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‘Vos pères’ ou ‘nos pères’: la question de l'appartenance ethnique dans le texte grec du livre des Actes du Codex Bezae (D 05)*

Published online by Cambridge University Press:  08 June 2012

Philip Maertens
Affiliation:
Urb. A. Duarte Lte 26, 8400-619 Parchal, Portugal. email: [email protected]

Abstract

Building on the research done by E. J. Epp, B. D. Ehrman situates the origin of the ancestor of the text of Codex Bezae in an anti-Semitic milieu, which would explain the anti-Judaic tendencies of that text. This localisation of the ideological discourse in a specific milieu characterized by a negative stance toward the Jewish people on ethnic grounds seems to rest on the assumption that the text was produced by a non-Jewish Christian. The goal of the present contribution is to test this assumption as it relates to the text of the Acts of the Apostles in the Codex Bezae. With the aid of the concept of ethnicity, and especially the idea of common ancestry, we aim to discover how this text, compared to the text of Codex Vaticanus, depicts the relation of ethnic identity with the Jewish people. Contrary to what might be expected from Ehrman's suggestion, the text of Acts in Codex Bezae emphasizes the indicators of Jewish ethnic identity.

French abstract: À la suite des travaux de E. J. Epp, B. D. Ehrman situe l'origine de l'ancêtre du texte du Codex Bezae dans un milieu antisémite, ce qui expliquerait les tendances anti-judaïques de ce texte. Cette localisation du discours idéologique dans un milieu spécifique, caractérisé par une attitude négative envers le peuple juif pour des raisons ethniques, semble se fonder sur la supposition selon laquelle le texte a été produit par un chrétien d'origine non-juive. La présente contribution cherche à tester cette supposition pour le texte du livre des Actes tel qu'il se lit actuellement dans ce codex. A l'aide du concept de l'ethnicité, et en particulier l'idée d'une ascendance en commun, nous chercherons à répondre à la question de savoir comment ce texte, comparé à celui du Codex Vaticanus, se positionne envers le peuple juif. Contrairement à ce que la position de Ehrman suggère, le texte des Actes dans le Codex Bezae renforce les indicateurs de l'appartenance ethnique au peuple juif.

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References

1 Epp, E. J., ‘Textual Criticism in the Exegesis of the New Testament, with an Excursus on Canon’, Handbook to Exegesis of the New Testament (ed. Porter, S. E.; Leiden: Brill, 1997) 46Google Scholar.

2 Ehrman, B. D., ‘The Text of the Gospels at the End of the Second Century’, Codex Bezae: Studies from the Lunel Colloquium (ed. Parker, D. C. et Amphoux, C.-B.; Leiden: Brill, 1996) 97Google Scholar. La même suggestion se trouve formulée dans Ehrman, ‘The Text as Window: New Testament Manuscripts and the Social History of Early Christianity’, The Text of the New Testament in Contemporary Research: Essays on the Status Quaestionis. A Volume in Honor of Bruce M. Metzger (ed. Ehrman, B. D. et Holmes, M. W.; Grand Rapids: Eerdmans, 1995) 361–79Google Scholar.

3 Ehrman, ‘The Text of the Gospels at the End of the Second Century’, 111.

4 Epp, E. J., The Theological Tendency of Codex Bezae Cantabrigiensis in Acts (Cambridge: Cambridge University, 1966)Google Scholar. Bien entendu, et en dépit du titre de sa recherche, l'étude de Epp ne se limite pas au seul texte du Codex Bezae mais concerne l'ensemble du texte ‘occidental’. Voir notamment Epp, ‘Anti-Judaic Tendencies in the D-Text of Acts: Forty Years of Conversation’, The Book of Acts as Church History: Text, Textual Traditions and Ancient Interpretations/Apostelgeschichte als Kirchengeschichte: Text, Texttraditionen und antike Auslegungen (ed. Nicklas, T. and Tilly, M.; BZNW 120; Berlin/New York: de Gruyter, 2003) 111–46Google Scholar, repris dans Epp, E. J., Perspectives on New Testament Textual Criticism: Collected Essays, 1962–2004 (Leiden/Boston: Brill, 2005) 699739CrossRefGoogle Scholar et en particulier les pages 712–26 de cette dernière édition que nous avons suivie, où l'auteur éclaire mieux le titre, objectifs et méthodologie de sa recherche. (Nous aimerions remercier le lecteur anonyme qui nous a indiqué cette contribution de Epp.) Cependant, ses conclusions s'appliquent aussi au texte du Codex Bezae, comme en témoigne par exemple la citation suivante de la conclusion de sa thèse: ‘By applying to Codex Bezae a theological approach to textual criticism…a clear and unmistakable conclusion emerges: Codex Bezae in Acts, where it represents (as is often the case) the distinctive “Western” text, shows a decidedly heightened anti-Judaic attitude and sentiment’. Epp, The Theological Tendency, 165.

