Published online by Cambridge University Press: 05 February 2009
A cause de sa position marginale d'écrit anonyme tardivement admis dans le canon des Écritures, l'épître aux Hébreux a parfois été négligée par les exégètes, mais on peut constater que ce n'est plus le cas en ces dernières années. Le nombre et la qualité des commentaires qui ont été publiés ou republiés récemment manifestent l'intérêt que suscite cette épître. Dans un rapport de la Theologische Rundschau, Erich Gräβer, lui-même auteur d'un important commentaire, en a présenté une longue série, qui s'est encore allongée depuis. Cet intérêt renouvelé m'a encouragé à consacrer à cette épître la présente conférence présidentielle. Je suppose d'ailleurs que l'une des raisons qui ont poussé la SNTS à me nommer président a été le désir de mettre à l'honneur l'épître aux Hébreux.
1 Gräβer, E., ‘Neue Kommentare zum Hebräerbrief’, ThR 56 (1991) 113–19Google Scholar. Dans ce rapport sont présentés 19 commentaires de l'épître aux Hébreux parus entre 1967 et 1989; une note, p. 113, en mentionne 7 autres. Dans son volume Aufbruch und Verheissung: Gesammelte Aufsätze zum Hebräerbrief (Berlin/New York: de Gruyter, 1992)Google Scholar, Gräβer, E. ajoute à son rapport un ‘Nachtrag’ pour présenter le commentaire de H.-F. Weiβ, Der Brief an die Hebräer (KEK13; Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1991).Google Scholar
2 Gräβer, E., An die Hebräer 1: Hebr 1–6 (EKK 17; Zürich: Benziger/Neukirchen-Vluyn: Neukirchener, 1990); 2Google Scholar: Hebr 7.1–10.18 (1993); Lane, W. L., Hebrews 1–8 (WBC 47A; Dallas: Word, 1991)Google Scholar; Hebrews 9–13 (WBC 47B; 1991); Casalini, N., Agli Ebrei: Discorso di esortazione (Jerusalem: Franciscan, 1992)Google Scholar; Ellingworth, P., The Epistle to the Hebrews: A Commentary on the Greek Text (Grand Rapids: Eerdmans/Carlisle: Paternoster, 1993).Google Scholar
3 Présenté à la fin de la partie introductive, en He 2.17, ce thème est développé dans les sections doctrinales des deux parties suivantes (3.1–6 et 5.1–10 d'une part; 7.1–10.18, d'autre part) et il sous-tend l'exhortation de He 3.7–4.14 et celles qui suivent léexposé central, la liaison étant faite en He 10.19–25.
4 Braun, H., par exemple, An die Hebräer (HNT 14; Tübingen: Mohr, 1984) 227Google Scholar, se contente de dire: ‘τοιο⋯τον, siehe 7,26; wird expliziertim folgenden Relativsatz’. E. Gräβer ne commente pas ce mot, 2.79.
5 En He 7.28 le titre de ‘Fils’ ne manque assurément pas d'importance; toutefois, il ne constitue pas une nouveauté. II a été mentionné de façon plus complète (‘Fils de Dieu’) au début de la section (He 7.3). En He 7.28 il sert à rappeler ce qui a été dit alors. II ne sera plus expliqué dans les chapitres suivants.
6 Le τοιοūτος de He 7.26 remplit lui aussi cette double fonction, comme le dit excellemment E. Gräβer, 2.66: ‘Das einleitende τοιοūτος versammelt das vorher Gesagte in sich (γάρ) und blickt zugleich auf das noch zu Sagende voraus.’ La remarque de W. L. Lane (Hebrews 1–8, 204), selon laquelle ‘τοιο⋯τον refers primarily to what follows’ parce que ‘the relative pronoun őς has correlative force’, est contestable, du fait que le corrélatif spécifique de τοιο⋯τος n'est pas őς mais οἶος (cf. Me 13.19; 1 Co 15.48; 2 Co 10.11). A proprement parler, őς ne se rattache pas à ‘τοιο⋯τον mais à ⋯ρχιερέα.
