La découverte d'une chimiothérapie antidépressive a eu, sur le plan theorique, des conséquences qui n'étaient pas apparues avec celle des neuroleptiques et des tranquillisants. Le terme meme d'antidepresseur le souligne. Il s'agit en effet d'une classe de molécules qui agissent sur un ensemble de comportements définis et sur eux seuls. La question demeure ouverte de savoir comment les modifications neurophysiologiques obtenues par ces molecules agissent sur le comportement. Le fait que nous n'ayons pas une réponse précise à cette question explique sans doute la part importante de la resistance que Ton rencontre encore dans la prescription des antidepresseurs. On ne retrouve pas ce fait pour les neuroleptiques et les tranquillisants, bien que ces derniers présentent des effets secondaires plus nocifs (dyskinésie ou troubles mnésiques par exemple).
Une première erreur consiste à confondre cause et mécanisme. Ce n'est pas parce que la chimiotherapie depressive agit sur la symptomatologie que le déficit qu'elle corrige est nécessairement, et encore moins uniquement, la cause de survenue de cet etat. En ce qui concerne les causes, nous devons conserver un point de vue pluraliste et uniciste à la fois en considerant qu'il s'agit d'une «maladie» pluri-factorielle. En termes de mécanisme, notre pensee doit demeurer resolument dualiste et reconnaftre un principe de parallélisme entre événements neurophysiologiques et événements comportementaux.
La seconde erreur consiste à confondre liaison synaptique avec le concept classique de centre nerveux. Un exemple de cette confusion nous est peut-être donné par la recherche, jusqu'à présent stérile, de dépressions «noradrénergique» ou «sérotoninergique». Il est fort possible que les molécules dont nous disposons agissent sur des rélais dans un reseau de neurones qui sont impliqués dans les mécanismes comportementaux.
La troisième erreur porte sur la manière dont nous traitons l'analyse comportementale de la dépression en se référant à une sémiologie qui a été construite à des fins tout-à-fait différentes (diagnostic d'une maladie et prévision de son évolution). Une analyse comportementale qui voudrait cerner de plus près l'action des molécules devrait renoncer à cette sémiologie et dégager des traits de comportement directement sensibles à l'action des medicaments. A la notion trop vague et trop globale de trouble de l'humeur, il serait sans doute utile de substituer celle de système ou plan d'action et de mecanisme d'interruption ou de ralentissement de l'exécution de ces plans.