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Merleau-Ponty et la contre-tradition*

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

G.B. Madison
Affiliation:
McMaster University

Extract

L'Histoire de la pensée occidentale, Heidegger nous le dit, se constitue dans l'unité d'une tradition cohérente et bien définie. Il se peut que sur ce point il ait largement raison. Quoi qu'il en soit, l'œuvre de Heidegger devient elle-même intelligible quand on la considère a la lumière de cette tradition dont elle parle. L'œuvre de Heidegger, on peut alors dire, est la tentative de surmonter la tradition occidentale afin d'instaurer un « nouveau commencement » en retournant, par delà la tradition, à son premier commencement, c'est-à-grave;dire à la pensée des présocratiques, la pensée de Parménide et d'Héraclite en particulier.

Type
Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1978

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References

Notes

1 Diogène Laërce, Vitae Philosophorum, 1, 16.

2 De 1'intérpretation Merleau-Ponty disait lui-même, en parlant de la philosophie cartésienne: « L'histoire de la philosophic d'ailleurs ne peut jamais être la simple notation de ce que les philosophes ont dit ou écrit. (…) En réalité, du seulfait que Ton rapproche deux textes, et qu'on les oppose à un troisième, on commence d'interpréter et de distinguer ce qui est, selon l'historien, dans le droit fil de Descartes, et ce qui au contraire représente dans sa pensée un accident. Bref, sous le cartesianisme tel qu'il est defini par les textes, on commence à discerner une intention du cartésianisme, que l'historien prend l'initiative de mettre én evidence, et ce choix depend évidemment de sa propre manière de rencontrer les problèmes philosophiques. Histoire de la philosophie et philosophie ne sont pas séparables. « Les sciences de l'homme et la phénoménologie (Paris: Centre de Documentation Universitaire), p. 4.

3 Pascal, Pensées, 267, 272 (édition Brunschvicg).

4 Dans une lettre à Lévy-Bruhl du 11 mars 1935; cité par Spiegelberg, H., The PhenomenologicalMovement (LaHaye: MartinusNijhoff, 1960), vol. I, p. 84Google Scholar (je traduis de l'anglais).

5 Signes (5), p. 255.

6 Phénoménologie de la perception (PhP), P-74.

7 Voir par exemple Sein und Zeit § 29.

8 Voir mon article, “Phenomenology and Existentialism: Husserl and the End of Idealism” in F. Elliston et P. McCormick, Husserl: Expositions and Appraisals (Notre Dame University Press, 1977); dans cet article je parle plus longuement du projet philosophique de Husserl et essaie de faire voir les importantes differences qui le séparent de ceux des «existentialistes»

9 Sens et non-sens (SNS), p. 8 (pagination de la zéme èd. et suivantes).

10 Heidegger, , « Contributions a la question de l'être » in Questions I (Paris: Gallimard, 1968), p. 230Google Scholar.

11 Parlant de cette lumière naturelle Merleau-Ponty dit: «… l'ensemble des êtres connus sous le nom d'hommes et definis par les caractères physiques que l'on sait ont aussi en commun une lumière naturelle, une ouverture à l'être qui rend les acquisitions de la culture communicables à tous et a eux seuls. » (5, 304) La notion de lumière naturelle chez Merleau-Ponty va de pair avec ces autres: communication, culturé, rationalite, universalité.

12 Husserl, Idées, trad. Riœeur (Paris: Gallimard, 1950), p. 457–458; p. 281–282 dans l'éd. allemande de 1913.

13 «Un inédit de Merleau-Ponty » (Inédit) in Revue de metaphysique et de morale, oct.-déc. 1962, n°4, p. 406.

14 Quand cette bonne volonté faillite, alors la rationalité elle-même, c'est-à-dire l'appel à l'universalité, se transforme en instrument d‘oppression: « Si en effet je crois pouvoir dans l'évidence rejoindre le principe absolu de toute pensée et de toute évaluation, - à condition d'avoir ma conscience pour moi, j'ai le drôit de soustraire mes jugements au controle d'autrui; ils reçoivent le caractère du sacré; en particulier, dans l'ordre du pratique, je dispose d'un plan de fuite où se transflgurent mes actions: la souffrance dont je suis cause se tourne en bonheur, la ruse en raison, et je fais pieusement périr mes adversaires.» (SNS, 166–167)

15 Diogène Laërce, op, cit., IX, 104–107.

16 Sextus Empiricus, Pyrrhoniarum hypotoposeon, 1, 13.

17 Ibid., I, 15.

18 Cf. Ibid., I, 192–193, 201.

19 Pensées, 72.

20 Je dis bien, sans le savoir. En effet, bien que la position de Merleau-Ponty ait de grandes affinités avec celles des sceptiques, il paraît qu'il n'ajamais eu l'occasion de se débarasser de l'idée courante et toute banale qu'on s'en fait habituellement, à savoir comme une position qui maintient qu' «on ne peut rien savoir » - ce qui decrit peut-être ce qu'on appelle le scepticisme de l'Académie mais qui n'a absolument rien à voir avec le scepticisme pyrrhonien.

