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Évangile et Récit La narration evangélique en Marc*
Published online by Cambridge University Press: 05 February 2009
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Le problème des rapports entre évangile et récit sera considéré dans ce papier à propos de Mc seulement et d'un autre point de vue que celui de l'histoire littéraire. Je ne chercherai pas à déterminer si Mc représente un genre littéraire original, issu de l'évangile (ou du kérygme) pascal, ou s'il se range dans un genre connu comme celui des Bioi.1 Remarquons seulement que la première opinion insiste surtout sur le contenu de l'évangile qui se trouverait développé en Mc, tandis que la seconde opinion insiste sur la nature narrative de Mc. Pour justifier le dépassement de la question du genre littéraire, rappelons que le récit n'est pas un genre, mais un mode de discours2 qui peut se rencontrer dans tous les genres. Et l'évangile, tel qu'il s'exprime dans le NT, représente un autre mode de discours.
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- Copyright © Cambridge University Press 1997
References
1 La bibliographie s'allonge constamment. Cf. Burridge, R. A., What Are the Gospels? A Comparison with Graeco-Roman Biography (Cambridge/New York: Cambridge University, 1992);Google ScholarDormeyer, D., Das Neue Testament im Rahmen der Antiken Literaturgeschichte (Darmstadt: Wissenschaftliche Buchgesellschafl, 1993);Google ScholarCollins, A. Y., ‘Genre and the Gospels’, JR 75 (1995) 239–46.Google Scholar
2 ‘Discours’ ne veut pas dire ici exposé oratoire devant un groupe de personnes, ni développement méthodique d'un sujet, et ne s'oppose ni à ‘récit’ ni à ‘texte écrit’ (il y a des textes oraux). Le ‘discours’ n'est pas une simple suite de phrases, mais une totalité ordonnée qui forme une unité globale de signification. Il implique une opération d'articulation de ses éléments et marque par et pour cette opération la place d'un sujet humain parlant. La distinction des types de discours ne recouvre pas celle des formes littéraires ou des modes de communication, mais réclame l'étude des processus de production et d'interprétation du sens (i.e. une sémiotique de la signification). Cf. Greimas, A. J. – Courtés, J., Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (Paris: Hachette, 1979) 102–3;Google Scholar J.-M. Klinkenberg, ‘Rhétorique’, et Geninasca, J., ‘Sémiotique’, Méthodes du texte. Introduction aux études littéraires (ed. Delcroix, M. – Hallyn, F.; Gembloux: Duculot, 1987) 29–47, 48–64;Google ScholarDelorme, J., ‘Sémiotique’, Dictionnaire de la Bible. Supplément 12/67 (1992) 290, 296.Google Scholar
3 Cf. Austin, J. L., How to do Things with Words (Oxford: Oxford University, 1962);Google ScholarSearle, J. R., Speech Acts (Cambridge–New York: Cambridge University, 1969);CrossRefGoogle ScholarLadrière, J., ‘La performativité du récit évangélique’, Humanités chrétiennes 4 (1976–7) 322–37;Google ScholarPratt, M. L., Toward a Speech Act Theory of Literary Discourse (Bloomington–London: Indiana University, 1977);Google ScholarDucrot, O., Le dire et le dit (Paris: Minuit, 1984);Google ScholarDelorme, , ‘Sémiotique’, 308–14.Google Scholar
4 Cf. Genette, G., ‘Le discours du récit’, Figures III (Paris: Seuil, 1972) 72–5;Google ScholarChatman, S., Story and Discourse (Ithaca-London: Cornell University, 1978) 19–26Google Scholar (la p. 26 pose une équivalence entre ‘Story/Discourse’ et ‘Content/Expression’; en sémiotique, ‘discours’ organise le ‘contenu’ et non seulement l'‘expression’).
