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Jean de Ripa I Sent. Dist. XXXVII: De Modo inexistendi divine essentie in omnibus creaturis

Published online by Cambridge University Press:  29 July 2016

André Combes
Affiliation:
Ecole Pratique des Hautes Études (Ve Section), Paris
Francis Ruello
Affiliation:
Ecole Pratique des Hautes Études (Ve Section), Paris
Paul Vignaux
Affiliation:
Ecole Pratique des Hautes Études (Ve Section), Paris

Extract

La Question inédite de Jean de Ripa dont Mgr. André Combes et son collaborateur au Centre National de la Recherche Scientifique, Francis Ruello, apportent l'édition critique vient compléter de remarquable façon le dossier jadis établi par le regretté Alexandre Koyré sur le vide et l'espace infini au XIVe siècle. La dernière partie de ce dossier révèle chez le grand oxonien Thomas Bradwardine ‘l'affirmation d'un espace infini’ et pose le problème: Dieu et l'espace dont le měme historien, à la fois de la pensée scientifique et de la pensée religieuse, devait montrer l'importance en analysant, du xve au xviie siècle, le passage du monde clos à l'univers infini. La discussion et la solution de ce problème font l'un des principaux intérěts du texte de 1354 ou 1355 ci-dessous publié. On le retrouverait chez Nicole Oresme traitant en français ‘du Ciel et du Monde,’ parlant — au témoignage de Pierre Duhem — d’ ‘une espace vuide, incorporèle … qui est hors le ciel,’ disant de ce ‘lieu ymaginé vuit et infini: c'est l'immensité de Dieu meisme …’; immensité cependant ‘indivisible et sans extension,’ une ‘position’ de Dieu comparable à la ‘duration’ qui ‘est éternité indivisible et sans succession.’ Pareilles expressions évoquent la problématique ultérieure analysée par Koyré; il cite les Méditations chrétiennes de Malebranche. Citons les Entretiens sur la Métaphysique; au huitième, Théodore dit à Ariste: ‘je prétends vous donner quelque connaissance de l'immensité de Dieu en la comparant avec son éternité,’ et ajoute: ‘… vous n'entrez point dans ma pensée, si vous croyez que … les espaces imaginaires soient, pour ainsi dire, le lieu qu'occupe la substance infinie de la Divinité’; les formules de Jean de Ripa évoquent aussi des ‘espaces que l'on conçoit au-delà du monde’ et un Dieu ‘infini en tout sens’ n'existant ‘qu'en lui-měme’ dans ‘son immensité.’

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References

1 Koyré, A., ‘Le vide et l'espace infini au xive siècle,’ Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 17 (1949), reproduit dans Koyré, A., Etudes d'histoire de la pensée philosophique (Paris 1961) 33–84.Google Scholar

2 Koyré, A., From the Closed World to the Infinite Universe (Baltimore 1957); traduction française: Du monde clos à l'univers infini (Paris 1962) ch. VI: ‘Dieu et l'espace.’ Google Scholar

3 Sur la date de la Lectura super Primum Sententiarum de Jean de Ripa, voir la Préface au tome I de l'édition critique procurée par Mgr. André Combes (Paris 1961) xxxii.Google Scholar

4 Duhem, Pierre, Le système du monde VII (Paris 1956) 297298.Google Scholar

5 op. cit. 156159.Google Scholar

6 Koyré, A., Études galiléennes (Paris 1939) I 71.Google Scholar

7 Études d'histoire 76 n. 6 et 77 n. 3.Google Scholar

8 Cf. infra, Note 8 à l'édition.Google Scholar

9 Cf. infra, Note 12 à l'édition.Google Scholar

10 Koyré, A., Etudes d'histoire … 71.Google Scholar

11 Cf. Note 35 à l'édition.Google Scholar

12 ‘il y a une espèce suprême comme il y a un nombre infini …,’ Combes, A., ‘La métaphysique de Jean de Ripa,’ Die Metaphysik im Mittelalter (Berlin 1963) 553.Google Scholar

13 Cf. ‘Das Seinsproblem des Raumes’ in Martin, Gottfried, Immanuel Kant, Ontologie und Wissenschaftstheorie (Köln 1960) 1920.Google Scholar

14 de Ripa, Jean, Quaestio de gradu supremo , éd. Combes, A. - Vignaux, P. (Paris 1964) 107.Google Scholar

15 Cf. notre communication au Congrès Duns Scot, Oxford, septembre 1966: Etre et infini selon Duns Scot et Jean de Ripa, à paraître dans les Acta du Congrès.Google Scholar

16 De mundi sensibilis atque intelligibilis forma et principiis, Sectio IV , Scholion.Google Scholar

17 Bradwardini, Thome De Causa Dei … ed. Saville, (Londres 1618) p. 2, p. 120 et sq.Google Scholar

18 Koyré, A., From the Closed World … , c. viii: ‘The Divinization of Space.’ Google Scholar

19 Cf. Note 64 à l'édition.Google Scholar

20 La place de cette doctrine de la sanctification, puissamment élaborée, dans l'histoire de la théologie entre Duns Scot et Luther a été marquée par Dettloff, Werner, Die Entwicklung der Akzeptations- und Verdienstlehre von Duns Scotus bis Luther (Münster 1963) 205236.Google Scholar

21 Cf. Combes, A., ‘Présentation de Jean de Ripa,’ Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age 33 (1956), 225235 et Vignaux, P., ‘Dogme de l'Incarnation et métaphysique de la forme chez Jean de Ripa (Sent. Prol. Q. I),’ Mélanges Etienne Gilson (Paris 1959) 661–672.Google Scholar

22 Note 88 à l'édition.Google Scholar

23 Scoti, J. D., Opera Omnia 17 (Civitas Vaticana 1966) 478.Google Scholar

24 Gilson, E., Jean Duns Scot, Introduction à ses positions fondamentales (Paris 1952) 376382.Google Scholar

1. Après avoir prouvé, dans sa distinction XXXVI ‘omnia esse in divina essentia vel in Deo per essentiam,’ Pierre Lombard se demandait, dans sa distinction XXXVII: ‘Quibus modis dicatur Deus esse in rebus.’ Il commençait à répondre en ces termes: ‘Et quoniam demonstratum est ex parte, quomodo omnia dicantur esse in Deo, addendum videtur hic, quibus modis dicatur Deus esse in rebus; si tamen id humana mens vel ex parte digne valeat cogitare, vel lingua sufficiat eloqui.’ On remarquera la substitution du singulier modo au pluriel modis, et d'essentia divina à Deus. Google Scholar

2. Eminemment technique chez Jean de Ripa, ce terme n'était pas étranger à Pierre Lombard, tout au moins sous sa forme substantive immensitas, quand il s'agit de l'essence divine. C'est bien en l'immensité de cette essence divine qu'il voyait la raison de son ubiquité sans localisation ni mouvement ni limite, loc. cit. c. ix, p. 238239 n° 350: ‘Fatemur itaque, divinam naturam pro immensitate sui nusquam deesse eamque solam omnino illocalem, omnino incircumscriptibilem, nullo concludi loco: sed a fine usque ad finem attingere, non tamen spatiosa magnitudine, nec locali motu sed immensitate atque immobilitate suae essentiae.’ On fausserait donc certainement sa doctrine, si l'on pensait que, sous l'influence du texte de saint Hilaire cité en son premier paragraphe, il attribuerait cette ubiquité à l'immensité de la puissance plutôt qu'à l'immensité de l'essence: 'Hilarius quoque, in VIII lib. De Trinitate, [§ 24, col. 253, t. II,] apertissime docet Deum ubique esse: ‘Deus, inquit, immensae virtutis, vivens potestas quae nusquam non adsit, non desit usquam, se omnem per sua edocet, ut ubi sua sint, ipse esse intelligatur.’ Sous sa plume, l'adjectif immensus s'appliquait plutôt aux objets qui dépassent la portée de la spéculation humaine; cf. c. iii, p. 234 n. 340: ‘Quidam tamen immensa ingenio suo metiri praesumentes…’ Que si l'on ne peut comprendre l'essence divine, c'est en raison de son immensitas, c. iv, p. 235 n° 34x: ‘divina essentia … nec pro sui immensitate ullo modo comprehendi potest.’ Le Scriptum de Saint Thomas d'Aquin n'avait repris ce terme que dans l'objection 2 de l'article 1 de la question 2: ‘Sed Deus est immensus.’ Google Scholar

3. En employant cet adverbe, Jean de Ripa semble vouloir prouver dès l'abord qu'il ne se sent pas tenu par les négations si énergiques de Pierre Lombard, , ibid. c. v, p. 235236 n° 344: ‘Divina natura … nec temporalis nec localis est. Localis non est, quia penitus non circumscribitur loco …’ c. vi, p. 236 n° 346. ‘Divina ergo sola essentia omnino illocalis et incircumscriptibilis est.’ C'est qu'en réalité il n'entend signifier par là que cette omniprésence que Pierre Lombard lui-même avait bien dû commencer par poser comme certaine, au début de ce c. vi: ‘Cumque divina natura veraciter et essentialiter sit in omni loco …’ Google Scholar

