéré d’une couronne. Cela se fait par des calculs directs sur le complexe de de Rham, et fournit une description très explicite de ces groupes de cohomologie. Pour énoncer le résultat nous avons besoin de quelques notations. Considérons la couronne
avec $s_1,\ldots,s_d,r_1,\ldots,r_d\in |\bar{K}^*|$ tels que $s_i\leq r_i$ pour tout i et un revêtement de Kummer de la forme $\mathcal{T}=X((\lambda x^\beta)^{1/n})$ avec n premier à p, $\lambda\in L^*$ et $\beta\in\mathbb{Z}^d$ . Les hypothéses sur $\mathcal{T}$ sont loisibles, puisque nous allons voir que tout revêtement $\pi : {\mathcal {T}}\to X$ galoisien cyclique d’ordre n est de cette forme. On dispose donc sur ${\mathcal {T}}$ d’une racine n-ième t de $\lambda x^\beta $ . On définit enfin
Enfin, si $q\ge 1$ et $I=\left \lbrace i_1<\cdots < i_q\right \rbrace $ on pose
Théorème 5.3. Avec les notations ci-dessus, on a des isomorphismes naturels
et
où I parcours les parties de de cardinal q dans les sommes précédentes.
Remarque 5.4.
-
1. On déduit facilement du théorème que si $X'\subset X$ sont deux couronnes et si ${\mathcal {T}}\to X$ , ${\mathcal {T}}'\to X'$ sont deux revêtements compatibles (ie. ${\mathcal {T}}' ={\mathcal {T}}\times _X X'$ ) alors la flèche de restriction $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} ({\mathcal {T}})\rightarrow \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} ({{\mathcal {T}}'})$ est un isomorphisme qui respecte la décomposition en parties isotypiques.
-
2. En fait, tous ces résultats sont vrais pour une classe plus générale d’espaces, que l’on appellera tores monômiaux. Nous aurons besoin de ce degré de généralité et nous renvoyons à 5.6, 5.8 et 5.10 pour les énoncés dans ce cadre.
5.3 Tores monômiaux et leurs revêtements cycliques modérés
Définition 5.5. On appellera tore monômial de dimension d un L-espace analytique X de la formeFootnote 5
pour $s_i\leq r_i\in |\overline {K}^{*}|$ , $\alpha =(\alpha _1,...,\alpha _d)\in {\mathbb {N}}^d$ et $\rho \le \mu \in [s^{\alpha }, r^{\alpha }]\cap |\overline {K}^{*}|$ ).
On appelle tore monômial semi-ouvert un espace défini par les mêmes inégalités qu’un tore monômial, mais potentiellement strictes. Nous souhaitons étendre un résultat de Berkovich [Reference Berkovich1, Lemma 3.3] au cas des tores monômiaux.
Proposition 5.6. Soit X un tore monômial de dimension d (semi-ouvert), S un espace K-analytique, n un entier premier à p. La projection canonique $\varphi : X_S:=X\times S \to S$ induit un isomorphisme
Démonstration. Soit X un tore monômial et $s,r,\alpha ,\rho ,\mu $ les données associées. Nous allons montrer le résultat par récurrence sur la dimension d. Si $d=1$ , tous les tores monômiaux sont des couronnes qui ont été traitées dans [Reference Berkovich1, Lemma 3.3] (on peut aussi appliquer [Reference Junger25, Lemme 4.4.] puis la suite exacte de Kummer).
Soit $d>1$ , en projetant sur les $d-1$ premières coordonnées, on obtient un morphisme $\psi : X\to Y$ vers le tore monômial:
avec $\overline {\alpha }=(\alpha _1 ,\cdots , \alpha _{d-1}) $ . Soient $u: Y_S\to S$ les projections naturelles, alors $u\circ \psi =\varphi $ , donc
Par hypothèse de récurrence et la suite spectrale de Leray il suffit d’établir les isomorphismes
Notons que $R^q\psi _* \mu _n$ est un faisceau surconvergent (puisque les faisceaux constants le sont et que cette propriété est stable par image directe et twist à la Tate), on peut donc tester les isomorphismes ci-dessus fibre à fibre. Les tiges du faisceau $R^q\psi _* \mu _n$ se calculent grâce au théorème de changement de base [Reference de Jong and van der Put9, TH 3.7.3] et font intervenir la cohomologie du faisceau $\mu _n$ sur les fibres de $\psi $ . Ces fibres sont des couronnes de dimension $1$ (sur le corps de définition du point considéré), et on a déjà vu le calcul de ces groupes de cohomologie, ce qui permet de conclure.
Pour le cas semi-ouvert, on peut trouver un recouvrement croissant de X par des tores monômiaux fermés $X_k$ . Pour $\varphi _k :X_k \times S\to S$ la projection sur le second facteur, on a d’après la discussion précédente un système projectif constant de complexe $(\operatorname {\mathrm {R}}\varphi _{k,*}\mu _n)_k$ et on en déduit le calcul de $\operatorname {\mathrm {R}}\varphi _{*}\mu _n$ du cas fermé.
Remarque 5.7. Si X est un tore monômial sur un corps complet $S=\operatorname {\mathrm {Sp}}(L)$ et une couronne Y qui le contient, alors, en reprenant le raisonnement par récurrence précédent sur Y, on montre la bijectivité du morphisme naturel de restriction $\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(Y,\mu _n)\stackrel {\sim }{\rightarrow }\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(X,\mu _n) $ . Par suite exacte de Kummer sur Y (voir [Reference Van der Put31, th. 3.25] pour l’annulation du groupe de Picard de Y et [Reference Junger25, Lemme 4.4.] pour le calcul des fonctions inversibles),
En particulier, tout revêtement étale de groupe de Galois $\mu _n$ de $X_L$ est un revêtement de Kummer de la forme $X((\lambda x^\beta )^{1/n})$ pour $\beta $ dans ${\mathbb {Z}}^d$ et $\lambda $ dans $L^{*}$ .
5.4 Cohomologie de de Rham d’un revêtement cyclique modéré d’un tore monomial
Le but de ce paragraphe est de calculer la cohomologie de de Rham d’un revêtement cyclique ${\mathcal {T}} = X((\lambda x^\beta )^{1/n})$ (avec $\beta \in {\mathbb {Z}}^d$ et $\lambda \in L^{*}$ ) d’un tore monômial
Posons
Théorème 5.8. On dispose d’isomorphismes naturels
et
Remarque 5.9. Pour comprendre l’enoncé du théorème, il est intéressant d’étudier le cas analytique complexe. Si l’on prend un espace X de ${\mathbb {C}}^d$ défini par les mêmes inégalités qu’un tore monômial (i.e.
alors X a le type d'homotopie d'un tore.
La cohomologie de de Rham est donc donnée par Künneth:
D’après la correspondance de Galois entre les revêtements et les sous-groupes de $\pi _1(X)$ , un revêtement cyclique ${\mathcal {T}}$ de X a le type d’homotopie d’une union disjointe de tores. Cette union s’écrit:
Le nombre de composantes connexes est la constante $\pi _0$ introduite dans l’énoncé du théorème. Comme $t_0^{\pi _0}=1$ , la famille $\{t_0^i\}_i$ engendre le même ${\mathbb {C}}$ -espace vectoriel que l’ensemble des idempotents pour les différentes composantes connexes, et on obtient
Avant de passer à la preuve, mentionnons quelques conséquences utiles:
Corollaire 5.10. On reprend les notations précédentes et on se donne un autre tore monômial $X'$ inclus dans X. Si ${\mathcal {T}}'$ est la restriction de ${\mathcal {T}}$ à $X'$ (i.e., ${\mathcal {T}}' ={\mathcal {T}}\times _X X'$ ), alors la flèche de restriction $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} ({\mathcal {T}})\rightarrow \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} ({{\mathcal {T}}'})$ est un isomorphisme qui respecte la décomposition en parties isotypiques.
Démonstration. La base explicite du théorème 5.8 est conservée par la restriction $\Omega _{{\mathcal {T}}^\dagger /L}^q \to \Omega _{({\mathcal {T}}')^\dagger /L}^q$ d’où la bijectivité. Pour l’assertion sur les parties isotypiques, l’inclusion induit une application $\mu _n$ -équivariante entre les complexes de de Rham et le résultat s’en déduit. Pour un argument plus explicite, on a la décomposition en espaces propres $\Omega ^q_{{\mathcal {T}}^\dagger /L}=\bigoplus \limits _{{\substack {i=0}}}^{n-1}{t^i \Omega ^q_{X^\dagger /L}}$ et pour i fixé chaque $t_0^i\mathrm {H}^{q}_{\mathrm {dR}}(X)$ est un espace propre de $\mathrm {H}^{q}_{\mathrm {dR}} ({\mathcal {T}})$ .
