Hostname: page-component-cd9895bd7-p9bg8 Total loading time: 0 Render date: 2024-12-25T07:45:44.514Z Has data issue: false hasContentIssue false

L'ecphrasis de la parole d'apparat dans l'Electrum et le De domo de Lucien, et la représentation des deux styles d'une esthétique inspirée de Pindare et de Platon*

Published online by Cambridge University Press:  23 February 2012

Marie Marcelle Jeanine Laplace
Affiliation:
Université de Bretagne Occidentale

Extract

Poésie d'apparat et de célébration, la lyrique de Pindare s'identifie à la préciosité d'un métal ou d'une pierre, et à l'art somptueux de l'orfèvrerie ou de l'architecture. Rivalisant avec elle, l'éloquence d'apparat reprend et développe ces images à l'époque impériale, pour se représenter et exposer son esthétique, l'esthétique de la seconde sophistique, qui, inspirée de celle de Pindare et de Platon, unit la fable et la vérité de l'ailleurs, l'illusion et la sagesse divine.

Type
Notes
Copyright
Copyright © The Society for the Promotion of Hellenic Studies 1996

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

** Les éditions utilisées, ainsi que les traductions, éventuellement modifiées, sont le plus souvent celles de la Collection des Universités de France. Mais pour Platon, j'ai utilisé aussi les traductions de la Bibliothèque de la Pléiade. Et pour le Timée et le Critias, j'ai consulté la traduction de L. Brisson avec la collaboration de M. Patillon, G.F. Flammarion, Paris, 1992. Pour Lucien, les références sont à l'édition des Oxford Classical Texts. La traduction de l'Electrum est redevable à celle de E. Chambry, coll. Garnier. Celles du De domo de Lucien et du Peri Ideôn d'Hermogéne sont miennes.

1 Voir Isocr., Sur l'échange, 166, citant Pindare, et se comparant à lui pour ses éloges d'Athènes.

2 Pour l'influence de Pindare sur Platon: Ion, 534a-b; Ménon, 81b-c; et Duchemin, J., ‘Platon et l'héritage de la poésie’, in R.E.G. lxviii (1955) 1237.Google Scholar Voir aussi Aelius Aristide, Défense de la rhétorique, 109. Sur l'esthétique de la seconde sophistique héritière de l'art de Pindare et de Platon: Laplace, M.M.J., ‘Eloquence et navigation à l'époque impériale’, Actes du Xle congrès de l'Association Guillaume Budé (Paris 1985) t.I. 72–4.Google Scholar Pour l'importance des citations et références à Pindare chez Aelius Aristide, voir Hymnes à Athena, 6; à Zeus, 22; 25; à Dionysos, 6; Panégyrique au puits de l'Asclépiéion, 16; Lalia à Asclépios, 12; Isthmique à Poséidon, 25; Dithyrambe aux Athéniens, 25, 8.

3 C'est l'une des définitions du véritable art de l'éloquence dans le Phèdre, 269 c-d.

4 Voir Puech, A., Pindare. Néméennes, C.U.F. (Paris 1923) 48Google Scholar, sur les critiques auxquelles Pindare répond dans la strophe V de cette ode: ‘Ces critiques visaient sans doute le grand développement qu'il donne aux mythes’.

5 Pour ‘la fleur de lys soustraite à la rosée marine’, j'adopte l'interprétation du scholiaste retenue par A. Puech, op cit., 92 et 100.

6 Sans doute l'éclat de l'or dans la fable préférée par Pindare s'oppose-t-il à celui de l'ivoire dans l'autre fable, comme dans la représentation liminaire de l'hymne la splendeur de l'or contraste avec l'excellence de l'eau. D'autre part, le remplacement d'une fable impie par une fable respectueuse de la divinité est le fondement, de la Palinodie de Stésichore, dont le schéma est repris dans le Phédre.

7 Dans le Gallus de Lucien, le coq cite à Micylle les vers de Pindare, Olymp., I, 1–2, comme décrivant exactement son rêve de richesse (ch. 7), avant de lui en montrer la vanité (ch. 28–33). Pour Lucien, l'édition utilisée est celle de Macleod, M.D., Luciani opera, 4 tomes (Oxford 19721987).Google Scholar

8 lsocr., Contre les sophistes, 1, 16, 19, 21–22; Eloge d'Hélén e, 1; Busiris, 4 (le terme dont Isocrate caractérise Polycratés est celui que Lucien refuse pour lui-même, Sur l'échange, 274.

