Dans les Recherches philosophiques, Wittgenstein consacre une série importante de remarques au problème du «langage privé». Un langage privé, d'après la définition qu'il donne dans ces passages, est un langage dont les mots sont censés se référer «à ce dont seul celui qui parle peut avoir connaissance; à ses sensations immédiates et privées […]» (243). Le résultat bien connu de sa discussion est que non seulement il n'y a pas en fait, mais il n'est pas possible qu'il existe un tel langage; pour lui, un langage doit être nécessairement «public», c'est-à-dire parlé par plusieurs locuteurs. De l'avis de tous les commentateurs, ces remarques sur le thème du langage privé occupent une place centrale dans les Recherches, mais les opinions diffèrent sur la façon dont on devrait les interpréter. Dans ce qui suit, je défends l'interprétation d'après laquelle sa discussion doit se comprendre en la replaçant dans le cadre d'une philosophie du langage. De façon plus précise, j'essayerai de montrer quel est le lien entre l'«argument du langage privé», comme le désignent les interprètes, l'argument qu'il avance contre l'idée qu'il pourrait exister un langage comme celui-là, et ses vues sur le langage et la signification. Il y a en réalité, je pense, non pas un mais deux «arguments du langage privé» et les deux arguments, que je vais exposer, visent indirectement à mettre en relief une conception d'ensemble du langage, celle qu'il met de l'avant dans ses Recherches, et non pas seulement, de façon plus étroite, une conception ayant trait au langage des sensations (bien que beaucoup de ses remarques se rapportent au problème du langage des sensations). Comme je le dirai aussi plus loin, cette image du langage qu'offre Wittgenstein dans les Recherches soulève une difficulté, si je l'interprète correctement, mais celle-ci n'enlève rien à l'intérêt philosophique de ses remarques.