Corollaire 5.11. Les conclusions de 5.8 et 5.10 sont encore vraies quand X est un tore monômial semi-ouvert.
Démonstration. On écrit $X=\bigcup _i X_i$ comme une réunion croissante de tores monômiaux. On a alors ${\mathcal {T}}=\bigcup _i {\mathcal {T}}\times _X X_i = \bigcup _i {\mathcal {T}}_i$ . Fixons $i_0\in {\mathbb {N}}$ , d’après ce qui précède, on a
d’où $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} ({\mathcal {T}})[\chi ]\cong \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}} ({\mathcal {T}}_{i_0})[\chi ]$ .
Passons à la preuve de 5.8. Nous commençons par traiter le cas des tores monomiaux (i.e., $\pi = \operatorname {\mathrm {Id}}$ et ${\mathcal {T}}=X$ ). Comme dans la définition, on se donne $r, s, \alpha , \rho , \mu $ définissant X et on choisit des constantes $u=(u_i)_i$ , $v=(v_i)_i$ et $w_1$ , $w_2$ dans L telles que
Si $x=(x_i)_i$ désigne la variable sur X, alors
En particulier, toute fonction f appartient à ${\mathscr {O}}(X^{\dagger })$ admet un développement unique $f= \sum _{\nu \in {\mathbb {Z}}^d} a_{\nu } x^{\nu }$ . Nous aurons besoin du résultat technique suivant:
Lemme 5.12 (Intégration).
Pour $i \le d$ et $f= \sum _{\nu \in {\mathbb {Z}}^d} a_{\nu } x^{\nu } \in {\mathscr {O}}(X^{\dagger })$ , il existe une section surconvergente de développement $\sum _{\nu \in {\mathbb {Z}}^d :\nu _i\neq 0} \frac {1}{\nu _i} a_{\nu } x^{\nu } \in {\mathscr {O}}(X^{\dagger })$ .
Démonstration. Réécrivons f sous la forme
tel qu'il existe $h>1$ tel que $h^{e(\beta , \gamma , \delta _1, \delta _2)} | m_{\beta , \gamma , \delta _1, \delta _2} | \to 0$ avec $e(\beta , \gamma , \delta _1, \delta _2)= \sum _{1 \le k \le d} \beta _k + \sum _{1 \le k \le d} \gamma _k + \delta _1 + \delta _2$ . Nous voulons montrer que le développement suivant définit bien une section surconvergente:
où $(\beta , \gamma , \delta _1, \delta _2)$ parcourt les termes tels que $\beta _i - \gamma _i + \alpha _i(\delta _1- \delta _2)\neq 0$ .
Pour tout $h_1 \in ] 1, h[$ , on a $(\frac {h_1}{h})^{e(\beta , \gamma , \delta _1, \delta _2)} | \frac {1}{ \beta _i - \gamma _i + \alpha _i (\delta _1- \delta _2)} | \to 0$ pour le filtre des parties finies et donc
et on obtient bien une section surconvergente sur X de développement $\sum _{\nu :\nu _i\neq 0} \frac {1}{\nu _i} a_{\nu } x^\nu $ .
Une q-forme surconvergente admet un unique développement . Nous dirons que $\omega $ contient un terme en $x_i$ (resp. un terme en $d\log (x_i)$ ) s’il existe $a_{\nu , I} \neq 0$ avec $\nu _i \neq 0$ (resp. avec $i \in I$ ). On appelle $\Omega ^q_{X^{\dagger }/L} [r] $ le sous-module des formes qui ne contiennent aucun terme en $x_i$ ou $d \log (x_i)$ pour $i>r$ . On observe l’inclusion $d(\Omega ^q_{X^{\dagger }/L} [r] ) \subset \Omega ^{q+1}_{X^{\dagger }/L} [r] $ .
On impose l’ordre lexicographique sur les couples $(q,r)$ et on montre par récurrence sur $(q,r)$ l’égalité suivante:Footnote 6
Il est aisé de voir que les modules apparaissant dans le terme de droite sont en somme directe et nous laissons la vérification de ce fait au lecteur. Nous allons seulement prouver que ces modules engendrent bien le sous-ensemble des q-formes fermées.
Si $q=0$ , comme X est géométriquement connexe, on a $\mathrm {H}^{0}_{\mathrm {dR}}(X)= L= L \cdot d\log (x_{\emptyset })$ .
Soit $q \ge 1$ , supposons le résultat vrai pour tout $(q',r') < (q,r)$ . Si $\omega \in (\Omega ^q_{X^{\dagger }/L}[r])^{d=0}$ , elle se décompose de manière unique de la formeFootnote 7
avec $\omega _j^{(i)} \in \Omega ^{q-i}_{X^{\dagger }/L}[r-1]$ . Par fermeture de $\omega $ ,
d’où $d\omega _j^{(0)} =0$ et $d\omega _j^{(1)}= (-1)^{q-1} j \omega _j^{(0)}$ toujours par unicité de la décomposition. En particulier, $d\omega _0^{(1)}=d\omega _0^{(0)}=0$ .
D’après 5.12, la somme suivante est une $(q-1)$ -forme surconvergente de X,
On vérifie par calcul direct, $\omega - d\eta = \omega _0^{(0)} + \omega _0^{(1)} \wedge d\log (x_r)$ (d’après (2)). On a montré que les formes $\omega _0^{(0)}$ et $\omega _0^{(1)}$ étaient fermés. On peut leur appliquer l’hypothèse de récurrence, ce qui permet de conclure.
On s’intéresse maintenant au cas général. Nous cherchons à calculer la cohomologie d’un revêtement sur X de la forme
Quitte à étendre L, on suppose qu’il contient les racines $\pi _0$ -ièmes de l’unité et que $\lambda $ vaut $1$ . On a alors une décomposition
Appelons ${\mathscr {L}}_{\zeta }$ le polynôme interpolateur de Lagrange s’annulant sur $\mu _{\pi _0}(L) \setminus \{ \zeta \}$ et valant $1$ en $\zeta $ . Prenons $t \in {\mathscr {O}}^{*}({\mathcal {T}})$ une racine n-ième de $x^{\beta }$ et $t_0= \frac {t^{\tilde {n}}}{x^{\tilde {\beta }}}$ . Alors ${\mathscr {L}}_{\zeta }(t_0)$ est l’idempotent associé à ${\mathcal {T}}_{\zeta }$ . Supposons que ${\mathcal {T}}_{\zeta } \to X$ induise un isomorphisme $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(X) \cong \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}({\mathcal {T}}_{\zeta })$ , on obtient une suite d’isomorphismes
car $\{ t_0^j \}_j$ et $\{ {\mathscr {L}}_{\zeta }(t_0) \}_{\zeta }$ engendrent le même L-espace vectoriel. Il suffit ainsi de raisonner sur chaque ${\mathcal {T}}_{\zeta }$ (i.e., on peut supposer $\pi _0=1$ ).
Considérons maintenant le revêtement de groupe de Galois $\mu _n^d$ suivant:
Les flèches $((x_1, \dots , x_d), t_1, \dots , t_d) \mapsto (t_1, \dots , t_d)$ et $(t_1, \dots , t_d) \mapsto ((t_1^n , t_2^n,\dots , t_d^n), t_1, \dots , t_d)$ induisent une bijection
On en déduit la suite d’égalités:
On remarque aisément que $\tilde {{\mathcal {T}}}$ est un revêtement de ${\mathcal {T}}$ de groupe de Galois abélien $\operatorname {\mathrm {Fix}}_{\mu _n^d}({\mathcal {T}})=\{(\gamma _i)_i\in \mu _n^d : \sum _i \gamma _i\beta _i=0\}$ . La flèche naturelle $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}({\mathcal {T}}) \to \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(\tilde {{\mathcal {T}}})$ identifie $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}({\mathcal {T}})$ à $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(\tilde {{\mathcal {T}}})^{\operatorname {\mathrm {Fix}}_{\mu _n^d}({\mathcal {T}})}$ et est donc injective. On obtient un diagramme commutatif:
Ainsi, $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}({\mathcal {T}}) \cong \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(X)$ .
5.5 Une première réduction
Revenons maintenant au contexte du théorème 5.1. En particulier, on dispose du schéma formel ${\mathcal {X}}$ semi-stable généralisé, d’un revêtement cyclique $\pi : {\mathcal {T}}\to {\mathcal {X}}_\eta $ d’ordre premier à p et on note $(Y_i)_{i\in I}$ les composantes irréductibles de sa fibre spéciale. Rappelons que l’on note $Y_J=\bigcap _{j\in J} Y_j$ pour $J\subset I$ . Notons que les deux résultats qui vont suivre seront valables dans les deux cas considérés dans 5.1. Nous spécialiserons au cas $\pi =\mathrm {Id}$ ou au cas ${\mathcal {X}}$ semi-stable (non généralisé) dans la section 5.7.
