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Cour internationale de justice—Affaire relative a certains emprunts norvégiens (France c. Norvège)1

Published online by Cambridge University Press:  21 May 2009

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Pour bien comprendre cette affaire extrêmement intéressante à beaucoup de points de vue et également importante pour l'avenir du règlement judiciaire des litiges internationaux et de la Cour Internationale de Justice elle-même, il faut être au courant de bien des faits. C'est pourquoi nous commencerons par exposer succinctement la genèse de l'affaire, à première vue assez simple, et les détails nécessaires de sa soumission à la Cour pour arrêt (§ 1), ainsi que le développement de la procédure écrite et orale (§ 2); nous exposerons les questions sur lesquelles les débats judiciaires devant la Cour et les discussions en chambre du conseil se sont concentrés (§ 3); nous résumerons ensuite la prise de position définitive de la Cour (§ 4) et les opinions dissidentes d'une minorité, curieusement divisée, de six juges sur le total statutaire de quinze (tous présents) (§ 5) et nous finirons par quelques réflexions personnelles (§ 6). Grâce à la formulation du dispositif de l'arrêt, le désaccord de six juges sur des points importants n'en a pas empêché cependant l'adoption finale par un vote de douze voix contre trois. Comme d'ordinaire, l'arrêt lui-même ne révèle pas clairement sur certains points, et ne révèle pas du tout sur bien d'autres, la division des opinions qui s'est fait jour en chambre du conseil. On ne peut s'en rendre compte d'une façon adéquate qu'en analysant méticuleusement les 73 pages d'opinions individuelles et dissidentes trahissant quelquefois l'ardeur réprimée, mais bienfaisante, d'une forte conviction intime contraire à celle de la majorité, et en les confrontant avec le texte sec et laconique des 20 pages de l'arrêt, — travail intellectuel qui présente beaucoup d'affinité avec la solution, dans une heure de loisir, d'un cassetête chinois.

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Articles
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Copyright © T.M.C. Asser Press 1957

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References

page 373 note 2 Le dispositif conclut à l'incompétence de la Cour. Le vice-Président égyptien Badawi et le juge argentin Moreno Quintana souscrivent à son contenu textuel, mais en se distanciant fermement de l'argumentation suivie par la Cour. Le juge anglais Sir Hersch Lauterpacht de même que son collègue salvadorien Guerrero s'en distancient de même et pour des considérations identiques très graves, mais seulement pour arriver à des votes contraires, le premier pour, le ernier contre le dispositif. Les juges français Basdevant et canadien Read, enfin, se prononcent sur la base de deux motivations individuelles en grandes lignes parallèles en faveur de la compétence de la Cour.

page 374 note 1 Pendant la durée de la prorogation, il serait servi des intérêts au taux de 4% par an, payables en billets de banque d'après leur montant.

page 375 note 2 Les porteurs étrangers Scandinaves seraient payés en couronnes suédoises.

page 375 note 1 Cette combinaison contradictoire des défenses norvégiennes a certainement été la raison principale pour laquelle les porteurs français n'ont pas pensé devoir suivre la suggestion leur faite par le Gouvernement norvégien de poursuivre leur droit d'abord devant les tribunaux norvégiens. Voir § 6 sub f ci-après, p. 404.Google Scholar

page 375 note 2 En décembre 1946, par exemple, la France fit une proposition qui présentait le caractère d'un compromis et selon laquelle les porteurs français seraient payés en couronnes suédoises, en ce qui était du capital, et les coupons seraient versés en couronnes norvégiennes; mais le Gouvernement norvégien n'a même pas répondu à cette proposition (voir opinion dissidente du juge Read, , Recueil p. 88).Google Scholar

page 375 note 3 Voir opinion dissidente du juge Read, , Recueil p. 91, et p. 391, note 1 ci-après.Google Scholar

page 376 note 1 Pas plus qu'il n'est de rigueur de présenter des exceptions comme préliminaires à l'eflet de suspendre le cours de la procédure sur le fond, il n'est exclu de leur retirer le caractère préliminaire dans un stade ultérieur de la procédure à l'effet de lever la suspension initiale.