4. Poser, en ces termes, cette question, c'est prouver que l'on n'entend déduire que de sa nature l'immensité locale de l'essence divine. C'est donc poser le problème de la déduction de l'immensité à partir de la toute-puissance, problème examiné par Duns Scot, J., Ordinatio , dist. XXXVII, éd. Balič, C., VI (1963) 299: ‘Utrum Dei omnipotentia necessario inferat eius immensitatem’; et Commentaria oxoniensia, I (Quaracchi 1912) 1191: ‘Utrum Deum esse praesentem ubique secundum potentiam necessario inferat ipsum esse ubique secundum essentiam, hoc est, utrum omnipotentia inferat immensitatem.’ Il est à remarquer que Grégoire de Rimini, ce doctor modernus contre lequel Jean de Ripa s'est si souvent défini, a omis de commenter cette distinction XXXVII.Google Scholar

5. Sans anticiper sur les résultats de recherches délicates, on doit constater dès ce premier point qu'à une nuance près, cette formule appartient à Bradwardine, Thomas, De causa Dei contra Pelagium et de virtute causarum ad suos Mertonenses , éd. Saville, H. (Londres 1618) I 5, p. 177A: ‘Quod Deus essentialiter et praesentialiter necessario est ubique, nedum in mundo et in eius partibus universis, verum etiam extra mundum in situ seu vacuo imaginario infinito,’ cité par Koyré, A., ‘Le vide et l'espace infini au xive siècle,’ Archives d'histoire doctrinale et littéraire du moyen âge 17 (1949) 82. La nuance, c'est que Bradwardine disait: extra mundum, tandis qu'ici nous lisons: extra celum. Il faudra savoir s'il y a là intention et doctrine.Google Scholar

6. Le refus ainsi exprimé vise indubitablement le même penseur. C'est en effet Thomas Bradwardine qui, dans son De causa Dei I 5, p. 177A, déduit l'immensité de Dieu de sa position dans le vide imaginaire infini. De son deuxième corollaire — ‘verumetiam extra mundum in situ seu vacuo imaginario infinito’ — est en effet immédiatement conclu le troisième: ‘Unde et immensus et incircumscriptus veraciter dici potest.’ Google Scholar

7. La question doit être posée de savoir si Jean de Ripa fait vraiment sienne cette expression technique si remarquable. On ne peut négliger d'observer que ce bref paragraphe, où elle paraît deux fois en dix lignes, exprime la pensée d'un opposant. Sauf erreur, elle est étrangère aux textes ripiens déjà édités. D'ailleurs, contrairement à ce que l'on serait porté à croire, si l'adjectif immensus y est fréquent, le substantif abstrait immensitas y est très rare. A elle seule, la présente distinction l'écrit plus souvent (dix) que les Determinationes et presque autant que les deux premières questions du Prologue (onze). Ce que connaît ce prologue, c'est, p. 153, 1. 92–93, l'immensitas durativa. Il n'est pas douteux que le problème ici traité entraîne une dilatation sémantique de l'immensitas techniquement ripienne, en raison du rapport à décrire entre l'essence divine et un lieu quelconque, imaginaire ou réel. De là l'immensitas localis (pp. 233. 1. 93; 236. 1. 62; 238. 1. 95–96; 256. 1. 2–3; 257. 1. 39–40, 43) ou l'immensitas presentialis (p. 235. 1. 37) ou presentialitatis divine (p. 235. 1. 29), et enfin, mais une seule fois en tant que ripienne, p. 256. 1. 6: immensitas (tam durativa quam) extensiva. Google Scholar

8. Si cette première objection est opposée à la thèse de Jean de Ripa par un contradicteur, il importe de noter que cet adversaire pose une mineure dont il trouve la preuve chez Jean de Ripa lui-même, I Sent. dist. II q. 1, c'est-à-dire, sous l'énoncé: ‘Utrum in latitudine entium sit aliquis simpliciter primus gradus et omniquaque immensus,’ dans l'article 2 — ‘Utrum primi gradus essendi perfectio iuxta distantiam a non gradu simpliciter valeat simpliciter mensurari,’ — la septième conclusion — ‘Primus gradus simpliciter sua immensitate et omnino indivisibili et supersimplici entitate excedit quidquid excedit’ — (cf. Combes, A., Conclusiones pp. 6062), ms. Z, fol. 124a-b, un bloc constitué par un long fragment de Anselme, Saint, Proslogion xx-xxi (PL 158.237D-238B) et un paragraphe de Boèce, , Consolatio philosophiae v pr. 6 (PL 63.859A) sur l'immensité divine et l‘éternité. Ce texte est encore inédit, mais on en trouvera aisément l’équivalent dans de Ripa, Jean, Quaestio de gradu supremo , éd. Combes, A. et Vignaux, P. (Paris 1964) 165–168.Google Scholar

9. Ce difficile problème dérive de Lombard, Pierre, loc. cit. c. ii p. 231 n° 335: ‘Quod in Sanctis non modo est, sed etiam habitat, qui non ubicumque est habitat. In Sanctis vero etiam habitat in quibus est per gratiam: non enim ubicumque est, ibi habitat; ubi vero habitat, ibi est. In solis bonis habitat, qui sunt templum ejus et sedes ejus’; avec le célèbre art. 2 de la quest. 1 du Scriptum de Saint Thomas d'Aquin: ‘Utrum Deus sit in omnibus per potentiam, praesentiam et essentiam; in Sanctis per gratiam, in Christo per esse.’ Google Scholar

10. Sur ce point aussi, on ne doit pas oublier qu'il s'agit d'une objection. On se gardera donc de traiter ce principe comme authentiquement ripien, avant d'avoir examiné tout l'article 4 où Jean de Ripa exposera sa doctrine. Observons seulement ici que cette notion d'une antériorité de l'action divine par rapport à la présence dérive soit de la création ex nihilo, comme l'indique expressément le contexte immédiat, soit de la justification de l'impie, où un nouveau mode de présence résulte de cette opération régénératrice, comme le supposait l'objection précédente. On peut d'ailleurs rapprocher le mode de raisonnement de Saint Thomas d'Aquin, dans le sed contra de Summa theol. I q. 8 a. 1: ‘ubicumque operatur aliquid, ibi est. Sed Deus operatur in omnibus… Ergo Deus est in omnibus rebus.’ Google Scholar

11. Citation littérale de Pierre Lombard, , I Sent. dist. XXXVII c. 14, déjà reproduit plus haut, note 2.Google Scholar

12. Devenues ici pleinement techniques, ces expressions — ubi circumscriptivum, ubi definitivum — dérivent de Pierre Lombard lui-même, loc. cit. c. vii, p. 237 n° 348: ‘Sed, ut supra diximus, dupliciter dicitur res esse localis vel circumscriptibilis: scilicet vel quia dimensionem recipit et distantiam facit, vel quia loci termino definitur; quorum utrumque convenit corporeae creaturae; alterum vero tantum spirituali. Nam, ut supra diximus, corporalis creatura ita est localis vel circumscriptibilis quod determinatur definitione loci, et quod dimensionem recipiens, distantiam facit: spiritualis vero tantum definitione loci concluditur, cum ita sit alicubi quod non alibi; sed nec dimensionem recipit, nec distantiam in loco facit.’ On trouve une esquisse de leur histoire chez Grégoire de Rimini, II Sent. dist. II q. 2 art. 2 (éd. Venise 1522) fol. 40B: ‘Dicunt enim omnes communiter quod angelus est in loco non quidem dimensive seu circumscriptive iuxta moderniorem usum vocabuli, sed tantummodo diffinitive. Unde Hugo, De Sacramentis, libro primo, dicit quod ipsum creatum non solum esse in loco sed et localem esse sine dubitatione pronunciemus, et subdit: corpus quod dimensionem habet loco circumscribitur, quia ei secundum locum principium et medium et finis assignatur. Spiritus vero quoniam dimensionem non capit sed diffinitione sola terminatur circumscriptionem quidem non recipit loci, et tamen loco quodammodo concluditur, quoniam cum hic alicubi presens sit totus alibi non invenitur. In quibus verbis habetur predicta distinctio et intellectus distinctionis.’ Grégoire poursuit en montrant l'accord de Pierre Lombard et de Jean Damascène. Rappelons que Pierre Duhem, Le système du monde VII (1956), a consacré au lieu tout son chapitre III, pp. 158–302, dont la dernière phrase aide à évaluer l'importance de la présente distinction XXXVII: ‘L'histoire du problème du lieu au xive siècle nous présente une sorte de résumé de l'histoire entière de la Science parisienne à cette époque,’ mais qui souffre beaucoup d'avoir non seulement ignoré Jean de Ripa, mais complètement négligé Pierre Lombard lui-même.Google Scholar

