Hostname: page-component-78c5997874-m6dg7 Total loading time: 0 Render date: 2024-11-03T02:00:34.944Z Has data issue: false hasContentIssue false

Village et forêt dans l'idéologie de l'Inde brâhmanique

Published online by Cambridge University Press:  28 July 2009

Get access

Extract

Lesacrifice royal de l'aśvamedha (I), tel que les textes védiques nous le font connaître, comporte l'étrange cérémonie que voici: le cheval que l'on s'apprête à immoler est attaché, comme il est de règie pour les sacrifices sanglants, à un poteau sacrificiel (yūpa); mais il n'est pas, en l'occurrence, la seule victime. De part et d'autre du poteau central, d'autres poteaux sont dressés, auxquels sont attachés d'autres animaux, destinés aussi à être immolés. La liste de ces victimes annexes est variable; mais toujours il doit s'agir d'animaux «villageois» (grāmya). Or à ces victimes «villageoises », effectivement mises a mort, s'ajoutent des quasi-victimes, qui se distinguent des victimes réelles par trois traits: ce sont des animaux « forestiers » (āranya); on les maintient dans les intervalles (āroka) entre les poteaux; enfin de compte, on ne les immole pas, mais on les relâche, et un des textes donne cette explication: c'est pour qu'ils ne subissent point de violence (ahimsāyai). La liste des quasi-victimes, variable, elle aussi, comprend nécessairement l'homme (2).

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Archives Européenes de Sociology 1976

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

(1) L'aśvamedha, « sacrifice du cheval », Duest célébré par le roi victorieux qui entend confirmer et proclamer sa souveraineté. Ce rite très complexe dure toute une année avant d'être mis à mort, le cheval, qui «représente» tout à la fois Prajāpati le créateur, le sacrifiant lui-même (en l'occurrence le roi) et le soleil, erre a sa guise sur le territoire, protégé par une escorte qui doit aussi empêcher toute rencontre avec des juments. Et tandis que le cheval vagabonde, un grand nombre de cérémonies préliminaires sont exécutées, destinées simultanément à magnifier la fonction royale et à commenter ou diriger les mouvements du cheval. Voir l'étude détaillée de Dumont, P. E., l'Aśvamedha (Louvain 1927)Google Scholar et Oldenberg, H., Die Religion des Veda 3e ed., (Berlin 1923), pp. 471 sqq.Google Scholar; Keith, A. B., The Religion and Philosophy of the Veda and the Upanisads (= HOS 31–32) (Cambridge Mass. 1924), pp. 343Google Scholar sq.; Renou, L., Filliozat, J.et alii, L'Inde classique. Manuel des études indiennes, t. I (Paris 1947), PP.358sq.Google Scholar; Gonda, J., Les religions de I'Inde. I. Védisme et hindouisme ancien (Paris 1962), pp. 203sqqGoogle Scholar.

(2) TS V 5, II sqq.; TB VI 9, 3, 3 sqq.; VS XXIV, I sqq.; ĀpŚS XX 17, I sqq.

(3) La terminologie est flottante. Nous appelons «brâhmanisme » la religion quiprend appui sur le Veda, considéré comme la «Revelation », śruti, et lui ajoute les textes qui forment la « Tradition », smŗti (le plus fameux de ces textes étant le Code de Manu, trad, française par H. Loiseleur Deslong-champs (Paris 1833), trad, anglaise par G. Bühler (Oxford 1886) = SBE XXV). L'hindouisme de la deuxième période, quise manifeste d'abord dans les Épopées, ne rompt pas avec ces autorités, mais les oublie quelque peu, et, se fondant sur d'autres textes, notamment les Purāna, infléchit dans une autre direction la théologie et le rituel. Le brâhmanisme n'en constitue pas moins le noyau orthodoxe de l'hindouisme.

(4) L'Āryāvarta, « domaine d'évolution des Arya », est le coeur religieux de l'lnde brâhmanique. II correspond à peu pres a la plaine indo-gangétique. Cf. Manu II 22 sq.

