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Published online by Cambridge University Press: 29 July 2016
Les premiers qui pensèrent avoir trouvé dans les écrits du Moyen Age un antécédent au Cogito cartésien furent probablement les auteurs de l'Histoire littéraire de la France. Voici ce qu'ils écrivent au sujet d'Heiric d'Auxerre: “Il ne possédoit pas moins parfaitement la Philosophie que les autres sciences. Il poussa en effet ses réflexions sur cette faculté de Litérature, jusqu'à découvrir le doute méthodique de M. des Cartes, qu'il explique fort clairement.” Pour étayer cette affirmation, nos Bénédictins citaient une glose, placée par Heiric lui-même en marge de sa Vita Sancti Germani. Stimulé par cette remarque, Barthélemy Hauréau s'intéressa àla glose citée. Avec plus d'enthousiasme encore que les Mauristes, il y salua le Cogito cartésien: “Rien ne manque, en effet, àcette démonstration, et Descartes, il faut le reconnaître, ne l'a pas donnée en des termes plus rigoureux, plus énergiques, plus concluants.” Hauréau, cependant, eut le mérite de reconnaître en cette glose un extrait du Periphyseon (I, 490 AB) d'É rigène, un texte sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Le vrai précurseur de Descartes, selon lui, est Érigène; Heiric d'Auxerre n'est qu'un écho du maître irlandais.
1 Histoire littéraire de la France, Nouvelle édition, vol. 5 (Paris, 1866), 535–36.Google Scholar
2 MGH, Poetae Latini Aeui Carolini, 3:501.Google Scholar
3 Il la trouva précisément à l'endroit que les auteurs de l’Histoire littéraire avaient indiqué, c'est-à-dire dans l’édition de la Vita Sancti Germani publiée par les Bollandistes: Acta Sanctorum Iulii, Tomus VII, die 31 a Iulii (Paris/Rome, 1868), 260.Google Scholar
4 Hauréau, Barthélemy, Histoire de la philosophie scolastique, lère partie (Paris, 1872), 182.Google Scholar
5 Ibid., 183–84.Google Scholar
6 “The Cogito ergo sum of Descartes, which is the point of departure of all modern philosophy, is clearly anticipated by Erigena in a very remarkable passage…. But Erigena borrowed the thought, as he did so much else, from Augustine” (H. Bett, Johannes Scotus Erigena. A Study in Mediaeval Philosophy [Cambridge, 1925], 138–39).Google Scholar
7 Stock, Brian, “Intelligo me esse: Eriugena's Cogito,” Jean Scot Érigène et l'histoire de la philosophie, éd. R. Roques (Paris, 1977), 328–35. Willemien Otten, The Anthropology of Johannes Scottus Eriugena (Leyden, 1991), 184–89, 207–08, 210–11.Google Scholar
8 Collection “Scriptores Latini Hiberniae,” 13 (Dublin, 1995).Google Scholar
9 Les manuscrits du douzième siècle (Cambridge, Trinity College, 0.5.20, p. 147 et Avranches, Bibl. mun. 230, fol. 76v) ont scire au lieu de nescire. Les éditions de Gale (178) et de Schlüter (338) ont adopté la leçon du manuscrit de Cambridge.Google Scholar
10 Joannis Scoti Erigenae De diuisione naturae libri quinque diu desiderati (Oxonii, 1681), 178, 32–33.Google Scholar
11 Johannis Scoti Erigenae De Divisione Naturae libri quinque. Editio recognita et emendata (Monasterii Guestphalorum, 1838), 338.Google Scholar