13. Une large enquête serait nécessaire pour mesurer rigoureusement le degré d'exactitude de cette assertion. Il va de soi que Jean de Ripa pense tout d'abord à Pierre Lombard et aux autorités alléguées par son § 1, tout particulièrement à Saint Ambroise, De Spiritu sancto, I 7 qui prouve la divinité du Saint Esprit à partir de son ubiquité — Spiritum sanctum probat non esse creaturam, quia ubique est, quod est proprium divinitatis, — et l'on pourrait ajouter Pierre Auriole avec tous les docteurs cités par lui. Mais il n'est pas sûr que la multiplication de ces sources possibles conduise à la source réelle. En effet, ce qui caractérise ici la majeure, c'est la notion de plus grande perfection: maiorem dicit perfectionem. Or c'est chez Thomas Bradwardine, De causa Dei I 5, p. 178E, que la même notion joue le même rôle: ‘Perfectius est esse in aliquo situ ubique et in sitibus multis simul quam in unico situ tantum; quapropter et spiritus qui hoc potest, perfectior est corpore quod non potest; sed Deus est spiritus infinite perfectus (…). Hoc ergo ei convenit infinite et hoc sine indigentia creaturae (…) et sine mutabilitate quacumque.’ Google Scholar

14. Ce grief majeur d'insanité ne porte aucunement — il est capital de le remarquer — sur l'hypothèse d'une infinité de mondes, qui ne soulève ici aucune objection, mais exclusivement sur la conséquence qui en résulterait, dans la doctrine de l'adversaire, quant à la coexistence d'un ange ou d'une âme quelconques avec ces mondes infinis. Il semble que Jean de Ripa se sépare radicalement de Richard de Middleton selon lequel ‘les mondes que Dieu peut créer doivent cependant être en nombre fini’ (Koyré, A., op. cit. 74).Google Scholar

15. Il est nécessaire, ici, de noter l'intervention de la notion d'intensité plus ou moins grande, et la liaison avec la notion de perfection d'un accroissement d'intensité, ce qui annonce le gradus essendi qui va suivre immédiatement.Google Scholar

16. La référence ne porte pas sur la coexistence à tel ou tel lieu, dont la distinction XXXVI ne s'occupe nullement, mais sur le posse qui, de fait, y est métaphysiquement analysé, à propos du fondement ultime des effets créés et de leur distinction. Par raison de brièveté, on ne citera ici que la fin du quatrième article de la première question (cf. Conclusiones p. 218), qui achève en ces termes la preuve de sa troisième conclusion, fol. 311a: ‘Licet enim posse creature non sit formaliter quidditativum esse — non enim posse ut sic est quidditas rei, sed quedam proprietas quidditatis —, quodlibet tamen posse est formaliter tale esse, demonstrato positivo esse ipsius proprietatis.’ Google Scholar

17. La question de savoir utrum potentia Dei sit infinita est classique chez les commentateurs des Sentences (cf. d'Aquin, Saint Thomas, Scriptum I dist. XLIII q. 1 art. 1) et l'argument: ‘Si ergo potentia Dei sit infinita, poterit actu infinita facere’ se présente comme une objection notable, non seulement chez d'Aquin, Saint Thomas, loc. cit. obj. 5, mais aussi, et plus encore, chez Bonaventure, Saint, dont le commentaire de la même dist. XLIII contient une quest. 3 entièrement consacrée à savoir Utrum divina potentia possit in effectum actu infinitum, où la Summa responsionis est: ‘quia non decet Deum facere creaturam, quin ordinem habeat et mensuram; et ratio est ex parte creaturae, quia necesse est omnem creaturam esse limitatam, eo quod ex nihilo, et eo ipso quod composita est,’ et la conclusion: ‘ideo necesse fuit, Deum facere omnia in numero, pondere et mensura, nec aliter facere potuit nec potest, nec infinitum nec infinita in actu.’ Mais ici la problématique ripienne refuse toute entrave traditionnelle et suppose les prises de position d'un maître avec lequel Jean de Ripa n'a pourtant guère coutume de chercher l'accord, à savoir Grégoire de Rimini, dont le commentaire des distinctions XLII, XLIII et XLIV bloquées, fol. 161c-177a, culmine en l'affirmation, fol. 172bE (q. 4 a. 1 concl. 3): ‘Ex quo patet quod non repugnant neque sunt incompossibiles actualitas et infinitas,’ pour répondre à la question: ‘Utrum Deus per suam infinitam potentiam posset producere effectum aliquem actu infinitum,’ après avoir énoncé cette deuxième conclusion du premier article, fol. 172aA-B: ‘Possibile est aliquam magnitudinem esse infinitam, seu corpus aliquod esse infinitum,’ qui exige cette preuve, entre autres, fol. 172aB: ‘2° probo quod Deus posset facere corpus infinitum secundum longitudinem in unam partem: et per hoc etiam sequitur quod posset facere in omnes: et quamlibet in infinitum ut sibi placet: cum non sit unum magis quam aliud impossibile.’ Google Scholar

18. Cette supposition ripienne dérive d'Aristote, Meta. XI, commenté par Saint Thomas d'Aquin, In metaphysicam Aristotelis XI lect. 10 § 2325 (éd. Cathala, ) p. 662: ‘Infinitum non est majus infinito’; c'est-à-dire dans le passage même ou Aristote pose que ‘Et quod non est actu esse infinitum, palam … Impossibile actu esse infinitum’ (p. 659). Jean de Ripa jouit, on le voit, d'une grande souplesse de pensée.Google Scholar

19. Il s'agit très précisément de la doctrine exposée par les articles 1 et 2 de la troisième question de cette distinction II. Voir dans de Ripa, Jean, Conclusiones (éd. Combes, A.) pp. 6570: ‘Questio tertia: Utrum in latitudine entium sit possibilis aliqua species suprema creabilis et Primo immediata?’ (fol. 135b-141c); articulus 1: ‘Utrum aliqua sit possibilis suprema species a Deo creabilis et finita?’ (fol. 135c-136c); art. 2: ‘Utrum in latitudine entium sit possibilis suprema species a Deo creabilis?’ (fol. 136c-138c), avec les conclusions 11 (fol. 137c): ‘.b. species est suprema in genere intellectualis nature,’ 12 (fol. 137c): ‘.b. species est infinita in genere intellectualis substantie,’ et la note finale: ‘Ex hiis conclusionibus apparet qualis infinitas competere potest alicui citra Primum et qualis est immensitas Primi …’ Google Scholar

20. Il n'est pas très facile de situer immédiatement cet alias. On ne peut le trouver dans la suite de la présente distinction, car si la suprême intelligence créable y reparaît une fois, art. 2, concl. 3, il ne s'agit nullement d'en prouver l'existence, mais de dégager la loi de sa présence locale, dans l'hypothèse de son existence réelle: ‘Si suprema intelligentia creabilis esset de facto, cuilibet situi cui coexisteret infinite essentialiter esset presens’ (infra , p. 246). Peut-être Jean de Ripa pense-t-il à sa distinction XLIII ‘in qua Magister tractat de perfectione et ordine universi in comparatione ad Deum’ (fol. 340a-341d; cf. Conclusiones pp. 250–252). Là, en effet, en développant son article 4 — ‘Utrum in universo de facto producto secundum quamlibet sui partem reluceat divinus ordo sive perfectio?’ (fol. 341b-d), — il oppose à sa conclusion 5 (fol. 341b-c, p. 252) — ‘In universitate de facto producta, divina essentia solum finite extensive relucet’ — les conclusions 6 — ‘Si tota coordinatio specierum possibilium citra Primum simul esset, in eis adequate extensive divina essentia reluceret’ — et 7 — ‘In solo universo quod includeret simul actu omnia possibilia, est possibile divinam essentiam immense simpliciter relucere, et hoc extensive’ — qui confèrent cette suffisance à l'existence simultanée de tous les possibles, et il ne recule pas devant l'affirmation de sa possibilité théorique, dans cette conclusion 8 qui reprend nécessairement la démonstration de la possibilité d'une créature infinie: ‘Absolute possibile est esse huiusmodi universum omnium possibilium in quo secundum omnem perfectionem simpliciter reluceat divinum esse.’ Quatre raisons sont apportées, fol. 341c. Voici les trois premières: ‘Probatur: nam absolute possibile est omnia possibilia simul esse: primo, quia simul sunt in arte in qua originaliter distinguuntur, igitur nulla repugnantia est quod sic sint in proprio genere. 2° quia unum non excludit repugnanter reliquum, sed solum contrarie positive: nullus enim gradus in latitudine essendi repugnat contradictorie alteri, ymo nec toti latitudini: igitur non implicat contradictionem simul totam latitudinem essendi poni in re. 3° quia si repugnaret, hoc maxime esset propter infinitatem; sed contra: nam non includit contradictionem quod simpliciter immensum esse sit in re, puta divinum esse: igitur nec repugnat propter infinitatem secundum quid, qualis potest competere creature, quod totum esse creabile sit in re.’ Mais il n'est plus question d'intelligence suprême. Peut-être Jean de Ripa prévoit-il son commentaire du Livre II, dont la question II reprend de si près la q. IV de la distinction II qu'une comparaison terme à terme s'imposerait (voir Conclusiones, pp. 272–279).Google Scholar