5 La narratologie distingue à propos de la narration (ou acte narratif) deux postes ou roles de narrateur (ou destinateur) et de narrataire (ou destinataire), qui peuvent etre soit representés dans le récit, soit seulement impliqués par lui (et dans ce cas narrateur ou narrataire s'identifient à l'auteur ou lecteur impliqué), cf. Genette, , Figures, 227, 265–7.Google Scholar La sémiotique du discours (qui n'est pas seulement narratif) appelle énonciation l'opération immanente d'organisation du discours impliquée par le texte et la concoit comme une opération orientée entre deux postes ou rôles d'énonciateur et d'énonciataire (qui peuvent être assumés plus ou moins cotnplètement et consciemment par l'auteur et le lecteur). Tandis que narrateur et narrataire sont détinis par la compétence de raconter, énonciateur et énonciataire le sont par une aptitude plus fondamentale de l'homme marqué par et pour le langage et la parole. Cf. Delorme, , ‘Sémiotique’, 306–8, 316–17, 319–22.Google Scholar
6 Cf. Koester, H., Ancient Christian Gospels: Their History and Development (London-Philadelphia: SCM – Trinity International, 1990) 31–42;Google ScholarDormeyer, , NT im Rahmen, 200–4;Google ScholarFusco, V., ‘Le titre “Évangiles” comme phénomène de réception’, Le temps de la lecture (Recueil d'hommages pour Jean Delorme; éd. L., Panier; Paris: Cerf, 1993) 325–36.Google Scholar
7 On sait que υἱοῦ θɛοῦ n'est pas textuellement assuré, mais cette donnée de manuscrits importants correspond à l‘intérêet de Mc pour cette expression.
8 Sur ce texte, cf. Delorme, J., ‘Parole, Evangile et mémoire (Marc 14.3–9)’, La mémoire et le temps (Mélanges offerts à Pierre Bonnard; éd. Marguerat, D.–Zumstein, J.; Genève: Labor et Fides, 1991) 113–26;Google Scholar Id., ‘Sémiotique et lecture des évangiles à propos de Mc 14,1–11’, Naissance de la méthode critique (Colloque du centenaire de l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem; Paris: Cerf, 1992) 161–74.Google Scholar
9 Comparer Rm 13.11–12 où la σωτηρία est proche, non la βασιλɛία. Sur la genèse du v. 15, cf. Schlosser, J., Le Règne de Dieu dans les dits de Jésus (EBib; Paris: Gabalda, 1980) 94–105.Google Scholar
10 Sur le décalage entre les données de Mc et la foi chrétienne de son époque, cf. Lemcio, E. E., The Past of Jesus in the Gospels (SNTSMS; Cambridge: Cambridge University, 1991) 30–40.CrossRefGoogle Scholar
11 Cf. Delorme, J., ‘Prise de parole et parler vrai dans un récit de Marc (1, 21–28)’, ‘Ouurir les Ecritures’ (Mélanges offerts à Paul Beauchamp; éd. Bovati, P.–Meynet, R.; Paris: Cerf, 1995) 179–200.Google Scholar
12 Cette notion de ‘sommaire’ reste souvent imprécise. L'analyse du récit caractérise les vv. 14–15 comme un cas de décalage entre la durée étendue de l'histoire passée racontée et la durée de l'opération de narration qui coïncide avec celle de la lecture. Mais par la citation du v. 15, la durée de l'acte de parole passé de Jésus coïncide avec celle de l'acte de lire ce qu'il a dit.
13 On considère qu'ils terminent l'unité littéraire des vv. 1–15, ou qu'ils introduisent par un tableau panoramique l'activité de Jésus en Galilée. Ces deux possibilités ne s'excluent pas. II arrive ailleurs en Mc qu'un élément joue une double fonction par rapport à ce qui précède et à ce qui suit.
14 Un lecteur (qu'on l'appelle idéal, modèle, ou impliqué) est toujours à l'horizon d'un texte, comme un poste aménagé par le discours pour un récepteur. La citation du v. 15 est destinée à celui-ci. La narratologie peut identifier ici une stratégie ou l'indice d'une rhétorique narrative entre l'auteur et le lecteur impliqués. Plus profondément, il y a là un fait d’énonciation (cf. n. 5) et cette manière de raconter en donnant la parole à un acteur du récit est une manière d'‘énoncer’, i.e. de construire un espace de langage où une parole cherche à se faire entendre.
15 Cf. Delorme, J., ‘Text and Context: “The Gospel” according to Mark 1:14–15’, Text and Logos. The Humanistic Interpretation of the New Testament (Essays in Honor of H. W. Boers; ed. Jennings, T. W.; Atlanta: Scholars, 1990) 273–87.Google Scholar
16 Je ne dis pas que la βασιλɛία est ici spatiale, mais ἤγγικɛν suggère l'image d'un mouvement spatial (cf. 14.42 qui juxtapose l'heure advenue et la proximité spatiale; figure spatiale comparable pour la βασιλɛία en Lc 10.9). Le mouvement d'approche (e.g. celui du jour et de la nuit en Rm 13.12) et de façon généale la proximité (cf. Mc 13.29) sont figurés comme spatiaux. Quand il s'agit du temps (Mc 13.28; Rm 13.11; Jc 5.8), on sait qu'il est impossible d'en parler et de le mesurer autrement que sous des figures de mouvement dans l'espace (cf. les expressions comme ‘l'heure vient’ ou ‘est arrivée’). Les représentations charriées par les figures articulées dans un discours importent pour le travail, conscient ou non, de la signification.