5 Ehrman, ‘The Text of the Gospels at the End of the Second Century’, 111.

6 Ehrman, ‘The Text as Window: New Testament Manuscripts and the Social History of Early Christianity’. L'auteur y affirme d'ailleurs, et avec raison, que ‘Only when we establish a social context for the alteration of the text can we make sense of the textual situation’ (110).

7 Il n'est peut-être pas inutile de rappeler l'existence de divers textes très critiques envers la société juive et écrits par des Juifs. Déjà à l'époque vétéro-testamentaire, les prophètes n'hésitent pas à proférer des paroles très dures à l'adresse d'Israël, de ses responsables ou de ses institutions (Exemple visant le peuple: Jr 32.30–31; les chefs: Mi 3.9–12; le culte: Is 1.11–13, Am 5.21–23). De même, certains textes retrouvés près de la mer Morte témoignent d'une attitude négative envers les Juifs qui ne sont pas membres de la communauté. Cette attitude se voit par exemple dans le Commentaire d'Habacuc (1QpHab) ou dans le Commentaire du Psaume 37 (4QpPs37). Ce dernier, qui montre les Esséniens et leur maître comme victimes d'une double hostilité, celle de Manassé et d'Ephraïm, évoque leur situation face aux Pharisiens et Sadducéens. Dans le Commentaire d'Habacuc, l'entrée des Romains dans Jérusalem (63 avant l'ère commune) est une punition divine de la persécution du Maître. Cf. Dupont-Sommer, A. et Philonenko, M., eds., La Bible. Les Ecrits Intertestamentaires (Paris: Gaillimard, 1987) xxxvixxxviiiGoogle Scholar. On retrouvera des idées similaires dans les milieux chrétiens lorsque la destruction de Jérusalem et du Temple sera interprétée comme une punition divine à cause du meurtre de Jacques ou à cause de la trahison de Jésus. Cf. Simon, M., Verus Israël. Etude sur les relations entre chrétiens et juifs dans l'Empire Romain (135–425) (Paris: Boccard, 1983 [1964]) 8990Google Scholar. Il y a également l'Evangile de Matthieu qui, écrit dans un milieu judéo-chrétien, tient un discours critique envers les Juifs. Ellis, E. E., The Making of the New Testament Documents (Leiden/Boston/Köln: Brill, 1999) 290Google Scholar. A en croire Mimouni, nous pourrions aussi invoquer l'exemple de l'Epître de Barnabé que cet auteur situe dans un milieu judéo-chrétien. Mimouni, S. C., Le judéo-christianisme. Essais historiques (Coll. Patrimoines, Paris: Cerf, 1998) 232–49Google Scholar et particulièrement les pages 240–3. Mais comme le rappelle M. D. Murray, ‘whether the author of the epistle was of Jewish or Gentile origin continues to be debated’. Murray, M. D., Playing a Jewish Game: Gentile Christian Judaizing in the First and Second Centuries CE (Studies in Christianity and Judaism/Études sur le christianisme et le judaïsme 13; Waterloo, ON: Wilfrid Laurier University, 2004) 49Google Scholar.