7 En disant ‘la nécessité où il fut’, ma traduction est plus précise que le texte grec, qui emploie ⋯ναγκαîον sans verbe. Faut-il suppléer un verbe au présent ou au passé? L'auteur laisse ce point dans le vague, mais il a soin d'employer, à la fin de la phrase, un subjonctif aoriste, dont l'aspect contraste avec l'indicatif présent προσφέρειν appliqué à ‘tout grand prêtre’. D'autre part, en He 7.27 il a exclu, pour notre grand prêtre, la nécessité présente d'offrir des sacrifices. En He 9.11–14, 25–8, il présentera l'oblation du Christ comme un événement accompli une fois pour toutes dans le passé. II s'ensuit que, si la traduction supplée un verbe, elle doit choisir un passé, comme fait W. L. Lane (‘had necessarily to’: Hebrews 1–8, 199), plutôt qu'un présent, comme fait E. Gräβer ('daher ist es notwendig, daβ auch dieser hat’: Hebräer, 2.77).
8 Cette opinion est assez courante. W. L. Lane déclare que ‘la tente véritable’ ‘is almost certainly epexegetical to τ⋯ν άγίων’ (Hebrews 1–8, 200). P. Ellingworth s'exprime en termes presque identiques (Hebrews, 402). Mais lorsqu'on a compris que la fonction rhétorique de He 8.2 est de préparer spécialement He 9.11–12, on ne peut plus accepter cette confusion: ‘la tente’ n'est pas ‘le sanctuaire’, car le Christ ‘par la tente … entra dans le sanctuaire’. Mise en étroit parallèle avec ‘le propre sang’ du Christ (He 9.11–12), ‘la tente’ requiert une interprétation christologique (et non pas cosmologique, ni mythique), tandis que ‘le sanctuaire’ désigne, selon He 9.24, la présence céleste de Dieu (cf. Spicq, C., L'épître aux Hébreux [SBi; Paris: Gabalda, 1977] 153).Google Scholar
9 C'est la position de O. Michel, H. Braun, H. Attridge, E. Gräβer, pour ne nommer que quelques auteurs importants.
10 Position de C. Spicq, P. Andriessen, A. Lenglet, G. W. Buchanan, N. Casalini, P. Ellingworth.
11 Cf. Attridge, H., ‘The Uses of Antithesis in Hebrews 8–10’, HThR 79 (1986) 1–9Google Scholar; The Epistle to the Hebrews (Hermeneia; Philadelphia: Fortress, 1989) 18.Google Scholar
12 En He 9.24 ἅγια n'a pas l'article, parce que la phrase rejette l'entrée dans ‘un’ sanctuaire fabriqué, quel qu'il soit. On trouve en He 9.2 le mot αγια dans la relative ητι λεγεται αγια, qui, en bon grec, devrait s'accentuer ητι λεγεται αγια (féminin), mais on l'accentue traditionnellement ἅγια (neutre pluriel). II s'ensuit une confusion inextricable dans le texte de l'épître, car en He 9.2 le mot désigne la partie ‘sainte’ du sanctuaire, accessible à tous les prêtres, alors que, partout ailleurs, le neutre pluriel désigne la partie ‘tres sainte’, accessible au seul grand prêtre. Les variantes textuelles manifestent bien cette situation de confusion.
13 Dans son article de HThR 79 (1986) (n. 11)Google Scholar, H. Attridge n'a pas remarqué ces détails. Je ne les avais pas remarqués non plus. Ce sont ses objections qui m'ont poussé à regarder le texte de plus près. Je lui en suis reconnaissant. Page 3, voulant démontrer que la section commencée en He 8.1 s'étend jusqu'à 10.18, H. Attridge déclare: ‘But if there is anything which announces the overarching theme of 8:1–10:10, it is the phrase of 7:27, “he did this, having offered himself for all”.' Cet argument, on le voit, est sans valeur, car, comme je viens de le dire, l'expression ‘s'offrir soi-même’ ne se trouve que dans le ch. 9. Elle n'est plus reprise dans le ch. 10.
