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Origine et sens du vers claudélien

Published online by Cambridge University Press:  02 December 2020

Claude André Strauss*
Affiliation:
Ohio State University

Extract

On a convenu, par un noble euphémisme, d'appeler la parole versifiée “le langage des dieux.” Mais il n'y a guère que les poètes qui prennent parfois cette expression usée au sérieux. Pour bien ces gens elle reste un simple cliché: l'expérience qu'elle recouvre est absente, nul rapport ne s'établit entre la source invisible du monde et les formes créées de l'apparence. Mais le poète est conscient au plus haut point des relations qui unissent la vie spirituelle au langage chargé de la transposer dans l'univers sensible. Comme l'a chanté Rilke dans les Sonnets à Orphée:

      Est-il bien d'ici? Non, des deux
      royaumes surgit sa vaste nature.
      Plus savamment pliera les ramures des saules
      qui des saules apprit à sonder les racines.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Modern Language Association of America, 1949

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References

1 Voir sur ces questions générales F. J. E. Raby, A History of Christian Latin Poetry front the Beginning to the Close of the Middle Ages (Oxford, 1927); F. Brittain, The Medieval Latin and Romance Lyric to A.D. 1300 (Cambridge Univ. Press, 1937); Allen and Jones, The Romanesque Lyric (Univ. of North Carolina Press, 1928). Commodien, par exemple, prétendait écrire son poème Carmen Apologeticum en dactyles; une faible fraction de ses vers est quantitativement correcte.

2 Voir Karl Vossler, Frankreichs Kultur und Sprache (Heidelberg, 1929), “Die Formenwelt des Altfranzösischen”, pp. 40–113. Brunot (Histoire de la langue française, Vol. i) a bien fait ressortir ces différences morphologiques en reconstruisant plusieurs “étapes” du texte le plus ancien que nous possédions en langue romane, le Serment de Strasbourg. Dans Holmes and Schutz, Source Book for the History of the French Language (Columbus, 1940), on trouve une démonstration analogue appliquée à la Cantilène de Sainte Eulalie, citée plus loin. Cf. note 5.

3 Voir H. Thieme, Essai sur l'histoire du vers français (Paris: Champion, 1916), et J. Combarieu, Histoire de la Musique, Vol. i, chap, xvxviii.

4 Voir P. Enriquez Ureña, La versification irregular en la poesía castellana, 2e éd. (Madrid, 1933); R. M. Pidal, La primitiva poesía lírica española (Madrid, 1919).

5 Dans Hispanic Studies (Stanford Univ. Press, 1929), pp. 144–184; relevons le passage suivant: “Pourquoi un groupe d'hommes a-t-il compté les syllabes avec exactitude dans les poèmes héroïques populaires, tandis qu'en même temps d'autres groupes habitant des pays romans voisins n'agirent pas de la sorte? … Il se peut que la perte d'une grande fraction des syllabes non accentuées en français, et l'adoption d'un accent relativement uniforme pour les syllabes restantes aient laissé au langage si peu de pulsation rythmique que les poètes français sentirent la nécessité de compter les syllabes afin de pouvoir distinguer le vers de la prose rimée. Si tel est le cas, nous devons admettre que le Franco-Normand conserva ou développa une distinction plus marquée entre les syllabes accentuées et inaccentuées que celle qui prévalut sur le continent.” Nous partageons la pensée de Hills sur ces points. Elle seule résout le problème de l'origine du syllabisme par des considérations strictement phonologiques. La théorie courante de l'influence du chant d'église nous paraît fort insuffisante.

6 Oeuvres complètes (Lemerre, 1874), iii, 272: “Mais il me souvient d'avoir veu, il y a plus de soixante ans, l'Iliade et l'Odyssée d Homère composées plus de quarante ans auparavant en examètre ou héroïques par un nommé Mousset, et encore puis-je dire un commencement qui estait en ces termes:

Chante, Deesse, le cœur furieux et l'ire d'Achilles

Pernicieuse, qui fut etc. …“

7 Les Illuminations (Mercure de France, 1931), p. 144.

8 Oeuvres de Arthur Rimbaud (Mercure de France, 1929).

9 Oeuvres de Rimbaud, “Le Bateau Ivre”, p. 85.

10 Poésie 46, N° 30 (Paris, 1946), p. 5 (réédition de Poésies par Lautréamont).

11 Art Poétique (éd. Mercure de France), p. 133.

12 Cinq Grandes Oies, La Muse qui est la Grâce (L'Occident, 1910), iii.

13 Art Poétique, p. 59.

14 Le principe universel à dégager pendant l'expérience mystique.

15 Siège de la conscience affective.

16 Cinq Grandes Odes (L'Occident, 1910).

17 La Ville, acte i (L'Art Indépendant, 1893).

18 Feuilles de Saints (Mercure de France), p. 194.

19 Tête d'Or (L'Art Indépendant, 1890).

20 Paul Valéry, “L'Amateur de Poèmes”, Poésies, p. 62.

21 “La pensée bat comme la cervelle et le cœur. Notre appareil à penser … fournit par éclairs, secousses, une masse disjointe d'idées, d'images, souvenirs, notions, concepts, puis se détend avant que l'esprit se réalise à l'état de conscience dans un nouvel acte.” Positions et Propositions (Gallimard), pp. 9–10.