8 Depuis la remise en question du rapport entre la culture et l'ethnie par l'anthropologue norvégien Barth, dans l'introduction d'un ouvrage collectif, paru à la fin des années soixante, les études consacrées à l'ethnicité ont pris une telle expansion qu'il ne nous est pas possible ici ne serait-ce que de résumer l'état de la recherche. Barth, F., Ethnic Groups and Boundaries: The Social Organization of Culture Difference (Oslo: Scandinavian, 1969) 938Google Scholar. Comme introduction aux etudes dédiées aux questions d'ethnicité, on lira avec intérêt Thompson, R. H., Theories of Ethnicity: A Critical Appraisal (New York: Greenwood, 1989)Google Scholar; Jones, S., The Archaeology of Ethnicity. Constructing Identities in the Past and Present (London/New York: Routledge, 1997)Google Scholar; Eriksen, Th. H., ‘Ethnic Identity, National Identity and Intergroup Conflict: The Significance of Personal Experiences’, Social Identity, Intergroup Conflict and Conflict Reduction (ed. Ashmore, R. D. and Jussim, L., Wilder, D.; Oxford: Oxford University, 2001) 4270Google Scholar.

9 Brièvement posé, et avec toutes les risques que comportent les simplifications excessives, les primordialistes défendent l'idée que l'appartenance ethnique précède et génère l'expérience collective, tandis que pour les instrumentalistes l'identité ethnique résulte des choix effectués par le groupe. Pour une présentation plus approfondie, voir par exemple D. B. MacKay, ‘Ethnicity and Israelite Religion: The Anthropology of Social Boundaries in Judges’ (Thèse de doctorat non publiée, Université de Toronto, 1997) 38–61; Jones, The Archaeology of Ethnicity, 56–83. A noter aussi que d'après certains auteurs, l'approche primordialiste est en ascension parmi les chercheurs. Voir, par exemple, Vail, L., ‘Introduction: Ethnicity in Southern African History’, The Creation of Tribalism in Southern Africa (ed. Vail, L.; London/Berkeley: Currey, 1989)Google Scholar 5 et note 7. Lors de l'analyse de l'identité ethnique d'un groupe ou d'un acteur, il convient de tenir compte d'une autre distinction, à savoir celle entre le point de vue du chercheur et le point de vue des acteurs. Comme Gil-White l'a démontré, ces deux points de vue ne correspondent pas nécessairement. Si la tendance académique est d'adopter le point de vue instrumentaliste, les acteurs sont plutôt des primordialistes. Gil-White, F. J., ‘How thick is Blood? The Plot Thickens…: If Ethnic Actors Are Primordialists, What Remains of the Circumstantialist/Primordialist Controversy?’, Ethnic and Racial Studies 22.5 (1999) 789820CrossRefGoogle Scholar.

10 Afin de mettre en lumière le comportement du texte du Codex Bezae, nous le comparerons avec le texte du Codex Vaticanus, comme l'avait fait Epp. Ceci permettra de maintenir le dialogue avec les chercheurs qui s'appuient sur ses recherches. Sur les raisons qui ont poussé Epp a adopte cette approche, voir Epp, Theological Tendency, 35–7. Dans la suite de sa recherche, toutefois, l'auteur ne se limite pas à comparer les textes des deux manuscrits, mais compare plutôt le texte alexandrin avec le texte ‘occidental’. Inutile de dire que lors de la comparaison, nous ne tiendrons pas compte des passages dans le Codex Vaticanus pour lesquels le Codex Bezae est lacunaire (Ac 8.20–10.14; 21.2–10; 21.16–18; 22.10–20; 22.29–28.31).

11 Epp, The Theological Tendency, 95–6.

12 Epp, The Theological Tendency, 96.

13 Epp, The Theological Tendency, 36–7.

14 Epp, The Theological Tendency, 95. La raison invoquée par Epp pour ne pas tenir compte de la leçon du Codex Bezae en Ac 7.45b invite à s'interroger sur l'utilisation du concept d'erreur. Est considéré erreur tout ce qui s'écarte d'une règle, d'une norme. Ainsi, dans un texte, tout ce qui s'écarte des règles grammaticales ou orthographe sont des erreurs. Pouvons-nous qualifier d'erreur une variante qui ne va pas à l'encontre des règles grammaticales? Oui, si nous nous plaçons du point de vue du texte original. Tout écart dans les copies par rapport à ce texte sera une erreur. Non, si notre tâche consiste à comparer deux manuscrits ou deux traditions textuelles, comme le fait Epp et comme nous proposons de faire, afin de découvrir leurs tendances.