21. Une longue enquête sera nécessaire pour savoir quel est le nombre réel de ces docteurs irréprochables qui paraissent nombreux aux yeux de Jean de Ripa. Pour le moment, il ne semble pas douteux que l'on doive placer parmi eux, comme nous y invite la précédente note (17), Grégoire de Rimini, qui s'intéresse effectivement à l'infini intensif; cf. I Sent., dist. XLII-XLIV, q. 4, art. 1, concl. 3, fol. 172aD: ‘Deus potest facere aliquam formam, verbi gratia charitatem, aut aliam quamlibet intensibilem et remissibilem infinitam intensive in sua specie.’ Google Scholar

22. La logique ripienne est un explosif qui fait sauter toutes les barrières. En voyant ici avec quelle allégresse ce théologien estime que son souci de ne pas restreindre la puissance de Dieu doit le conduire à concéder qu'une cause seconde puisse produire un corps infini, on ne peut s'empêcher de souligner l'écart qui sépare une telle pensée de celle des docteurs du xiiie siècle, par exemple de d'Aquin, Saint Thomas, Scriptum I dist. XLIII q. 1 art. 2 — ‘Utrum omnipotentia Dei possit communicari creaturae’ — sol., p. 1005: ‘Respondeo dicendum, quod virtus vel potentia semper consequitur essentiam; unde impossibile est, ut essentiae finitae sit virtus infinita. Impossibile est autem aliquam essentiam creatam esse infinitam, eo quod esse suum non est absolutum et subsistens, sed receptum in aliquo… Unde sicut nulli creaturae possit communicari quod sit Deus, ita non potest sibi communicari quod sit infinitae essentiae et infinitae potentiae, et quod omnipotentiam habeat.’ Google Scholar

23. Il va sans dire que Jean de Ripa n'a besoin d'aucun maître pour soutenir cette thèse, mais il n'est ni impossibile ni improbable qu'il évoque ici implicitement un texte de Hilaire, Saint, De Trinitate III (PL 10.76), cité par Lombard, Pierre, I Sent. dist., XIX § 5: ‘Sed quod non intelligibile est homini, Deo possibile est.’ Google Scholar

24. Thème directement hérité de Lombard, Pierre, I Sent. dist. XXXVII c. vi p. 236 n° 346: ‘Divina ergo sola essentia omnino illocalis et incircumscriptibilis est …’ Google Scholar

25. En posant cette question, Jean de Ripa conserve la terminologie de Pierre Lombard, mais refuse les limites tracées par sa prudence, dist. XXXVII, c. iii, p. 234 n° 340: 'Quidam tamen immensa ingenio suo metiri praesumentes … Google Scholar

26. Que Dieu soit immobile selon le lieu, c'est ce que Jean de Ripa tient de Pierre Lombard, dist. XXXVII c. v, p. 235 n° 344: ‘cum Deus … nec loco nec tempore movetur’; mais en excluant toute motio sui le commentateur pousse beaucoup plus loin que son guide cette notion d'immobilité divine.Google Scholar

27. En repoussant cette distinction entre le mode de présence propre à Dieu et celui qui appartient à la créature, Jean de Ripa occupe un nœud stratégique dont il suffira de dire ici que cette critique vise directement Pierre Auriol, lequel avait pour sa part refusé les thèses de saint Thomas d'Aquin, de Duns Scot, de Richard de Middleton, de Durand de Saint-Pourçain, et de quelques autres théologiens que ses éditeurs n'ont pas identifiés. Voir en effet Auriol, Pierre, I Sent. dist. XXXVII (éd. Rome, 1596) I p. 861b: ‘Quod Deus dicitur esse in rebus, non secundum aliquam conditionem positivam, quam habeat locatum in ordine ad locum, sed quia retinet unam conditionem negativam, scilicet omnimodan indistantiam a loco.’ Ajoutons que Bonet, Nicolas, cité par Duhem, P., op. cit. VII 295, avait défini en ces termes la localisation de ‘la première Intelligence’: ‘Elle est quelque part par indistance négative, c'est-à-dire par la négation de toute distance.’ Google Scholar

28. Une fois de plus éclate ici la souveraine liberté d'esprit de Jean de Ripa. Non content de se tenir pour affranchi, par la condamnation de 1277, de toutes les thèses aristotéliciennes ou averroïstes, il ne juge pas illégitime une hypothèse qui, à une seule exception près, suppose la destruction de l'univers. Manifestement apparenté aux spéculations de potentia Dei absoluta, ce radicalisme n'est pas étranger à Grégoire de Rimini, dont la question 1 des distinctions XLII-XLIV se demande, en son article 1, fol. 163dP, ce qui arriverait si Dieu ‘annihilaret omnia que potest annihilare,‘ et prouve que, ‘si Deus posset rem preteritam facere non fuisse,’ il faudrait conclure que 'posset consimiliter facere nihil fuisse et nihil esse et nihil futurum esse …’ Google Scholar

29. Incomplète, la référence ne paraît pas douteuse, Il s'agit de de Ripa, Jean, Lectura super I Sent. dist. II q. 2 art. 3 concl. 3 fol. 132d-134a (Conclusiones p. 64), dont on ne peut citer ici que l'énoncé et le début de la preuve, fol. 132d: ‘3a conclusio est ista: Primi gradus essendi simpliciter non esse non est conceptu simplici intelligibile in mente. Ista conclusio probatur ex 2a: nam nullius per se necesse esse non esse est intelligibile simplici conceptu; sed primus gradus essendi simpliciter est per se necesse esse: igitur etc. Item ad istam conclusionem arguo aliter; primo sic, et suppono quod cuiuslibet rei non esse est tantum precise esse negationis sicut contradictionem sibi esse in esse suppositionis. Ista suppositio satis est nota cuilibet: nam generaliter secundum quod negatio magis negat de esse, tanto est maior in esse negationis, et per consequens tantum precise negatio habet gradum in esse negationis quanta est affirmatio positiva simplex quam removet. Ex hac suppositione sequitur quod non esse divinum si est intelligibile est simpliciter immensum non esse, sicut contradictionem sibi esse est immensum esse. Sed quod hoc non sit intelligibile probo multipliciter: primo, quia tunc tale non esse est prius naturaliter tota ymaginaria latitudine esse vel non esse simplici conceptu intelligibili in entibus. Consequentia probatur …’ Google Scholar

30. Jean de Ripa comprime le texte de Augustin, Saint, Epistola 187 ad Dardanum de praesentia Dei 1114 (PL 33.836), cité et déjà fortement abrégé par Lombard, Pierre, loc. cit. ch. ix, p. 239 n° 350, sous cette forme: ‘Ita Deus sine labore regens et continens mundum, in caelo totus est, in terra totus, et in utroque totus, et nullo contentus loco, sed in seipso ubique totus.’ Google Scholar

31. Ici, Jean de Ripa réduit à sa plus simple expression la quaestio 20 de Saint Augustin, , De diversis quaestionibus 83 (PL 40.15) que Pierre Lombard c. ix p. 239, n° 351, avait intégralement citée, non sans quelques divergences assez notables.Google Scholar

32. A savoir plus haut, p. 226 secundus punctus, item, in creatura … Google Scholar

33. A savoir plus haut, p. 229, prima conclusio. Google Scholar

34. Ce texte nous ramène à Bradwardine, Thomas, De causa Dei I, 5, p. 177D: ‘Alii etiam sequentes Philosophum, ut videtur, respondent dicentes non esse aliquem situm aut vacuum extra mundum; quare nec Deum ibi esse nec posse mundum illuc movere.’ Les deux textes se poursuivent parallèlement dans la déduction des conséquences inacceptables. Ces adversaires sont, on le voit et Thomas Bradwardine le déclare expressément, des disciples d'Aristote qui entendent s'en tenir à l'enseignement du De caelo I (268 b 15–25): ‘Omnis autem motus secundum locum, quem vocamus lationem, aut rectus, aut circularis aut ex his mixtus,’ et la suite.Google Scholar

