On oppose d'ordinaire les propriétés des préfixes et des suffixes dans les langues indo-européennes en termes de différence de capacité catégorisatrice: contrairement aux suffixes, les préfixes sont réputés ne pas permettre de construire des unités appartenant à des catégories lexicales différentes de celle de leur base; en conséquence, ils n'auraient qu'un rôle sémantique dans les mots construits. On conviendra d'appeler conception dominante cette mise en corrélation de la capacité catégorisatrice des affixes et de leur nature positionnelle. Cette idée reçue se répète à l'envi dans les grammaires, ouvrages de vulgarisation, dictionnaires ou travaux plus théoriques. Sous sa forme dure, elle distingue strictement les deux classes, baptisant “exceptions” les affixes récalcitrants (cf., par exemple, en grammaire générative, Williams, 1981, père du principe de la “tête à droite” selon laquelle, à l'image de ce qui se passe en syntaxe, le constituant de droite (base, ou suffixe assimilé à une catégorie majeure) transmettrait notamment sa catégorie aux mots construits); dans une version plus douce, elle admet que la différence puisse ne pas être aussi tranchée, ce qui se traduit, en grammaire générative, par des tentatives de substitution au principe rigide de la “tête à droite” de principes plus relatifs, mais qui ne changent au fond pas grand chose.