page 377 note 1 Ces rectifications trouvaient leur explication dans des objections norvégiennes contre la rédaction primitive, trop étendue, des conclusions françaises sous (A) 3) et (B) 3) qui présentaient les thèses françaises sous une forme tout à fait générale comme embrassant le recouvrement d'une dette d'emprunt international réclamé au Gouvernement d'un Etat débiteur quelconque par un Gouvernement quelconque qui a pris fait et cause pour ses ressortissants porteurs de titres. L'Agent norvégien voyant dans ces termes un élargissement inadmissible de la teneur du petitum, l'Agent français a encore limité la rédaction au cas d'espèce.

page 377 note 2 Convention concernant l'emploi de la force pour le recouvrement de dettes contractuelles.

page 377 note 3 Cette Conclusion sous (A) (2) reprend les termes des alinéas b et c de l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour, la nommée « clause facultative ». — Comp. note 1 à la page 381.

page 377 note 4 Voir sur cette formule ci-après note 2 à la page 405.

page 381 note 1 Dans ses Conclusions finales, l'Agent français a invoqué notamment les alinéas b et c. Dans son Opinion individuelle, le vice-Président Badawi fait remarquer à bon droit que l'alinéa c ne peut être applicable. Un différend de cet ordre n'est pas, en réalité, un différend d'ordre juridique. Il est plutôt un différend de pur fait qui présuppose précisément que les parties sont d'accord sur le droit. Cette situation ne se présentait pas dans l'affaire franco-norvégienne.

page 382 note 1 “The reservation referring to matters which according to International Law are exclusively within the domestic jurisdiction of the defendant State is scientifically unsound and unnecessary inasmuch as the position of the defendant State in these matters is fully safeguarded by International Law.”

page 383 note 1 La terminologie reste toujours un peu embarrassante. On a l'habitude de parler de la « clausule facultative » ou « optional clause» pour indiquer le modèle de déclaration unilatérale libellée dans l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour, et que tout Etat peut librement faire, sans en être le moins du monde obligé. Ces déclarations de caractère facultatif, une fois déposées au greffe de la Cour, comportent dorénavant pour les Etats signataires soumission, dans les limites tracées par elles, à la juridiction obligatoire de la Cour. Comment désigner ces déclarations facultatives acceptant la juridiction obligatoire de la Cour? La Cour elle-même les appelle « déclarations d'acceptation de sa juridiction obligatoire », terme abrégé par le juge Lauterpacht à « Declaration of Acceptance ».

page 384 note 1 La Cour déclare suivre la jurisprudence de la Cour permanente de Justice internationale dans les affaires des Phosphates du Maroc (1938, C.P. J. I., série A/B, n° 74, p. 22)Google Scholar et de la Compagnie d'Electricité de Sofia et de Bulgarie (1939, l.c., n° 77, p. 81), consacrée déjà par elle même dans son arrêt de 1952 relative à l'affaire de l'Angle-Iranian Oil Company (C.I.J., Recueil 1952, p. 103)Google Scholar. Bien qu'elles n'aient jamais admis d'obligation de suivre la jurisprudence antérieure, les deux Cours s'y sont tout de même régulièrement conformées en fait. Les juges anglosaxons tendent naturellement à admettre l'obligation de la Cour de ne pas se dévier de la case law. Comp. plus loin dans le texte, § 5, p. 393 et § 6 sub b, p. 398, note 2.

page 384 note 2 La portée exacte de l'appel fait par la France à cette Convention n'est pas devenue très claire. Ainsi que le fait observer très justement le vice-Président Badawi (Opinion individuelle, p. 30), la France l'invoque tantôt pour reprocher à la Norvège qu'elle se refuse à se soumettre en cette matière à un contentieux international, tantôt pour étayer la thèse selon laquelle le recouvrement de dettes contractuelles nées d'un emprunt international constitue par nature un problème de droit international. Vu son point de départ (examen limité au seul jeu de la « réserve automatique »), la Cour s'abstient délibérément d'entrer dans un examen du bien-fondé, à la lumière de la Convention de 1907, de la thèse contenue dans la première partie de l'exception norvégienne sous (1) (caractère exclusivement interne du différend).