35. Nouvelle convergence significative avec Bradwardine, Thomas, op. cit. p. 177B: ‘Haec etiam responsio damnatur a Stephano Parisiensi Episcopo in haec verba: quod Deus non potest movere coelum motu recto; et est ratio, quia tunc relinqueretur vacuum.’ On reconnaît le fameux article n° 49 de la liste publiée par le Chartularium, I 546, sur lequel s'exerça naguère l'ironie d'A. Koyré, art. cit. 48–49.Google Scholar

36. Rien de mieux assuré qu'un tel accord, puisque l'hypothèse d'un locus positivus exige la présence réelle de Dieu; mais il paraît significatif d'en recueillir l'expression chez Thomas Bradwardine p. 177 A: ‘Deus essentialiter et praesentialiter necessario est ubique, nedum in mundo et in eius partibus universis, verumetiam extra mundum in situ seu vacuo imaginario infinito’; p. 178B: ‘Vel ergo Deus prius natura fuit ibi quam creavit ibi, et quam creatura fuit ibi, vel e contra. Si prius natura fuit ibi, hoc non fuit per creaturam, nec per creare, sed per seipsum et non noviter, quia tunc per seipsum noviter mutaretur; fuit ergo ibi aeternaliter per seipsum; quare et eadem ratione fuit aeternaliter per seipsum ubique in vacuo seu situ imaginario infinito, et adhuc est ubique similiter extra mundum. Nec potest quis dicere quod e contra prius natura est creaturam creari quam esse hic vel ibi et prius natura est Deum creare ibi quam creaturam creari ibi. Haec enim est causa huius. Et adhuc prius natura est Deum esse ibi quam creare ibi, sicut et prius natura est quam creet, sicuti et quodlibet aliud agens. Non enim quia Deus vel quodlibet aliud agens agit, ideo est, nec quia agit ibi, ideo est ibi, sed potius e contra. Ad idem, creato mundo in hoc situ, Deus fuit hic; vel ergo noviter vel aeternaliter. Si noviter, hoc fuit per aliquam mutationem vel morum in Deo vel in alio, puta mundo; sed non per mutationem in Deo, sicut quintum ostendit; nec per mutationem in mundo, quia Deus prius natura fuit ibi quam mundus crearetur vel quomodolibet mutaretur, sicut praecedentia manifestant. Non est ergo Deus noviter factus ibi sed aeternaliter fuit ibi. Quare et eadem ratione aeternaliter fuit, est et erit ubique in situ imaginario infinito.’ Enfin, p. 178E: ‘Est ergo Deus necessario, aeternaliter, infinite ubique in situ imaginario infinito.’ Google Scholar

37. Voir plus haut tout le dubium des pages 231233.Google Scholar

38. La double notion d'un vide imaginaire et de l'être positif du lieu réel complique, on le voit, la question que se posait Lombard, Pierre, loc. cit. c. iii, p. 232 n° 337: ‘Ubi erat vel habitabat Deus, antequam esset creatura?’ et qu'il résolvait d'un mot à l'aide d'un texte de saint Augustin que nous allons retrouver: ‘dicimus quia in se habitabat.’ Google Scholar

39. Voir plus haut, tout le début du Secundus punctus et sa première conclusion.Google Scholar

40. Voir plus haut, p. 221, la deuxième conclusion, et noter la permanence de cette restriction, si esset, qui souligne le caractère audacieux de cette hypothèse de possibili. Google Scholar

41. Cet item vient à l'appui du tertio arguo, et oppose à la première branche de l'alternative — tanta precise — la masse des textes allégués par le Lombard à l'appui de l'absolue incirconscriptibilité de Dieu. Rien de plus légitime. Il n'en est pas moins vrai qu'à première vue, on est un peu surpris de voir le Maître des Sentences ainsi mobilisé pour soutenir une thèse sur ce lieu imaginaire ou ce vide possible auxquels il n'a jamais pensé. Peut-être convient-il de déceler ici une nouvelle rencontre avec Bradwardine, Thomas, op. cit. I 5, p. 166D, également frappé par l'autorité de Pierre Lombard et l'abondance, sur ce point, de son dossier patristique: ‘Solus quippe veraciter est qui solus incommutabilis permanet. Nam omne quod modo sic est, modo aliter est, iuxta non esse est; permanere enim in suo statu non potest, atque aliquo modo ad non est itur, dum ab eo quod fuerat semper ad aliud per momenta temporum ducitur. Hoc idem ostendit et Petrus 1 Sententiarum suarum, dist. 8 et dist. 37, auctoritates Sanctorum copiosius allegando … Ex his autem verisimiliter, si vere Veritas ipsa novit, videtur corollarie inferendum quod Deus essentialiter et praesentialiter est ubique, nedum in mundo et in eius partibus universis, verumetiam extra mundum in situ seu vacuo imaginario infinito …’ Google Scholar

42. Recevant de Pierre Lombard, c. vi, p. 236 n° 346, ce thème de l'intériorité/extériorité universelle traité par Saint Augustin, De Genesi ad litt. VIII 26.48 (PL 34.391) — ‘cum sit ipse et interior omni rei, quia in ipso sunt omnia; et exterior omni rei, quia ipse est super omnia,’ — Jean de Ripa lui donne une profondeur nouvelle en recourant à l'Écriture elle-même pour montrer qu'il s'agit de la divine Sagesse, cf. Ecclésiastique 24.8: ‘Gyrum caeli circuivi sola, / et profundum abyssi penetravi.’ Google Scholar

43. D'origine scripturaire et d'emploi liturgique constant, du moins sous la forme du double pluriel saecula saeculorum, cette expression dérive telle quelle de Daniel 7.18 — usque in saeculum, et saeculum saeculorum — et nous ramène à la fois à Saint Anselme, comme va le préciser la note suivante, et à la Quaestio de gradu supremo de Jean de Ripa, qui citait, p. 166. 69–73, le chapitre 21 du Proslogion (PL 158.238B): ‘Et sequitur, capitulo 21°, immediate: 'An ergo hoc est seculum seculi sive secula seculorum? Sicut enim seculum temporum continet omnia temporalia, sic tua eternitas continet etiam ipsa secula temporum; quia seculum quidem est propter indivisibilem unitatem, secula vero propter interminabilem immensitatem.’ Google Scholar

44. Cf. Anselme, Saint, Proslogion 2021 (PL 158.237D-238B), cité par de Ripa, Jean, Quaestio de gradu supremo art. 1 concl. 7, pp. 165–166, et l'argumentation qui suit, p. 166. 74–78: ‘Ex quo processu arguo sic: Divina eternitas est ultra tempora eterna a parte post: igitur, etsi tempus esset eternum a parte ante, divina eternitas esset ante tale tempus eternum. Consequentia patet: nam non minus repugnat aliquid esse post tempus eternum a parte post quam aliquid esse ante tempus eternum a parte ante,’ et la suite.Google Scholar

45. Jean de Ripa continue à se mouvoir dans l'atmosphère de sa Quaestio, non sans quelque simplification. Voici en effet la ‘sphère intelligible infinie’ et le texte de Baruch alors utilisés dans l'article 1, conclusion 1 du premier argument contre le premier socius , pp. 178179. Malgré la réduction du texte relatif à la sphère, on constate qu'il conserve la même contamination signalée par la note aux lignes 89/91 de la p. 178: intelligibilis vient d'Alain de Lille, Theologicae regulae, reg. vii (PL 210.627A: ‘Deus est spaera intelligibilis, cujus centrum ubique, circumferentia nusquam’), mais infinita vient du livre des vingt-quatre philosophes; cf. Baeumker, Cl., Das pseudo-hermetische ‘Buch des vierundzwanzig Meister’ (Liber XXIV philosophorum), p. 31. 8–9: ‘Deus est spaera infinita … .’ Google Scholar

46. Cf. Baruch, 3.24–25: ‘O Israel, quam magna est domus Dei, et ingens locus possessionis ejus! Magnus est, et non habens finem, excelsus, et immensus.’ Google Scholar

47. On ne peut douter que Jean de Ripa pense ici à Bradwardine. En effet Bradwardine, Thomas, De causa Dei I 5, p. 177B, a écrit: ‘Deus essentialiter et praesentialiter necessario est ubique … verumetiam extra mundum in situ seu vacuo imaginario infinito,’ et a développé cette thèse pp. 177C-179B. L'expression extra mundum ne peut faire difficulté, car on rencontre aussi sous sa plume extra caelum, par exemple, p. 178G: ‘Simili modo, et forsitan pleniori potest idem ostendi, supponendo Deum creare aliquid, puta A, per aliquam distantiam extra coelum, sicut patet ex praemissis quod potest.’ Google Scholar