14 Dans He τελείωσις ne désigne pas une qualité, la perfection, mais, – conformément au sens propre de ce mot, – un processus, l'action de rendre parfait. Le suffix -σις exprime l'action; la qualitéσις est exprimée par le suffixe -της.
15 Cf. Peterson, D., Hebrews and Perfection: An Examination of the Concept of Perfection in the Epistle to the Hebrews (SNTS MS 47; Cambridge: University, 1982)CrossRefGoogle Scholar. Dans son premier chapitre, l'auteur passe en revue les diverses interprétations: J. Kögel, O. Michel, E. Käsemann, etc. (pp. 1–20). D. Peterson lui-même propose un sens ‘vocationnel’, qui corrrespond à certaines données de l'éptre.
16 Il me semble que le tort de D. Peterson dans Hebrews and Perfection est de n'avoir pas bien saisi la pensée de l'auteur en He 7.11. D'autre part, son usage continuel du mot ‘perfection’ ne favorise pas la compréhension des textes. L'auteur d'Hébreux parle de ‘I'; action de rendre parfait’, ce qui est différent. La même observation vaut, me semble-t-il, pour l'ouvrage de Dey, L. K K., The Intermediary World and Patterns of Perfection in Philo and Hebrews (SBL DS 25; Missoula: Scholars, 1975).Google Scholar
17 ‘Se livrer soi-même’ est une formule paradoxale paulinienne, comme l'a démontré Berényi, G., ‘Gal 2,20: a Prepauline or a Pauline Text?’, Bib 65 (1984) 490–537.Google Scholar
18 Qu'il suflise de citer Michaelis, W., ‘σκηνή’, ThWNT 7 (1964) 378Google Scholar: ‘Vielmehr wird gemeint sein, daβ auch das himmlische Heiligtum einen vorderen Teil erhält…’ et Spicq, C., L'épître aux Hébreux(EtB; Paris: Gabalda, 1953) 2.235Google Scholar: ‘Jésus est prêtre au ciel, il officie dans le vrai sanctuaire, il offre son sang.’ Mais ailleurs C. Spicq déclare: ‘Ce ne sont évidemment que des métaphores et qu'on ne saurait trop purifier’ (1.314).
19 C'est seulement dans son exposé central que l'auteur procède à des comparaisons antithétiques entre sacerdoce du Christ et sacerdoce d'AT. On les chercherait en vain dans les deux premières parties (1.5–2.18 et 3.1–5.10). Les commentateurs qui présentent He 4.14–10.18 comme une seule partie sont infidèles au texte, car ils oblitèrent cette importante difference de perspective.
20 C'est cette particularité qui amène certains commentateurs à repousser jusqu'en He 10.18 la fin de la section commencée en He 8.1. Elle constitue effectivement un lien entre les deux développements (8.1–9.28 et 10.1–18). Mais, comme nous l'avons vu, l'auteur a bien marqué leur distinction. C'est de la teleiôsis des fidèles, et non plus de celle du Christ, qu'il parleen 10.14.
21 La même formule possessive se retrouve en He 4.14 et 4.15 ainsi qu'en He 10.19–21, où elle est moins nette. H. Braun en indique bien la portée: ‘das pro nobis der hohenpriesterlichen Tätigkeit: Kultdiener für die Menschheit’ (An die Hebräer, 227).
22 Le mot ‘alliance’ ne se trouve qu'une seule fois dans les lois rituelles du Lévitique, à propos du ‘sel de l'alliance de ton Dieu’ (Lv 2.13).