Nous avons, à différentes reprises, signalé la corrélation existant entre le développement de nouvelles réformes sociales et l’amélioration de la situation économique. Ce dernier phénomène n’a certes pas été constaté dans le courant de l’année 1938; notre économie a subi une régression incontestable; cependant, certaines réformes sociales nouvelles, dont certaines ne sont pas sans importance, ont vu le jour.

D’une manière générale, toutefois, le Gouvernement a désiré s’en tenir exclusivement à deux points importants signalés dans sa déclaration ministérielle : la révision de la loi sur les congés payés et l’organisation légale de l’assurance contre le chômage involontaire.

Ainsi que chacun le sait, la balance alimentaire de la Belgique est en permanence déficitaire. Nous importons en ordre principal des céréales, et nous exportons quelques spécialités. Normalement, le sol belge ne nous donne que le quart du blé dont nous avons besoin, et encore notre récolte ne sert qu’à concurrence de moitié à l’alimentation humaine. Le reste sert à nourrir la volaille. Sauf lorsque des mesures spéciales d’incorporation sont prises, il ne semble pas que les meuneries emploient plus de 15 % de blé belge.

Au cours des périodes moderne et contemporaine, deux réseaux navigables différents se sont successivement développés dans chacun des pays occidentaux. Le premier, fluvial et commercial ou agricole, se forme jusque vers la fin du XVIIe siècle. Le deuxième, artificiel et industriel, se développe dès le milieu du XVIIIe siècle.

Entre la formation de ces deux systèmes, se place un temps d’arrêt et de contraction d’une durée et d’une importance variables suivant les pays. Cette période intermédiaire est issue d’une baisse lente des prix, accentuée souvent par une politique d’avilissement du prix des matières premières. L’action des gouvernements modifia, en conséquence, la localisation des entreprises dans le sens d’une réduction des transports pondéreux. Elle provoqua le fractionnement des aires économiques en régions isolées. Elle entraîna la création naturelle ou forcée des manufactures et d’une manière inégale, le perfectionnement de l’agriculture. Ainsi était assurée la prépondérance du produit de valeur dans la circulation. Alors se formèrent les grands réseaux routiers qui, à frais égaux, pouvaient effectuer l’ensemble des transports avec plus de rapidité. Dans ce monde économique atrophié, l’industrie lourde et capitaliste naissante put vivoter jusqu’au moment où la pénurie du bois posa le probleme du combustible, des matériaux de construction et de l’outil. La répartition géographique inégale du charbon, la nature de ce nouveau combustible déplacèrent la question qui retomba dans la domaine des transports et de la métallurgie. Au milieu du XVIIIe siècle, une hausse des prix, quelconque au début, permit l’adaptation de procédés industriels qui n’étaient pas tous nouveaux. La solution du problème des transports par le développement d’un réseau navigable artificiel, l’augmentation ainsi provoquée de la production charbonnière et minérale, la prospérité de l’industrie du bâtiment formèrent une période transitoire dont sortit l’expansion économique de l’époque contemporaine.

L’étude du système bancaire belge révèle au premier coup d’œil un trait saisissant et unique.

De 1830 à 1934, les banques privées se sont développées en Belgique sans la moindre ingérence ou réglementation gouvernementale. De plus, le système monétaire, dans son ensemble, ne faisait l’objet que d’un minimum de réglementation. A travers toute cette période, la Banque Nationale n’était qu’une banque d’émission du type le plus simple; et les autres institutions financières créées par le gouvernement (telle la Caisse d’Epargne) n’avaient guère d’influence en ce qui regarde la détermination de l’offre de monnaie et de crédit.

Au cours de ces cent années de banque libre, la vie économique de la Belgique grandit et se développa rapidement. L’économie du pays vint peu à peu à se concentrer sur une activité manufacturière et d’échanges internationaux, requérant un système hautement développé d’institutions de crédit. Les banques répondirent à ce besoin et adaptèrent leur organisation et leurs opérations de manière à satisfaire aux demandes de crédit d’une économie dans laquelle les investissements de capitaux s’accroissaient à un rythme accéléré. En outre, les banques tendirent à prendre la direction du mouvement, dans l’encouragement des investissements et la création de nouvelles entreprises. Graduellement, les banques vinrent à exercer une influence importante sur la vie économique du pays.