48. De fait, c'est bien ce qu'a conclu Bradwardine, Thomas, De causa Dei I 5, pp. 175A177A. Après avoir posé en thèse que ‘Deus non est mutabilis ullo modo,’ et tiré comme premier corollaire que ‘Deus essentialiter et praesentialiter necessario est ubique, nedum in mundo et in eius partibus universis,’ puis comme second: ‘Verumetiam extra mundum in situ seu vacuo imaginario infinito,’ il en déduisait, à titre de conséquence immédiate, le troisième: ‘Unde et immensus et incircumscriptus veraciter dici potest.’ La coïncidence est littérale.Google Scholar

49. Ne pouvant apporter ici une multitude de textes, notons seulement ces deux points principaux: 1° Du point de vue de de Ripa, Jean, il est indéniable que, dans la doctrine de Bradwardine, l'immensité divine ne survenant qu'en troisième position parmi les conséquences de la thèse fondamentale de l'absolue immutabilité, ne peut être tenue pour aliquid proprium ipsi Deo. Reste à savoir s'il suit de là que ce caractère soit commune sibi et multis possibilibus creaturis. 2° Il est exact que Thomas Bradwardine se soit appliqué à démontrer que Dieu ne peut produire une créature de perfection infinie, par exemple dans De causa Dei I cor. 40, p. 119 C: ‘Contra Aristotelem astruentem mundum non habuisse principium temporale et non fuisse creatum, nec generationem hominum terminandam, neque mundum seu statum mundi praesentem ullo tempore finiendum. Contra Anaximandrum quoque Platonem, Anaxagoram, Empedoclem et Maurorum vaniloquos circa idem …’; p. 131A-C: ‘Amplius autem per viam omnipotentiae et supereminentiae summae Dei, si Deus potest facere infinitum numerose et etiam intensive, potest facere aliquid semel habere, realiter, aequivalenter, vel supereminenter omnes virtutes, et quamlibet earum infinite sive infinitam simpliciter intensive: potest ergo Deus facere unum alium Deum, imo et alios deos multos, contra decimam septimam partem huius …’ et la suite. Puis encore: ‘Adhuc autem si Deus potest facere aliquid infinitum numerose et similiter intensive, potest facere aliquid omnipotens, aliquam rem omnipotentem simpliciter seu active, quae fiat et sit A; A ergo, vel est aeque potens cum Deo, vel non aeque sed minus; non aeque potens sicut falsigraphus forte dicet; quomodo namque creatura suo aequabitur creatori? Sciunt enim Philosophi et Theologi, non ignorant quod quaelibet creatura facta a Deo semper essendo dependet ab eo tanquam a suo necessario conservante: quare et similiter faciendo nec per se sufficit aliquid agere sine Deo, idem specialiter coagente, imo et principaliter praeagente: quomodo ergo A essendo vel agendo potest Deo aequari?’ Google Scholar

50. Jean de Ripa généralise ici une question que les théologiens traitaient au sujet des anges, et que Grégoire de Rimini avait considérée de façon très technique en la distinction VI de son livre II, fol. 47 à 52b. Dans l'état présent de nos connaissances, la position de Jean de Ripa paraît originale, et il est provisoirement impossible de désigner les prédécesseurs auxquels il entend ici se référer.Google Scholar

51. Sur cette référence, cf. Combes, A., ‘Les références de Jean de Ripa aux livres perdus (II, III, IV) de son commentaire des Sentences,’ dans Archives d'hist. doctrinale et litt. du M.A. 25 (1958) 112. Le bref fragment du livre IV reporté par le seul ms. Madrid Bibl. Nac. 6644, fol. 178v-180v, et dont mes Conclusiones, p. 297, ont dégagé les six conclusions d'un articulus I, est totalement étranger à ce problème, puisque, à propos de la vision béatifique, il y est question du triple rapport de la puissance perceptive à sa perception actuelle.Google Scholar

52. C'est-à-dire par tout ce qui précède, depuis la ligne 18 de la p. 241 jusqu'à la 1. 78 de la p. 243.Google Scholar

53. En explicitant le caractère immédiat de cette présence, ce texte précise tout ce qui a été exposé jusqu'ici, en particulier pp. 225. 229 1. 80.Google Scholar

54. La différence technique entre l‘ibi circumscriptivus, ad quod res determinatur ex modo quantitativo, et l’ubi diffinitivus, a été rappelée dès le début, p. 215.1.34.Google Scholar

55. C'est-à-dire l'argument secundo , p. 245. 1. 25–29.Google Scholar

56. C'est-à-dire des conclusions 1 à 3; mais la troisième conclusion suffirait, le progrès dialectique consistant dans le passage de l‘infinité à l’immense. Google Scholar

57. Rien de plus exact, si l'on fait abstraction des aspects proprement ripiens de la doctrine. Il n'est pas un théologien qui ne professe, avec Lombard, Pierre, c. iii p. 233 n° 338: ‘Ex praedictis patet quod Deus ubique totus est per essentiam.’ Personne qui refuse la proposition de Jean de Ripa qui suit immédiatement: ‘ipse enim ubique est totus.’ Google Scholar

58. Texte déjà cité plus haut, note 30.Google Scholar

59. Cf. Jérôme, Saint, Epistola 49 (PL 22.588–589): ‘Non ambiges etiam ante resurrectionem sic in Dominico corpore habitasse Deum Verbum ut et in Patre esset, et caeli circulum clauderet, atque in omnibus infusus esset et circumfusus, id est, ut cuncta penetraret interior et contineret exterior.’ Google Scholar

60. Même texte, à la suite, littéral, sauf: in Filio hominis. On pourrait donc préférer cette leçon. Celle que je conserve me paraît difficilior. Google Scholar

61. de Ripa, Jean revient au texte de Augustin, Saint, De Genesi ad litteram VIII 26 (PL 34.391), auquel il avait déjà fait allusion plus haut, note 42, et prouve que, par-delà sa source immédiate, il a lu directement saint Augustin, car ce texte a été tronqué par Lombard, Pierre, qui a précisément omis: Deus nullo est locorum vel intervallo vel spatio incommutabili excellentique potentia. Google Scholar

62. de Ripa, Jean adapte ici le Grand, Saint Grégoire, Homil. super Ezech. II 5 (PL 76.991A-B): ‘Longe ergo dissimiliter operatur dissimilis nunquam sibi dissimilis Deus qui et ubique est et ubique totus est. Ait enim: “coelum mihi sedes est, terra autem scabellum pedum meorum” (Isai. 46.1). Et de seipso scriptum est: “Qui coelum metitur palmo et terram pugillo concludit” (ibid. 40.12). Ex qua re considerare necesse est quia is qui coelo velut sedi praesidet, super et intus est. Et qui coelum palmo et terram pugillo concludit et exterius, superius et inferius est.’ Google Scholar

63. Cf. Lombard, Pierre, loc. cit. c. ii, p. 231 n° 335: ‘In Sanctis vero etiam habitat in quibus est per gratiam: non enim ubicumque est, ibi habitat; ubi vero habitat, ibi est. In solis bonis habitat, qui sunt templum ejus et sedes ejus.’ Google Scholar

64. Ceci fait allusion aux Quedam preambula placés par Jean de Ripa au début de la première question de sa distinction XIV — Utrum Spiritus sancti temporalis processio sit aliqua realis productio sive actio — avant d'en venir à la decisio questionis, et que voici, d'après le ms. Z, fol. 216d: ‘Antequam descendam ad declarationem questionis, premitto quod quidquid hic ponam, usque ad ultimam questionem prime partis distinctionis 17, non inseram vel fundabo velut dicta propria quibus adheream, sed solum ostendendo probabilitatem in positione Augustini et Magistri sententiarum et aliorum, qui posuerunt quod Spiritus sanctus in sua substantia creature confertur in sanctificatione, et non solum in donis eius; et eorum etiam qui consequenter ultra dixerunt quod Spiritus sanctus datur ut caritas habitualis intrinsece gratificans creaturam, vel non per informationem, ut verisimiliter credo ipsos posuisse, sive concesserint donum caritatis create sive negaverint. Puto enim quod Augustinus non negaverit caritatem creatam esse donum supernaturale mentis — quidquid sit de positione Magistri — licet, ut puto, non posuerit ipsam absolute necessariam ad sanctificationem. Secundo premitto quod, quidquid etiam de caritate creata infra materiam istam inseram, non fundabo tanquam propria dicta mea, sed tanquam sequentia, vel magis probabiliter compossibilia, opinioni de collatione Spiritus sancti in sua persona; ita quod, sicut in Prologo fundavi positionem de beatitudine, quod divina essentia est beatitudo creature in patria, non preiudicando opinioni communi, sed ponendo ipsam tanquam probabilem, ita et nunc faciam de caritate. Specialiter autem ad hoc me movet reverentia, quam habeo ad dicta Augustini, qui maxime videtur ponere istam positionem de caritate increata, et etiam de beatitudine consequenter. Gonsimiliter etiam reverentia quam debeo Magistro sententiarum, velut discipulus suo doctori, et maxime cum in puncto isto communiter impugnetur; nec video quod argumenta, que fiunt, vim efficacem habeant contra ipsum: nam, etsi eius opinio non sit vera, scio tamen quod absolute possibile est illud quod ponit. Quid tamen verisimilius sit de facto, patebit in secunda questione 17e distinctionis.’ Google Scholar