page 385 note 1 Voir pour le texte de cette Convention, conclue primitivement entre la France et l'Union suédo-norvégienne, mais renouvelée le 5 novembre 1909 entre la France et la Norvège (Martens, N.R.G., 3ème série, III, p. 217)Google Scholar: Martens, N.R.G. 2ème série, XXXII, p. 490Google Scholar. On ne voit pas très bien, comment cette Convention d'arbitrage peut jouer un rôle dans cette affaire.

page 385 note 2 Adhésion française à l'ensemble de l'Acte, sous certaines réserves (étendues en février 1939 en vue de la guerre), en date du 21 mai 1931. — Adhésion norvégienne aux chapitres I, II et IV en date du 11 juin 1929 (étendue au chapitre III le 11 juin 1930).

page 386 note 1 L'autre se rapporte à la question de la validité ou nullité de la « réserve automatique » et au pouvoir (ou même au devoir) de la Cour de s'engager dans un examen de cette question et des effets juridiques que sa solution peut comporter. ci-après, Voir, pp. 390 et 392 et § 6, sub b et c.Google Scholar

page 388 note 1 Les arguments allégués par ces juges pour démontrer le caractère international du litige franco-norvégien sont entièrement convaincants. Les éléments de droit international que l'affaire présentait à côté des éléments de droit interne norvégien sont indiqués comme suit par

M. Read: aspects de la discrimination entre différents groupes de créanciers étrangers et de l'exterritorialité de la loi norvégienne de 1923 (Recueil p. 87 et ss.);Google Scholar

M. Basdevant: exercice par le Gouvernement français de son droit de protection de ressortissants français se plaignant du refus illégal par le Gouvernement norvégien de respecter une (prétendue) clause or; inopposabilité d'une décision unilatérale norvégienne à des créanciers étrangers; caractère international des emprunts norvégiens comme dans les affaires des emprunts serbes et brésiliens (arrêts de 1929); discrimination au bénéfice des porteurs danois et suédois (ibid., p. 77/78);

M. Lauterpacht: prétendue incompatibilité de la loi de 1923 avec le droit international; traitement à accorder par un Etat aux droits de propriété des étrangers; question de savoir si l'égalité de traitement accordée aux nationaux et aux étrangers dégage un Etat de sa responsabilité internationale; y a-t-il sous ce rapport une différence entre les étrangers résidents et les étrangers nonrésidents?; discrimination entre créanciers français et danois/suédois; applicabilité dans le cas d'espèce de la règle relative au non-épuisement des recours internes; pertinence de la Convention de 1907 sur le recouvrement de dettes contractuelles; pertinence de l'article 53 de la Convention de 1907 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, lequel mentionne expressément comme aptes à être arbitrés les différends provenant de dettes contractuelles réclamées à une Puissance par une autre Puissance comme dues à ses nationaux (ibid., p. 37/38).

En vue de cette accumulation de questions de droit international soulevées, il est vraiment incompréhensible que le Gouvernement norvégien ait pu croire que sa dispute avec le Gouvernement français concernait une matière relevant essentiellement de sa compétence nationale, et que même deux juges aient admis la correction de cette thèse.