(5) II y en a dix de chaque sorte, Selon, ŚB XIV 9, 3, 32Google Scholar.

(6) Cf. Renou, Louis, Études védiques et pāninéennes II (Paris 1956), p. 65, n. 4Google Scholar.

(7) Lewis, O., Village Life in Northern India (New York 1965)Google Scholar, est frappé par le contraste entre le plan si net du village mexicain, dont les rues, qui se coupent à angle droit, s'ordonnent autour de la place, du marché, de l'église, et l'enchevêtrement d'impasses, l'absence de centre, que semble présenter le village indien (p. 308). La faible « territorialité » du village indien se marque aussi dans le fait que dans l'lnde les ancêtres n'ont pas de demeure terrestre.

(8) Le texte complet de cet adage est: « D'où viendrait la limite, sinon du village ? D'où viendrait la renommée, sinon du savoir ? D'où viendrait la delivrance, sinon de la connaissance ? D'où viendrait l'intelligence, sinon de la foi ? » Böhtlingk, O., Indische Sprüche n° 7575, (St. Petersburg 1873), III, p. 611Google Scholar.

(9) Cf. Mayrhofer, M., Kurzgefaßtes etymologisches Wörterbuch des Ahindisches s. v., (Heidelberg 1953 sqq.)Google Scholar; Minard, A., Trois énigmes sur les Cent Chemins, II,§ 374a (Paris 1956)Google Scholar.

(10) Ainsi Manu II 2 et 4. Le mot aranye « dans la forêt » est aussi l'antonyme de amā «chez soi» dans les textes védiques. L'adjectif arana «étrange, externe » dont dérive aranya s'oppose à sva « son propre ».

(11) Arthaśāstra I I, 4 et II 2, 1. Pour une analyse de la place que tiennent la forêt la friche dans l'économie de l'Inde ancienne, cf. Kher, N. N., Agrarian and Fiscal Economy in the Mauryan and post- Mauryan Age (Delhi 1973), pp. 180 sqqGoogle Scholar.

(12) Mayrhofer, op. cit., s.v.

(13) Cf. Macdonell, A. A., Keith, A. B., Vedic Index of Names and Subjects, II (Londres 1912), p. 241Google Scholar.

(14) VS III 45. Le reste est décrit notam- ment ŚB II 5, 2, 20 sqq. Cf. Keith, , op. cit., pp. 265 et 321 sqGoogle Scholar.

(15) C'est le Bos gavaeus, appelé en Sanscrit gavaya. Cf. Macdonell-Keith, , op. cit. p. 222Google Scholar.

(16) Cf. encore ĀpŚS X 20, 8 sq. Sur le gomga, cf. Eggeling, SBE XLIV, p. 338Google Scholar n,; Keith, , op. cit. p. 477 et n. 7Google Scholar.

(17) Sur la notion de dharma, voir entre autres Kane, P. V., History of Dharmaśāstra, 1 (Poona 1968), p. 1Google Scholar sqq. (nouvelle édition); Renou-(Filiozat), , op. cit. p. 561Google Scholar; Biardeau, M., Clefs pour la pensie hindoue (Paris 1972), pp. 57 sqqGoogle Scholar.

(18) Ne pas voler est une prescription quis'applique á tous les hommes (et de même: éViter la violence, dire la vérité, être propre, contrôler ses organes sensoriels, être généreux, patient, pitoyable). Cf. Yājñavalkya I 122.

(19) Notamment, chap. III.

(20) Cf. Lévi, S., La doctrine du sacrifice dans les Brâhmanas (Paris 1966), pp. 81 sq.[I re éd. 1899]Google Scholar.

(21) ŚB II 2, 2, 6. Cf. Minard, , op. cit. § 473Google Scholar.

(22) Dette aux dieux, auxi qui eurent la révélation du Veda, aux Mânes, et aux hommes: c'est en ces quatre dettes que se dissocie la dette fondamentale á la mort. ŚB I 7. 2, 1 sqq.; III 6, 2, 16; TS VI 3, 10, 5. Cf. Lévi, S., op. cit. p. 131Google Scholar.