Lemme 5.13. Pour démontrer le théorème 5.1 il suffit de prouver la bijectivité de
quand ${\mathcal {X}}=\operatorname {\mathrm {Spf}} (A)$ est affine formel, connexe et possède un morphisme étale
Démonstration. On considère uniquement l’ensemble (fini) des composantes de I qui intersectent J, ce qui nous permet de supposer que I est fini. Pour $J\subset I$ et $M\subset J^c$ , on note
(i.e., les points dans toutes les composantes irréductibles de J qui évitent celles de M). Si de plus $ m$ est un entier positif, on note
(i.e., les points dans toutes les composantes de J qui évitent au moins m composantes dans M). On remarque les égalités $Y_J = \mathring {Y}_{J,M}^{0}$ et $\mathring {Y}_{J,M}^{|M|}=\mathring {Y}_{J,M}$ .
On raisonne sur la chaîne d’inclusions
il suffit donc de montrer (pour tout m) la bijectivité de la flèche naturelle
Notons que $\mathring {Y}^1_{J,J^c}=Y_J\backslash Y_I$ . Nous allons construire un schéma formel auxiliaire $\tilde {{\mathcal {X}}}$ de réduction semi-stable généralisée pour déduire le cas m quelconque à partir du cas $m=0$ .
Chaque $]\mathring {Y}_{J,J^c}^{m}[$ admet par définition un recouvrement admissible par les ouverts suivants $(]\mathring {Y}_{J,N}[)_{N\subset J^c : |N|=m}$ . Les intersections finies de ces ouverts vérifientFootnote 8
avec $M=\bigcup _{N\in Q} N$ . Lorsque Q varie, M parcourt l’ensemble des parties disjointes de J pour tout M de cardinal au moins m. On se ramène donc, grâce à la suite spectrale de Cech, à montrer l’isomorphisme
pour tout M de cardinal au moins m. Quand M n’est pas de cardinal m, on a $\mathring {Y}_{J,M}=\mathring {Y}_{J,M}\cap \mathring {Y}_{J,J^c}^{m+1}$ et la bijectivité est triviale.
Quand M est de cardinal m, on se place dans la clôtureFootnote 9 $\tilde {{\mathcal {X}}}$ de $]{\mathcal {X}}_s\backslash \left (\bigcup \limits _{{\substack {i\in M}}}^{}{Y_i}\right )[$ dans $ {\mathcal {X}}$ . Les composantes irréductibles de $\tilde {{\mathcal {X}}}_s$ sont indexées par $I\backslash M$ . On reprend les notations $\tilde {Y}_J$ , $\mathring {\tilde {Y}}_{J,N}$ et $\mathring {\tilde {Y}}_{J,N}^m$ pour $J\subset M^c$ et $N\subset (M\cup J)^c$ . On observe
On s’est ramené à la condition suffisante du lemme par l’observation $\tilde {Y}_J\backslash \tilde {Y}_I=\mathring {\tilde {Y}}_{J,J^c}^1$ .
Il reste à expliquer pourquoi on peut supposer ${\mathcal {X}}$ affine formel. On se donne un recouvrement affine ${\mathcal {X}}=\bigcup \limits _{{\substack {s\in S}}}^{}{U_s}$ et un jeu de morphismes étales
On note $U_T=\bigcap \limits _{{\substack {t\in T}}}^{}{U_t}$ pour $T\subset S$ . On a un recouvrement admissible ${\mathcal {T}}=\bigcup \limits _{{\substack {s\in S}}}^{}{\pi ^{-1} (U_{s,\eta })}$ donc par une nouvelle application de la suite spectrale de Cech, il suffit de prouver la bijectivité de
pour tout $T\subset S$ . On s’est donc ramené à ${\mathcal {X}}=U_T =\operatorname {\mathrm {Spf}} (A)$ affine formel, ${\mathcal {T}}=\pi ^{-1} (U_{T,\eta })$ affinoïde et $\varphi ={\varphi _s}_{|U_T}: {\mathcal {X}}\to \operatorname {\mathrm {Spf}} ({\mathcal {O}}_L\left \langle x_1,\cdots , x_d\right \rangle /(x_1^{\alpha _1}\cdots x_r^{\alpha _r}-\varpi ))$ pour un certain $s\in T$ . Quitte à réduire ${\mathcal {X}}$ , on peut supposer qu’il est connexe.
5.6 Une deuxième réduction
Nous supposons maintenant que nous sommes dans le contexte du lemme 5.13. En particulier, ${\mathcal {X}}=\operatorname {\mathrm {Spf}} (A)$ est affine et connexe et possède un morphisme étale $\varphi : \operatorname {\mathrm {Spf}} (A)\rightarrow \operatorname {\mathrm {Spf}} ({\mathcal {O}}_L \left \langle x_1,\cdots ,x_d\right \rangle /(x_1^{\alpha _1}\cdots x_r^{\alpha _r} -\varpi ))$ . Notons $x_i^{*} =\varphi ^{*} (x_i)\in A$ et $\overline {x}_i$ son image en fibre spéciale. Quitte à réduire ${\mathcal {X}}$ , on peut supposer , , $Y_i =V(\overline {x}_i)$ . Notons aussi que ${\mathcal {T}}$ est affinoide, disons ${\mathcal {T}}=\operatorname {\mathrm {Sp}}(B)$ .
Lemme 5.14. Pour montrer 5.13, il suffit de prouver que pour toute partition et tous $\lambda ,\beta \in ]0,1[\cap |\overline {K}^{*}|$ , les restrictions de ${\mathcal {T}}$ à $\tilde {C}$ et à $\tilde {C}'$ ont la même cohomologie de de Rham, où
Démonstration. Rappelons que:
Nous allons filtrer ces espaces par des ouverts plus simples. Pour $\lambda \in ]0,1[\cap |\overline {K}^{*}|$ posonsFootnote 10
On définit $]Y_J\backslash Y_I[_{\mathcal {X}} (\frac {J}{\lambda })$ d’une manière semblable et on remarque que $\pi ^{-1}(]Y_J[_{\mathcal {X}})=\bigcup \limits _{{\substack {\lambda < 1}}}^{}{\pi ^{-1}({\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda })})$ est un recouvrement admissible (et la situation est similaire pour $\pi ^{-1}(]Y_J\backslash Y_I[_{\mathcal {X}})$ ). Il suffit donc de montrer la bijectivité de
pour tout $\lambda $ comme ci-dessus.
Ensuite, intéressons-nous à l’espace
pour $\beta \in ]0,1[\cap |\overline {K}^{*}|$ . On remarque la suite d’inclusion
Étudions d’abord la flèche en cohomologie induite par la première inclusion. On a un recouvrement admissible $(\pi ^{-1}({\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda },\frac {\beta }{\left \lbrace i \right \rbrace })))_{i\in J^c}$ de $\pi ^{-1}(\bigcup \limits _{{\substack {i\in J^c}}}^{}{{\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda },\frac {\beta }{\left \lbrace i \right \rbrace })})$ et les intersections sont de la forme $\pi ^{-1}({\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda },\frac {\beta }{M}))$ pour $M\subset J^c$ .
De plus, on a l’identité
car chaque voisinage stricte de $\pi ^{-1}(]Y_J \backslash Y_I[_{\mathcal {X}} (\frac {J}{\lambda } ))$ contient un ouvert de la forme $\pi ^{-1}({\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda },\frac {\beta }{M}))$ pour un certain $\beta $ . En comparant les complexes de de Rham surconvergeant, on obtient la bijectivité de
puis celle de
grâce à la suite spectrale de Cech.
Il suffit donc d’établir l’isomorphisme suivant pour tout $\beta $
en montrant que cela découle de la condition imposée dans l’énoncé.