15 Ibid. Ac 22.14; 26.6; 28.5.

16 Des douze autres occurrences, trois désignent Dieu (Ac 1.4; 1.7; 2.33), deux se situent au début de discours (ἄνδρϵς ἀδϵλΦοὶ καὶ πατρϵς: Ac 7.2; 22.1) et dans sept cas, il s'agit du père ou des pères d'un personnage spécifique (Ac 7.4 [Abraham]; 7.14 [Joseph]; 7.20, 32 [Moïse]; 13.36 [David]; 16.1, 3 [Timothée]).

17 Ainsi, le terme est employé à trois reprises pour désigner Dieu (Ac 1.4; 1.7; 2.33), deux fois il débute un discours (ἄνδρϵς ἀδϵλΦοὶ καὶ πατρϵς: Ac 7.2; 22.1), dans sept cas, il s'agit du père ou des pères d'un personnage spécifique (Ac 7.4 (Abraham); 7.14 (Joseph); 7.20, 32 (Moïse); 13.36 (David); 16.1.3 (Timothée)). A noter encore que le Codex Vaticanus se réfère à une reprise à notre père David là où le Codex Bezae ne mentionne que David (4.25).

18 Comme il est de coutume, le symbole ‘]’ indique une différence entre les textes; son absence implique que les deux textes sont identiques. En cas de variation, la leçon du Codex Vaticanus précède celle du Codex Bezae.

19 L'interprétation dans un sens messianique de ce texte ne semble pas été courant dans le Judaïsme. Cf. Barrett, C. K., A Critical and Exegetical Commentary on The Acts of the Apostles in Two Volumes. Vol. 1. Preliminary Introduction and Commentary on Acts I–XIV (ICC; Edinburgh: T&T Clark, 1994) 208Google Scholar.

20 Cf. les remarques de Barrett, C. K., ‘Is there a Theological Tendency in Codex Bezae?’, Text and Interpretation: Studies in the New Testament Presented to Matthew Black (ed. Best, E., Wilson, R. McL.; Cambridge: Cambridge University, 1979) 25Google Scholar.

21 Peu de commentaires abordent la question textuelle de ce verset et réfèrent plutôt à la question du statut de Paul comme témoin qui découle d'une tension, vraie ou apparente, entre l'emploi du pronom ‘nous’ emphatique au début du verset 32 et la mention des témoins de la Résurrection au verset précédent. Cette question, qui engage la théologie lucanienne relatif au statut de témoin et d'apôtre, ainsi que la comparaison avec les écrits de Paul (e.g. Rm 1.1; 1 Co 1.1; 9.2), ne doit pas nous retenir ici: le débat est sans conséquences pour la question de l'identité ethnique. Parmi les auteurs qui signalent la présence de ἡμῶν, se trouvent Zahn et Barrett. Barrett, A Critical and Exegetical Commentary on The Acts of the Apostles, 645; Zahn, Th., Die Apostelgeschichte des Lucas. Zweite Hälfte Kap. 13–28 (Leipzig: A. Deichetsche Verlagsbuchhandlung, 1921) 441Google Scholar.

22 A noter que le texte du Codex Bezae débute par une irrégularité grammaticale en faisant suivre le pronom personnel de la deuxième personne plurielle (ὑμϵῖς) par un verbe à la troisième personne singulier (σται, ‘il sera’). Ropes, dans son édition du texte du Codex Vaticanus et du Codex Bezae a cru bon corriger cet anomalie en transcrivant ὑμϵῖς στϵ. Scrivener, par contre, ainsi qu'Amassari ont préféré maintenir la leçon originale. Ropes, J. H., The Text of Acts, dans The Beginnings of Christianity. Part I. The Acts of the Apostles, vol. 3 (ed. Jackson, F. J. Foakes et Lake, K.; London: MacMillan, 1926) 33Google Scholar; Scrivener, F. H., Bezae Codex Cantabrigiensis: Being an Exact Copy, in Ordinary Type, of the Celebrated Uncial Graeco-Latin Manuscript of the Four Gospels and Acts of the Apostles, Written early in the Sixth Century, and Presented to the University of Cambridge by Theodore Beza, A.D. 1581. Edited with a Critical Introduction, Annotations, and Facsimiles (Cambridge: Deighton, Bell, & Co., 1864) 338Google Scholar; Ammassari, A., Bezae Codex Cantabrigiensis. Copia esatta del manoscritto onciale greco-latino dei quattro Vangeli e degli Atti degli Apostoli scritto all'inizio del V secolo e presentato da Theodore Beza all'Università di Cambridge nel 1581 (Vatican: Libreria Editrice Vaticana, 1996) 738Google Scholar.