12 PL 122:776 B10–11.Google Scholar
13 Johannes Scotus Eriugena. Über die Einteilung der Natur, übersetzt von Ludwig Noack, 2e éd., avec une bibliographie préparée par W. Beierwaltes (Hamburg, 1984), 2:55.Google Scholar
14 Otten, , The Anthropology of Johannes Scottus Eriugena, 184.Google Scholar
15 Un autre manuscrit carolingien (Paris, BN Latin 12964, p. 262) introduit un point supplémentaire: “Et si omne quod potest nescire seipsum. nescire non potest ignorare seipsum. esse….”Google Scholar
16 Pour être précis, disons que le manuscrit d'Avranches ponctue de la façon suivante: “Et si omne quod potest nescire seipsum nescire. non potest ignorare; seipsum esse….” En réalité, seul le point entre nescire et non potest importe à la discussion présente.Google Scholar
17 Ludwig Traube, introduction à E. K. Rand, Johannes Scottus, Quellen und Untersuchungen zur lateinische Philologie des Mittelalters, 1, 2 (Munich, 1906), ix; idem, Palaeographische Forschungen. V. Autographa des Iohannes Scotus, éd. E. K. Rand, Abh. Akad … Munich 26/1 (1912), 3.Google Scholar
18 Dans une lettre qu'il m'adressait le 3 avril 1974, T. A. M. Bishop écrivait: “Unless i1 can be detected in misspelling Greek his claim to be J[ohn] S[cottus] seems very strong. His Latin misspellings are almost negligible. His corrections of the Caroline scribes’ spellings in Laon 81 are significantly casual and incomplete. He writes like a highly literate Irish scholar who was not a scribe de métier and whose interests were at the furthest possible remove from pedantry. I2 on the contrary was an excellent professional scribe who may also have been something of a scholar.” Cf. T. A. M. Bishop, “Autographa of John the Scot,” dans Jean Scot Érigène et l'histoire de la philosophie (n. 7 ci-dessus), 89–94.Google Scholar
19 Iohannis Scotti Eriugenae Periphyseon … Liber secundus, éd. I.P. Sheldon-Williams (Dublin, 1972), 155, apparat critique, n. 31.Google Scholar
20 Scot, Jean, Commentaire sur l'évangile de Jean 6.2. 56, éd. É. Jeauneau, SC 180 (Paris, 1972): 334.Google Scholar
21 PG 91:1400 A6.Google Scholar
22 Maxime le Confesseur Ambigua ad Iohannem 63. 72; CCSG 18:248 (apparat critique).Google Scholar
23 Iohannis Scotti Eriugenae Periphyseon (De Diuisione Naturae) Liber quartus, éd. É. Jeauneau, Scriptores Latini Hiberniae, 13 (Dublin, 1995), 84, 5–18.Google Scholar
24 CCL 48:345–46; PL 41:339–40.Google Scholar
25 CCL 50:327–28; PL 42:981.Google Scholar
26 Gilson, E., René Descartes. Discours de la Méthode. Texte et commentaire (Paris, 1947), 4 e partie, 31–40 (le cogito cartésien), 285–98 (les antécédents médiévaux). Cf. P. Markie, “The Cogito and its Importance,” The Cambridge Companion to Descartes, ed. Cottingham, J. (Cambridge, 1992), 140–73. A. Maurer, “Descartes and Aquinas on the Unity of a Human Being: Revisited,” American Catholic Philosophical Quarterly 67 (1993): 497–511.Google Scholar
27 Descartes, , Discours de la Méthode, 4e partie. Meditationes de prima philosophia, II; éd. Adam et Tannery, vol. 6 (Paris, 1902), 33, 3–7; vol. 7 (Paris, 1904), 23–28.Google Scholar