9 Panégyr., 189.

10 Voir aussi Evagoras 8, 11; Sur l'échange, 46–48.

11 Pernot, L., ‘Théorie et pratique de l'hymne en prose chez Aelius Aristide’, in Actes de XIe Congrès de l'Ass G. Budé, t. II, 1985, 87.Google Scholar

12 Pour la représentation, par Lucien, de sa dette envers Platon, philosophe et poète en prose (inspiré par Pindare): Piscaior, 5–7. Sur les références de Lucien à Platon: Bompaire, J., Lucien écrivain. Imitation et création (Paris 1958) 143–44, 146, 149, 304–05, 307–14Google Scholar; Anderson, G., Theme and variation in the second sophistic (Leyde 1976) 68, 25, 29, 121–22, 155–56, 184.Google Scholar Pour la conscience que les critiques anciens avaient de la volonté de Platon de rivaliser avec Homère: Denys d'Halicarnasse, Op. rhét., XI, 1, 12–13; -Longin, Ps., Sur le sublime, XII, 34.Google Scholar

13 Pour la représentation à travers cette ‘navigation’ de l'esthétique de la second sophistique alliant Part et l'inspiration divine; M.M.J. Laplace, loc. cit., in Actes du Xle Congrès de l'Ass. G. Budé, t.II, 73.

14 Voir M.M.J. Laplace, loc. cit., ibid. En outre, selon l'habitude de Socrate (Aristoph., Nuées, 103, 363; Plat., Banq., 174a, 220b Phédr., 229a), Adimante va ‘nu-pieds’ (Naw. 1). Comme Socrate (Aristoph., Nuees, 362; Plat. Banq., 220b), Adimante est reconnaissable à sa démarche et à son manteau (Nav., 10). Et son amour pour les jeunes gens (Nov., 2, 18–19, 22) n'est pas moins célèbre que celui de Socrate (Plat., Banq., 216d, 222b–223a; Phèdr., 227c).

15 Dans les Nuées d'Aristophane, les termes et déignent Socrate et son séjour (v. 4, 101, 128, 142, 181, 414, 456). Voir aussi Plat., Apol., 18b, et, dans le Banquet, Socrate, invité d'Agathon, faussant compagnie à Aristodéme pour s'abstraire dans sa réflexion comme dans ‘un songe’ (Banq., 175e): Adimante, pendant la visile du navire de commerce, s'égare et perd ses amis (Nav., 1–4), qui le retrouvent, perdu dans son souhait (Nav., 11). D'autre part, chez Platon, c'est un cliché que les fables sont destinées aux enfants: Prot., 320c; Rép., II, 377a-c; Polit., 268e; Tim., 23b; Crit., 112e. Voir aussi Apol., 17c, Socrate se refusant à se présenter ‘comme un enfant inventant des histoires’.

16 Ces thèmes sont explicités dans I'Hermotimus: ‘Tu me parais ressembler à quelqu’ un qui… accuserait la fortune de ne pas pouvoir monter au ciel, dit Lykinos à Hermotime … La cause du chagrin, c'est d'avoir espéré … ou, si I'on … s'est façconné à soi-même un pareil songe … de souhaiter sa réalisation … II en va de même pour ceux qui, en se façonnant à eux--mêmes la vaine félicité … ont tous les honheurs que prodigue cette divinité qu'est le Souhait ()’ (ch. 71).

17 Voir aussi, dans la République, ‘la fable’ des guerriers autochtones, cette ‘fiction phénicienne’, dit Socrate, ‘dont parlent les poètes, et dont ils nous ont persuadés, mais qui n'existe pas de notre temps, et dont je ne sais pas non plus s'il est possible qu'elle existe, à moins d'une patiente persuasion pour nous en persuader!’ (Rép., III, 414c-d). La présentation de cette fable est semblable: ‘Comme tu as Pair d'hésiter à en parler, dit Glaucon—Quand j'aurai parlé, repartit Socrate, tuseras d'avis que, si j'hésite, c'est tout à fait à bon droit!—Parleet n'aie pas peur!’ reprend Glaucon (Rép., ill, 414c). Dans le Navigium, Adimante, après avoir été moqué par Lykinos, s'adonne à nouveau au plasir onirique du souhait, en le partageant avec Timolaos et Samippe au long d'une promenade (ch. 16) qui rappelle celle des personnages des Lois de Platon.

