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Sartre, Aron et le relativisme historique*

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Bruce Baugh
Affiliation:
Collège Victoria, Université de Toronto

Extract

Le dialogue entre Sartre et Aron a commencé lorsqu'ils étaient tous les deux à l'École normale superiéure dans les années 1920, et a continué, d'une manière souvent indirecte et intermittente, jusqu'à la parution du livre d'Aron, Histoire et dialectique de la violence, qui est une analyse de la Critique de la raison dialectique de Sartre.

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Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1990

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References

Notes

1 La réponse de Sartre, du moins dans les derniéres années, tenait davantage de l'attaque personnelle que de 1'argumentation philosophique. Cf. Aron, Raymond, Histoire et dialectique de la violence, Paris, Gallimard, 1973, p. 184; etGoogle ScholarSartre, Jean-Paul, «Les Bas-tilles de Raymond Aron», dans Situations VIII, Paris, Gallimard, 1972Google Scholar.

2 Cf. n. 1.

3 Sartre, Jean-Paul, Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard, 1960Google Scholar.

4 Beauvoir, Simone de, La force de I'age, Paris, Gallimard, 1960, p. 141142Google Scholar.

5 Sartre, , Carnets de la dréole de guerre, Paris, Gallimard, 1983; ci-aprés CDGGoogle Scholar.

6 Aron, , Introduction á la philosophie de I'histoire, Paris, Gallimard, 1938Google Scholar; ci-apres IPH. Nous utilisons l'edition etablie par Sylvie Mesure, Paris, Gallimard, 1986Google Scholar.

7 Barilier, Voir Étienne, Lespetits camarades, Paris, Julliard, 1987Google Scholar.

8 Voir n. 3, ci-dessus et Sartre, , Critique de la raison dialectique, t. II: L 'intelligibility de I'histoire, Paris, Gallimard, 1985Google Scholar.

9 Sartre, , L'idiot de la famille, t. I et II, Paris, Gallimard, 1971Google Scholar; t. III, Paris, Gallimard, 1973.

10 Cf. Contat, Michel, «Notice» sur Les Chemins de la liberté, dans Sartre, (Euvres romanesques (Bibliothéque de la Pléiiade), Paris, Gallimard, 1981, p. 1865.Google Scholar Voir aussi Sartre, «Merleau-Ponty» (premiere version), Journal of the British Society for Phenom-enology, vol. 15, no 2 (1984), p. 139:Google Scholar «I had read [Heidegger] without understanding him. In the prisoner of war camp, I became friends with some priests who asked me to explain Sein und Zeit to them. I accepted. But the lighting had changed: the war and the stalag had disposed me to discover exitence […].»

11 II s'agit de ce que Heidegger appelle «une repetition authentique», c'est-á-dire une compréhension du passé á partir des exigences de la situation actuelle. Cf. Heidegger, Martin, Sein und Zeit, Tübingen, Max Niemeyer, 1985, p. 386392.Google Scholar Voir aussi Qu'est-ce que la métaphysique?, trad, Corbin, par Henri, Paris, Gallimard, 1938, p. 190191.Google Scholar La traduction de Corbin comprend les oeuvres suivantes de Heidegger: Was ist metaphysik (1929); Vom Wesen des Grundes (1929); Hölderlin und das Wesen der Dichtung (1936); quelques chapitres de Sein und Zeit (1927) et de Kant und das Problem der Metaphysik (1929). Dans les notes, Corbin se référe a la conférence inédite de Heidegger, Vom Wesen der Wahrheit (1930). Nous citons la vieille traduction de Corbin parce que Sartre l'utilisait. Dans les Carnets (p. 227–229), Sartre reconnait que pour lui a l traduction de Corbin était essentielle pour comprendre Heidegger; precisons que Sar-tre ne cite jamais le texte allemand de Heidegger, a l'exception de I'Esquisse d'une théorie des émotions, Paris, Hermann, 1965 (1939), p. 1415Google Scholar.