28 “Nulla natura siue rationalis siue intellectualis est, quae ignoret se esse, quamuis nesciat quid sit.” (Periphyseon 1. 490B). Par natura rationalis il faut entendre la nature humaine, par natura intellectualis la nature angélique.Google Scholar
29 Periphyseon 4. 776BC.Google Scholar
30 Periphyseon 2. 585 BC.Google Scholar
31 Le pronom eius est absent des premières rédactions. Son addition alourdit la phrase sans grand profit pour le sens. Cf. Periphyseon 4, 758A: “Minus enim ualet ad ineffabilis diuinae essentiae significationem affirmatio quam negatio.”Google Scholar
32 Denys l'Aréopagite Epistula 1 (PL 122:1177B; PG 3:1065A). Cf. Jean Scot Commentaire sur l'évangile de Jean 1.25. 98–99 (SC 180:126; PL 122:302B). Periphyseon 1, 510B; 2, 593C, 594A, 597D.Google Scholar
33 Augustin De ordine 2.16.44 (CCL 29:131, 15–16; PL 32:1015).Google Scholar
34 Periphyseon 4. 771BC.Google Scholar
35 Maxime le Confesseur Ambigua ad Iohannem 12. 24–32 (CCSG 18:123; PG 91:1221D–1224A).Google Scholar
36 Grégoire de Nysse De imagine [De hominis opificio] 11 (PG 44:156AB). Ce texte est cité dans le Periphyseon 4. 788D–789A.Google Scholar
37 Periphyseon 4. 768 BC.Google Scholar
38 Il faut comprendre οὐσιώδης. Concernant ce genre de définition, cf. Marius Victorinus, Liber de definitionibus, ed. von Stangl, Th., Tulliana et Mario-Victoriniana. Programm des K. Luitpold-Gymnasiums in München für das Studienjahr 1887–1888 (Munich 1888), 7, 10–21; P. Hadot, Marius Victorinus. Recherches sur sa vie et ses oeuvres (Paris 1971), 337, 10–21; PL 64, 895CD. Érigène Periphyseon 1. 483CD.Google Scholar
39 Periphyseon 4. 768C.Google Scholar
40 Aristote Métaphysique Z, 5.1031a12; Topiques 1. 5.101b39, traduction de Boèce, éd. L. Minio-Paluello (Leyden, 1969), 9.Google Scholar
41 Pascal, , Pensée 434, ed. Brunschvicg, L. (Paris, 1904), 346–47.Google Scholar
42 Periphyseon 1. 490C.Google Scholar
43 Periphyseon 1. 490B.Google Scholar
44 Jamblique De mysteriis 2. 1. ed. Gale, T. (Oxford, 1678), 39; éd. É. des Places (Paris, 1966), 77. Proclus Elementatio theologica 169; ed. Dodds, E. (Oxford, 1963), 146, 24–25.Google Scholar
45 Denys l'Aréopagite De Caelesti Hierarchia 11.2 (éd. Heil et Ritter, 42, 1–2; PG 3: 284D); De Diuinis Nominibus 4. 23 (ed. Suchla, 170, 16–17; PG 3: 724C); Maxime le Confesseur Ambigua ad Iohannem 6. 1539–40 (CCSG 18:97; PG 91:1184D). La triade οὐσία, δύναμις, ἐνέργεια se trouve aussi chez le Pseudo-Augustin Categoriae Decem 5, 102, 115 (Aristoteles Latinus 1. 5. 134, 156, 160) et dans le Glossaire de Martin de Laon: MS Laon, Bibl. Mun. 444, fol. 290r-v; éd. E. Miller, Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale.… 29/2 (Paris, 1880), 181–83.Google Scholar
46 Periphyseon 2. 570 AC.Google Scholar
47 Descartes, , Discours de la Méthode, 4e partie; éd. Adam et Tannery, 6. 33. 3–7.Google Scholar
48 Periphyseon 2. 567A–580A; 4. 743C. Cf. éd. Jeauneau (n. 23 ci-dessus), 278–79 (n. 4).Google Scholar
49 Genèse 1:26–27.Google Scholar