(23) Cf. nos Observations sur la notion de « reste » dans le brâhmanisme, Wiener Zeitschrift für die Kunde Südasiens, XVI (1972), 526Google Scholar.

(24) Sur le sacrifice initial, cf. notamment RS X 90, traduit par Renou, L., Hymnes spéculatifs du Veda (Paris 1956), p. 97Google Scholar sq., et, pour les données des Brāhmana, Lévi, S., op. cit. pp. 15Google Scholar sq. et passim. Sur le caractère nécessairement individuel du sacrifice védique, cf. Oldenberg, , op. cit. pp. 370Google Scholar sq. Ajoutons que le grāmayajin, l'officiant quis'avise de prêter ses services à un groupe, celui qui exerce «pour un village » est tenu en mépris: Manu III 151; IV 205; GDhS XV 16 etc. Cf. Bloomfield, M., SBE XLII, p. XL n. IGoogle Scholar.

(25) Cf. Winternitz, M., Die Frau in den indischen Religionen (Leipzig 1920), p. 8Google Scholar sq.

(26) Cf. Keith, , op. cit., pp. 349 sq.Google Scholar; Renou, L., Vocabulaire du rituel védique (Paris 1954), p. 156Google Scholar.

(27) Manu III 77 sq.

(28) AśvGS IV I, 2.

(29) BhŚS Pait II 11, 3.

(30) ĀśvGS IV I, 3. Cf. Keith, , op. cit.p. 259Google Scholar.

(31) Par exemple ŚB XIII 2, 4, 3.

(32) II faut distinguer entre les animaux et les végétaux. Les plantes forestières sont plus fréquemment et plus aisément admises dans le sacrifice (à côté des plantes cultivées) que les animaux forestiers. Ainsi, dans le rite de la sautrāmaṇī, offrande de sur ā, liqueur fermentée qui est à la fois le substitut et la contrepartie du soma. Le soma lui-même est extrait d'une plante essentiellement forestiére: mais le soma est bien autre chose qu'une offrande; il est présent dans le sacrifice comme un hôte royal et divin, et non seulement comme substance à consommer. Cf. notre ètude, le monde, Cuire, Puruṣārtha I (1975), p. 107Google Scholar.

(33) Le texte de ŚB termine ainsi l'argument: « [mais] si on ne faisait point offrande de ces animaux [forestiers], il y aurait un défaut dans le sacrifice. On les relâche [done] après les avoir entourés de feu [en promenant autour d'eux, en cercle, un brandon allume, pour les consacrer, comme on le fait généralement pour l'offrande]. Ainsi ce n'est ni un sacrifice ni un non-sacrifice, ces animaux n'emportent pas le sacrifiant mort dans la forêt et [cependant] il n'y a point de défaut dans le sacrifice. On mene jusqu'au bout le sacrifice en Yudumimmolant les animaux villageois […] »: Cf. Aussi, ĀpŚS XX 17, 1 sqq.Google Scholar; et TB III 9, 3, 1 sqq.

(34) Cf. supra note 31. Les graines de sésame sont considérées ŚB IX 1, 1, 3 comme sauvages et cultivées a la fois.

(35) ĀpŚS XVI 19, 1113Google Scholar. Cf. Kane, op. cit., II, 2, p. 1250.

(36) En bordure, c'est-à-dire de manière á être á moitiè dedans, á moitiè dehors. Cf. Keith, , op. cit. p. 325Google Scholar.

(37) TS I 3, 5, 8; ŚB III 6, 4, 7. Le symbolisme du poteau sacrificiel est tres riche: il est l'axe qui unit la terre et le ciel, et le sacrifiant doit gagner son sommet par une échelle. Le bois dont il est fait, l'udumbara (Ficus glomerata), concentre en lui l'essence de tous les autres arbres. Cf. Minard, op. cit. I (1949), § 233 a; II § 146 a.