21 Le visible et l'invisible (VI), p. 232.

22 Résumes de cours, p. 156.

23 Heidegger, , « Temps et Être » in L'endurance de la pensée (Paris: Plon, 1968), p. 15Google Scholar.

24 Résumés de cours, p. 156.

25 Je reprends cette phrase de mon étude, La phénomenologie de Merleau-Ponty, une recherche des limites de la conscience (Paris: Editions Klincksiek, 1973)Google Scholar, à laquelle je renvoie mon lecteur pour une considération plus détaillée de l'« ontologie indirecte » de Merleau-Ponty.

26 Merleau-Ponty écrit: « C'est à notre experience que nous nous adressons … Mais le choix de cette instance ne ferme pas le champ de réponses possibles, nous n'impliquons dans « notre experience » aucune référence à un égo, ou à un certain type de rapports intellectuels avec l'être, comme l'« expériri» spinoziste. Nous interrogeons notre experience, précisément pour savoir comment elle nous ouvre à ce qui n'est pas nous. Il n'est pas même exclu par là que nous trouvions en elle un mouvement vers ce qui ne saurait en aucun cas nous être present en original et dont I'absence irremediable compterait ainsi au nombre des nos expériences originaires. Simplement, ne serait-ce que pour voir ces marges de présence, pour discerner ces références, pour les mettre à l'épreuve ou les interroger, il faut bien fixer d'abord le regard sur ce qui nous est apparemment donné. » (VI, 211).

27 Heidegger, Voir, Lettre sur I'humanisme (Paris: Aubier, 1964), p. 51.Google Scholar

28 Heidegger écrit: « L'homme est bien plutôt «jete » par l'Être lui-meme dans la vérité de l'Être, afin qu'ek-sistant de la sorte, il veille sur la vérité de l'Être, pour qu'en la lumiere de l‘Être, l'étant apparaisse comme l'etant qu'il est. « (Ibid., p. 77) »II ressort done de cette determination de l'humanite de l'homme comme ek-sistence que ce qui est essentiel, ce n'est pas l'homme, mais l'Être comme dimension de l'extatique de l'ek-sistence. « (Ibid., p. 85) Heidegger essaie de justifier cet ONTOGISME (par rapport a un « humanisme ») en disant qu'il fait de l'homme quelque chose de plus noble qu'un simple « homme »: « Sil'on pense contre l'humanisas, c'est parce que l'humanisme ne situe pas assez haut 1'humanitas de l'homme. « (Ibid., p. 75)

29 Pensées, 72.

30 Pierre Charron, De la sagesse (édition de 1824), vol. I, p. 2.

31 Éloge de la philosophie (EP), p. 70.

32 EP, p. 71; on ne peut pas s'empêcher de voir ici un écho au célèbre texte de Pascal sur 1'homme-roseau (Pensees, 347).

33 De la sagesse, vol. II, p. 264.

34 « Un humanisme aujourd'hui n'oppose pas a la religion une explication du monde. » (S, 305)

35 Merleau-Ponty écrit: « Parrapport au Dieu qui éstforce, notre existence était un échec, et le monde une décadence, dont nous ne pouvions guérir qu' en revenant en deçà. Au Dieu qui est du coté des hommes correspondra, au contraire, une histoire prospective qui est une expérience cherchant son accomplissment. » (EP, 44–45)« … le Dieu Chretien ne veut pas d'un rapport vertical de subordination. II n'est pas simplement un principe dont nous serions les consequences, une volonté dont nous serions les instruments, où même un modèle dont les valeurs humaines ne seraient que le reflet; il y a comme une impuissance de Dieu sans nous, et le Christ atteste que Dieu ne serait pas pleinement Dieu sans épouser la condition d'homme. » (S, 88)

36 « Sur la cognoissance de Dieu »in De la sagesse, vol. III, p. 340 et 348. (C'est ici qu'on peut voir les rapports entre humanisme, scepticisme et fidéisme.)

37 Les aventures de la dialectique (AD), p. 310.

38 Voir Husserl, Philosophie als strenge Wissenschaft (Frankfurt am Main: V. Klostermann, 1965), p. 60 et suivantes (p. 323 et sv. dans l'édition « Logos » de 1911).

39 Husserl, Voir, Die Krisis der europäischen Wissenschaften und die transzendentale Phänomenologie (La Haye: Martinus Nijhoff, 1962)Google Scholar, § 73, p. 275; je traduis ainsi le mot «selig ».