23 Rappelons que Epp était d'avis que la leçon du Codex Vaticanus n'est pas représentative du texte B. Voir supra et Epp, The Theological Tendency, 95.

24 Comparé au texte du Codex Vaticanus, le texte du Codex Bezae en Ac 7.4 présente plusieurs points d'intérêt du point de vue de la critique textuelle dont les plus importants, outre la variation du pronom personnel, sont la leçon μϵτῴκησϵν au lieu de μϵτῴκισϵν et κἀκϵῖ ἦν (crase pour καὶ κϵι ἦν) au lieu de κἀκϵῖθϵν. Ce dernier mot, qui est une crase pour καὶ κϵῖθϵν, peut être employé comme un adverbe de temps (e.g. Ac 13.21) ou comme un adverbe de lieu (e.g. Ac 14.26). En suivant une progression linéaire du discours d'Etienne, nous pensons qu'il est préférable de l'envisager comme un adverbe de lieu, puisqu'il se situe juste après l'indication du lieu de résidence d'Abraham (κατῴκησϵν ν Χαρράν). On trouvera des constructions comparables dans le Texte Standard en Ac 14.26 où κἀκϵῖθϵν est précédé par ϵἰς Ἀττάλϵιαν; Ac 16.12 où le mot est précédé par ϵἰς Ναν πόλιν ou encore en Ac 20.15 et 21.1 où il suit ϵἰς Μιτυλήνην et ϵἰς τὴν Ῥόδον respectivement. Sa fonction en Ac 7.4 serait donc d'indiquer le lieu d'où Dieu a conduit (μϵτῴκισϵν) Abraham et non d'indiquer le moment, précisé par μϵτὰ τὸ ἀποθανϵῖν τὸν πατρα αὐτοῦ. La différence entre le Codex Vaticanus et le Codex Bezae nous semble avant tout une différence d'accentuation. Si le Codex Vaticanus signale qu'Abraham partit de Harân pour la Terre promise, le Codex Bezae souligne qu'après le décès de son père, il y restait un temps indéterminé. Si le texte du Codex Vaticanus pourrait suggérer qu'Abraham ne voulait pas abandonner son père âgé, dans le Codex Bezae cette préoccupation disparaît pour faire place à une attente d'une manifestation de Dieu qui lui indiquera le pays où il doit se diriger. Dans le premier texte, le décès de son père permet à Abraham de continuer; dans le deuxième texte, l'ordre divin est valorisé.

25 Ajoutons que d'après Clark, Ephrem aurait connu un texte mentionnant les pères: ‘Coepit Stephanus repetere illis ab Abrahamo cum ceteris patriarchis’. Clark, A. C., The Acts of the Apostles: A Critical Edition with Introduction and Notes on Selected Passages (Oxford: Clarendon, 1933) 39Google Scholar, 294. (Pour le texte, voir Ropes, The Text of Acts, 402.) Toutefois, la phrase, qui n'est pas donnée en entier par Clark, se veut un résumé des premiers versets—jusqu'à Moïse—du discours d'Etienne (vv. 2–20). Ces versets englobent aussi l'histoire des patriarches Isaac, Jacob et Joseph et ses frères. Le choix même du mot ‘patriarchis’ donnerait à penser que le commentateur a en vue les versets 8–16 plutôt qu'une phrase comparable à celle qui se trouve dans le Codex Bezae ou chez les autres témoins à la fin du verset 4. Il serait d'ailleurs étonnant que le résumé retienne une référence aux ‘pères’ mais passe sous silence l'histoire d'Isaac, Jacob et ses douze fils.