(38) Analyse de cet euphémisme et bibliographic chez Minard, , op. cit. I (Paris 1949)Google Scholar, § 221 a et II § 470 a. Hubert, Ajouter H. et Mauss, M., Essai sur la nature et la fonction du sacrifice, Année sociologique (1899), p. 69Google Scholar (= Mauss, M., CEuvres I. Les fonctions sociales du sacré (Paris 1968), p. 235)Google Scholar. Les rites de propitiation de l'arbre que Ton s'apprête á abattre sont exposès ŚB III 6, 4 1–27.

(39) ŚB I 7, 4, 4 sqq.

(40) Cf. supra note 10.

(41) TS V 2, 94; JUB I 3, 1, 10.

(42) Cf. Keith, , op. cit. p. 154Google Scholar. Trois thèmes se conjuguent ici: la forêt recule devant le feu et, sur ces brûlis, la cultures'installe; le dieu Agni est l'avant-coureur, l'éclaireur de la pénétration des envahisseurs ārya en direction de l'est et du sud; il est le prototype du sacrifiant et de l'officiant, dieu doublement sacrificiel, par conséquent.

(43) Bien dirigé, le sacrifice rejette à l'exterieur de lui-même les dangers qu'il suscite, les souillures qu'il produit.

(44) Enumération et présentation des textes sanscrits dans Kane, , op. cit. II 2 (Poona 1941), p. 930975Google Scholar. Chezles modernes, il faut mentionner outre l'abbé Dubois, J. A., Moeurs, institutions et cérémonies des peuples de l'Inde (Paris 1825)Google Scholar 2e partie, p. 260 à 287, et les chapitres consacrés a cette question dans la plupart des ouvrages gènéraux, les études suivantes: Weber, Max, Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, II. Hinduismus und Buddhismus (Tübingen 1920), pp. 146 sqq.Google Scholar; Dumont, L., Homo hierarchicus (Paris 1966), pp. 324350Google Scholar; Heesterman, J. C., Brahmin, , Ritual, , Renouncer, , Wiener Zeitschrift für die Kunde Süd- und Ostasiens VIII (1964)Google Scholar. II ne faut point omettre les tres breves mais impeccables formulations d'Al Biruni qui vont droit à l'essentiel et savent présenter, d'un même mouvement, la maniere de vivreforestière et l'idéologie des renonçants. Voir Al Biruni's India edited by Sachau, Edward C., (Londres 1910), II p. 132 sq.Google Scholar; Cf. aussi, 'Aḫbār aṣ-Sīn wa l-Hind, Relation de la Chine et de I'lnde, Texte etabli, traduit et commenté par Jean Sauvaget (Paris 1948), pp. 22 sqGoogle Scholar.

(45) Clefs pour la pensée hindoue (Paris 1972), p. 43 sqq.Google Scholar; Études de mythologie hindoue III, Bulletin de l'École française d'Extrme-Orient, LVIII (1971), pp. 85 sqq.Google Scholar; et surtout sa contribution à Biardeau, M. et Malamoud, Ch., Le sacrifice dans l'Inde ancienne (Paris 1976)Google Scholar.

(46) Cette évolution a pour effet, notam-ment, de rejeter vers les zones périphériques ou plus ou moins clandestines du culte le sacrifice sanglant. Les grands dieux de l'hindouisme tels qu'ils sont honorés dans les temples par les brâhmanes sont végétariens.

(47) Cf. Kane, loc, cit.

(48) C'est une caractéristique de léthos du renonçant que de ne pas contracter d'habitudes, de ne pas prendre garde aux différences dans ce qu'il absorbe, et de ne pas faire de réserves. Ne pas avoir de provisions pelerisemble aller de pair avec le fait de ne pas avoir de projets et le désir de ne pas accumuler de karman.

(49) TS VI 5, II, 2.

