L'étymologie de la particule anc. française mon, qui se trouve encore dans des passages fameux du théâtre classique (“Ça mon vraiment! il y a fort à gagner à fréquenter vos nobles!”, Molière, Bourg. gent.iii, 3; “Ardez, vraiment, c'est mon, on vous l'endurera,” Corneille, Galerie du Palais, v. 1392), est loin d'être sûrement établie. “Ce petit mot a fait verser des flots d'encre,” nous dit Livet, Lex. de Mol., s.v., ça mon: il a inspiré aux philologues depuis Silvius (1531), R. Estienne et J. Thierry, jusqu'à Ebeling (1900) les explications les plus fantaisistes (v. pour la bibliographie, en outre de Livet, Behrens, Beitr. z. frz. Wortgeschichte, p. 305): multum, meum, munde, minus, germ, mund, suédois monne, grec. et (c'est la dernière, la plus phantastique, qui avait séduit l'esprit bizarre d'un Furetière et qu'un Ebeling, grave et vétilleux élève de Tobler, devait rééditer). On s'arrête généralement aujourd'hui à l'explication de Diez: munde (l'adverbe de mundus ‘pur,’ donc littéralement = ‘proprement, nettement’), que répètent Littré, Meyer-Lübke, Gamillscheg, Dauzat. Cette étymologie, certainement acceptable au point de vue sémantique (cf. l'ital. pure), se heurte pourtant à un fait phonétique: jamais nous ne trouvons en anc. français de -t final, qui pourtant devrait se présenter au moins d'une façon sporadique (cf. mundus ‘monde’ > a.fr. mont à côté du latinisme monde; Meyer-Lübke donne lui-même un a.fr. mont ‘pur’ sous mundus, que je n'ai pu, il est vrai, trouver dans les dictionnaires: il ne me semble exister que le latinisme monde et son opposé immonde). On comprendrait p. ex. qu'on trouve mon pour ∗mont dans des textes du Sud-Ouest ou anglo-normands où -t final disparaît d'assez bonne heure (cf. Pope, From Latin to Mod. French, p. 453: Gaimar rime sumun < submonet avec gerun, passiun)—mais nous ne trouvons pas de trace de mont dans le reste de la France, au moins au moyen âge. Un mont variante de la particule mon n'apparaît qu'assez tard en français, au moment où la spéculation étymologique se mêle à l'orthographe: chez Oresme, qui offre aussi la forme altérée moult (v. Godefroy), et chez des grammairiens du XVIe siècle, avides, comme on sait, d'étymologie. En face de la forme mon, seule usitée en anc. français, l'étymologie munde est intenable. Il y a encore un argument contre l'admission d'un adverbe: c'est le manque total de formes avec -s adverbial, si fréquent dans l'adverbe voir(s) ‘vraiment’: on ne trouve pas de forme ∗mons. Si nous comparons l'adverbe anc. français espoir ‘peut-être,’ qui est la forme pétrifiée de la le pers. du présent de esperer, nous remarquerons là aussi le manque de l’ -s adverbial.