12 Cf. CDG, p. 224.

13 Sartre, , Lettres au Castor et á quelques autres, t. II, Paris, Gallimard, 1983, p. 27Google Scholar; voir aussi Œuvres romanesques, p. 1895. Les résultats de ces réflexions sur la maniére dont on fait sienne la situation historique (comme la guerre, par exemple) se trouvent dans L'être et le neant, Paris, Gallimard, 1943Google Scholar; repris coll, dans la. «Tel», Paris, Gallimard, 1976; ci-aprés EN; voir p. 612–615Google Scholar.

14 Cf. CDG, p. 227 et 359.

15 Pourtant Aron connaissait la théorie de l'historicité chez Heidegger; voir les Annales sociologiques, fasc, série A. 1 (1934),Google Scholar oü Aron donne un précis des théses de Heidegger.

16 Qu'est-ce que la métaphysique?, trad. Corbin, H., p. 191;cf. Sein undZeit, p. 385Google Scholar.

17 Cf. IPH, p. 43; Heidegger, Sein und Zeit, §76Google Scholar.

18 Cf. Heidegger, , Sein und Zeit, p. 385Google Scholar; Qu'est-ce que la métaphysique?, trad. Corbin, H., p. 190.Google Scholar Voir aussi IPH, p. 165: «[L]' événement historique intéresse toujours les consciences, et il se rattache, directement ou indirectement, au présent.»

19 Cf. IPH, p. 54.

20 Cf. IPH, p. 47.

21 Cf. Qu'est-ce que la métaphysique?, trad. Corbin, H., p. 191Google Scholar (Heidegger, , Sein und Zeit, p. 386):Google Scholar «La repetition d'une possibility [… ] est […] une réplique á la possibilité de l'existence ayant-été une présence [dagewesenen Existenz]. Mais parce qu'elle s'ef-fectue dans I'instant, cette replique que la resolution donne á la possibility est á la fois la révocation de ce qui dans I'actuel se constitue en “passe” [Vergangenheit].»

22 Cf. Heidegger, , Sein und Zeit, p. 396Google Scholar; Qu'estce que la métaphysique?, trad. Corbin, H., p. 207Google Scholar.

23 Cf. Heidegger, , Sein und Zeit, p. 386:Google Scholar «[D]ann hat die Geschichte ihr wesentliches Gewicht […] im eigentlich Geschehen der Existenz das aus der Zukunft des Daseins entspringt.»

24 Comme l'affirme Barilier, Les petits camarades, p. 91.

25 Barilier, ibid., p. 56, cite ces passages in extenso.

26 Cf. Aron, , Histoire, p. 201203Google Scholar et IPH, p. 70; Sartre, , EN, p. 579Google Scholar et «A propos de John Dos Passos et de 1919», dans Situations I (Idées), Paris, Gallimard, 1975, p. 24:Google Scholar «Notre passé n'est point [un destin]; il n'est pas un de nos actes dont nous ne puissions aujourd'hui encore transformer la valeur et le sens.» Cet article, ecrit en 1938, reprend done la critique chez Aron de «l'illusion retrospective de la fatalite», e'est-a-dire l'illu-sion que les actions passées étaient nécessaires ou inévitables.

27 Cf. Sartre, , «La temporalité chez Faulkner», dans Situations I, p. 97:Google Scholar «L'évenément […] est, par nature, un Ayant-été-Avenir.» Cet article, daté de juillet 1939, cite Heidegger plusieurs fois.

28 Cf. Sein und Zeit, p. 386–392.

29 Cf. EN, p. 559–560, 579, 613–615.

30 Cf. Sein und Zeit, p. 386; Qu'est-ce que la métaphysique?, trad. Corbin, H., p. 191Google Scholar.

31 Sartre, , «Matérialisme et révolutions» dans Situations III, Paris, Gallimard, 1949, p. 148.Google Scholar Ce n'est pas un hasard si cette définition aronnienne-heideggerienne se trouve dans une critique du matérialisme dialectique.