page 390 note 1 Le juge anglais mentionne encore la déclaration récente (18 avril 1957) du Royaume Uni excluant de sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour toute question “which, in the opinion of the Government of the United Kingdom, affects the national security of the United Kingdom or of any of its dependent territories” (Recueil, p. 63).Google Scholar

page 391 note 1 M. Lauterpacht ne paye qu'une attention superficielle à l'exception sous (3) concernant la prétendue inadmissibilité de demandes introduites en fait contre des banques norvégiennes, munies d'une personnalité juridique distincte de celle de l'Etat norvégien. Le juge anglais la rejette en quelques mots comme mal fondée. — Le juge canadien est plus explicite (Recueil, p. 96)Google Scholar. Se fondant sur le fait qu'en 1954, devant un tribunal français, la Banque hypothécaire de Norvège a opposé une exception d'incompétence basée sur le motif qu'elle est « an instrumentality of the Norwegian Government » et a remis au tribunal une déclaration en ce sens, signée par le ministre des Finances de Norvège, M. Read conclut: « It thus appears that the Norwegian State completely identified itself with the Bank for the purpose of preventing the bondholder from obtaining a judicial determination of his rights. It is a sound doctrine that a party can not blow both hot and cold at the same time, and Norway can not retreat from the position of complete identification taken in 1931.»

page 391 note 2 « When a Party has advanced objections to the jurisdiction of the Court, the decision on the question of jurisdiction must be reached by reference to objections which, in the intention of the Party advancing them, are principal rather than subsidiary and which are substantive rather than formal. This is so in particular in the international sphere where a Government may rightly consider that it should not be treated as having successfully challenged the jurisdiction of the Court on the basis of objections which are ancillary and automatic—at a time when its main effort was directed to jurisdictional objections of substance… In my opinion, a Party to proceedings before the Court is entitled to expect that its Judgment shall give as accurate a picture as possible of the basic aspects of the legal position adopted by that Party. Moreover, I believe that it is in accordance with the true function of the Court to give an answer to the two principal jurisdictional questions which have divided the Parties over a long period of years and which are of considerable interest for international law. There may be force and attraction in the view that among a number of possible solutions a court of law ought to select that which is most simple, most concise and most expeditious. However, in my opinion such considerations are not, for this Court, the only legitimate factor in the situation » (Recueil, p. 35/36)Google Scholar. — Ces passages forment une oasis rafraîchissante dans le désert stérile du dernier arrêt.

page 392 note 1 Voir p. 388 ci-dessus, note 1.

page 392 note 2 Comparez à ce sujet les procès franco-serbe et franco-brésilien qui se sont déroulés en 1928/1929 devant la Cour permanente de Justice internationale (Publications de la C. P. J. I., série A, nos 20/21). — M. Basdevant est du même avis (Recueil, p. 78)Google Scholar: « Si la Cour est saisie de points de droit international dans le différend actuellement pendant entre la France et la Norvège et si elle est compétente à ce titre pour connaître de ce différend, il va de soi qu'elle aura aussi à examiner les points de fait qui se posent. Elle doit ranger parmi ceux-ci les questions d'interprétation des lois norvégiennes qu'elle pourra rencontrer. Il n'a jamais été soutenu que la Cour devrait renvoyer l'examen de telles questions à la décision de tel ou tel tribunal national.»

page 393 note 1 Comp. p. 384, note 1 et p. 398, note 2.

page 395 note 1 Le refus de la Cour de se fonder sur d'autres titres de juridiction paraît aussi mal conciliable avec l'interprétation large que la Cour a donnée à sa « Kompetenz-kompetenz » sur la base de l'article 36(6) de son Statut dans l'affaire Nottebohm (exception préliminaire), C.I.J., Recueil 1953, p. 119Google Scholar: «Le paragraphe 6 de l'article 36 ne fait que reprendre pour la Cour une règle que le droit international commun a consacrée en matière d'arbitrage international. Depuis l'affaire de l'Alabama il est admis, conformément à des précédents antérieurs, qu'à moins de convention contraire, un tribunal international est juge de sa propre compétence et a le pouvoir d'interpréter à cet effet les actes qui gouvernent celle-ci… Ce principe, que le droit international commun admet en matière d'arbitrage, prend une force particulière quand le juge international … est une institution préétablie par un acte international qui en définit la compétence et en règle le fonctionnement et, dans le cas présent, l'organe judiciare principal des Nations Unies». Or, il est évident qu'un titre de juridiction ne cesse pas de «gouverner la compétence de la Cour» par le simple fait que les parties ne l'invoquent pas formellement.