50 Érigène Commentaire sur l’évangile de Jean 3.6. 19–21 (SC 180:232; PL 122:321A). Periphyseon 4. 786C–87A.Google Scholar
51 Hadot, P., “L'image de la Trinité dans l’âme chez Victorinus et chez saint Augustin,” dans Studia Patristica 6/4 (TU 81: Berlin, 1962): 409–12.Google Scholar
52 Augustin De trinitate 9.4. 4; 15.3. 5 (CCL 50:297, 465–466; PL 42:963, 1060).Google Scholar
53 Augustin De trinitate 10.11. 17–19 (CCL 50:329–32; PL 42:982–84).Google Scholar
54 Sinkewicz, R., “St. Gregory Palamas and the Doctrine of God's Image in Man according to the Capita 150,” Θεολογία 57 (Athens, 1986): 857–81; Saint Gregory Palamas, The One Hundred and Fifty Chapters (Toronto, 1988), 21–24.Google Scholar
55 Grégoire Palamas Capita 150. 37–40, éd. R. Sinkewicz (Toronto, 1988), 122–28.Google Scholar
56 Maxime le Confesseur Ambigua ad Iohannem 3. 355–57; 6. 1747–51 (CCSG 18:32–33, 103–04; PG 91:1088 A, 1196A).Google Scholar
57 Maxime le Confesseur Ambigua ad Iohannem 6. 119–21 (CCSG 18: 48; PG 91:1112D).Google Scholar
58 Periphyseon 2. 568D–79A.Google Scholar
59 Ibid., 574B.Google Scholar
60 Ibid., 642A.Google Scholar
61 On retrouve cette triade dans les Annotationes in Marcianum 7. 16 (éd. C. Lutz, 11, 23–24).Google Scholar
62 Periphyseon 2. 569A.Google Scholar
63 Ibid., 569BC, 577D.Google Scholar
64 “The equation of dianoia … with the sensus interior seems to be peculiar to Eriugena” (Sheldon-Williams, , ed. [n. 19 ci-dessus], 238, n. 347).Google Scholar
65 Grégoire vient d'examiner les caractéristiques suivantes: pureté, absence de passion (απάθεια), béatitude, éloignement de tout mal (PG 44:137B).Google Scholar
66 Jn 1:1.Google Scholar
67 I Cor. 2:16.Google Scholar
68 Grégoire de Nysse De imagine 5 (PG 44:137BC); traduction érigénienne éditée par Cappuyns dans RTAM 32 (1965): 214, 12–17.Google Scholar
69 Periphyseon 2. 569B.Google Scholar
70 Ibid., 579B–580A.Google Scholar
71 Periphyseon 3. 732D.Google Scholar
72 Ibid., 733BD. Il faut remarquer, cependant, que la triade essentia, uirtus, operatio s'applique non seulement à l'homme mais aussi à l'ange (Periphyseon 1. 490A-B), alors que la triade mens, ratio, sensus interior s'applique à l'homme seul, à l'exclusion de l'ange.Google Scholar
73 Εἴποι δ’ ἄν τις σὺν ἑτέροις καὶ τò τριαδικòν ἡμετέρας γνώσεως ἀγγέλων δεικνύειν κατ’ εἰκόνα , οὐ μόνον ὄτι τριαδικόν, ἀλλ’ ὅτι καὶ συμπεριβάλλει γνώσεως ἅπαν . (Grégoire Palamas Capita 150. 63; éd. R. Sinkewicz, 156)Google Scholar
74 Periphyseon 1. 486BC, 489C–490D, 505C-D; 2. 567AB; 4. 825C.Google Scholar
75 Augustin, , Confessiones 13.11.12 (CCL 27:247–48; PL 32:849–50).Google Scholar
76 Denys l'Aréopagite Hiérarchie céleste 11.2 (éd. Heil et Ritter, 41–42; PG 3:284D). Noms divins 4.23 (éd. Suchla, 170, 16–17; PG 3:724C).Google Scholar
77 Periphyseon 5. 941D–942B.Google Scholar
78 Periphyseon 4. 776C.Google Scholar
79 ὁ ἅνθρωπος, τò μέγα καὶ καὶ ὄνομα, τò θείας φύσεως ἀπεικόνισμα (Grégoire de Nysse De imagine 21[20], PG 44:200D–201A; ed. Cappuyns, , 243, 3). Ce texte est cité en Periphyseon 4. 821C.Google Scholar