65. II est exact que de Ripa, Jean, Lectura , dist. XIV q. 1 art. 1 concl. 3, ms. Z fol. 217c, a écrit: ‘Contra hoc est expresse illa auctoritas Leonis pape, in sermone Spiritus sancti, ubi ait sic: “Affuit in hac die fidelibus suis Spiritus sanctus, non per gratiam visitationis et operationis, sed per ipsam presentiam maiestatis”.’ Mais voir la note suivante.Google Scholar

66. Les Determinationes de de Ripa, Jean (éd. Combes, A., 1957), p. 436, m'ayant déjà mis en présence de cette citation, j'ai montré que, vraisemblablement induit en erreur par de Rimini, Grégoire, de Ripa, Jean attribue à saint le Grand, Léon un sermon de Pentecôte qui est l'œuvre de saint Maxime de Turin, Sermo 8 (PL 57.857D): voir la note sur les lignes 47/50.Google Scholar

67. Cf. Jean, Saint 20.22, cité par Augustin, Saint, De Trinitate XV, qu'allègue Lombard, Pierre au début de sa distinction XIV.Google Scholar

68. Cf. Augustin, Saint, De Trinitate XV 26 (PL 42.1093): ‘Quomodo ergo Deus non est qui dat Spiritum sanctum? Imo quantus Deus est qui dat Deum,’ cité par Lombard, Pierre, I Sent. dist. XIV c. 4.Google Scholar

69. Tous ces textes ont été en effet apportés par de Ripa, Jean à l'appui de la quatrième conclusion de l'article 1 de la première question de sa distinction XIV, fol. 217a-b: ‘Cum qualitercumque esse creature per esse creatum stat Spiritum sanctum non donari creature’ (voir aussi Conclusiones p. 125).Google Scholar

70. de Ripa, Voir Jean, Lectura super I Sent. dist. XIV q. 1 art. 4 concl. 3, fol. 220d (Conclusiones p. 128): ‘In huiusmodi formali illapsu Spiritus sanctus fit formalis caritas et habitualis voluntatis, ita quod idem est Spiritum sanctum per sanctificationem formaliter illabi menti et ipsum esse caritatem habitualem mentis, per quam Deus a mente habitualiter diligitur et amatur.’ Google Scholar

71. Voir toute la distinction XVI, fol. 222d-228d; en particulier, dans l'article 4, les conclusions 1–3, fol. 228c (Conclusiones pp. 133–134): ‘1. In omni sanctificatione creature, principalius concurrit Spiritus sanctus per suum informabilem illapsum quam per donum creatum.’ 2. ‘Prius ordine nature est Spiritum sanctum formaliter illabi quam infundat donum creatum.’ 3. ‘Prius est secundum quemlibet istorum trium effectuum Spiritum sanctum mentem sanctificare quam donum creatum.’ Google Scholar

72. Ici, de Ripa, Jean est victime d'une distraction. Il attribue à saint Augustin ce qui n'est qu'une glose de Pierre Lombard Dans le texte des Sentences, dist. XXXVII c. ii, n° 336, la référence à saint Augustin, , Epistola 146 ad Hieronymum de origine animae, 4 (PL 33.722), ne couvre que ce qui touche à l'âme: ‘per omnes particulas corporis tota adest simul, nec minor in minoribus nec major in majoribus; sed tamen in aliis intensius in aliis remissius operatur, cum in singulis particulis corporis essentialiter tota sit.’ Augustin, Saint ne disait pas autre chose, car il ne s'occupait pas de la présence de Dieu. Le reste: ‘Ita et Deus cum sit …,’ est donc l'argument immédiatement tiré de ce texte augustinien par Lombard, Pierre au sujet de la présence de Dieu. Il ne s'agit pas d'un dictum Augustini, mais d'un dictum Magistri. Google Scholar

73. Sur ce point aussi, de Ripa, Jean prend pour une citation littérale de saint Augustin ce qui est présenté comme tel par Lombard, Pierre, c. iii n° 337, mais ce qui n'est qu'une adaptation, très fidèle d'ailleurs, quelle que soit la référence retenue. Car, s'il est vrai que le Contra Maximinum, II 21 1° (PL 42,791), reste trop loin de ce texte, ainsi que l'a observé le Mandonnet, P. en son édition du Scriptum de Thomas, Saint d'Aquin, I 848 note 1, il n'est pas exact que cette phrase se lise ‘expresse’ dans l'enarratio in ps. 122.1 § 4 (PL 37.1632), comme il s'affirme. Dans cette enarratio elle-même, le texte est plus ample qu'ici.Google Scholar

74. A savoir par toute la quatrième conclusion, pp. 246–49.Google Scholar

75. Cette thèse est d'autant plus importante que nous ne possédons pas la Lectura super librum IV Sententiarum où se trouvait exposée la doctrine eucharistique de Jean de Ripa. Ce serait se méprendre de façon radicale, que d'y lire une proposition contraire à la doctrine commune selon laquelle accidentia sunt ibi sine subiecto: non enim potest dici quod sint in corpore Christi sicut in subiecto (d'Aquin, Saint Thomas, IV Sent. dist. XII q. 1 art. 1, ad 3am quaest.; éd. Moos, M. F., p. 502). de Ripa, Jean ne parle pas d'information, mais de présence. La comparaison qui lui sert à faire mesurer le degré d'intimité de cette présence est pour lui d'autant plus innocente qu'il a établi avec beaucoup d'insistance en son prologue la notion d'une information sans inhérence: voir Lectura super I Sent. (éd. Combes, A., 1961) q. 1 art. 3 et 4, pp. 202–306, et toutes les élucidations des Determinationes, q. I, (éd. Combes, A., 1957), pp. 19–168.Google Scholar

76. Comme il s'agit du texte de Lombard, Pierre indûment attribué plus haut, note 72, à saint Augustin, cet éclaircissement porte, non sur un thème augustinien, mais sur un passage des Sentences. Google Scholar

77. Paul, Saint, Colossiens 2.9. Texte cher à de Ripa, Jean, cf. Quaestio de gradu supremo , p. 220.4/5; Lectura, p. 131.94/96; Determinationes, p. 20.40/41; 160.64/65.Google Scholar

78. Voir en particulier la conclusio 4, p. 230. ll. 19–29.Google Scholar

79. Voir en particulier de Ripa, Jean, Lectura super I Sent. dist. IX art. 3 concl. 1, fol. 202d (Conclusiones p. 109): ‘Secundum quamlibet rationem essentialem divina essentia formaliter est eterna.’ Google Scholar

80. Le texte que va citer de Ripa, Jean ne coïncide pas avec celui de Duns Scot, Ordinatio dist. XXXVII, éd. Balič, C., VI 302 n. 9, mais se rapproche davantage des fragments reproduits par Auriol, Pierre, I Sent. dist. XXXVII, (Rome, 1596) I 858–859. Comme c'est ce docteur qui va être implicitement discuté plus loin, il est probable que c'est son texte qui est ici immédiatement utilisé et condensé.Google Scholar

81. Il est fort remarquable que l'omniprésence de la cause première soit menacée par la possibilité de l'action à distance. Or c'est bien ainsi que la position de Duns Scot est présentée par Auriol, Pierre, p. 858aE-bA: ‘Dixerunt vero alii quod operatio Dei quae attingit continuae (sic, lege: -nue) intima cuiuslibet creaturae non sufficienter probat quod Deus sit in omnibus rebus; agens enim quanto perfectius, tanto magis potest agere in aliud distans a forma per quam agit,’ et ainsi résumée et rejetée plus loin, p. 665bE: ‘Tertia quoque propositio est quod rationes supra primo articulo inductae quod aliquid possit agere immediate in aliquod distans a forma per quam agit nullo modo procedunt.’ Google Scholar

82. Voici en effet comment poursuivait Auriol, Pierre, p. 858aE-bA: ‘Quod patet de sole qui non mediante radio sed immediate per formam suam producit formas substantiales in materiis dispositis per calorem mediantibus radiis generatum. Licet enim alteratio fiat radio mediante, introductio tamen formae substantialis fit immediate a forma solis, alioquin effectus esset nobilior sua causa. Sed manifestum est quod Deus est agens perfectissimum; poterit ergo agere distantem effectum; et ita non probatur quod Deus sit in rebus, quamvis conservando continue operatur in eis.’ Google Scholar