page 396 note 1 L'adhésion française à l'Acte général en 1931, comportant entre autres acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, s'appliquait, en effet, aux différends « autres que ceux que la Cour permanente de Justice internationale reconnaîtrait comme portant sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de l'Etat» (Recueil, p. 74/75).Google Scholar

page 396 note 2 Affaire de la Compagnie d'Electricité de Sofia et de Bulgarie, exception préliminaire (Publications de la C. P. J. I., série A/B, n° 77, p. 76)Google Scholar: « La multiplicité d'engagements conclus en faveur de la juridiction obligatoire atteste chez les contractants la volonté d'ouvrir de nouvelles voies d'accès à la Cour plutôt que de fermer les anciennes ou de les laisser se neutraliser mutuellement pour aboutir finalement à l'incompétence.»

page 397 note 1 « Une voie d'accès à la Cour a été ouverte par l'adhésion des deux Parties à l'Acte général de 1928: elle ne saurait être fermée ou neutralisée par la disposition restrictive que le Gouvernement français et non le Gouvernement norvégien a ajoutée à son acceptation nouvelle de la juridiction obligatoire énoncée dans sa déclaration de 1949. Cette disposition restrictive, émanant d'un seul, ne fait pas droit entre la France et la Norvège; elle ne suffit pas à faire échec au régime juridique existant entre eux sur ce point; elle ne saurait fermer la voie d'accès à la (Jour antérieurement ouverte ni la neutraliser pour aboutir à l'incompétence. — Entre la France et la Norvège, sur le point ici considéré, l'administration de la juridiction obligatoire n'est donc, aujourd'hui comme avant la déclaration française du ler mars 1949, écartée que pour les différends que la Cour reconnaîtrait comme portant sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de l'Etat» (Recueil, p. 75/76).Google Scholar

page 398 note 1 Cpmp. par exemple le passage suivant dans ses Exceptions préliminaires: « Pareille réserve doit être interprétée de bonne foi et … un Gouvernement qui se retrancherait derrière elle pour dénier compétence à la Cour dans un cas où il ne s'agirait manifestement pas d'une «affaire relevant essentiellement de la compétence nationale» commettrait un abus de droit, devant lequel la Cour ne serait pas désarmée» (nos italiques, V.). De ce passage, le juge français infère (p. 72/73) que « la Norvège n'avance pas une interprétation de la réserve qui ferait de celle-ci un moyen catégorique pour un Etat de faire échec à la compétence de la Cour.» Le juge canadien est d'avis que le Gouvernement norvégien a commencé par invoquer la clause d'appréciation souveraine dans toute sa rigueur, mais qu'il l'a abandonnée au cours de la procédure. La Cour, dans son arrêt, décide (Recueil, p. 25)Google Scholar que « non seulement le Gouvernement norvégien a invoqué la réserve française, mais encore (qu')il a toujours maintenu le deuxième motif de sa première exception qu'il n'a jamais abandonné.»

page 398 note 2 Sous réserve naturellement de l'article 59 du Statut de la Cour qui limite l'autorité de la chose jugée aux relations entre les parties et au cas qui aétédécidé, et dont, aux termes de l'arrêt de la Cour permanente de Justice internationale du 25 mai 1926 (Publications de la C. P. J.I., série A, n° 7, p. 19)Google Scholar, « (le) but est seulement d'éviter que des principes juridiques admis par la Cour dans une affaire déterminée, soient obligatoires pour d'autres Etats ou d'autres litiges». Le juge anglais admet (Recueil, p. 64)Google Scholar que même si la Cour avait dénié validité juridique à la réserve automatique française dans le cas d'espèce, rien n'empêcherait par exemple les Etats-Unis de rouvrir la discussion à ce sujet dans un procès postérieur dans lequel le Gouvernement américain aurait intérêt à se prévaloir soit, comme défendeur, de sa propre réserve automatique, soit, comme demandeur, de sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire, malgré la réserve automatique y attachée.