Dans l’étude des mouvements de fond de l’économie belge poursuivie depuis plusieurs années déjà par l’Institut de Recherches Économiques, un chapitre devait être consacré à l’évolution des salaires. Nous nous proposons de présenter ici les premiers résultats généraux de recherches faites à ce sujet dans l’industrie belge pour la période allant de 1831 à la guerre mondiale.

L’Institut de Recherches économiques poursuit, depuis plusieurs années, l’étude de l’évolution économique de la Belgique depuis 1830, particulièrement en vue d’élucider divers aspects de l’expansion fondamentale et des tendances de longue durée. Dans le cadre de ces travaux, une étude du commerce extérieur paraît trouver naturellement sa place.

En effet, si la phrase: « La Belgique doit exporter ou mourir » rappelle plutôt le langage de Monsieur Prudhomme que celui de la science, il n’en est pas moins vrai qué le commerce extérieur doit avoir joué dans notre économie et dans son développement historique un rôle important. D’autre part, il semble bien, a priori, que les variations relatives des différents éléments qui constituent le commerce international d’un pays comme la Belgique doivent influencer son équilibre économique général, et par là même, mais ceci dépasse déjà les cadres de la présente étude, sa structure sociale; de leur côté, que ces variations doivent subir l’influence du développement économique interne.

Or, dans le domaine du commerce extérieur, des statistiques relativement complètes sont à notre disposition; si elles ne sont pas toujours dignes d’une confiance aveugle, elles peuvent au moins servir de base à une étude assez fouillée des problèmes à résoudre. Toutefois la mise en œuvre de ces matériaux n’est pas aussi aisée qu’il pourrait paraître à première vue (2).

L’année 1938 a été particulièrement agitée dans le domaine des finances publiques. Elle s’ouvrait sous des auspices inquiétants. La régression économique en cours avait une influence sur les recettes, qu’elle faisait fléchir, et aussi sur les dépenses, qu’elle accroissait par suite de l’incidence du chômage. Il apparut en outre bientôt que l’estimation budgétaire sur laquelle était basé le budget de 1938 était de beaucoup trop optimiste. On avait négligé d’inscrire certaines dépenses cependant inévitables, et l’on avait surévalué des recettes, en escomptant non seulement le maintien de la conjoncture, mais même la progression de celle-ci. C’était là chose imprudente, car le revirement économique était déjà visible au milieu de 1937. Peut-être eût-il été excessif d’escompter dès alors le fléchissement des recettes, mais à tout le moins était-il imprudent de tabler sur l’accroissement de celles-ci.

Les difficultés budgétaires furent aggravées parce que de nombreuses dépenses sont liées à l’allure des prix de détail. On sait que dans notre pays les traitements, salaires et pensions suivent rigoureusement l’index. Or, il est classique que le mouvement des prix de détail et du coût de la vie soit toujours en retard sur celui de la conjoncture. Ceci est du reste plus vrai au cours de la période de baisse, celle-ci étant freinée par des influences variées.

Les difficultés passagères et relativement bénignes que la batellerie rencontra au cours de la crise mondiale, qui fut si fertile en faillites dans d’autres domaines, eurent un écho démesuré dans certains milieux très attentifs aux récriminations des défenseurs du rail.

La réduction d’autorité des charges financières de la batellerie fit douter des capacités de résistance de la voie d’eau. Or, la résorption de la crise de la batellerie hypothéquée put se faire dans des conditions inattendues pour les non avertis, au cours des années 1935 et suivantes. La portée générale de ce probleme mérite d’être examinée.

Aussi l’objet de cette étude est de pénétrer cette réalité vivante qu’est le crédit fluvial, en tant qu’instrument à la fois économique et social à la disposition de la population batelière, et aussi comme manifestation de ce crédit industriel dont le rôle s’étend à mesure que l’« Umwegproduktion » se développe.

Le commentaire des événements survenus en Belgique dans le domaine de l’activité économique sera, comme dans notre dernier diagnostic, assez terne: assurément, le rythme du travail ne se modifie pas sensiblement et le pays végète, depuis le printemps, dans une dépression qui ne paraît pas devoir être profonde. Une observation attentive révélera certes des mouvements significatifs, mais, une fois de plus, l’esprit est attiré par les secousses auxquelles l’organisme financier s’est vu contraint de faire face. Car si le début de mobilisation n’a entraîné que des remous de peu d’amplitude dans l’activité industrielle, il a provoqué, par contre, des demandes assez fortes de numéraire, pour des raisons d’ailleurs objectivement justifiées. Un commentaire approprié des événements se doit de situer d’abord exactement ce qui s’est passé dans ce domaine.