On a un recouvrement admissible à deux termes
En utilisant la suite exacte de Mayer-Vietoris qui en découle, il suffit d’établirFootnote 11
On réécrit
Pour établir l’isomorphisme ci-dessus, comparons les deux espaces considérés avec $\pi ^{-1}({\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda }, (\frac {J^c}{\beta })^{\pm 1}))$ ie. prouvons la bijectivité des deux flèches
Pour la première, cela revient à comparer les deux couronnes de l’énoncé du lemme 5.14 pour la partition $I=J\cup \emptyset \cup J^c$ . D’après la suite spectrale de Cech pour le recouvrement $({\mathcal {X}}_\eta (\frac {J}{\lambda },\frac {\beta }{\left \lbrace i \right \rbrace }, \frac {J^c}{\beta }))_{i\in J^c}$ , on se ramène pour la deuxième à
pour tout $M\subset J^c$ . Là encore, cela revient à établir la condition suffisante du lemme pour la partition $I=J\cup M\cup (I\backslash (J\cup M))$
5.7 Fin de la preuve du théorème 5.1
Fixons une partition et reprenons les notations introduites dans le lemme 5.14. Dans toute la suite, nous appellerons par abus ${\mathcal {T}}$ le revêtement sur $\tilde {C}$ et ${\mathcal {T}}'$ celui sur $\tilde {C}'$ . Nous devons comparer les cohomologies de de Rham de ${\mathcal {T}}$ et de ${\mathcal {T}}'$ . Pour cela, on considère les inclusions $\tilde {C}' \to \tilde {C} \to ]Y_I[_{\mathcal {X}} =\left \lbrace s \in {\mathcal {X}}_\eta , \forall i\in I, |x_i^{*}(s)|<1\right \rbrace $ . Nous allons commencer par une description plus simple de $ ]Y_I[_{\mathcal {X}}$ , fournie par:
Lemme 5.15. Il existe une ${\mathcal {O}}_L$ -algèbre $\varpi $ -adiquement complète et formellement lisse $\hat {B}$ et un isomorphisme
envoyant $Z_i$ sur $x_i^{*}$ .
Démonstration. Le morphisme étale ${\mathcal {O}}_L\langle X_1,...,X_d\rangle / (X_1^{\alpha _1}... X_r^{\alpha _r}- \varpi ) \rightarrow A$ induit, en complétant $(X_1,...,X_r)$ -adiquement, un morphisme étale
D’après [Reference Berthelot2, (0.2.7)PROPOSITION], $]Y_I[_{\mathcal {X}}=\operatorname {\mathrm {Spf}}(\hat {A})^{rig}$ . Considérons le diagramme commutatif suivant,
dans lequel $\theta $ est la projection modulo $J=(X_1,...,X_r )$ et
Observons que l’inclusion canonique $\iota : {\mathbb {F}}[X_{r+1},..., X_d]\hookrightarrow R/\varpi $ est une section de $\theta $ . Comme $R\rightarrow \hat {A}$ est étale, la section $\iota $ se relève en une section $s: \overline {B}\rightarrow \hat {A}/\varpi $ . En effet, $\overline {B}$ est lisse sur ${\mathbb {F}}$ car étale sur ${\mathbb {F}}[X_{r+1},...,X_d]$ par changement de base de $R/\varpi \to \hat {A}/\varpi $ . Ainsi, le morphisme naturel $\overline {B}\stackrel {\sim }{\rightarrow } \hat {A}/(\varpi \hat {A}+J\hat {A})$ se relève en un morphisme $\overline {B}\to \hat {A}/\varpi $ car $\hat {A}/\varpi $ est complet pour la topologie J-adique. Pour vérifier que l’on obtient bien la section recherchée, il suffit de montrer que ce morphisme est compatible à $\iota $ en le réduisant modulo J ce qui est vrai par construction.
Par le théorème d’Elkik [Reference Elkik16, THÉORÈME fin section II p568], on peut relever $\overline {B}$ en une ${\mathcal {O}}_K$ -algèbre lisse B. Ainsi, en reprenant les arguments de la construction de s, on voit que $B \to \hat {A}/ \varpi $ se relève en un morphisme $B \rightarrow \hat {A} $ puis en $\hat {B} \rightarrow \hat {A} $ , où $\hat {B}$ est la complétion $\varpi $ -adique de B. Le diagramme commutatif
fournit un morphisme envoyant $Z_i$ sur $x_i^{*}$ . Par Nakayama topologique, $\beta $ est un isomorphisme car il l’est modulo $(Z_1,...,Z_r,\varpi )$ par construction. On conclut en passant à la fibre génerique.
Notons $S=\operatorname {\mathrm {Sp}}(\hat {B} \otimes _{{\mathcal {O}}_L} L)$ et $X=\{Z=(Z_1,\cdots , Z_r)\in \mathring {{\mathbb {B}}}^{r}_L :Z^{\alpha }=\varpi \} $ . Le lemme ci-dessus fournit un diagramme commutatif
où C et $C'$ sont les espaces par
On se place maintenant dans le cas où ${\mathcal {X}}$ est semi-stable ie. $\forall i\in I, \alpha _i=1$ . Alors, en exprimant $Z_1$ en fonction des variables $Z_2, \cdots , Z_{r}$ , nous pourrons voir les espaces C, $C'$ comme des tores monomiaux géométriquement connexes. Comme on peut raisonner sur chaque composante de S, on suppose de même S connexe. Enfin, quitte à étendre les scalaires, on suppose le corps de base L complet algébriquement clos.
Lemme 5.16. Les torseurs $[{\mathcal {T}}]$ et $[{\mathcal {T}}']$ admettent des décompositions en sommes $[{\mathcal {T}}_1\times C]+[S\times {\mathcal {T}}_2]$ et $[{\mathcal {T}}_1'\times C']+[S\times {\mathcal {T}}_2']$ où ${\mathcal {T}}_1={\mathcal {T}}_1'$ (resp. ${\mathcal {T}}_2$ , ${\mathcal {T}}_2'$ ) est un $\mu _n$ -torseur sur S (resp. C, $C'$ ).
Démonstration. On raisonne sur C, l’argument sera le même pour $C'$ . Introduisons le diagramme
On se donne $c_0 \in C$ un point géométrique et on note $\iota : c_0 \times S \to C \times S$ . D’après la suite spectrale de Leray, on a une suite exacte:
Les morphismes induits $\operatorname {\mathrm {R}}^1 \iota ^{*}$ et $\operatorname {\mathrm {R}}^2 \iota ^{*}$ fournissent des inverses à droite de $\operatorname {\mathrm {R}}^1pr_{1}^{*}$ et $\operatorname {\mathrm {R}}^2 pr_{1}^{*}$ , d’où une suite exacte de faisceaux scindée:
et une identification $\varphi _* \operatorname {\mathrm {R}}^1 pr_{1,*}\mu _{n,S \times C} \cong \ker (\operatorname {\mathrm {R}}^1 \iota ^{*})$ .
Les flèches naturelles compatibles $\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n)\to \mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(U\times C, \mu _n)$ induisent un morphisme entre le préfaisceau constant $\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n)|_S$ et le préfaisceau $U\mapsto \mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(U\times C, \mu _n)$ . En passant au faisceau associé, on obtient un morphisme naturel $\delta :\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n)|_S\to \operatorname {\mathrm {R}}^1 pr_{1,*}\mu _{n,S \times C}$ . Le faisceau $pr_{1,*} \mu _{n,S \times C}$ est surconvergent en tant qu’image directe d’un faisceau constant (à quelques twists à la Tate près), on a d’après [Reference de Jong and van der Put9, Th. 3.7.3] $(\operatorname {\mathrm {R}}^1 pr_{1,*}\mu _{n,S \times C})_s{\kern-1pt}\cong{\kern-1pt} \mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n)$ pour tout point $s\in S$ et $\delta $ est un isomorphisme.
Comme S et C sont connexes, on a, en prenant les sections globales, une suite exacte scindée
avec $\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n) \stackrel {\sim }{\rightarrow } \ker (\iota ^{*})$ . Mais, on a un morphisme injectif $\mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n) \to \mathrm {H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(S \times C, \mu _n)$ induit par $pr_{2}^{*}$ . Il reste à prouver que $\ker (\iota ^{*})= \mathrm {im}(pr_{2}^{*})$ . Le morphisme $pr_2^{*}$ envoie un revêtement ${\mathcal {T}}$ sur $S \times {\mathcal {T}}$ et $\iota ^{*}$ envoie ${\mathcal {T}}'$ sur $S \times C$ vers sa restriction à $S \times c_0 \cong S$ . Il est aisé de voir que $\iota ^{*} \circ pr_2^{*}=0$ (i.e., $\mathrm { im}(pr_{2}^{*})\subset \ker (\iota ^{*})$ ). Mais ces deux groupes ont tous deux pour ordre $|\mathrm { H}^{1}_{\acute {\mathrm {e}}\mathrm {t}}(C, \mu _n)|<\infty $ (cf 5.6 et 5.7), ils sont donc confondus. On a donc la décomposition
L’énoncé est une traduction en termes de torseurs de cette égalité.