page 399 note 1 Il serait, évidemment, un sophisme de dire que même lorsqu'il s'agit de la clause automatique, c'est la Cour elle-même qui décide de sa compétence pour le motif qu'en tout cas c'est elle qui constate que les conditions de sa compétence ne sont pas remplies. Aussi, le juge anglais rejette-t-il cet argument à bon droit (Recueil, p. 47)Google Scholar: «This argument is of a verbal character. For in that case it is not the Court which makes the actual decision on the question of its jurisdiction. The decision is made by the defendant Government of Norway. The Court merely registers it. Moreover, the Court says so in its judgment. It states in effect that its task is confined to registering the decision of the defendant State — a decision which it is entitled to make by virtue of the operation of reciprocity.»

page 400 note 1 Pour ne pas trop allonger cet article, nous nous abstenons d'entrer dans une discussion de la thèse introductive de Lauterpacht, M. (Recueil, p. 56)Google Scholar selon laquelle la pratique internationale n'est pas assez abondante pour permettre d'essayer avec confiance une généralisation des principes relatifs aux effets que la nullité d'une clause déterminée figurant dans un instrument international comporte pour les autres clauses ou pour l'instrument en général, et selon laquelle on est, par conséquent, fondé à rechercher l'aide des principes généraux du droit élaborés en droit interne. Cette thèse renvoie tacitement au n° 3 de l'article 38(1) du Statut de la Cour et en donne une interprétation spéciale. Une discussion de cette thèse nécessiterait un article séparé et bien documenté. Les droits nationaux ont, certes, élaboré bien des principes généraux de droit interne qui valent dans son domaine propre. Cela n'est pas à dire, toutefois, que ces principes généraux de droit interne soient eo ipso et comme tels applicables aux rapports juridiques du droit des gens, pas plus que les principes généraux du droit civil national ne sont ipso jure applicables en droit constitutionnel ou pénal. Il y a bien des principes généraux de droit interne qui ne se prêtent aucunement à application entre Etats, vu la nature propre des rapports inter-étatiques, et s'ils leur sont applicables, ils le sont, non pas en tant que principes généraux de droit interne, mais comme des principes vraiment généraux de droit, se reflétant aussi dans le droit interne.

page 402 note 1 Au point de vue processuel on pourrait admettre une distinction entre les cas de mention expresse de l'exception relative aux matières relevant de la compétence nationale exclusive et ceux dans lesquels la déclaration facultative n'en dit mot. Dans le premier cas, le dispositif de l'arrêt contiendra sans doute une déclaration d'incompétence de la Cour, même lorsque l'arrêt est rendu après une jonction initiale de l'exception au fond, vu la connexité étroite existante entre les deux. Dans le dernier cas, il se pourrait que la Cour se déclare également incompétente pour le motif, par exemple, que le différend n'est pas d'ordre juridique; mais il est aussi possible que le dispositif prenne la forme d'une décision sur le fond constatant la liberté souveraine de l'Etat défendeur en la matière et, par conséquent, le mal-fondé de toute prétention de l'Etat demandeur de s'y ingérer.

page 403 note 1 Ce refus (en date du 4 mai 1955) se fondait sur l'argument de réciprocité, à savoir que la Grande-Bretagne elle-même avait écarté de la juridiction de la Cour les questions relevant de sa compétence exclusive. Cette motivation est à notre avis absolument insoutenable, parce qu'un différend de frontières ou autrement territorial ne peut jamais être considéré comme un différend relatif à une matière relevant de la compétence nationale exclusive de l'un des Etats en litige. Le Gouvernement britannique n'avait pas, d'ailleurs, réservé à lui-même le pouvoir d'appréciation souveraine.