18 L'hésitation à s'exprimer est aussi manifestéd par l'Athénien des Lois avant d'exposer ses conceptions sur l'éducation mathématique (Lois, VII, 818e-819a). Et la fausse hésitation est le préamble traditionnel des fables philosophiques inspirées de Platon, chez Plutarque (De sera 18, 516B; De defect. orac., 21, 420E-421A), et chez Aelius Aristide (Def. rhét., 394).

19 L'analogie entre le narrateur de l'Electrum et le Socrate de Platon, dont il est la figure inversée, est confirmée par sa seconde désillusion. A défaut d'avoir recueilli de l'ambre, Lucien espère entendre sur les rives de l'Eridan les cygnes dont on dit que, ‘parèdres d'Apollon’, ils font entendre un chant mélodieux: voir Phédon, 84e-85a. Mais les bâteliers se rient à nouveau du Lucien: ‘Des cygnes qui aient un chant plaisant et tel que tu dis, nous n'en avons même pas entendu en songe ’ (ch. 5).

20 Lucien, écrivain de la second sophistique, s'oppose aux premiers sophistes, tels que les représente Platon, Soph., 239c-240a: l'art du sophiste est appelé ‘l'art des figures imaginaires’, , et le sophiste est nommé ‘créateur de ‘simulacres’, , comme ‘les simulacres qui apparaissent sur les eaux et les miroirs’.

21 Pour cette méthode de connaissance exacte, voir le Pro imaginibus, 12, cité par G. Anderson, op cit., 122, qui considère justement cette opposition entre les deux visions, proche et lointaine, comme une variante du renversement de la représentation platonicienne des discours de Socrate, ridicules d'apparence, mais renfermant des images divines (Bang., 221d-222a), dont il cite un exemple (ibid.) en Lexiphanes, 22. Un autre exemple est fourni par Gallus, 24.

22 L'image de l'eau a sans doute été influencée par la représentation traditionnelle de la parole comme flux, depuis Homére (Il., I, 249), Hésiode (Théog., 39–40, 95–6), Pindare (Nem., VII, 12, 62–3; Péan aux Delphiens, 128–29). L'image est fréquente chez Platon (Rép., VI, 492c; Lois., VI, 719c). Elle sert aussi à la critique littéraire. Dans le traité Du sublime, les écrivains sont identifies soit à de petits cours d'eau ‘transparents’, soit à de grands fleuves, et même à l'Océan (35, 4). Du style ‘simple’ de Platon, Denys d'Halic. écrit qu'il est ‘transparent comme le plus limpide des ruisseaux’ (Op. rhét., V, 5, 2 = XI, 2, 1), en évoquant la ‘limpidite’ des eaux de l'Illisos (Phèdr., 229b: ). Voir aussi Op. rhét., VI, 23, 2 et 20. II représente, au contraire, le ‘style élevé’ de Platon comme le ‘déploiement d'une vaine richesse de mots )’ (Op. rhét., V, 5,5 – XI, 2, 1).

23 C'est un mode d'amplification. Platon en attribue le principe à Tisias et à Gorgias: (Phédr., 267a). Isocrate considére que c'est l'une des manifestations du pouvoir de la parole; (Panég., 8). Et cette affirmation est pour l'auteur de traité Du sublime une preuve de la volonté d'Isocrate de ‘tout amplifier par la parole’ (32, 2).

24 Voir De domo, 3, 9, et Od., IV, 43–47, 72–75 Il., III, 421–23.

25 Voir De domo, 4, Lucien expliquant pourquoi, à son avis, la magnificence de la demeure exalte la pensée et éveille l'éloquence: ‘Peut-être que de la beauté s'infuse (εἰσρεî) parles yeux jusque dans l'âme, et qu'en parure elle se renvoie à elle-même le langage’ et Phèdr., 251b-c.