La nature de la tension survenue fin septembre dans le système financier est toute autre que celle de la crise des changes en mai: il s’agissait de faire face à des besoins ayant une origine non économique: de certains côtés, des achats spéciaux, d’autres côtés la constitution d’encaisses plus considérables, à raison de la séparation des familles, des frais exceptionnels à exposer en cas de conflit, des difficultés de retraits de fonds qui pourraient résulter de cette éventualité: bref, une diminution de la vélocité de circulation de la monnaie était imposée par les circonstances et il fallait y faire face sans créer la déflation, c’est-à-dire en faisant appel à l’élasticité du système monétaire.

De nombreux facteurs font varier le résultat financier de l’exploitation agricole d’année en année; parmi ces facteurs, le climat et les prix jouent un rôle prépondérant. De là, dans le rendement brut et dans les frais d’exploitation, des variations parfois plus importantes que dans une exploitation industrielle. Ces variations font augmenter ou diminuer fortement le rendement net de l’exploitation. On obtient ce rendement en faisant la différence entre le rendement brut et les frais d’exploitation.

De là aussi les grands écarts dans le bénéfice de l’exploitation agricole. Celui-ci correspond au rendement net dont on a déduit les loyers et charges d’intérêts des capitaux en propriété.

Il n’est peut-être pas de problème qui se soit posé avec plus d’insistance au XVIIIe siècle que celui des voies de communications. A cette époque, « le rêve général est d’arriver à une mobilité, une fluidité telle que les choses accourent d’elles-même où il le faut, que l’égalité des niveaux s’établisse automatiquement dans des vases aussi largement communicants que possible… Aussi peut-on soutenir que, en Grande-Bretagne comme en France, le problème essentiel est celui des voies de communications. On cherche à tirer meilleur parti des voies d’eau, particulièrement des estuaires; mais la rivière ne petit conduire la marchandise partout, c’est la route qui apparaît à tous ceux qui se préoccupent des échanges comme la situation de choix»

Une fois de plus les derniers mois ont été témoins d’une affluence considérable d’or aux États-Unis, en provenance d’Europe: le « Federal Reserve Bulletin » de mai annonce « que les importations d’or aux États-Unis augmentèrent à la suite de l’occupation allemande de la Tchécoslovaquie et que du 15 mars au 26 avril elles furent de 700 millions de dollars (soit 20.650 millions de francs belges). L’allure de l’entrée d’or fut aussi forte que pendant la crise tchécoslovaque six mois plus tôt ». Le stock d’or des États-Unis atteint ainsi 15.258 millions de dollars, pour une circulation monétaire de 6.817 millions.

Ce nouvel afflux d’or ne pouvait contribuer sérieusement à stimuler l’économie américaine, car il représente des capitaux flottants et instables; il n’a fait qu’accroître les réserves déjà pléthoriques du système bancaire. Par contre, il n’est pas douteux que ce fut. un nouveau coup pour les économies européennes, peinant sous la pression d’une lente déflation.

Il est devenu quasi-coutumier de réserver cette introduction à la discussion des impulsions monétaires qui exercent leur influence sur la conjoncture économique belge et luxembourgeoise: depuis que la crise s’est déclenchée en 1937, l’allure lentement descendante de la conjoncture générale a été, tantôt appuyée, tantôt contrecarrée par des mouvements monétaires en sens inverse.

Cette fois il nous appartient de préciser l’importance du reflux de capitaux qui s’est opéré depuis que, le 27 avril, le dernier drainage avait pris fin. C’est, en effet, sans accroc, que s’est poursuivi un mouvement, qui n’a fait que grandir ces dernières semaines. Aussi la liquidité du système monétaire belge dépasse-t-elle, dès aujourd’hui, la situation acquise au début de décembre 1938, avant la dernière alerte; voici quelques chiffres à cet égard.

La situation économique générale de la Grande-Bretagne ne paraît pas avoir subi de modifications importantes au cours du trimestre qui se termine en avril. La légère amélioration qui se dessinait au cours du mois de février peut être considérée comme s’étant maintenue dans l’ensemble. Les répercussions de la tension internationale de fin mars-début d’avril ont été moins profondes qu’on aurait pu le craindre; d’autre part le mouvement de reprise n’a pas encore atteint au cours de ces trois mois le développement que l’on constate au cours des dernières semaines.

