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La genèse de la protection juridique des biens culturels en cas de conflit armé

Published online by Cambridge University Press:  27 April 2010

Abstract

Countless historic monuments, works of art and places of worship have been destroyed in recent conflicts, despite the fact that cultural property, as part of the cultural heritage of all mankind, is protected by the Hague Convention for the Protection of Cultural Property in the Event of Armed Conflict of 14 May 1954 — the fiftieth anniversary of which is being celebrated this year — and by other provisions of international humanitarian law, in particular Articles 53 and 16 respectively of Protocols I and II additional to the Geneva Conventions. his article retraces the origin and development of the main rules of international law adopted to safeguard cultural property in the event of armed conflict, and shows their place in the context of international humanitarian law.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © International Committee of the Red Cross 2004

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References

1 Située sur un éperon rocheux dominant le confluent des rivières Liri et Rapido, la célèbre abbaye fondée en 529 par saint Benoît de Nursie se trouvait au cœur du dispositif défensif allemand permettant de bloquer la progression des forces alliées en direction de Rome. À partir du 18 Janvier 1944, les Alliés livrèrent plusieurs batailles en vue de forcer le passage et se heurtèrent à une résistance acharnée de la Wehrmacht. Convaincus que les Allernands s'étaient retranchés dans le monastère, les Alliés se résolurent à le bombarder et leur aviation le réduisit en ruines le 15 février. Les Allemands occupèrent les ruines et les transformèrent en centre de résistance. De fait, ce n'est que le 18 mai 1944 que les Alliés parvinrent è forcer le passage. Les moines avaient été évacués avant les bombardements. Quant aux précieuses collections de livres et de manuscrits, elles avaient été mises à l'abri avant la bataille et furent ainsi préservées. Après la guerre, le monastère fut reconstruit avec l'aide des États-Unis.

2 Sous prétexte de supprimer tous les vestiges de l'idolātrie, le mullah Muhammad Omar, leader spirituel du régime théocratique des talibans, au pouvoir en Afghanistan depuis septembre 1996, publia le 26 février 2001 un décret ordonnant de détruire toutes les statues pré-islamiques, y compris les deux statues colossales du Bouddha creusées dans une falaise de calcaire près de Bamiyan. En dépit d'un concert de protestations, les deux statues furent anéanties le 8 mars 2001 (Keesing's Record of World Events, février et mars 2001, pp. 44003 et 44053).

3 Ainsi, le régime nazi ordonna la destruction systématique des synagogues, écoles et centres culturels juifs, cimetières et autres monuments attestant de la présence du judaisme sur le territoire du Reich et dans la plus grande partie de l'Europe occupée. Les ceuvres d'auteurs ou d'artistes Juifs furent retirées des bibliothèques et des musées pour être détruites. À Prague seulement, les synagogues, le cimetière juif et l'hôtel de ville de Josephov furent épargnés, les Nazis ayant imaginé, par un surcroît de cynisme, de préserver ce patrimoine pour en faire un «musée de la race juive éteinte», qui attesterait, par contraste, du caractere systématique de l'entreprise d'extermination et d'éradication du judaïsme conduite d'un bout à l'autre de l'Europe.

4 Ducrey, Pierre, Le traitement des prisonniers de guerre dans la Grèce antique, des origines à la conquête romaine, Éditions E. de Boccard, Paris, 1968, pp. 295300Google Scholar.

5 Coursier, Henry, «Étude sur la formation du droit humanitaire», Revue internationate de la Croix-Rouge, Vol. 33, No389, décembre 1951, pp. 370389CrossRefGoogle Scholar; No 391, juillet 1951, pp. 558–578; No 396, décembre 1951, pp. 937–968, ad pp. 377 et 562.

6 Citation originale dans chaybani, siyar, commenté par Sarakshi, Vol. I, Éditions A. A. Al-Munajjid, Institut des manuscrits de la Ligue des États arabes, Le Caire, 1971, pp. 43 et suivantes.