26 Op. rhéet., V, 5, 2–3 = XI, 2, 1.

27 Op. rhét., V, 5, 4–6, 2 = XI, 2, 1; VI, 18, 14 (les erreurs de Platon sont dans le choix des mots). La beauté de la demeure pousse Lucien à retrouver quelque chose de la puissance de I'inspiration et du style de Platon dans le Phèdre, au lieu de s'en exaspérer comme Denys d'Halicarnasse, qui lui reproche le ‘manque de mesure de son élan vers le beau langage’ (Op. rhét., V, 5, 4 = XI, 2, 1) (de même XI 2, 2); voir Phèdr., 279a, Socrate regrettant qu'Isocrate n'ait pas été conduit par ‘un élan tout divin Comme, dans le Phèdre, Socrate prononcant deux discours sur I'amour, blâmable, puis digne d'éloge, Lucien oppose deux discours sur le spectacle de la beauté, propre à stimuler ou à paralyser la parole. Ce ‘second discours’, personnifié, est présenté par Lucien avec un détachement analogue au refus de Socrate d'assumer la paternité de son premier discours en I'attribuant à Phèdre (Phèdr., 242d-e, 257b): , dit Lucien (ch. 15) de ce discours, qu'il nomme ensuite (ch. 17) (de même ch. 32). Et de même que Socrate intègre dans I'hymne à l'Amour, pour en montrer la défaite, une représentation de l'outrance du désir (Phedr., 253d–254e), dont son premier discours racontait la domination et les méfaits, Lucien intègre à son discours d'éloge le discours qui en nie la possibilité (ch. 14–20), pour faire ressortir l'audace de son entreprise (ch. 21), et accroître son renom d'orateur aupres de ses auditeurs (ch. 32). Mais chez Lucien, l'opposition entre les deux discours, sous la fiction du débat judiciare (ch. 15, 32), apparaît comme un débat intérieur à l'orateur entre l'exaltation devant la beauté (ch. 4) et la peur de prononcer un eloge qui lui soil inferieur (ch. 7). Et c'est aussi un débat sur les pouvoirs respectifs du spectacle et de la parole. Or le ‘second discours’ est présenté dans le cadre judiciaire où étaient prononcés les discours du logographe Lysias; le témoin qu'il cite, Hérodote, est loué pars Denys d'Halicarnasse pour les mêmes ‘grâces’ du style, naturelles et simples (Op. rhét., VI, 3, 13–18) que Lysias (Op. rhét., il, 10, 3–12); et Denys d'Halicarnasse rapporte, en exemple, le passage de l'histoire de Candaule et de Gygès d'où est tirée la formule citée par le ‘second discours’ de Lucien sur le crédit plus grand accordé aux yeux qu'aux oreilles (Hdt., I, 8 = D.H., Op. rhét., VI, 3, 15 = Lucien, De domo, 20) (ainsi se comprend ce que G. Anderson, op cit., 182, nomme ‘Herodotus’ surprise appearance'). Le discours prédominant de Lucien apparaît done comme une défense et illustration du style des discours qui, dans le Phèdre, sont opposés au discours de Lysias (voir Phédr., 257a: l'ironie de Socrate sur le préetendu caractère poétique du discours de Lysias). J. Bompaire, op cit., étudiant les auteurs modèles de Lucien, remarque (145) qu'il ne fait ‘aucun éloge de Lysias’.

28 Op. rhét., VI, 22, 11.

29 De même, dans le roman d'Achille Tatius, Clitophon voulant séeduire Leucippé par un discours ‘panégyrique’ composé de fables à l'éloge du pouvoir de l'Amour (1, 17–18) se comporte comme le paon qui, sur la prairie du pare, ‘déploie la prairie’ fleurie ‘de son plumage’ devant la paonne (1, 16); et Leucippé répond à ce discours en chantant des images de la poésie épique et lyrique (II, 1): Leplace, M.M.J., Recherches sur le roman d'Achille Tatios. Leucippé et Clitophon, thése de doctorat d'État dactyl., Paris-X, 1988, t.II, 216–32.Google Scholar

30 Voir De domo, 1: Pour l'emploi de ce terme dans la critique stylistique: Denys d'Hali carnasse, Op. rhét., V, 18, 7; VI, 22, 6; De audiendo, 8 (les effets ‘dramatiques et panégyriques’ des sophistes, pareils à ceux du théâtre et de la lyrique, sont opposés au style de Lysias, ch. 9). Voir aussi l'emploi de (Théon. Progymn., 11 - II, 119, 31–120 Sp.).

31 Bien, que, en Pisc., 5, I'interlocuteur de Parrhésiadés soit ‘le philosophe’ selon tous les Mss, et en Pisc., 7 ‘le philosophe’ ou ‘les philosophes’ selon les Mss les plus anciens, et ‘Platon’ seulement dans les Mss plus recents (voir éd. de Macleod), si la leçon des recentiores ne transmet pas le texte originel, elle en explicite du moins le sens.