83. La critique de Scot, Duns par Auriol, Pierre se développait ainsi, p. 865bE-F: ‘Falsum enim assumit, scilicet quod formarum substantialium introductio fit immediate a forma solum et non mediante calore, qui generatur a sole, radio mediante; secundum hoc enim generatio formae substantialis non esset finis alterationis, quamvis esset in fine alterationis; nec esset una actio alteratio et introductio formae substantialis in ordine ad agens, sed essent actiones duae disparatae coniunctae et ita generatio formae substantialis fieret per se ab agente.’ Google Scholar

84. La critique de Auriol, Pierre s'appuyait en effet expressément sur Aristote et Averroès; voici le long passage auquel se réfère de Ripa, Jean, p. 865 bE-F, où était repoussée la thèse que ‘generatio formae substantialis fieret per se ab agente’: ‘Quod est contra Commentatorem, sexto Physicorum, qui dicit quod transmutationes sunt duobus modis: quia modus existens per se, et est transmutatio quae est de quiete in quietem, et modus existens non per se, et est transmutatio quae est finis alterius transmutationis, ut mutatio columnae de dextro in dextrum a motu locali columnae: et manifestum est quod mutationes istae sunt in non tempore, quia sunt fines transmutationum; finis autem indivisibilis est et differt ab illo cujus est finis et est manifestum quod impossibile est ut sit per se. Haec Commentator. Ex quibus patet quod nulla mutatio indivisibilis attingitur immediate ab agente, sed mediante aliqua transmutatione divisibili, cuius indivisibilis transmutatio fit terminus et finis; unde transmutans columnam a dextra in sinistram non facit alia actione columnam dextram, nisi transmutando localiter ipsam, nec domificans alia actione inducit formam domus quam per motum localem lapidum et lignorum, nec imprimens figuram in cera alia actione figuram imprimit et alia partes movet, immo partes cerae movendo ad situs varios eadem motione figuram introducit. Similiter ergo inducens formam substantialem non alia actione imprimit formam substantialem ab alteratione, immo alterando formam substantialem per modum cuiusdam sequelae inducit; sicut enim figura est quaedam sequela motus localis, pro eo quod eius terminus, scilicet situs partium, est accidens proprium et inseparabile a figura, propter quod inducens varium situm partium de minoritate ex consequenti inducit figuram, alioquin separaretur situs partium a figura, quod impossibile est, sic inducens accidentia propria formae substantialis et inseparabilia inducit per necessitatem consequenter formam substantialem. Propter quod dicit Commentator, primo Physicorum, quod si forma substantialis non suscipit magis et minus, necessario accidit in propriis accidentibus, quod non cessant partes recedere et partes fieri donec forma inducatur; unde necessario sequitur alterationem. Et similiter in sexto dicit quod cum caro generatur ex sanguine, amittuntur qualitates et accidentia propria sanguinis et fiunt propria carnis donec mittatur forma sanguinis et fiat forma carnis in non tempore. Similiter etiam, secundo Coeli et Mundi, sententialiter dicit quod calor generatur a motu quia motus est perfectio corporis calidi. Cum ergo corpus fuerit in sua ultima perfectione motus, erunt et omnia accidentia necessaria formae ignis in sua perfectione, et ita et forma ignis; propter quod motus generat calorem et ignem; sic ergo radius solaris inducit in materia corporali lucem propriam alicui formae substantiali, et inducendo lucem necessario inducit calorem proportionalem illi formae et mediate omnia accidentia propria: quibus inductis, forma substantialis de necessitate inducta est eadem inductione, quemadmodum et figura eadem actione inducitur in cera, qua partes cerae moventur ad situm proportionalem illi figurae, et propter hoc Philosophus, septimo Physicorum, assimilat generationem formarum substantialium generationi figurarum et formarum de quarta specie qualitatis, ostendendo quod non fit immediate motus in illa, sed acquiruntur per modum sequelae, alio acquisito; ubi dicit Commentator quod si generatio figurarum est alteratio, contingit quod generatio in substantia est alteratio, quasi sit simile omnino in acquisitionibus utriusque: unde patet quod in istis quod est primum in intentione agentis est ultimum in executione; nam artifex et sigillans per prius intendit formam domus et figuram sigilli; non inducit autem nisi ex consequenti per modum sequelae. Similiter et generans per prius intendit formam substantialem et tamen ipsam per prius non inducit, quia non inducibilis est, cum sit indivisibilis. Non est autem verum quod aliqui imaginantur situm partium formaliter esse figuram et propter hoc inducens situm inducit figuram. Situs enim est propria passio quantitatis, ut patet in Praedicamentis et respondetur formaliter ad interrogationem factam per ubi. Dicitur enim quod haec pars est superior, illa inferior, haec ibi et ista hic; figura autem, cum sit terminus quantitatis non respondetur ad interrogationem factam per ubi, sed per quale; unde patet quod situs et terminus quantitatis non sunt formaliter idem.’ Google Scholar

85. La distinction perfectionaliter / causaliter, et l'ordre de succession de ces modes de présence des créatures dans l'essence divine, sont en effet fondamentaux chez de Ripa, Jean, en particulier dans la dist. XXXVI, fol. 308b-312b (voir Conclusiones pp. 214–220). Je citerai seulement ici les derniers mots du dubium II de l'article 1 de la première question (Conclusiones p. 216.69–86), fol. 309c: ‘Quelibet ratio divina secundum quam Deus continet creaturam est cognitio sui esse et creature contente in ipsa, sive perfectionaliter sive causaliter.’ Google Scholar

86. Aucun doute n'est possible sur cette hiérarchie ontologique; mais de Ripa, Jean pense peut-être très précisément à cette partie du texte de Scot, Duns allégué par Auriol, Pierre, p. 858bA: ‘Et si dicatur quod radius immediate inducit formam substantialem, tamen in virtute solis, non valet quidem, quia vel virtus illa est accidens existens in radio, et tunc ratio manet, quia nec radius nec illa virtus poterat inducere formam substantialem quae nobilior est illis; vel virtus illa erit ipsamet forma solis, et tunc habetur intentum quod operatur ubi praesens non est.’ Google Scholar

87. Auriol, Pierre, pp. 858bA859aE, rapporte sept autres arguments de Scot, Duns, et les critique pp. 867aD-868aA.Google Scholar

88. Cf. Scot, Duns, Ordinatio dist. XXXVII, éd. Balič, ; VI 301 n° 7: ‘quod Dei omnipotentia non necessario inferat ipsum esse ubique secundum essentiam’; p. 302 n° 9: ‘Confirmatur etiam quia ante creationem mundi non est imaginandum vacuum infinitum, quasi ibi fuerit Deus praesens secundum essentiam, antequam produceret mundum; immo non ut alicubi praesens secundum essentiam, fuit Deus potens facere mundum. Sicut igitur praesentia immensitatis non praeexigebatur praesentiae potentia suae, ut potentia est (immo quasi potentia prius habuit terminum suum quam esset praesentia secundum essentiam), ita videtur quod modo non oporteat praeintelligere Deum in aliqua parte universi, ut ibi aliquid causet, sed magis — quasi e converso — sit prius ibi secundum potentiam ut ibi aliquid causet; et tunc licet per impossibile non esset praesens ibi secundum essentiam, posset tamen ibi aliquid causare.’ Google Scholar

89. Encore le fameux article n° 49 de 1277: voir plus haut, note 35. Cette imputation est fort grave. Peut-être invite-t-elle l'histoire à limiter quelque peu l'influence réelle de la condamnation.Google Scholar

90. Tel est en effet l'avis unanime des théologiens cités par Auriol, Pierre, pp. 858aB859bE, et celui de Auriol, Pierre lui-même, pp. 861bB-863aF.Google Scholar

91. Inspiré de Scot, Duns, ce premier corollaire est dirigé contre Auriol, Pierre qui disait, p. 865bE: ‘Rationes, supra primo articulo inductae, quod aliquid possit agere immediate in aliquod distans a forma per quam agit, nullo modo procedunt.’ Google Scholar

92. Cf. supra , p. 210–212.2–11. Tout ce que déduit cette première raison, c'est en effet que l'immensité de l'essence divine ne découle pas de sa localisation dans le vide infini imaginaire hors du ciel. Mais c'est bien ce que pense Jean de Ripa, pour lequel l'immensité de l'essence divine est absolument première.Google Scholar

93. Cf. supra , pp. 212–213.12–21. L'antecedens est en effet directement réfuté par la quatrième conclusion de l'article 2, supra, pp. 246–248.Google Scholar

94. Cf. supra , p. 213.22–26. En portant le problème au niveau de l'ordre surnaturel, l'article 3, pp. 249–255, a surabondamment réfuté l'objection qui supposait des degrés d'intimité dans la présence divine.Google Scholar

95. Cf. supra , p. 213.27–34. L'extrême sobriété de l'article 4, pp. 256–266, n'empêche pas sa décisive clarté.Google Scholar