40 C'est dire que humanisme, scepticisme et libéralisme font partie de la même structure de pensée; en effet tout véritable libéralisme ne peut exister sans le scepticisme. L'auteur libéral, F. Hayek, remarque à cet égard: “The liberal differs from the conservative in his willingness to face this ignorance and to admit how little we know, without claiming the authority of supernatural sources of knowledge where his reason fails him. It has to be admitted that in some respects the liberal is fundamentally a skeptic-… it seems to require a certain degree of diffidence to let others seek their happiness in their own fashion and to adhere consistently to that tolerance which is an essential characteristic of liberalism. » « Why I Am Not a Conservative” in The Constitution of Liberty (South Bend, Ind.: Gateway Edition, 1972), p. 406.

41 « La tâche essentielle du marxisme sera done de chercher une violence qui se dépasse vers l'avenir humain. » Humanisme et terreur (HT), p. xiv.

42 HT, 197. En ce qui concerne la différence entrel Occidentetlecommunisme, «ilnes'agit que de différents usages de la violence. Le communisme doit être considere et discute comme un essai de solution du problème humain, et non pas traite surle ton de l'invective. C'est un mérite définitif du marxisme et un progrès de la conscience occidentale d'avoir appris à confronter les idees avec le fonctionnement social qu'elles sont censées animer, notre perspective avec celle d'autrui, notre morale avec notre politique. Toute défense de l'Occident qui oublie ces vérités premières est une mystification. » HT, 191

43 « Hésitation » dans le sens où Th. Geraets parle d'une hésitation de Merleau-Ponty dans La structure du comportement où il ne voulait « ni renoncer à toute philosophic transcendantale, ni assumer définitivement le point de vue de la conscience transcendantale constituante ». Geraets, Cf., Vers une nouvelle philosophie transcendantale (La Haye: Martinus Nijhoff, 1971), p. 2CrossRefGoogle Scholar.

44 Tout comme dans sa derniere oeuvre en general il surmonte la « mauvaise ambiguite » de la Phénoménologie de la perception; cf. mon livre, La phénomenologie de Merleau-Ponty, p. 88.

45 Parmi ceux-là, Camus (Camus qui a écrit ceci, dans les toutes premieres lignes de L'Homme révolté: «Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. Le Code pénal les distingue, assez commodement, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmes qui invoquaient l'excuse de l'amour. Ils sont adultes, au contraire, et leur alibi est irréfutable: c'est la philosophie qui peut servir a tout, meme a changer les meutriers en juges. »), comme Sartre nous le dit (voir son article, « Merleau-Ponty », repris dans Situations TV, p. 215). La préoccupation de Merleau-Ponty avec le marxisme et sa tentative de le comprendre dans un sens non dogmatiste, non déterministe (non orthodoxe) se manifeste déjà dans la PhP où, dans le chapitre sur « Le corps comme être sexue », il soumet le déterminisme historique a une sévère critique (PhP, 199–202) et dans le chapitre sur la liberte où il parle de la conscience de classe et de la prise de conscience révolutionnaire (PhP,505–511). C'est justement cette tentative de sa part d'« humaniser »le marxisme qu'il allait abandonner; le marxisme de Merleau-Ponty était en fait une chose qui allait en décroissant (Sartre remarque dans son article: « … j'ai gardé le sentiment qu'il avait été, avant 1939, plus proche du marxisme qu'il ne fut jamais depuis » [SituationsIV, p. 204] et il voyait dans Humanisme et terreur une étape important dans le chemin qui menait Merleau-Ponty de plus en plus loin du marxisme).

46 Merleau-Ponty essaie de « comprendre » ce phénomene dans le deuxième chapitre de la Premiere Partie de HT; voir surtout p. 36–37.

47 Pour une excellente analyse de la notion d'« ennemi objectif » voir Hanna Arendt The Origins of Totalitarianism (New York: Harcourt, Brace, Jovanovich, 1973), p. 423Google Scholar et suivantes.

48 « Nous appelons à un effort d'éclaircissement qui nous paraît impossible pour des raisons de principe en régime communiste, possible dans le monde non communiste. » AD, 306.

49 S,401. Dans cet article Merleau-Ponty défend, contre la démocratic directe et la dictature du prolétariat, le suffrage universel; il dit: « Quand ils auraient cent fois raison, ceux qui « savent » ne peuvent mettre leur lumières (d'ailleurs vacillantes) à la place de ce consentement ou de ce refus. La majorité n'a pas toujours raison, mais on ne peut avoir raison a la longue contre elle, et si Ton élude indefiniment l'éprguve, c'est qu'on est dans son tort. Ici, nous touchons le roc. Non que la majorité soit oracle, mais parce qu'elle est le seul contrôle.»

50 Voir AD, 115 et SV.