32 Cf. Situations II: Qu'est-ce que la littérature?, Paris, Gallimard, 1948, p. 242243Google Scholar.

33 La phrase: «L'histoire de I'Égypte est l'histoire de l'égyptologie», se trouve aussi dans IPH, p. 41. Aron dit ailleurs que la phrase vient de Brunschvicg; cf. Histoire, p. 203. Chez Sartre le terme «idéalisme» fait référence le plus souvent a Brunschvicg en parti-culier et au neo-kantisme en general. Cf. aussi Barilier, , Les petits camarades, p. 19Google Scholar.

34 Cf. Sartre, , «Denis de Rougemont: L'Amour et l'Occident», dans Situations I, p. 79:Google Scholar «C'est que I'historisme, s'il est pousse jusqu'au bout, va de lui-meme au relativisme total.» A la page 78, Sartre fait re'fe'rence a VIHP d'Aron. Cet article a paru la premiere fois en juin 1939 (cf. Les écrits de Sartre, bibliographie commentée par Michel Contat et Rybalka, Michel, Paris, Gallimard, 1970, p. 73)Google Scholar.

35 Cf. IHP, p. 72 sq.

36 Cf. IPH, p. 12.

37 Quoiqu'en dise Barilier (p. 51), Aron n'invoque jamais des valeurs «objectives» ou a priori qui se reveleraient a la Raison; il n'y a de valeurs universelles que dans le cas oú un accord universel empirique existe. Aron, comme les neo-kantiens, retient la critique kantienne et rejette la metaphysique. En ce qui concerne les valeurs, Aron est plus nietzscheen que kantien; ainsi, dans le «Récit de la soutenance [de these d'Aron] par le pere G. Fessard», dans IPH, p. 452, Aron précise: «En disant qu'i' n'y a pas de virite de I'histoire dans I'histoire, je ne suis pas desesperd, parce que penser n'est pas tout — il y a aussi la sphere de l'action.» (C'est moi qui souligne.) Ce n'est pas la Raison qui découvre la vérité, mais l'action qui la crée.

38 Cf. IPH, p. 85, 137, 207, 216 et passim.

39 Cf. CDG, p. 357–359.

40 Sartre, , «Une idee fondamentale de la phénoménologie de Husserl: l'intentionnalité», Situations I, p. 41Google Scholar.

41 Voir Lettres au Castor, t. II, p. 286 et 290.

42 L'étre-en-soi de l'évenement n'a rien á voir avec le hasard des faits bruts chez Cournot discuté par Aron (IPH, p. 19–36). Certes, Sartre n'est pas toujours trés clair sur ce point (voir CDG, p. 364, oú Sartre dit que l'étre-en-soi de l'événement est le m^eme que l'etre-en-soi d'un fosse, mais seulement dans la mesure ou «l'homme reagit de la meme façon a ces faits»). Mais il dit explicitement que la facticité «ne peut etre con-siderée á la façon de l'existence opaque et compacte des choses» (CDG, p. 260), et il me semble que l'argument de Sartre exige que l'etre-en-soi de l'evenement se com-prenne comme la facticité de l'etre-pour-autrui.

43 Dans L'ětre et le néant, Sartre oppose sa conception de l'ětre-pour-autrui a toute conception idealiste; voir p. 602: «[M]on existence aprés la mort n'est pas la simple survie spectrale “dans la conscience de l'autre”, de simples represéntations (images, souvenirs, etc.) qui me concernaient. Mon Stre-pour-autrui est un etre réel et, s'il demeure en-tre les mains d'autrui comme un manteau que je lui abandonne apres ma disparition, c'est á titre de dimension réelle de mon etre […] et non de spectre inconsistant.»