(50) Telle est la manière de faire des satpnyāsin dits turīyātīta, qui mangent done « à la façon des vaches ». D'autres imitent l'ajagara, boa constrictor, et avalent la nourriture qui est à portée de leur bouche. Nous avons vu en 1975 à Jodhpur (Rājasthān), un samnyāsin qui refusait de faire le moindre geste pour manger: il n'absorbait specque ce qui lui était introduit de force dans la bouche. En revanche, il mettait beaucoup d'énergie à distribuer aux chiens d'alentourles aumônes qu'on déposait pres de lui. II avait atteint, comme on voit, cette zone extrême ou le détachement et la volonté d'autonomie rendent indispensable le secours d'autrui. Les sādhu aux allures farouches que l'on voit se presser dans les grands pèlerisemble nages poussent dans d'autres directions parfois l'imitation des animaux: certains s'astreignent á ne se dèplacer que par bonds, « à la maniere des singes ». Les Hindous orthodoxes et cultivés éprouvent pour cette sorte de prouesses du mépris, mele de crainte. Us considèrent que les sādhu sont une forme pervertie et dégradée de samnyāsin, et proposent un critére pour distinguer ces deux types d'hommes exterieurs au village: c'est, disent-ils, que les sādhu se montrent, et même se donnent en specque tacle, tandis que pour voir les samnyêsin il faut aller les chercher dans leurs retraites. Sur les différents styles et les différentes sectes de sādhu dans l'Inde contemporaine, Oman, voir J. C., The Mystics, Ascetics, and Saints of India (Londres 1905)Google Scholar. L'écart entre samnyāsin et sādhu ne doit pas nous faire cereoublier que l'un et l'autre type sont produits par la même pulsion ascétique, la même volonté d'autonomie, la même décision de se dégager de la structure villageoise.

(51) Ce mot, qui sert aussi de pronom réfléchi, est souvent traduit par «le Soi».

(53) Cf. III 11, 12.

(53) Chacun des gestes du sacrifice est compris comme une violence: mettre à mort la victime, bien sûr, mais aussi presser le soma, verser dans le feu l'offrande végétale ou lactée, et meme ouvrir la terre pour prévoir parer l'aire sacrificielle. Ces actes violents et necessaires sont compensés sur-le-champ par des formules de propitiation, des cérémonies de réparation. Ce n'est pas a dire que la vie foréstiere soit exempte de violence, ni même que le renonçant y échappe. Mais le renonçant exerce sa violence contre luimême, puisqu'il a «fait remonter en lui » ses feux sacrificiels, et que ses rites sont interiorisés. En outre, répétons-le, c'est parmi les renoncants, c'est-à-dire d'abord parmi les solitaires de la forêt, que s'élabore l'idéal de non-violence.

(54) ĀpŚS VII 2, 13.

(55) Cf. ŚB I 2, 5, 14; 3, 2, 1.

(56) Les textes vediques ne présentent pas de definition de l'homme, mais accumulent des notations. On peut essayer de les mettre bout á bout pour en tirer une sorte de description. II n'est pas toujours facile de distinguer ce qui est dit de l'homme, espèce zoologique, et de l'homme, image du Purusa primordial. Cf. pour le ŚB l'index d'Eggeling, SBE XLIV, pp. 548 sq.

(57) Sur le mécanisme de cette substitution, dont Prajāpati lui-même a fourni le modéle, Lévi, Voir S., op. cit. p. 130Google Scholar.

(58) ŚB III i, 2, 10 sqq.

(59) ŚB VII 5, 2, 23.

(60) Cf. Oldenberg, H., Vorzoissenschaft liche Wissenschaft, Die Weltanschauung der Brāhmaṇa-Texte (Gottingen 1919), p. 43Google Scholar.

(61) Un des noms de l'éléphant est hastin, littéralement « celui qui a une main (hasta) ». Affinité d'origine entre l'homme et l'éléphant ŚB III 1, 3, 4.

(62) L'éléphant et le singe, animaux à main, sont ranges aux cotes de l'homme parmi les animaux forestiers TS VI 4, 5, 7.