L’espace ${\mathcal {T}}_1\times _L{\mathcal {T}}_2$ est un revêtement de ${\mathcal {T}}$ de groupe de Galois $H=\{(g,g^{-1}) : g\in \mu _n\}$ et un revêtement de $S\times C$ de groupe de Galois $\mu _n^2$ . On obtient l’égalité par Künneth:
De même pour ${\mathcal {T}}_1\times _L{\mathcal {T}}_2'$ par rapport à ${\mathcal {T}}'$ et $S\times C'$ , on a
On en déduit le diagramme commutatif
Mais d’après 5.10, la flèche $\iota ^{*}$ est un isomorphisme et les deux flèches verticales sont des bijections. On peut alors appliquer 5.14 pour prouver le théorème 5.1.
Supposons maintenant ${\mathcal {X}}$ semi-stable généralisé et $\pi =\mathrm {Id}$ . On considère le tore monomial
et on peut écrire $C=Y(T^{1/\alpha _0})$ . En raisonnant de même sur $C'$ , on observe l’isomorphisme $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(C)\cong \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(C')$ d’après 5.10 et on en déduit $\mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(S\times C)\cong \mathrm {H}^{*}_{\mathrm {dR}}(S\times C')$ par Künneth.
6 Cohomologie de de Rham du premier revêtement de la tour de Drinfeld
Le but de ce chapitre est de calculer la ‘partie cuspidale’ de la cohomologie de de Rham de $\Sigma ^1$ . Cela utilise tous les résultats obtenus jusqu’à présent. Dans tout ce chapitre nous noterons
Théorème 6.1. Soit $\theta : {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to \breve {K}_N^{*}$ un caractère primitif. Il existe un isomorphisme n
et $\mathrm {H}^{r}_{\mathrm {dR},c}(\Sigma ^1_{\breve {K}_N})[\theta ]=0$ pour $r\ne d$ .
Pour démontrer le théorème, on étudie la suite spectrale de Cech associée au recouvrement par les tubes (dans $\Sigma ^1$ ) au-dessus des composantes irréductibles de la fibre spéciale de ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}^d $ (i.e., au recouvrement par la famille d’ouverts $(\Sigma ^1_{ \operatorname {\mathrm {Ost}}(s)})_{s\in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0}$ ):
Par dualité de Poincaré 2.2, on se ramène à étudier $\mathrm {H}^{r}_{\mathrm {dR}}(\Sigma ^1_{\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )})$ . Nous montrerons (cf. paragraphe 6.1) que, pour $s\in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0$ , on a un isomorphisme n
et (cf. paragraphe 6.2) que $\mathrm {H}^{r}_{\mathrm { dR},c}(\Sigma ^1_{\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )})[\theta ] =0$ pour $\mathrm {dim}(\sigma ) \ge 1$ . Ces deux résultats, dont la preuve utilise de manière cruciale le théorème 5.1, montrent la dégénérescence de la suite spectrale et permettent de conclure la preuve du théorème 6.1.
6.1 Le tube au-dessus d’une composante irréductible
Le but de ce paragraphe est de calculer la cohomologie de de Rham du tube au-dessus d’une composante irréductible (i.e., $\mathrm {H}^{r}_{\mathrm {dR}}(\Sigma ^1_{ \operatorname {\mathrm {Ost}}(s)})$ , plus précisément de démontrer le résultat suivant):
Proposition 6.2. Si $s\in {\mathcal {B}}{\mathcal {T}}_0$ est un sommet, il existe un isomorphisme n
D’après le théorème 5.1 et la discussion dans le paragraphe précédent on a un isomorphisme naturel (induit par la restriction)
Pour étudier $ \mathrm {H}^{r}_{\mathrm {dR}}(\Sigma ^1_{ s})$ , nous devons rendre explicite le lien entre $\Sigma ^1_s$ et la variété de Deligne-Lusztig $\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d$ . Ce lien est établi dans [Reference Wang32, 2.3.8], mais nous allons donner l’argument pour le confort du lecteur.
Lemme 6.3. La restriction $\Sigma ^1_{\breve {K}_N, s}$ du premier revêtement au-dessus d’un sommet admet un modèle entier lisse $\widehat {\Sigma }_s^{1}$ dont la fibre spéciale $\overline {\Sigma }_s^1$ est isomorphe à la variété de Deligne-Lusztig $\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d$ .
De plus, l’isomorphisme ci-dessus est $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)\times {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ -équivariant.
Grâce au lemme précédent et à 2.3 on obtient des isomorphismes $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)\times {\mathcal {O}}_D^{*}/ (1+ \Pi _D {\mathcal {O}}_D)$ -équivariants
ce qui termine la preuve de la proposition 6.2.
Démonstration. On peut supposer que s est le sommet standard. L’énoncé du théorème 3.5 introduit une fonction inversible $u_1$ sur ${\mathbb {H}}_{\breve {K}_N,s}^d$ voire même sur ${\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}_N},s}^d$ telle que $\Sigma ^1_{\breve {K}_N,s}= {\mathbb {H}}_{\breve {K}_N,s}^d(u_1^{\frac {1}{N}})$ . La normalisation de ${\mathbb {H}}^d_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}},s}$ dans $\Sigma ^1_{\breve {K}_N,s}$ fournit un modèle entier $\widehat {\Sigma }_{s}^{1}={\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}_N},s}^d(u_1^{\frac {1}{N}})$ de fibre spéciale
D’après 4.1, le revêtement de type Kummer $ {\mathbb {H}}_{\overline {{\mathbb {F}}},s}^d(u_1^{\frac {1}{N}})$ admet un isomorphisme ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ -équivariant vers $\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d$ . Le reste de la preuve consiste à montrer qu’il est de plus $G^{\circ }:=\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)$ -équivariant.
Rappelons que toutes les actions possibles de $G^{\circ }$ sur $ \overline {\Sigma }^1_s$ ou sur ${\Sigma }^1_s$ commutant avec le revêtement se déduisent l’une de l’autre en tordant par un caractère
d’après [Reference Junger26, Remarque 4.12]. Plus précisément, pour T une racine N-ième de $u_1$ dans ${\mathscr {O}}(\overline {\Sigma }^1_s )={\mathscr {O}}(\operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d )$ ou dans ${\mathscr {O}}({\Sigma }^1_s )$ , le caractère $\chi $ associé à deux actions de $G^{\circ }$ notées $g\mapsto [g]_1$ et $g\mapsto [g]_2$ est donné par $\chi (g)=[g]_1\cdot T / [g]_2 \cdot T $ . On en déduit aussi que l’on a une bijection entre les actions de $G^{\circ }$ sur $ \overline {\Sigma }^1_s$ et celles sur ${\Sigma }^1_s$ qui préserve les caractères $\chi $ .
Nous étudions maintenant le cas où $g\mapsto [g]_1$ (resp. $g\mapsto [g]_2$ ) est l’action provenant de $\Sigma ^1$ (resp. de $\operatorname {\mathrm {DL}}_{{\mathbb {F}}}^d$ ). Il s’agit de prouver que le caractère obtenu est trivial. On voit aisément que ce dernier se factorise via la flèche $G^{\circ } \xrightarrow []{\det } {\mathcal {O}}_{K}^{*} \to {\mathbb {F}}^{*}$ car $1+\varpi {\mathcal {O}}_K$ est N-divisible. Comme ${\mathbb {F}}^{*}$ est cyclique, il suffit de raisonner sur une matrice $g\in G^{\circ }$ telle que $\det g$ engendre ${\mathbb {F}}^{*}$ et sur la fibre d’un point $y\in {\mathbb {H}}_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}}}^d( {\mathcal {O}}_{\breve {K}})$ fixé par g.
Expliquons comment choisir cette matrice. Observons que la norme $N: {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}\to {\mathbb {F}}^{*}$ est surjectiveFootnote 12 . On se donne $\lambda \in {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}$ un élément dont la norme engendre ${\mathbb {F}}^{*}$ si bien que ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}= {\mathbb {F}}[\lambda ] $ et le polynôme minimal sur ${\mathbb {F}}$ de $\lambda $ est de degré $d+1$ . De plus, n’importe quel relevé unitaire P sur ${\mathcal {O}}_{K}$ est encore irréductible de degré $d+1$ . Donnons-nous une matrice $g\in \operatorname {\mathrm {M}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K)$ de polynôme caractéristique P (par exemple la matrice compagnon associée). Ainsi, g est dans $G^{\circ }$ , régulière elliptique et son déterminant engendre ${\mathbb {F}}^{*}$ .