page 403 note 2 Les discussions ont pivoté aussi autour de ces derniers concepts de bonne foi et d'abus de droit, introduits dans les débats judiciaires par le Gouvernement norvégien (comp. note 1 à la page 398 ci-dessus). Nous avons déjà mentionné dans cette note-là la conclusion qu'en tire M. Basdevant. M. Lauterpacht dénie à la Cour le pouvoir de mitiger le caractère péremptoire de la clause d'appréciation souveraine par un appel fait au principe général de droit que toute obligation s'entend comme conditionnée par l'obligation d'agir de bonne foi. « But it is abundantly clear from the evidence which is generally available that the authors of the « automatic reservation» have reserved for the Governments concerned the right to judge whether in invoking it in a particular case they have complied with the obligation to act in good faith. » (Recueil, p. 53).Google Scholar

page 403 note 3 Nous nous abstenons ici d'entrer plus avant dans la matière extrêmement controversée de « domestic jurisdiction», comme nous venons d'exposer nos vues à ce sujet dernièrement dans Scritti in onore di Tomasa Perassi, vol. II, p. 389 et ss. (1957)Google Scholar. Voir sur cette matière les discussions dans l'Institut de droit international (session d'Aix-en-Provence, 1954), Annuaire 1950, vol. 43, tome I, pp. 5–41; 1952, vol. 44, tome I, pp. 137–180; 1954, vol. 45, tome II, pp. 108–199, 292–293, 299–300.

page 404 note 1 Les deux autres motifs sont à bon droit rejetés. Il n'y a, en effet, aucun argument persuasif en faveur de la thèse selon laquelle la règle de l'épuisement nécessaire des recours internes se limiterait aux cas dans lesquels les plaignants individuels ont fixé leur résidence dans le ressort de l'Etat défendeur. Et l'autre thèse selon laquelle le droit du contrat serait le droit français et que les procès peuvent être jugés par les tribunaux français concerne un point de droit international privé qui ne touche pas directement à la règle de l'épuisement des recours internes dans le pays défendeur.

page 405 note 1 C'est ainsi que Lauterpacht, M. formule (Recueil, p. 41)Google Scholar la probable « appréhension» du Gouvernement français, tout en y ajoutant comme son opinion personnelle hésitante: « This is probably not so. A final adverse decision of Norwegian courts would still leave it possible to the French Government to contend that Norwegian legislation, as finally upheld by Norwegian courts, is contrary to international law.»

page 405 note 2 M. Lauterpacht reprend aussi la formule dans laquelle l'Agence française a couché sa défense relative au défaut par les porteurs français d'épuiser les recours internes (Conclusions finales françaises, sous A 4): « la preuve n'ayant pas été apportée [c'est à dire, dans la pensée de l'Agent français: la preuve de l'efficacité des recours locaux, à apporter par le Gouvernement norvégien] que ces recours pouvaient avoir effet utile. » Sur ce problème épineux de la répartition du fardeau de la preuve (le Gouvernement norvégien soutenant à son tour que le fardeau de la preuve de l'inefficacité des recours internes incombait à la France), le juge anglais commence (p. 39) par une observation générale, surprenante par son originalité au point de vue de langage: « There is, in general, a degree of unhelp-fulness in the argument concerning the burden of proof», mais il procède néanmoins à formuler certains principes sur la répartition prima facie du fardeau de la preuve que voici: “(1) As a rule, it is for the plaintiff State to prove that there are no effective remedies to which recourse can be had; (2) no such proof is required if there exists legislation which on the face of it deprives the private claimants of a remedy; (3) in that case it is for the defendant State to show that, notwithstanding the apparent absence of a remedy, its existence can nevertheless reasonably be assumed; (4) the degree of burden of proof thus to be adduced ought not to be so stringent as to render the proof unduly exacting” (Recueil, p. 39).Google Scholar

page 406 note 1 Curieuse spéculation juridique en face d'une loi nationale dont la vraie portée dans la pensée du Parlement tout comme dans celle du Gouvernement n'est même pas susceptible d'une ombre de doute.

page 406 note 2 Voir sur la fameuse règle les discussions dans l'Institut de droit international (session de Grenade, 1956) Annuaire 1954, vol. 45, tome I, pp. 5112Google Scholar; 1956, vol. 46, pp. 1–50, 265–316, 358, 364.