44 Cf. CDG, p. 220–222. Cf. aussi Sartre, , L'imaginaire (Idées), Paris, Gallimard, 1966 (1940), p. 352354, 359Google Scholar.

45 Cf. «La temporalité chez Faulkner», Situations I, p. 96–97.

46 Cf. CDG, p. 259–260; EN, p. 56.

47 Cf. CDG, p. 363.

48 Cf. CDG, p. 261.

49 Cf. IPH, p. 147.

50 Aron reconnait que Sartre continuera ce projet dans la Critique de la raison dialectique; voir Aron, , Histoire, p. 142.Google Scholar Les Carnets montre pourtant que Sartre pensait á ce pro-bleme bien avant de s'intéresser á la raison dialectique.

51 L'imaginaire, p. 355: «Nous appelons “situation” les diffeYents modes immédiats d'appréhension du réel comme monde.»

52 Cf. ibid., p. 354 et EN, p. 544.

53 Cf. Sartre, , L'imagination, Paris, Alcan, 1936, p. 12Google Scholar.

54 Cf. L 'imaginaire, p. 355.

55 Cf. aussi CDG, p. 263.

56 CDG, p. 364.

57 Par consequent, nous ne sommes pas d'accord avec Barilier, (Les petits camarades, p. 60)Google Scholar pour dire que l'affirmation de l'en-soi de l'évenement chez Sartre «demeure sans consequence, pour la connaissance, car l'en-soi de I'événement, ce n'est rien de descriptible, d'utilisable pour l'historien», parce que c'est l'unité en soi de l'evénement vécu comme situation qui constitue le véritable objet de 1'historien, et cette unité est intelligible.

58 CDG, p. 367.

59 Cf. CDG, p. 370, 375, 377 et 385.

60 Voir CDG, p. 369.

61 L'essentiel, c'est la hiérarchie; ça vaut égaiement pour la Critique de la raison dialec-tique. Aron méonnait ce point lorsqu'il écrit (Histoire, p. 147): «Sartre réintroduit dans son marxisme [… ] le pluralisme que les néo-kantiens, Dilthey ou Weber, decouvraient á méme la réalité historique, en tant que donnee immediate de la comprehension, ou comme une consequence necessaire de l'equivoque, du caractere indefini de la realite humaine offerte a I'historien ou au sociologue.» Or, pour Sartre, il n'y a pas de «pluralite de significations», mais, «une multiplicity hierarchisee de significations» (Critique, t.1, p. 69)Google Scholar.

62 Cf. Anderson, Perry, In the Tracks of Historical Materialism, London, Verso, 1983, p. 71, nGoogle Scholar.

63 EN, p. 471; cf. «Matérialisme et révolution» p. 177–178.

64 Sur la notion de «totalité détotalisée», voir EN, p. 189, 191, 220–222, 289–290, 298, 347, 349, 411–412, 474 et 480. «Une totality [… ] suppose un rapport interne entre les termes d'une quasi-multiplicite» (EN, p. 220), et une totalite inachevee, irrealisable, contestde du dedans par ses parties, est une totalite detotalisee. Ainsi, le pour-soi est to-talite detotalisee parce qu'il est son propre depassement vers la totalite de ses possibi-lites (EN, p. 189); il «se temporalise dans un inachevement perpetuel» (EN, p. 221). La totalite des consciences est totalite-detotalisde, «car l'existence-pour-autrui etant refus radical d'autrui, aucune synthese totalitaire et unificatrice des “autrui” n'est possible» (£JV, p. 298).

65 Sartre, , Cahiers pour une morale, Paris, Gallimard, 1983.Google Scholar Ces cahiers remontent a 1947–48.

66 Sartre, , «L'Universel singulier», dans Situations IX, Paris, Gallimard, 1972, p. 152190Google Scholar.

67 Cf. Cohen-Solal, Annie, Sartre: A Life, New York, Pantheon, 1987, p. 66.Google Scholar