L’élément g admet $d+1$ points fixes distincts dans ${\mathbb {P}}^{d}({\mathcal {O}}_{C})$ qui correspondent aux droites propres de g dans $C^{d+1}$ . Montrons qu’elles sont toutes dans ${\mathbb {H}}^d_{K,s}(C)$ . Pour cela, pour tout vecteur propre $v\in C^{d+1}$ que l’on suppose unimodulaire à normalisation près, nous devons prouver que les coordonnées de v modulo $\varpi $ sont libres sur ${\mathbb {F}}$ . Supposons que ce ne soit pas le cas et prenons $a\in {\mathbb {F}}^{d+1}\backslash \{0\}$ tel que $\langle a, v \rangle =0$ . Ainsi
et $v^{\perp }\cap {\mathbb {F}}^{d+1}$ est stable sous l’action de $g^t$ . Comme le polynôme caractéristique P de $g^t$ est irréductible surFootnote 13 ${\mathbb {F}}$ , $v^{\perp } \cap {\mathbb {F}}^{d+1}= {\mathbb {F}}^{d+1}$ ie. $v=0$ , d’où une contradiction.
Prenons $y\in {\mathbb {H}}^d_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}},s}({\mathcal {O}}_{C}) $ le point fixe de g correspondant à la valeur propre $\lambda $ et $\overline {y}\in {\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}},s }(\overline {{\mathbb {F}}})$ sa spécialisation. D’après 4.1, un point $x\in \operatorname {\mathrm {DL}}_{\overline {{\mathbb {F}}}}^d (\overline {{\mathbb {F}}})$ corresponds à un vecteur $x=(x_0,\ldots , x_d)$ dans $\overline {{\mathbb {F}}}^{d+1}$ tel que $\tilde {u}_1(x)=1$ . De plus, x est dans la fibre $ \pi ^{-1}(\overline {y})$ , si x engendre la droite $\overline {y}$ . Dans ce cas, $[g]_2\cdot x = \lambda x$ . Mais d’après la description de l’isomorphisme $\operatorname {\mathrm {DL}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}}}(\overline {{\mathbb {F}}}) \stackrel {\sim }{\rightarrow } {\mathbb {H}}_{\overline {{\mathbb {F}}},s}^d(u_1^{\frac {1}{N}})$ donnée dans 4.2, on a $T=\frac {1}{x_0}$ et donc $[g]_2\cdot T= \lambda ^{-1}T$ sur $ \pi ^{-1}(\overline {y})$ .
Decrivons maintenant l’action provenant du premier revêtement $\Sigma ^1$ . D’aprèsFootnote 14 [Reference Junger26, Corollaire 3.10], la restriction ${\mathfrak {X}}[\Pi _D]_s$ des points de torsion du module universel ${\mathfrak {X}}[\Pi _D]$ au dessus du sommet s est affine de sections
Rappelons que ${\mathscr {O}}({\Sigma }_s^1)={\mathscr {O}}({\mathfrak {X}}[\Pi _D]_s)[1/\tilde {T}, 1/\varpi ]$ et $\tilde {T}=\varpi _N T$ dans ${\mathscr {O}}({\Sigma }_s^1)\otimes \breve {K}_N$ . Ainsi, calculer $[g]_1 \cdot \tilde {T}$ dans ${\mathscr {O}}({\mathfrak {X}}[\Pi _D]_s)$ revient à déterminer $[g]_1 \cdot T$ dans ${\mathscr {O}}({\Sigma }_s^1)$ ou dans ${\mathscr {O}}(\overline {\Sigma }_s^1)$ . Plaçons-nous donc sur ${\mathscr {O}}({\mathfrak {X}}[\Pi _D]_s)$ et plus précisément sur l’idéal d’augmentation ${\mathcal {I}}=\bigoplus _{i = 1}^{N} \tilde {T}^i {\mathscr {O}}({\mathbb {H}}^d_{{\mathcal {O}}_{\breve {K}},s})$ de ${\mathscr {O}}({\mathfrak {X}}[\Pi _D]_s)$ . La description précédente de l’idéal d’augmentation est en fait la décomposition en partie isotypique pour l’action de ${\mathcal {O}}_{(d+1)}^{*}(\subset {\mathcal {O}}_{D}^{*})$ . Le cotangent de ${\mathfrak {X}}[\Pi _D]_s$ s'écrit:
Mais, on a aussi
il suffit donc de montrer que de comprendre l'action de la matrice g fixée sur la partie isotypique $(\mathrm{Lie} \mathfrak{X}_s )_d|_{\bar{y}}$ correspondante.
Utilisons la théorie de Cartier pour décrire le plan tangent. D’après 3.3, un point fermé $z\in {\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}}}(\overline {{\mathbb {F}}})$ correspond à un coupleFootnote 15 $(X,\rho )$ où X est un ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial sur $\overline {{\mathbb {F}}}$ et $\rho $ une quasi-isogénie $ \Phi \rightarrow X$ de hauteur $0$ . Aux modules X et $\Phi $ correspondent des modules de Cartier $M_X $ et $M_{\Phi } $ surFootnote 16 ${\mathcal {O}}_{\breve {K}}\langle F, V \rangle $ (ainsi qu’un opérateur $\Pi $ qui commute à F, V) qui sont libres de rang $4$ sur ${\mathcal {O}}_{\breve {K}}$ et la quasi-isogénie $\rho $ induit un isomorphisme $M_{X}[\frac {1}{p}] \stackrel {\sim }{\rightarrow } M_{\Phi } [\frac {1}{p}]$ . Nous allons chercher à déterminer dans la suite les couples $(M_X,\rho )$ qui correspondent aux points de ${\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}},s}(\overline {{\mathbb {F}}})\subset {\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}}}(\overline {{\mathbb {F}}})$ . Pour cela, nous aurons besoin de quelques résultats classiques sur les modules de Cartier spéciaux.
L’action de ${\mathcal {O}}_{(d+1)}$ sur $M_X$ et $M_{\Phi }$ induit des $\mathbb{Z}/(d+1)\mathbb{Z}$ -graduations $M_X= \sum _{i\in {\mathbb {Z}}/(d+1){\mathbb {Z}}} M_{X,i}$ (de même pour $M_{\Phi }$ ) suivant les plongements de ${\mathcal {O}}_{(d+1)}$ dans ${\mathcal {O}}_{\breve {K}}$ . Les opérateurs V, $\Pi $ sont de degré $1$ et F est de degré $-1$ . On a le résultat classique suivant:
Lemme 6.4. Soit $X/\overline {{\mathbb {F}}}$ un ${\mathcal {O}}_D$ -module formel spécial de dimension $(d+1)$ et de hauteur $(d+1)^2$ et $M_X$ le module de Cartier associé. On a les points suivants:
-
1. On a une identification $\operatorname {\mathrm {Lie}} X \cong M_X/VM_X$ et les parties isotypiques sont de la forme $(\operatorname {\mathrm {Lie}} X)_i=M_{X,i}/VM_{X,i-1}$ .
-
2. Pour tout $i\in {\mathbb {Z}}/(d+1){\mathbb {Z}}$ , on a $[M_{X,i},VM_{X,i-1}]=[M_{X,i},\Pi M_{X,i-1}]=1$ et $[M_{X,i},FM_{X,i+1}]=d$ .
-
3. Soit $i\in {\mathbb {Z}}/(d+1){\mathbb {Z}}$ , les points suivants sont équivalents :
-
(a) $\Pi :(\operatorname {\mathrm {Lie}} X)_i\to (\operatorname {\mathrm {Lie}} X)_{i+1}$ est nulle,
-
(b) $\Pi M_{X,i}\subset VM_{X,i}$ ,
-
(c) $\Pi M_{X,i}=VM_{X,i}$ ,
-
(d) $M_{X,i+1}\neq \Pi M_{X,i} +VM_{X,i}$ ,
-
(e) $M_{X,i}=M_{X,i}^{V^{-1}\Pi }\otimes _{{\mathcal {O}}_K}{\mathcal {O}}_{\breve {K}}$ où $M_{X,i}^{V^{-1}\Pi }=\{m\in M_{X,i} : V m=\Pi m \}$ .
Lorsque ces hypothèses sont vérifiées, on dit que i est un indice critique.
-
-
4. Il existe au moins un indice critique.
Démonstration. Pour $1.$ , la deuxième assertion découle de la première qui est prouvée dans [Reference Zink36, Th. 4.23]. Le reste a été prouvé dans [Reference Boutot and Carayol4, §II.5] quand $d=1$ . La traduction de ces arguments en dimension quelconque est transparente, mais nous en donnons quelques explications succinctes. Pour $2.$ l’égalité $[M_{X,i},VM_{X,i-1}]=1$ provient du caractère spécial. Le reste se déduit du fait que $\Pi $ , V, F commutent entre eux, et des identités $[M_{X},\varpi M_{X}]=(d+1)^2$ (la hauteur de X) et $FV=\Pi ^{d+1}=\varpi $ . Pour $3.$ , $(a)$ et $(b)$ sont équivalents d’après $1$ . Le point $2.$ fournit le sens non-trivial de l’équivalence de $(c)$ avec $(a)$ , $(b)$ (idem pour $(d)\Leftrightarrow (c)$ ). Pour $(c)\Rightarrow (e)$ , on applique la classification de Dieudonné-Manin à l’isocrystal $(M_{X,i}[1/p],V^{-1}\Pi )$ (l’autre sens est clair). Pour $4.$ , on observe que la flèche $\Pi ^{d+1}=\varpi : M_X/VM_X \to M_X/VM_X$ est nulle.