26 Clark, The Acts of the Apostles, 38; Delebecque, E., Les Deux Actes des Apôtres (Paris: Gabalda, 1986) 54Google Scholar; Bruce, F. F., The Acts of the Apostles: The Greek Text with Introduction and Commentary (Grand Rapids: Eerdmans; Leicester: Apollos, 1990) 193Google Scholar; Barrett, The Acts of the Apostles, 343; Boismard, M.-E., Le texte occidental des Actes des Apôtres. Edition nouvelle entièrement refondue (Etudes Bibliques, Nouvelle Série 40, Paris: Gabalda, 2000) 131Google Scholar; Metzger, B. M., A Textual Commentary on the Greek New Testament: A Companion Volume to the United Bible Societies' Greek New Testament (London/New York: United Bible Societies, 3d ed. 1971) 343Google Scholar.

27 E. Delebecque, Les Deux Actes des Apôtres, 305.

28 Schneider, G., Die Apostelgeschichte. Erster Teil. Einleitung. Kommentar zu Kap. 1,1–8,40 (HTKNT 5; Freiburg/Basel/Wien: Herder, 1980) 454Google Scholar. Au lieu du καí, initial, le Codex Bezae utilise le mot ἀλλά, qui fait ressortir mieux la promesse.

29 Les versets en question sont: 11, 12, 15, 38, 39, 44 et 45. A noter en outre que les deux manuscrits mentionnent encore ‘notre père Abraham’ au verset 2.

30Et c'est précisément ce qu'au prix de tout cet argent Philippe achète: pouvoir mener la guerre contre vous, sans la subir de votrepart’. Démosthène, Troisième Philippique 9 (nous soulignons). Pour le texte grec, voir Sandys, J. E., Demosthenes: On the Peace, Second Philippic, On the Chersonesus and Third Philippic. With Introduction and Critical and Explanatory Notes (London: Macmillan, 1962) 58Google Scholar; pour la traduction française, voir Bouchet, C. et Carlier, P., Démosthène: Philippiques, Sur la Couronne. Eschine: Contre Ctésiphon (Paris: Flammarion, 2000) 158Google Scholar. On trouvera d'autres exemples dans son discours Sur les Affaires de Chersonnée, 1, 49, 60; Troisième Philippique 1, 18; Sur la paix 2, 5, 10.

31 Cette stratégie fonctionne d'autant mieux si le pronom de la deuxième personne pluriel suit et / ou précède le pronom de la première personne pluriel, comme c'est le cas par exemple dans le Troisième Philippique de Démosthène ou ici dans le Codex Bezae qui lit le pronom de la première personne encore au même verset.

32 Cf. Metzger, B. M. et Ehrman, B. D., The Text of the New Testament: Its Transmission, Corruption, and Restoration (New York/Oxford: Oxford University, 2005) 255–6Google Scholar; Vaganay, L., Initiation à la critique textuelle du Nouveau Testament (2d ed. entièrement revue et actualisée par C.-B. Amphoux; Paris: Cerf, 1968) 90Google Scholar; Scrivener, F. H. A., A Plain Introduction to the Criticism of the New Testament, vol. 1 (London: George Bell & Sons, 1894) 1011Google Scholar. D'après Thackeray, le changement de prononciation de u était devenue générale en 100 de notre ère tandis que l'évolution de celle de η a eu lieu entre 150 et 250 de notre ère. Thackeray, H., A Grammar of the Old Testament in Greek according to the Septuagint. Vol. 1. Introduction, Orthography and Accidence (Cambridge: Cambridge University, 1909) 85Google Scholar, 95.

33 Il pose cependant une limitation importante au résultat de notre enquête: sa conclusion ne s'applique qu'au texte du Codex Bezae et ne peut être appliquée à d'autres formes du texte du livre des Apôtres sans analyse préalable des pronoms.

34 Il convient peut-être de ne pas établir une distinction trop grande entre l'acte de copier un texte et celui de le reproduire sous dictée puisque, comme Vaganay et Amphoux suggèrent ‘l'acte de copie comporte en lui-même une phase de ‘dictée intérieure’’. L. Vaganay, C.-B. Amphoux, loc. cit.