7 Yakoub, Abou Yousof, Le Livre de l'impôt fonder, Geuthner, Paris, p. 74Google Scholar (cité dans Zemmali, Ameur, Combattants et prisonniers de guerre en droit islamique et en droit international humanitaire. Éditions Pedone, A., Paris, 1997, p. 109Google Scholar). Nous sommes très reconnaissant à notre collègue Zidane Meriboute qui a bien voulu nous donner de précieuses indications sur la protection des biens culturels en droit musulman.

8 Pour une présentation générale du droit des conflits armés dans l'lnde ancienne, on pourra notamment se référer aux ouvrages suivants: Bhatia, H. S., International Law and Practice in Ancient India, 1977Google Scholar; Chatterjee, Hiralal, International Law and Inter-state Relations in Ancient India, 1958Google Scholar; Mani, V.S., «International humanitarian law: an Indo-Asian perspective», Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 83, No841, mars 2001, pp. 5976Google Scholar; Singh, Nagendra, India and International Law, Vol. 1, 1973Google Scholar; Viswanatha, S. V., International Law in Ancient India, 1925Google Scholar. On pourra également se reporter à « War in ancient India » in A Tribute to Hinduism – disponible sur: http://www.atributetohinduism.com/War_in_Ancient-lndia.htm (104 pages, visité le 23 avril 2004).

9 Penna, Lakshmi R., «Conduite de la guerre et traitement réservé aux victimes des conflits armés: règles écrites ou coutumières en usage dans l'lnde ancienne», Revue Internationale de la Croix-Rouge, Vol. 71, No778, juillet-août 1989, pp. 346363CrossRefGoogle Scholar. Les Upanishads sont une des sources du droit hindou. C'est un recueil védique de 112 écrits spéculatifs et mystiques. Ce recueil est notamment connu, d'une part pour sa doctrine du brahman, l'ultime et universelle réalité de la pureté de l'être et de la conscience et, d'autre part, pour l'idée qu'en realisant l'équation entre le brahman et l'âtman (I'être profond ou l'âme) l'homme transcende la joie, la peine, la vie et la mort, et se libère totalement de la nécessité de la réincarnation.

10 Mégasthènes, l'ambassadeur grec que Seleucos Nicator dépêcha è la cour de l'empereur Chandragupta Maurya à Pataliputra, relevait: «Tandis que les autres nations ont coutume, quand la guerre fait rage, de dévaster les terres et de rendre impossible toute culture, chez les Indiens au contraire, même au plus fort d'une bataille se déroulant dans le voisinage, tout sentiment de péril est épargné à ceux qui travaillent la terre, les agriculteurs appartenant à une classe sacrée et inviolable. Les adversaires qui s'affrontent se livrent entre eux à un véritable carnage, tout en permettant aux agriculteurs de continuer à travailler en paix. En outre, jamais les Indiens n'incendient le territoire d'un ennemi, ni n'en abattent les arbres.» Cité par Penna, op. cit. (note 9), pp. 352–353, qui renvoie à McCrindle, J. W., Ancient India as described by Megasthenes, 1926, p. 33Google Scholar.

11 Singh, op. cit. (note 8), pp. 72 ss.

12 Penna, op. cit. (note 9), pp. 348–349. Les Pouranas, sont un recueil de légendes et de préceptes religieux, qui constituent une autre source de droit hindou.

13 Nous sommes très reconnaissant au professeur Lakshmikanth Rao Penna, professeur è l'Université nationale de Singapour, qui a bien voulu nous donner de précieuses indications sur le droit applicable à la protection des biens culturels dans l'lnde ancienne.

14 Nous sommes reconnaissant au Professeur Jun-ichi Kato, Professeur-associé de l'Université Seijoh, qui a bien voulu nous transmettre des renseignements par les bons offices de M. Kentaro Nagazumi, Directeuradjoint de la Division de la planification et de la coordination au département des relations internationales de la Croix-Rouge japonaise. Que tous deux en soient remerciés.

15 Rousseau, Jean-Jacques, Du Contrat social, livre I, chapitre IV, Éditions Gamier, , Paris, 1962, pp. 240241Google Scholar (première édition: 1762).