Pour simplifier, nous supposerons que tous les indices de $M_{\Phi }$ sont critiques. Dans ce cas, un couple $(M_X,\rho )$ est dans ${\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}},s}(\overline {{\mathbb {F}}})$ si et seulement si $\rho M_{X,d}=M_{\Phi ,d}$ et d est le seul indice critique de $M_X$ . Pour un tel couple, on a une suite d’inclusion
qui définit une droite (d’après le point 4. et 2. de 6.4) $D:=\Pi ^d M_{X,0}/ \varpi M_{X,d}$ dans $M_{X,d}/ \varpi M_{X,d}$ et donc une flèche
Grâce au point 3. (e) de 6.4, on peut identifier
et $\mathrm{GL}_{d+1}(\mathbb{F})\cong \mathrm{GL}((M_{X,d}^{V^{-1}\Pi}/\varpi)$ . On en déduit une action de $G^{\circ}$ par inflation $\mathbb{P}^d(\bar{\mathbb{F}})\backslash \bigcup_{H\in \mathbb{P}^d(\mathbb{F})}H$ . Grâce à ces constructions, on peut décrire explicitement la restriction de l’isomorphisme dans 3.3 sur les points géométriques de ${\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}},s}$ .
Lemme 6.5. L’application $\psi $ définie précédemment induit une bijection $G^{\circ }$ -équivariante:
Démonstration. Notons qu’un couple $(M_X,\rho )$ dans ${\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}},s}(\overline {{\mathbb {F}}})$ est déterminé par la donnée des inclusions $\rho M_{X,i}\subset M_{\Phi } [\frac {1}{p}]$ . Par hypothèse, il suffit d’étudier les cas $i\neq d$ . Comme aucun de ces indices ne sont critiques, on a les identités (cf 3. (d) dans 6.4)
et le sous-module $M_{X,0}$ détermine $M_{X,1}, \dots , M_{X,d-1}$ . Revenons à $\psi $ , la droite $\Pi ^d M_{X,0}/ \varpi M_{X,d}\subset M_{X,d}/ \varpi M_{X,d}$ détermine $\rho \Pi ^d M_{X,0}$ (car $\rho M_{X,d}$ et $\rho \varpi M_{X,d}$ sont fixés) et donc le module $\rho M_{X,0}$ par injectivité de la multiplication par $\Pi $ . Dit autrement, l’application $\psi $ est injective.
Il reste à prouver que l’image de cette flèche est l’ouvert décrit dans l’énoncé. Prenons un couple $(M_X,\rho )\in {\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}}}(\overline {{\mathbb {F}}})$ tel que $\rho M_{X, d}=M_{\Phi ,d}$ et on fixe $m_0\in M_{X,0}\backslash V M_{X,d}$ . En particulier, $m_0$ engendre $\operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_0$ . Le point crucial est d’observer l’équivalence suivante: d est le seul indice critique si et seulement si $(\Pi ^i V^{d-i} m_0)_i$ est une $\overline {{\mathbb {F}}}$ -base de $M_{X,d}/\varpi M_{X,d}$ . Supposons le deuxième hypothèse, le module suivant est contenue dans $V M_{X,d-1}$ et est d’indice $1$ dans $M_{X,d}$
Il est donc confondu avec $VM_{X,d-1}$ d’après le point 2. de 6.4. Ainsi, $\Pi ^d m_0$ engendre $\operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_d$ et la flèche $\Pi ^{ d} :\operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_0\to \operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_d$ est non nulle ce qui montre que d est le seul indice critique. Réciproquement, supposons les indices $0,\dots , d-1$ non critiques et établissons d’abord par récurrence sur $0\le k\le d$ :
Le cas $k=0$ est une conséquence directe de la définition de $m_0$ . Pour l’hérédité, cela découle de la relation $M_{X,k+1}=\Pi M_{X,k}+V M_{X,k}$ pour $k\neq d$ . Quand k vaut d, on en déduit que la famille $(\Pi ^i V^{d-i} m_0)_i$ engendre
et est donc une base par argument de dimension.
Pour terminer la preuve, écrivons $\Pi ^d m_0=\sum _i a_i x_i$ dans une base $(x_i)_i$ de $M_{X,d}$ par des éléments de $M_{X,d}^{V^{-1}\Pi }$ . On obtient alors dans $M_{X,d}/\varpi M_{X,d}$ :
Le même argument que dans la preuve de 4.1 montre que $(\Pi ^i V^{d-i} m_0)_i$ est une $\overline {{\mathbb {F}}}$ -base de $M_{X,d}/\varpi M_{X,d}$ si et seulement si $\overline {{\mathbb {F}}}\cdot V^d m_0 \in {\mathbb {P}}^d(\overline {{\mathbb {F}}})\backslash \bigcup _{H\in {\mathbb {P}}^d({\mathbb {F}})}H$ si et seulement si $\overline {{\mathbb {F}}} \cdot \Pi ^d m_0 \in {\mathbb {P}}^d(\overline {{\mathbb {F}}})\backslash \bigcup _{H\in {\mathbb {P}}^d({\mathbb {F}})}H$ .
Nous appellerons l’isomorphisme précédent morphisme des périodes. Nous pouvons maintenant terminer la preuve du résultat. Reprenons la matrice g construite précédemment ainsi que la droite propre $\overline {y}\in {\mathbb {H}}^d_{\overline {{\mathbb {F}}},s}(\overline {{\mathbb {F}}})$ associée à la valeur propre $\lambda $ . Via l’application des périodes, cette droite détermine un couple $(M_X,\rho )$ pour lequel g agit par multiplication par $\lambda $ sur $D:=\Pi ^d M_{X,0}/ \varpi M_{X,d}$ . En reprenant les arguments de la preuve du lemme précédent, les générateurs de D engendrent $\operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_d$ où g agit donc par multiplication par $\lambda $ sur $\operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_d$ . Comme l’indice d est critique, on a $\operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_d =\ker (\Pi : \operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_d\to \operatorname {\mathrm {Lie}} (X)_0)$ d’où $[g]_1\cdot T=\lambda ^{-1} T$ sur $\pi ^{-1} (\overline {y})$ par dualité. Le résultat s’en déduit.
6.2 Le tube au-dessus d’une intersection de composantes irréductibles
Le but de ce paragraphe est de démontrer le résultat suivant:
Proposition 6.6. Si $\sigma $ est un simplexe de dimension non nulle, alors ${\mathrm {H}^{j}_{\mathrm { dR},c}(\Sigma ^1_{\operatorname {\mathrm {Ost}}(\sigma )})[\theta ] {\kern-1pt}={\kern-1pt}0}$ pour tout j et tout caractère primitif $\theta $ .
En utilisant l’action de G, on peut supposer que $\sigma $ est un simplexe standard (en particulier, on a $\sigma =\{[M_i]\}_i$ avec $M_0={\mathcal {O}}_K^{d+1}$ ), de dimension $k\geq 1$ et de type $(e_0,...,e_k)$ . D’après le théorème 5.1, on dispose d’un isomorphisme naturel
On a, d’après le théorème 3.5
avec $u_1= (-1)^{d}\prod _{a \in ({\mathbb {F}}_q)^{d+1} \backslash \{ 0 \}}\frac {a_0z_0 +\cdots +a_d z_d}{z_d}$ avec $z=[z_0,\cdots ,z_d]$ un système de variable sur l’espace projectif ${\mathbb {P}}^d_K$ adapté à $\sigma $ . Nous souhaitons restreindre le torseur $\kappa (\varpi u_1)$ à ${\mathbb {H}}_{\breve {K}, \mathring {\sigma }}^d$ car $\Sigma ^1_{ \mathring {\sigma }}\subset \Sigma ^1_{ \operatorname {\mathrm {Ost}}(s)}$ . On rappelle [Reference De Shalit10, 6.4] que cet espace admet une décomposition
où $A_k$ et $C_{e_i-1}, C_{\sigma }$ sont les espaces introduits dans le paragraphe 3.3. Nous allons exhiber une décomposition similaire pour les torseurs. Introduisons avant quelques notations. Pour a unimodulaire ie. $a\in M_0\backslash \varpi M_0$ , $i(a)$ sera l’unique entier tel que $a \in M_{i(a)} \backslash M_{i(a)-1}$ .
