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La négociation de la qualification

Published online by Cambridge University Press:  28 July 2009

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Nous appellerons qualification, en un sens très large, la reconnaissance par l'employeur ou la revendication par le salarié de toutes les qualités de son travail qui importent pour la production: qu'il s'agisse du zèle avec lequel il l'accomplit (son effort, son attention, l'absence d'erreurs ou de fautes), de la compétence et de l'expérience qu'il mobilise et même du potentiel qu'il pourra montrer (sa capacité d'initiative et d'apprentissage). En ce sens — que nos développements justifieront, nous l'espérons — la qualification a toujours été négociée, ne serait-ce que par la signature d'accords de classification. Si développement il y a, il a été très progressif: l'accord interprofessionnel sur la formation continue date de 1970 (faut-il rappeler que l'intérêt de certaines entreprises pour la formation est bien antérieur ?), la préoccupation pour l'amélioration des conditions de travail s'est affirmée au début des années 70 et a abouti à un accord interprofessionnel en 1975. L'usage à des fins de conversion des institutions de formation s'est progressivement développé. La loi de 1971 sur la formation professionnelle et les accords qui l'ont prolongée ont confirmé le rôle des comités d'entreprise dans l'examen des plans de formation professionnelle. Et il est inutile de rappeler la part qui a été faite aux partenaires sociaux dans la définition des formations initiales.

Type
Le pouvoir et l'entreprise
Copyright
Copyright © Archives Européenes de Sociology 1988

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References

(1) Pour une discussion approfondie et un examen des travaux depuis vingt ans, on consultera le livre dirigé par Tanguy, Lucie, L'introuvable relation formation-emploi (Paris, La Documentation française, Programme Mobilisateur « Technologie, emploi, travail », 1987).Google Scholar

(2) Nous citons le texte d'après Liaisons sociales série Législation sociale, 17 novembre 1986.

(3) Ne risquait-on pas de surestimer les postes du fait des difficultés de démarrage alors que le fonctionnement régulier de l'installation serait beaucoup plus routinier? Ne les sous-estimait-on pas parce que tous les problèmes à maîtriser n'étaient pas encore apparus? Ces arguments ont été échangés lors de la négociation.

(4) Eyraud, François, La fin des classifications Parodi, Sociologie du Travail, no 3, 1978Google Scholar. Saglio, Jean, Les négociations de branches et l'unité du système français derelations professionnelles. Le cas des négociations de classification, Droit Social, 01 1987Google Scholar. Jean Saglio parle d' « accords à critères classants ».

(5) Comme ci-dessus, nous utilisons les définitions de l'uimm, telles qu'elles sont rappelées dans Gestion des ressources humaines et compétitivité des entreprises (Paris, Adase-uimm, 1987).Google Scholar

(6) Ce terme, cela va peut-être sans dire, n'a pas ici le sens que lui a donné pendant quelques années la législation du travail du gouvernement de Vichy. Il ne postule aucune harmonie préétablie d'intérêts entre direction et salariés et n'exclut ni la négociation ni le conflit.

(7) L'analyse que nous venons de faire conduit à une question: le mouvement d'internalisation est-il irréversible? Il peut être dû, pour partie, à la cadence même du changement. Si, comme il est probable, à la phase actuelle d'effervescence succède une période plus stable et moins turbulente, n'assistera-t-on pas au mouvement inverse, le capital professionnel devenant plus stable et le marché interne perdant de son autonomie ? La question, à laquelle nous ne pouvons tenter de répondre ici, a au moins l'intérêt de conduire à distinguer les effets de la cadence du changement des effets du changement lui-même.

(8) Alain d'Iribarne, dans une critique des modèles acceptés pour la prévision de l'emploi dans la planification française, leur reprochait — et sa réflexion va tout à fait dans le même sens — « une incapacité à traiter un accroissement de la qualité du travail autrement que comme un coût » (d'Iribarne, A., Les modèles macro-économiques dans les prévisions d'emploi et la planification française de l'éducation: analyse critique, in Emploi et système productif, Paris, La Dovons cumentation française, 1979)Google Scholar. On trouvera une discussion de ce problème dans Maïten Bel, La notion de la qualification dans l'approche des relations emploi/formation par la planification française, in L. Tancuy, ouvrage cité.

(9) Midler, Christophe, Les concepts au concret: réflexions sur les liens entre systèmes techniques et systèmes de gestion dans l'industrie automobile, in Salais, Robert et Thévenot, Laurent (direction), Le travail. Marchés, règies, conventions (Paris, INSEE, Economica, 1986).Google Scholar

(10) Pendant des décennies, une « bonne » organisation devait, dans la métallurgie par exemple, accroître la « charge active » des salariés (si possible, à saturation). Sur beaucoup d'équipements automatisés, on cherche à alléger la charge mentale pour réduire les erreurs.

(11) Ce « type idéal » emprunte ses éléments à des professions et à des époques diverses et on peut rarement le trouver réalisé tout entier. Il n'a donc pas de réalité historique. Mais il facilite l'analyse.

(12) Nous empruntons l'essentiel de cette analyse à Midler, Christophe, Moire, Christian et Sardas, Jean-Claude, Les méthodes de gestion innovatrices (Rapport Crg, 1984)Google Scholar Les auteurs ne sont cependant pas responsables des conclusions que nous en tirons.

(13) Guy Groux et Catherine Lévy parlent justement à ce sujet de mobilisation (Groux, Guy et Lévy, Catherine, Mobilisation collective et productivité économique: le cas des « cercles de qualité » dans la sidérurgie, Revue française de sociologie, XXVI (1985), 7095.CrossRefGoogle Scholar

(14) Gestion des ressources humaines et compétitivité des entreprises, ouvrage cité.

