Sidney Chalhoub. La précarité de la liberté dans une société pratiquant l'esclavage (le Brésil au dix-neuvième siècle).
L'une des principales caractéristiques de l'esclavage au Brésil fut que les esclaves avaient de meilleures chances d'accéder à la liberté que tel était le cas dans d'autres sociétés pratiquant l'esclavage. Si la liberté pouvait être difficile à obtenir, d'importants taux de manumission entraînèrent un pourcentage élevé de gens de couleur libres et libérés dans la population de ce pays tout au long du dix-neuvième siècle. Cet article analyse certaines facettes de la précarité structurelle de la liberté dans le Brésil du dix-neuvième siècle. Il étudie divers thèmes comme les restrictions constitutionnelles aux droits politiques de gens libérés, l'interdiction des maîtres à leurs esclaves d'apprendre à lire et écrire, la pratique consistant à accorder des manumissions conditionnelles, le droit du maître de révoquer des libertés, l'esclavage illégal de gens de couleur libres et le profilage par la police de Noirs libres et libérés en alléguant qu'ils étaient soupçonnés d’être des esclaves. L'idée est de mettre en lumière certaines situations qui brouillèrent souvent la distinction entre l'esclavage et la liberté, rendant par conséquent peu sûre la condition de gens libres et libérés d'origine africaine.
Sharif Gemie et Louise Rees. En représentant et reconstruisant les identités dans le monde de l'après-guerre: les réfugiés, l'UNRRA, et Les Anges marqués (The Search) de Fred Zinnemann (1948).
Cet article analyse le film de 1948 de Fred Zinnemann Les Anges marqués qui illustre le contexte des personnes déplacées dans l'Europe après 1945. Nous nous concentrons sur la manière dont Zinnemann considéra l'UNRRA, en soulignant qu'elle est au cœur du film. Nous considérons également les références du film à l'américanisme, au sionisme, à l’égalité des sexes et aux expériences des enfants en temps de guerre.
Ad Knotter. “Petits Moscous” en Europe occidentale : l’écologie du communisme du petit bastion.
Les petits bastions du communisme furent fréquemment surnommés “petits Moscous”, tant en Angleterre qu'en Europe. Le communisme des petits bastions fut largement répandu à partir de la période de l'entre-guerre, souvent dans des environnements nettement hostiles. Dans cet article, qui se fonde sur la recherche sur plusieurs cas en Europe occidentale, je tente d'identifier certaines caractéristiques communes qui pourraient expliquer leur réceptivité aux politiques et aux idées communistes. Mon objectif est de présenter une taxinomie pour une recherche ultérieure. La plupart des lieux que j'ai étudiés furent isolés, récemment développés et mono-industriels. Ils furent peuplés par une vague de migrants qui avaient formé des sociétés mono-professionnelles pionnières. Les migrants de la deuxième génération se tournèrent vers le communisme et construisirent des “communautés professionnelles” fondées sur les syndicats et d'autres activités associatives. Souvent, ils continuèrent les traditions militantes du socialisme, de l'anarchisme ou du syndicalisme d'auparavant ; d'autres eurent une tradition d'irréligiosité ou d'indifférence religieuse.
Pablo Sánchez León. En concevant la multitude : les émeutes populaires du dix-huitième siècle et la langue moderne des troubles sociaux.
L'image de la foule en tant que multitude irrationnelle et spontanée est fréquemment liée aux travaux d'une première génération de psychologues sociaux qui écrivirent au début du vingtième siècle, mais ses caractéristiques fondamentales peuvent se retrouver dans certaines innovations conceptuelles élaborées dès les Lumières. Cet article se concentre sur une protestation particulière dans l'Espagne du dix-huitième siècle, pour examiner le changement de signification de termes essentiels, intervenu dans le champ sémantique des troubles sociaux. Ce que l'on nomme Motín de Esquilache (la révolte contre Esquilache) de 1766 contraignit les autorités à renouveler leur discours pour priver le mouvement de légitimité, encourageant l'innovation sémantique. La redéfinition de l’émeute impliqua un processus de conceptualisation qui non seulement mit en relief le protagonisme des désafranchis, mais encore altéra une longue tradition qui liait les émeutes à des conspirations et conçut une nouvelle anthropologie décrivant la populace comme un sujet incapable de produire des idées par lui-même.