32 Voir Plat., Ion, 534a-b.

33 Cette exigence est formulée dès le début: De domo, 2.

34 J. Bompaire, op. cit., 718–19, comparant è l'ecphrasis du paon dans l'Olympicos de Dion de Pruse celle du De domo de Lucien, écrit: ‘Vraie symphonie de couleurs et de reflets, qu'on ne retrouve pas chez les autres écrivains’. Voir aussi Andò, V., Luciano critico d'arte (Palerme 1975) 63–4.Google Scholar

35 Comme le terme (voir infra., n 37), les termes appartiennent à la fois au vocabulaire des arts plastiques et à celui de la critique littéraire. Pour voir Denys d'Halicarnasse, Op. rhét., IV, 4, 1–2, VI, 24, 11 (avec énumération de différentes ‘couleurs’ du style de Thucydide); VII, 42, 4 (voir aussi Lucien, Quom. hist, conscr., 23: Pour voir Denys d'Halicarnasse, Op. rhét., VI, 8, 1, 19, 13; et Aujac, G., Denys d'Halicarnasse. La composition stylistique C.U.F. (Paris 1981) 86 n.1 et 165 n. 2.Google Scholar Sur ‘le nom, imitation comme la peinture’, mais s'addressant à l'ouïe, tandis que la peinture s'addresse à la vue, et sur la comparaison entre les images représentées par les noms et les phrases du discours au moyen de lettres et les images peintes produites par ‘des couleurs et des formes Plat., Crat., 430e–431c.

36 Voir supra, 2–3.

37 Cette définition est une variante de la formule attribuée à Simonide, que Plutarque rappelle après avoir indiqué ‘que la parole est un art d'imitation … qui fait, pendant à la peinture … La poésie est une peinture parlante, et la peinture une poésie silencieuse’ (De aud. poet., 3, I7E-F) (voir aussi Plut., De ad. et am., 588; Quaest. conn., 748A; De glor. Ath., 346F). Cette formule, dont Plutarque écrit qu'elle était ‘rebattue’ (De aud. poet., 17F), est l'une des bases structurelles des romans de Longus, Achille Tatius et Héliodore. Longus présente son écrit comme le pendant d'une belle image peinte, qui attire les spectateurs: (Prooem., 1). Chez Achille Tatius, où le récit de Clitophon fait pendant á la description du tableau de l'enlèvement d'Europe (1, 1, 1–3, 1), I'allusion à la formule apparaît, à l'intérieur du récit de Clitophon, quand est repris le schéma d'un récit corrélatif d'une description de peinture (V, 3, 4–5, 9). Mais cette peinture, qui est celle du ‘viol de Philoméle … et de la mutilation de sa langue’ par Térée (V, 3, 4), et qui montre le voile brodé par Philoméle (V, 3, 5–7: ), représente l'envers du schéma initial (et de sa signification d'une fin heureuse): explique Clitophon à Leucippé (V, 5, 4). Selon un agencement différent, Héliodore offre aussi trois modalités, intérieures l'une à l'autre, de l'équivalence entre art graphique et récit. L'histoire de Chariclée et de Théagéne est conforme à la fable peinte d'Androméde et de Persée, mais ce tableau est décrit sur une bande brodee par la mère de Chariclée. Persinna (IV, 8, 3–5); et le dénouement heureux de l'histoire de Chariclée permet que les inscriptions brodées sur la bande avec cette description (IV, 8, 8: ne restent pas ‘muettes’: a écrit Persinna (IV, 8, 8). En outre, le récit par Calasiris des aventures de Chariclée et de Théagène équivaut à une bague au chaton d'améthyste gravée.

38 Sur le caractére ‘poétique’ de la ‘comparaison’ dans le langage: Aristote. Rhet., III, 4, 1406b, 20–25; III, 10, 1410b, 16. Pour l'analogie entre l'image mythologique et l'image peinte: (Plat., Rép., II, 377e). Pour l'analogie entre les différentes variétés de stylistique et les différents mélanges de couleurs utilisés par les peintres: Denys d'Halicarnasse, Op.rhet., VI, 21, 1–2; entre l'interaction dans le discours du sublime et du pathéique et des figures et la répartition de la lumière et de l'ombre dans un tableau: Du sublime, 17, 2–3; entre l'emploi de la fable mythologique dans un récit et l'emploi de la couleur en peinture: Plut., De aud. poet., 2, 94B. J. Bompaire, op cit., 715–17, montre comment Lucien fait percevoir le dessin des fresques; et V. Andò, op cit., 63, souligne les notations de couleur.

39 Phèdr., 265c:

40 Op. rhét., V, 7, 7: ‘Là, il n'y a nulle allégorie, comme chez Platon’, conclut Denys d'Halicarnasse, en oubliant les nombreuses images, métaphores et comparaisons, de la poésie de Pindare.