(63) Les textes enseignentun purufamedha, sacrifice de l'homme, qui semble caique sur I' aśvamedha sacrifice du cheval; voir notam- Sradment ŚB XIII 6, 1, 1 sqq. En outre, dans I'agnicayana, sacrifice consistant en l'edification d'une structure de briques destinée à être un autel du feu, la mise en place des fondations implique la mise á mort d'un homme, puisque cette construction doits'appuyer sur cinq têtes de victimes animales, parmi lesquelles il y a un homme. L'homme est le premier des paśu, il vient en tete des victimes sacrificielles, ŚB VI 2,1,18.

(64) On entend généralement ce composé: offrandes aux dieux, et bonnes oeuvres à l'intention des hommes. L'ensemble des activitès et l'attitude religieuse désignées par ce terme sont explicitement affectés au village, grāma, ChUV 10,1–10. En revanche, c'est dans la forêt, araṇya, que resident les hommes qui mettent leur confiance (Śraddhd) dans le tapas, la ferveur ascétique. Passage parallèle BĀU VI 2, 15. Cf. Renou, L., EVP I (Paris 1955), p. 98Google Scholar. La voie sylvestre suivie par les partisans du tapas se prolonge dans l'au-delá puisque cet araṇyāyana, chemin de forêt, les fait parvenir á un ciel où se rencontrent les deux océans ara etṇya, ChU VIII 5, 3.

(65) Pour l'orthodoxie brâhmanique, cette voie n'est ouverte qu'au dvija « deux fois ne », et même au seul brâhmane.

(66) La fonction de ces textes dits forestiers, la nature du lien qui les unit à la forêt, ont fait I'objet de nombreuses discussions parmi les indianistes. Pour les uns, les Āraṇyaka, de me'rne que les rites et les spéculations que ces textes contiennent, sont des ouvrages qui concernent les seuls forestiers, c'est-à-dire les hommes qui ont définitivement quitté le village. Telle est la thése, notamment, Deussen, de P., Allgemeine Geschichte der Philosophie I, 2. Die Philosophie der Upanishad's, 5e ed. (Leipzig 1922), p. 4 sq.Google Scholar, qui etait deja celle d' Weber, A., The History of Indian Literature, trad, anglaise par Zachariae, Th. (Londres 1882), p. 48Google Scholar, selon lequel ce sont les hulóioi décrits par Mégasthène qui ont accés a cette catégorie de textes; même opinion Masson-Oursel, chez P., Esquisse d'une histoire de la philosophie indienne (Paris 1923), pp. 51Google Scholar sq. et Senart, chez E., Chāndogya-Upanisad (Paris 1930), p. ixGoogle Scholar. En revanche, pour, Oldenberg, H., Mythologie, Zur und Veda, Religion des, Folge, Zweite, kgl, Nachrichten von der. Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Philologisch-historische Klasse (1915), pp. 382Google Scholar sqq. = Kleine Schriften (Wiesbaden 1967) I, p. 419Google Scholar sqq., ces textes doivent sans doute Stre récités et étudés hors du village, mais non pas nécessairement par ceux qui ont fait de la fore't leur résidence fixe; au contraire, l'apprentissage des Āranyaka fait partie du programme des étudiants brâhmaniques dans leur ensemble; cette these, qui nous paraît judicieuse, est aussi celle Keith, de A. B., op. cit. pp. 489Google Scholar sq. Sur les portions de la littérature védique qui présentent les caractères internes et externes des Āranyaka sans en porter le titre, cf. Renou, L., Les écoles védiques et la formation du Veda (Paris 1947), pp. 83 sqqGoogle Scholar. Deux traitspeuvent valoir á un texte le qualificatif de « forestier »: qu'il soit ésotérique, rahasya, c'est-a-dire qu'il contienne des vérités trop fortes, des énonce's trop orientés vers l'interpretation symbolique des rites, pour que le village puisse les supporter; qu'il contienne la mention de divinités terrifiantes, ghora. D'une facon générale, les Āranyaka mettent l'accent sur la valeur que possède par ellemême la connaissance de la signification ultime des rites, plutot que sur la nécessité de les exécuter effectivement. A ce titre, les Āranyaka forment, avec les Upaniṣad, la partie dite jnānakānda de la Révélation védique: « section des actes» constituée par la partie Brāhmaṇa du Veda.