(15) Maurice, Marc, Sellier, François, Silvestre, Jean-Jacques, Systèmes d'éducation et organisation industrielle (Paris, PUF, 1982).Google Scholar

(16) Et nous n'ignorons pas que le problème du découpage des postes, de sa rigidité ou de sa flexibilité, est fort différent sur une chaîne de montage et dans la salle de contrôle d'une installation automatisée.

(17) Même dans les organisations les plus « bureaucratiques » où l'acquisition d'un diplôme donne droit à un classement plus favorable, encore faut-il que des postes correspondants soient disponibles. Dans l'administration publique, par exemple, ces dispositions « généreuses » à l'égard des salariés se traduisent par une très longue « queue » à l'entrée des catégories supérieures.

(18) Un retournement analogue dans la logique de l'analyse, comme dans la logique de gestion prêtée aux employeurs, peut être observé dans le passage de la théorie de la polarisation à celle de la « re-professionalisation », Cf. Kern, Horst et Schumann, Michael, Vers une professionnalisation du travail industriel, Sociologie du travail, no 3, 1984Google Scholar. C'est le même retournement, à partir des théories de Braverman, que décrit Colin Gill dans une revue des travaux en Grande-Bretagne (Colin Gill, Nouvelles technologies, déqualification et stratégic des entreprises, ibid.).

(19) Olivier Garnier, La théorie néo-classique face au contrat de travail: de la « main invisible » à la « poignée de main invisible », in Robert Salais et Laurent Thévenot, ouvrage cité. L'expression « poignée de main invisible » est empruntée à Okun, A., Prices and Quantities (OxfordBlackwell, 1981)Google Scholar. Cet article était déjà écrit quand j'ai pris connaissance de l'article de Eymard-Duvernay, François, Droit du travail et lois économiques: quelques éléments d'analyse, Travail et emploi, 09 1987.Google Scholar

(20) Au cas où cette analyse paraîtrait très abstraite, rappelons que c'est exactement dans ces termes que Taylor critique les formes traditionnelles, « paresseuses », de directions qui délèguent à l'ouvrier l'organisation du travail et veulent le « stimuler » par un salaire au rendement. L'ouvrier qui n'est nullement assuré de toucher le vrai prix de son effort n'a pas intérêt à le faire. La direction qui n'est nullement convaincue qu'elle obtient le meilleur résultat limite le salaire.

(21) On aura reconnu la forme de contrat proposée par K. Arrow et Debreu et qu'on a traduit parfois par « contrat contingent complet ».

(22) De nouveau, l'analyse économique théorique rejoint très exactement la démarche de Taylor. L'organisation scientifique doit déterminer rigoureusement la tâche, et ne demandera des ouvriers qu'une stricte discipline. Elle devra être faite de manière impartiale (c'est pourquoi il est si important qu'elle soit scientifique).

(23) Lorsqu'un employeur accepte de réserver certains emplois à ceux qui ont reçuune formation déterminée (par exemple, sanctionnée pat un diplôme), cette règle peut être justifiée rationnellement pour lui s'il s'assure ainsi de disposer des compétences nécessaires (si le débouché ne leur était pas réservé, les futurs entrants sur le marché du travail ne feraient pas ce détour long et coûteux). Et il n' est pas difficile de comprendre pourquoi le futur salarié est plus sûr que son « investissement » est rentable. Mais doiton analyser le prix (le salaire) qui en résulte comme un prix de monopole ? Il n'est certainement pas un prix de marché. Mais si le marché du travail n'est pas vraiment un marché, surtout pour les qualifications élevées, l'interprétation des limitations d'accès comme un obstacle à la concurrence est un peu vaine, notamment dans ses implications d'écart par rapport à l'équilibre optimal. Le « contrat implicite » que permet le monopole permet peut-être aussi une combinaison productive particulièrement efficace.

(24) L'emploi à vie, normal dans l'administration publique, courant non seulement dans les grandes entreprises japonaises, mais aussi dans les entreprises traditionnelles en Europe, n'est qu'un cas particulier de cet engagement indéterminé. (Outre qu'il est rarement tout à fait contraignant).

(25) Cf. notre article, Qualification et marché du travail, Sociologie du Travail, XXIX (1987), 86109.Google Scholar

(26) En sens inverse on peut analyser le pari de l'employeur comme une conséquence du choix qu'il a fait d'une technologie à haute incertitude et de la vulnérabilité à l'égard du salarié auquel ce choix l'expose. Cf. Williamson, O. E., Markets and Hierarchies: analysis and antitrust implications (New York, The Free Press/Macmillan, 1975).Google Scholar

(27) L'analyse que nous avons faite de la qualification est facile à admettre pour les cadres (et d'autant plus qu'il s'agit de cadres supérieurs). Notre thèse est justement que les cadres ne font que grossir des caractéristiques générales du marché du travail. On pourrait dire, en sens inverse, que certaines stratégies actuelles des entreprises consistent à traiter (au moins partiellement) l'ensemble des salariés comme des cadres.

(28) Cf. Ratier-Coutrot, Laurence, Haute technologie et emploi aux Etats-Unis, Sociologie du Travail, XXVIII (1986), 94113.CrossRefGoogle Scholar

(29) Philippe Méchaut, Production et gestion des formations post-initiales. Règles, instances, nouvelles implications du système.productif, in R. Salais et L. Thévenot, ouvr. cité. L'auteur n'est pas responsable de formulation que nous adoptons.

(30) Cette affirmation demanderait examen et appellerait sans doute des nuances.