41 En fait, Platon désigne successivement cette image par la notion d' (Phédr., 246a) et par le terme (Phèdr., 253c); voir Théon, Progymn., 3 = II, 72, 27 Sp:

42 La critique est reprise dans les Lois, IX, 876b, mais sans l'image de l'écho.

43 La formule combine, semble-t-il, à la référence au discours Sur l'échange d'lsocrate comparé à une oeuvre plastique, statue ou peinture (ch. 2), et désigné ‘comme une image () de la pensée et de la vie’ d'lsocrate (ch. 7), le souvenir de l'ordre reçu en reve par Socrate: (Plat., Phéd., 60e). Et l'évocation élogieuse de l'échoest inspirée d'Homéere: (Od.,IV,72) (De domo, 16).

44 Cité supra, p. 163; voir aussi De domo, 4 (cité supra, n. 25) et 13: le langage est la parure de la beauté visuelle.

45 Voir Plat., Critias, 116d: chez les Atlantes, le temple élevéde Poséidon possède la mesure et l'harmonie des dimensions ‘mais il a une sorte de beauté barbare’.

46 Denys d'Halic, Op. rhét., XI, 1–14 indique que sa méthode de critique littéraire, fondée sur la comparaison, est imitée du Phèdre. De même, Plutarque recommande, pour juger un conférencier, la méthode de la comparaison, en citant pour modèle Platon dans le Phèdre (De aud., 5, 40D-E).

47 ‘Le second discours’, qui interrompt le discours d'ecphrasis (ch. 14), et lui cède ensuite la parole (ch. 21), le dote par antiphrase d'un pouvoir d'attraction magique ou divin enévoquant, à la manière de Platon dans l'lon (533b-c), Démodocos, Phémios, Thamyris, Amphion et Orphée, seuls capables, àson avis, de distraire la pensée d'un tel spectacle (ch. 18), puis en opposant à la beauté pétrifiante des Gorgones le charme enjôleur des mélodies des Sirénes (ch. 19). Mais, au lieu de prétendre contrarier l'attrait exercé par la beauté, le discours d'ecphrasis se propose d'en ‘redoubler’ le plasir et le pouvoir d'attraction (ch. 10: ch.21:), à moins qu'inversement, les auditeurs, partisans du ‘second discours’, ne décident d'écouter la parole d'ecphrasis ‘en fermant les yeux’ (ch. 32).

48 Denys d'Halicarnasse cite la formule de Pindare (fr. 159 Maehler) ‘le temps, meilleur sauveur des justes’, pour se féliciter de l'honneur retrouvé de ‘I'antique et chaste rhétorique’, originaire d'Attique, dont Lysias est le parangon, et du discrédit de l'autre, la rhŕ;torique venue d'Asie, ‘jeune et insensée’ (Op. rhét., I, 2, 1–2), dont Gorgias fait entendre des sons ‘bien proches du dithyrambe’ (Op. rhét., II, 3, 4), comme Platon qui avoue ce défaut (Op. rhét., V, 6, 3–5; 7, 5–7). Prés de deux siècles plus tard, Lucien de Samosate se représente, dans le De domo, pareil à Pindare, poète du Dithyrambe pour les Athéniens (voir supra, p. 161).

49 Racontant la panégyrie de Delphes, Calasiris dit, que ‘l’oeil dédaignait de voir, tant l'ouïe était charmée’, que les spectateurs étaient ‘comme attirés par l'écho du chant’ des jeunes filles thessaliennes, mais que l'apparition des éphèbes à cheval ‘démontra qu'un beau spectacle l'emporte sur toute audition’ (III, 3, 1). Pourtant, en Egypte, loin de Delphes, Calasiris réussit, par sa description, à rendre cette panégyrie présente pour Cnémon, et à réaliser ainsi le projet que Lucien exprime à la fin du De domo (ch. 32; voir supra, n. 47), en souhaitant que ses auditeurs ferment les yeux pour l'écouter. En effet, Cnémon trouve le récit de Calasiris ‘captivant’ comme le chant des Sirénes: (V, 1, 4). Pour l'éloquence de Calasiris reflet de celle d'Héliodore: Laplace, M.M.J., ‘Les Éthiopiques d'Héliodore, ou la genése d'un panégyrique de l'Amour’, in R.E.A. xciv (1992) 200–1, 226–28.Google Scholar Voir aussi Thyamis persuadé par les paroles trompeuses de Chariclée: (I, 23 2).