(67) Les principales donnees sur le brahmayajña sont réunies dans Kane, , op. cit. II i, p. 704Google Scholar. Nous en proposons une analyse dans un ouvrage sous presse aux editions De Boccard, Paris.

(68) Sur les vanaprastha, cf. Kane, , op cit. II 2, p. 917929Google Scholar; et Eggers, W., Das Dharmasūtra der Vaikhdnasas übersetzt […] nebst einer Einleitung uber den brahmanischen Waldeinsiedler Orden […] (Göttingen 1929)Google Scholar, passim.

(69) Lors de cette étape intérmediate, on n'interiorise pas ses feux sacrinciels, on se contente de les transporter dans le forêt. La demeure du vānaprastha sert de modele aux « ashram » modernes. Pour une application de la notion d'utopie a une oeuvre romanesque représentative de l'idéologie gandhienne, Thomas, voir C., Le village dans la forêt: sacrifice et renoncement dans le Godān de Premchand, Puuṣdrtha 2 (1975), 205252Google Scholar.

(70) La succession des «stades de vie », surtout quand elle fait une place a l'itat de vānaprastha, est évidemment un schéma théorique, dont la vie moderne s'accommode difficilement. Nous avons vu cependant, á Jodhpur, en 1975, un exemple de cette distribution des âges de la vie et des styles de vie. II offre cette particularité d'utiliser la dimension verticale: sur une des collines qui dominent la ville est installé, á mi-côte, un homme qui se dit lui-même vānaprastha; petit fonctionnaire retraité, il passe ses journées a méditer; sa vocation, sa raison d'être est de donner a boire aux passants; une ou deux fois par semaine, il descend en ville, passer la nuit auprès des siens, mais le plus souvent, ce sont les hommes de la ville qui montent jusqu'á sa cabane, pour deviser avec lui: les problèmes « spirituels » se mêlent étroitement aux questions d'argent dans ces colloques, mais le ton des conversations est toujours tres paisible, en harmonie avec la douceur du soir qui tombe. Ce vānaprastha, homme vif et cultivé, pense à devenir samnyāsin, se demande s'il est bien fait pour franchir cette autre étape. Tout au sommet de la colline demeure, dans la solitude et le silence, un samnyāsin complet: tous les jours, des hommes de la ville, et le vānaprastha tout specialement, escaladent les rochers pour lui apporter quelque nourriture et contempler auprès de lui le coucher du soleil. Le vānaprastha et le samnāsin sont des dévots de la déesse Durgā. Sur la colline d'en face, surplombant la ville, la plaine et la route, se dresse le formidable palais fortifié (en Sanscrit durga, « inaccessible »!) des anciens rājā de Jodhpur.

(71) Cf. le commentaire de Govindasvāmi ad BhDhS III 14–17.

(72) Ce drame de Kālidāsa (ive siècle de notre ère) a été traduit en français par Chézy (Paris 1830), puis par A. Bergaigne et P. Lehugueur (Paris 1884); en anglais par William Jones (Londres 1789) et par Moniek-Williams (Londres 1876); en allemand par O. Böhtlingk (Bonn 1842).

(73) Śakuntalā I 15.

(74) Ibid.

(75) Ibid. I 25–26. Si l'ermitage doit bien son caractère utopique á cette coexistence des incompatibles, il faut voir dans le jugement (cite dans toutes les editions) que Goethe a porté sur Śakuntalā, plutôt qu'une exclamation lyrique sur l'oeuvre, une analyse exacte de la « realite » qu'elle évoque:

«Willst du die Blüte des frühen, die Früchte des spāteren Jahres,

Willst du was reizt und entzückt, willst du was sāttigt und nahrt,

Willst du den Himmel, die Erde, mit einem Namen begreifen:

Nenn'ich Sakontala dich, und so ist Alles gesagt.»