16 Article 23 (g) du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexe à la Convention (IV) de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre du 18 octobre 1907 (ciaprès « Règlement de La Haye»).

17 Article 25 du Règlement de La Haye.

18 Article 28 du Règlement de La Haye.

19 Règies concernant le contrôle de la radiotélégraphie en temps de guerre et la guerre aérienne, fixées par la Commission des juristes chargée d'étudier et de faire rapport sur la révision des lois de la guerre, réunie à La Haye du 11 décembre 1922 au 19 février 1923, publiées dans la Revue générate de droit international public, Vol. 30, 1923, Documents, pp. 19.Google Scholar

20 Articles 35 à 67 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 aout 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I); articles 13 à 17 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II).

21 Le Groupe d'experts intergouvernemental pour la protection des victimes de la guerre, réuni a Genève du 23 au 27 Janvier 1995, recommanda que le CICR soit invité à préparer, avec l'assistance d'experts du droit international humanitaire représentant les diverses régions géographiques et les differents systèmes juridiques, un rapport sur les règies coutumières du droit humanitaire applicables aux conflits armés internationaux et non internationaux. La XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, réunie à Genève en décembre 1995, endossa cette recommandation. Quelque 50 experts ont contribué à l'étude en conduisant des recherches étendues en vue d'identifier la pratique des États et celle des belligérants lors de conflits internationaux ou non internationaux. Les recherches ont porté sur la pratique de 48 pays, ainsi que sur 39 conflits. Le rapport du CICR est actuellement en voie de finalisation.

22 de Vattel, Emer, Le Droit des Gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des Nations et des Souverains, Vol. II, livre III, chapitre IX, Institut Henry Dunant, Genève, 1983, p. 139Google Scholar (première édition: 1758).

23 Stanislas-Edward Nahlik, «Protection des biens culturels», dans Les dimensions internationales du droit humanitaire, UNESCO et Librairie Pedone/lnstitut Henry-Dunant, Paris/Genève, pp. 238–249, ad p. 238, qui cite G. F. de Martens, Nouveau Recueil de Traités, Vol. II, pp. 632 ss.

24 Article 27 du Règlement de La Haye.

25 Article 56.

26 Cet article ne mentionne pas l'interdiction de piller des biens culturels. II n'y a pas lieu de s'en étonner. En effet, le Protocole additionnel complète les Conventions de Genève. Or l'article 33 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 (IVe Convention) dispose déjà que «Le pillage est interdit». Cette disposition s'applique à l'ensemble des biens civils, y compris les biens culturels.

27 Statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome le 17 juillet 1998, articles 8 (2) (b) (ix) et 8 (2) (e) (iv), Revue Internationale de la Croix-Rouge, Vol. 80, No 832, décembre 1998, pp. 734 et 737. L'interdiction vise aussi bien les actes commis à l'occasion de conflits armés internationaux que les actes commis à l'occasion de conflits armés non internationaux.

28 Articles 21, 22 et 23 de la Convention de 1954. La Puissance protectrice est un État neutre auquel un État belligérant a confié la protection de ses intérêts et celle de ses ressortissants au pouvoir de la partie adverse.

29 Conseil des Délégués, Genève, 11–14 novembre 2001, La protection des biens culturels en cas de conflit armé, document établi par la Croix-Rouge britannique et la Croix-Rouge allemande en consultation avec le Comité international de la Croix-Rouge et la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, septembre 2001; Conseil des Délégués, Genève, 11–14 novembre 2001, résolution 11: « Protection des biens culturels en cas de conflit armé», Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 84, No 845, mars 2002, pp. 284–285. Le Conseil des Délégués du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge réunit les représentants des Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, du Comité international de la Croix-Rouge et de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. II se réunit en principe tous les deux ans et permet à ses membres de débattre des questions qui concernent le Mouvement dans son ensemble.

30 Wilhelm, René-Jean, « La Croix-Rouge des Monuments », Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 36, No430, octobre 1954, pp. 793815.CrossRefGoogle Scholar