Lemme 6.7. Soient S un ensemble fini de vecteur unimodulaire et $(\alpha _a)_{a\in S}$ des entiers de somme nulleFootnote 17 et soit $Q=\prod _{a\in S} l_a^{\alpha _a}$ . Notons
Il existe des sections $Q_{C_{e_i-1}}\in {\mathscr {O}}^{*}(C_{e_i-1})$ , chacune étant un produit homogène de degré $0$ de formes linéaire tel que
avec $Q_{C_{\sigma }}=Q_{C_{e_0-1}} \dots Q_{C_{e_k-1}} \in {\mathscr {O}}^{*}(C_{\sigma })$
Démonstration. Il suffit de montrer le résultat pour les fractions de la forme $\frac {l_a}{z_{d}}$ . On rappelle que l’on a introduit des sous-modules $N_i\subset M_i$ tels que:
On peut alors décomposer $a = a_1 +a_2$ avec $a_1$ dans $N_{i(a)}$ unimodulaire, $a_2$ dans $M_{i(a)-1}$ . On a
Le terme $\frac {z_{d_{i(a)}}}{z_{d}}$ est dans ${\mathscr {O}}^{*}(A_k)$ , la fraction $\frac {l_{a_1}}{z_{d_{i(a)}}}$ dans ${\mathscr {O}}^{*}(C_{e_{i}-1})$ (cf 3.1) et $\frac {l_{a_2}}{l_{a_1}}$ dans ${\mathscr {O}}^{++}({\mathbb {H}}_{\breve {K},\mathring {\sigma }}^d)$ par définition de ${\mathbb {H}}_{\breve {K},\mathring {\sigma }}^d$ . De plus, la fraction $Q_{A_k}=\frac {z_{d_{i(a)}}}{z_{d}}$ a la forme voulue ce qui conclut la preuve de l’énoncé.
D’après ce qui précède (et en utilisant le fait que N est premier à p, donc toute fonction f telle que $|f-1|<1$ est une puissance N-ième), on peut décomposer $u_1=u_{A_k}u_{C_{\sigma }} \pmod {{\mathscr {O}}^{*}({\mathbb {H}}_{\breve {K},\mathring {\sigma }}^d)^N}$ . Introduisons les $\mu _N$ -revêtements
Soit H l’antidiagonale de $\mu _N^{2}$ . On a
Lemme 6.8. L’espace ${\mathcal {T}}_{A_{k}}$ a $q^m-1$ composantes géométriques avec $m=\mathrm { PGCD}(d+1,e_0,\cdots ,e_k)$ .
Démonstration. Notons que $A_k$ est un tore monômial semi-ouvert. En effet,
et on réalise le changement de variable $x_0=\frac {y_0}{y_1}$ , $x_1=\frac {y_1}{y_2}, \cdots , x_{k-1}={y_{k-1}}$ pour obtenirFootnote 18
De plus, on a (cf 6.7)
où $\beta _i =|(M_i/\varpi M_0)\backslash (M_{i+1}/\varpi M_0)|=q^{d+1-d_{i+1}}(q^{e_i}-1)$ .
Le nombre de composantes connexes géométriques $\pi _0$ de ${\mathcal {T}}_{A_{k}}$ est (cf [Reference Junger26, Proposition 4.1.])
La partie isotypique en $\theta $ est donnée par:
On voit $\theta $ comme un élément de ${\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}$ . Le nombre de composantes connexes géométriques de ${\mathcal {T}}_{A_{k}}$ est de la forme $q^m-1$ et par primitivité de $\theta $ , $N/(q^m-1)$ ne divise pas $\theta $ dans ${\mathbb {Z}}/N{\mathbb {Z}}$ . On a alors $\mathrm {H}^{j}_{\mathrm { dR}}({\mathcal {T}}_{A_{k}}) [ \theta ]=0$ d’après 5.11. Ainsi,
Ce qui conclut la preuve de la proposition 6.6.
6.3 Réalisation de la correspondance de Langlands locale
Dans cette partie, nous allons décrire la cohomologie des espaces ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ et montrer qu’elle réalise la correspondance de Jacquet-Langlands. On étendra les scalaires à C pour tous les espaces considérés en fibre générique.
On pourra simplifier le produit $G \times D^{*} $ en $GD$ . On a une ‘valuation’ sur $GD$ :
On introduit alors pour $i=0$ ou $i=d+1$ , $[GD]_{i}=v_{GD}^{-1}(i{\mathbb {Z}})$ et $[G]_{i}=G\cap [GD]_{i}$ , $[D]_{i}=D^{*}\cap [GD]_{i}$ . Ainsi, on a des inclusions de ${\mathcal {O}}_D^{*}$ , G dans $[GD]_0$
mais les deux sous-groupes ne commutent pas entre eux.
Passons aux représentations qui vont nous intéresser. Nous définissons d’abord des représentations sur $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K) \varpi ^{{\mathbb {Z}}}\times {\mathcal {O}}_D^{*} \varpi ^{{\mathbb {Z}}}$ que nous étendrons à $GD$ par induction. Fixons $\theta $ un caractère primitif de ${\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ et des isomorphismes $\mathcal{O}_D^*/1+ \Pi_D \mathcal{O}_D \cong \mathbb{F}_{q^{d+1}}^*$ :
-
• $\theta $ sera vu comme une $[D]_{d+1}$ -représentation via ${\mathcal {O}}_D^{*} \varpi ^{{\mathbb {Z}}} \to {\mathcal {O}}_D^{*} \to {\mathbb {F}}_{q^{d+1}}^{*}$ ,
-
• $\overline {\pi }_{\theta }$ sera la représentation associée à $\theta $ sur $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}}_q)$ via la correspondance de Deligne-Lusztig. On la voit comme une $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K) \varpi ^{{\mathbb {Z}}}$ -représentation via $\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K) \varpi ^{{\mathbb {Z}}} \to \operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathbb {F}}_q)$ .
Par induction, on obtient:
-
• une représentation $\pi (\theta )$ de G, où $\pi (\theta )= \operatorname {\mathrm {c}-\mathrm {ind}}_{\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K) \varpi ^{{\mathbb {Z}}}}^G \overline {\pi }_{\theta }$ . Il pourra être utile de considérer $\tilde {\pi }(\theta )= \operatorname {\mathrm {c}-\mathrm {ind}}_{\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K) \varpi ^{{\mathbb {Z}}}}^{[G]_{d+1}} \overline {\pi }_{\theta }$ et d’écrire $\pi (\theta )= \operatorname {\mathrm {c}-\mathrm {ind}}_{[G]_{d+1}}^G \tilde {\pi }(\theta )$ ,
-
• une $D^{*}$ -représentation $\rho (\theta )= \operatorname {\mathrm {c}-\mathrm {ind}}_{[D]_{d+1}}^{D^{*}} \theta $ .
Nous avons défini une action de $GD$ sur ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ qui s’identifie non canoniquement à $\Sigma ^1 \times {\mathbb {Z}}$ . Si on confond $\Sigma ^1$ avec $\Sigma ^1 \times \{0 \}\subset {\mathcal {M}}_{Dr}^1/\varpi ^{\mathbb {Z}} \cong \Sigma ^1 \times {\mathbb {Z}}/(d+1){\mathbb {Z}}$ , on obtient une action sur $\Sigma^1$ de son stabilisateur $[GD]_{d+1}$ .
Pour énoncer la correspondance de Langlands, nous aurons besoin de la cohomologie de ${\mathcal {M}}_{Dr}^1$ . On a la relation:
Nous allons montrer:
Théorème 6.9. Soit $\theta $ un caractère primitif, on a un isomorphisme G-équivariant:
Démonstration. Si $i \neq d$ , nous avons déjà prouvé l’annulation de la cohomologie. Posons dorénavant $i=d$ , on a:
On rappelle que $\tilde {\pi }(\theta ) = \operatorname {\mathrm {c}-\mathrm {ind}}_{\operatorname {\mathrm {GL}}_{d+1}({\mathcal {O}}_K) \varpi ^{{\mathbb {Z}}}}^{[G]_{d+1}} \overline {\pi }_{\theta }$ . On a noté $c_x(\tilde {\pi }(\theta ))$ la représentation $ g \mapsto \tilde {\pi }(\theta )(x^{-1}gx)$ . Pour l’avant-dernière égalité, on a utilisé la formule de Mackey $\operatorname {\mathrm {c}-\mathrm {ind}}_{[G]_{d+1}}^G c_x(\tilde {\pi }(\theta ))=\pi (\theta )$ .