17 En LXX, le verbe correspond ordinairement à l'hébreu nâcham (nif.) dont le sens de base est ‘changer d'avis’ ou de décision; d'où la nuance de ‘se repentir’, quand le comportement passé apparaît faux ou mauvais. LXX et le NT distinguent, et parfois associent les deux figures de changement temporel (μɛτανοέω) et spatial (hébreu shûb, ἀπο-στρέϕω, ἐπι-στρέϕω, ‘se détourner de, se tourner vers’).
18 L'explication par un sémitisme (qui attesterait l'origine palestinienne de l'expression) ne s'impose pas. En Eph 1.13, πιστɛύσαντɛζ ἐν + datif se rapporte au Christ et ἐν χριστῷ (v. 12) figure le Christ comme la sphère, l'espace de vie du croyant. Pour une relation de ce genre à ‘l'Évangile’, cf. 1 Cor 15.1: έν ᾧ καὶ έστήκατɛ. Jn 3.15 peut s'expliquer par la confusion hellénistique entre ɛὶζ et ἐν (variantes: ἐπ’, ɛὶζ;).
19 Le v. 15 peut interpréter aussi les éνénements racontés en vv. 9–13. Le lecteur peut relier ce qui est dit du καιρόζ et de l'approche de la βασιλɛί;α de ce qu'il vient de lire du baptême de Jésus et de son affrontement avec Satan.
20 Cf. Arnold, G., ‘Mk 1, 1 und Eröffnung swendungen in griechischen und lateinischen Schriften’, ZNW 68 (1977) 123–4;Google ScholarDelorme, J., ‘“Commencement de l'Evangile” et commencement de Marc (Marc 1, 1)’, ‘Gelukking de Mens’ (Mélanges offerts à Nico Tromp; ed. Beentjes, P.–Maas, J.–Wever, T.; Kampen: Kok) 159–68.Google Scholar
21 L'opinion de W. Schmithals (indication de copiste pour séparer le livre qui commence à la suite d'un autre sur le même manuscrit) ne peut êtenue (Das Evangelium nach Markus [Güh–Würsburg: Mohn–Echter, 1979] 73).Google Scholar Beaucoup pensent que tout Mc est désigné comme ʿAρχὴ τοῦ ɛὺαγγɛλίου (cf. Pokorný, P., ‘Das Markusevangelium’, ANRW 2.25/2 [1985] 1994–6).Google Scholar Mc ne représenterait que le ‘commencement’ de ‘l'Evangile’ qui, d'une certaine manière, serait sa suite ou sa continuation. II ne faut pas confondre le problème philologique posé par le v. 1 dans son contexte immédiat (άρχή s' éclaire par les v. 2b et 4) et celui de la manière dont Mc dans son ensemble se situe par rapport à une ré;alité qui le précède et le dépasse et qui est ‘l’Évangile de J.C, cet Évangile dont la proclamation est vue comme future du point de vue du passé de Jésus et comme l'horizon ouvert de la narration de ce passé. A cela correspond la finale ouverte du livre. Mais dès le début du livre, ‘l'Évangile’ commence et la narration le donne à entendre à sa manière dans le récit proposé.
22 Cette remarque oblige a dépasser le probleme du ggnitif subjectif ou objectif dans le v. 1. Ce qui compte, c'est la relation de l'ɛὺαγγέλιον à ‘Jésus Christ’ et de toute facon l'‘Évangile’ est d'abord ɛὺαγγέλιον τοὺ θɛοὺ et action de Dieu avant que Jésus le proclame (1.14; cf. Rm 1.1–2, 9) ou qu'il en soit l'objet.
23 L'insistance porte sur la rencontre entre Jésus et les autres acteurs plutôt que sur le ‘miracle’ comme tel, cf. Delorme, J., Au risque de la parole. Lire les évangiles (Paris: Seuil, 1992) 17–89.Google Scholar
24 Cf. Delorme, J., ‘Intertextualities about Mk’, Intertextuality in Biblical Writings (Essays in honour of B. van lersel; ed. Draisma, S.; Kampen: Kok, 1989) 35–42;Google Scholar ‘Prises de paroles’ (sur les possess); ‘La tête de Jean–Baptiste ou la parole pervertie (Marc 6, 14–29)’, Litérature et Bible (ed. P.–M. Beaude; Paris: Cerf, à paraître; version anglaise à paraître en Semeia) (sur le cas d'Héode en 6.16 é"clairé par 17–23).Google Scholar