Les cours des actions et des obligations qui s’étaient relevés jusqu’au mois de mars cnt fléchi en avril sous la pression des événements extérieurs, mais les cours au 15 mai indiquent un redressement. Les effets de la crise internationale se sont manifestés très nettement sur le marché de l’argent, où le taux d’escompte est passé de 0.53 p. c. au milieu de mars à 1.57 p. c. à mi-avril, pour revenir à 0.66 p. c. durant la semaine du 15 mai. Les prix de gros ont peu fluctué. L’indice des produits non alimentaires est resté stable; celui des produits d’alimentation a baissé de janvier à mars et s’est ensuite relevé. Le coût de la vie est en progression régulière depuis le mois de février, d’où, en raison de la stabilité des salaires hebdomadaires nominaux, le fléchissement de l’indice des salaires réels au cours des deux derniers mois.

Les conditions économiques générales aux États-Unis au cours de septembre, ont été dominées par la situation critique en Europe. De larges fluctuations dans le cours des actions se produisirent pendant le mois, avec des baisses profondes les deuxième et troisième semaines, suivies d’une hausse prononcée à l’annonce de la conférence de Munich. A fin septembre, l’index général du cours des actions à la bourse de New-York était le même qu’à fin août. Les taux d’intérêt restèrent relativement bas. Dans l’ensemble, le volume des affaires fut à peu près égal à celui du mois d’août, et en général, les prix de gros furent légèrement supérieurs à ceux d’août.

L’indice le plus général de l’activité des affaires, les débits bancaires ajustés dans des centres sélectionnés en dehors de New-York, diminuèrent fortement la première moitié de septembre, haussèrent ensuite; à la fin du mois, cet index était à peu près au même niveau qu’en août. L’index ajusté de production industrielle accuse une amélioration soutenue en septembre, mais inférieure à celles de juillet et août. La production de fonte et d’acier atteignit les niveaux les plus élevés constatés depuis le dernier trimestre de 1937. A la suite du lancement de nouveaux modèles, la production d’automobiles augmenta rapidement la deuxième quinzaine du mois. La production de charbon bitumineux dépassa de loin celle du mois d’août et celle du zinc augmenta légèrement. L’activité des tissages de coton et de production d’énergie électrique décrut au cours du mois. La valeur des autorisations de bâtir, après trois hausses mensuelles successives, atteignit le chiffre le plus élevé depuis le début de l’an passé.

L’industrie textile belge a ressenti avec une particulière gravité les effets du ralentissement de l’activité économique survenu au courant de l’année 1937, et qui a continué en 1938. C’est ce que démontre notamment l’analyse des indices trimestriels des prix de gros calculés par l’Institut.

Elle permet en effet de constater que le recul des prix s’est produit aussitôt après le mois d’avril 1937, simultanément pour les trois stades de la fabrication : matières premières, demi-produits (fils) et produits finis (tissus et cordages). De ces trois indices, c’est celui des demi-produits qui a baissé le plus; et les produits finis ont baissé presque autant que les matières premières. Cette évolution anormale provient certainement du fait que l’industrie textile belge ne se trouve pas seulement en présence d’une crise due à la conjoncture générale des affaires, mais qu’elle se trouve également en face d’une crise de structure, qu’on ne peut malheureusement qualifier de crise de croissance.

La première partie de cette chronique est consacrée à la description du renseignement statistique utilisé dans l’établissement des graphiques qui constituent la base de notre présentation de la conjoncture économique étrangère sous sa forme nouvelle. Cet exposé porte sur la totalité du matériel mis en œuvre, y compris les séries relatives aux pays d’outremer, dont la publication est réservée aux Bulletins de novembre.

La seconde partie comprend la revue des faits saillants de la conjoncture économique de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de la France et de l’Allemagne au cours du dernier trimestre, ainsi que de l’évolution récente de la conjoncture mondiale considérée dans son ensemble.

Dans une étude publiée par le Bulletin en août dernier, et qui constituait l’aboutissement d’une série d’études antérieures, nous avons montré que la solution véritable — et unique — du problème charbonnier belge consiste dans la restitution à nos mines de leur marché intérieur. Restitution intégrale; progressive, mais qui devra être rapide, disions-nous, en raison de « l’implacable déroulement de la crise cyclique où nous semblons être maintenant engagés ».

De timides progrès ont été effectués en 1938 dans la voie de cette restitution. Nous allons les examiner brièvement dans les pages qui vont suivre; nous passerons en même temps en revue les manifestations les plus marquantes de la crise cyclique dans notre industrie charbonnière pendant l’année qui vient de s’écouler.