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Matérialisme et unité de l’être humain : le défi du dualisme cartésien chez La Mettrie et d’Holbach

Published online by Cambridge University Press:  04 March 2011

Daniel Dumouchel*
Affiliation:
Université de Montréal

Abstract

This paper assesses the influence of Descartes’s thought on Julien Offray de La Mettrie and Baron D’Holbach, two prominent materialist philosophers of the 18th century. While both agree on the aberrant and unintelligible character of the soul’s spirituality, their interpretation of the consequences of Cartesianism differ. To lay the ground for his own materialism, La Mettrie disingenuously describes Descartes as a crypto-materialist. D’Holbach, on the other hand, takes the mistake of dualism as the product of an overly imaginative metaphysics.

Résumé

Le présent article se propose de réfléchir sur le rôle que joue la pensée philosophique de Descartes chez deux des principaux philosophes matérialistes du xviiie siècle, Julien Offray de La Mettrie et le baron d’Holbach. Alors que les deux philosophes s’entendent sur le caractère aberrant et inintelligible de la spiritualité de l’âme, l’interprétation qu’ils font de la signification des conséquences du cartésianisme diffère. Tandis que l’auteur de L’homme-machine feint de voir dans le dualisme cartésien une ruse destinée aux théologiens, qui cache un matérialisme souterrain qui ne révélerait sa véritable portée que dans l’analogie de la machine appliquée à l’être humain, l’auteur du Système de la nature élève l’erreur cartésienne au rang d’emblème de l’ignorance philosophique causée par l’autonomisation de l’imagination théorique.

Type
Philosophie cartésienne et matérialisme
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2011

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References

Notes

1 Traité de l’âme, p. 131. La Mettrie est cité d’après l’édition des Œuvres philosophiques, établissement du texte et annotation par Jean-Pierre Jackson, Paris, Coda, 2004. Pour les trois textes auxquels je ferai référence — soit L’homme Machine (1748; dorénavant HM), le Traité de l’âme (1745; dorénavant TA) et l’Abrégé des systèmes (dorénavant AS) —, J.-P. Jackson se base sur l’édition de 1751 des «Mémoires pour servir à l’Histoire naturelle de l’Homme».

2 On pourrait aussi bien parler d’un agnosticisme de l’empirisme de Locke à propos de la substance, et de la substance pensante en particulier, pourvu que l’on entende ce terme au sens étymologique et non pas au sens exclusivement religieux qu’il a pris en français au XIXe siècle. Le passage célèbre de Locke auquel je fais ici référence se trouve dans le livre IV, chapitre 3, §6 de l’Essai philosophique sur l’entendement humain.

3 La Treizième lettre des Lettres philosophiques de Voltaire pourrait avoir servi de relais pour cette interprétation.

4 Principes de la philosophie, I, §9; reproduction de l’édition Adam et Tannery, tome IX, Paris, Vrin, 1996, p. 28 (orthographe modernisée).

5 Pensons par exemple au Rêve de D’Alembert, dont la rédaction date de 1769.

6 Système de la nature, ou des lois du monde physique et du monde moral (1770), Paris, Fayard, 1990 (dorénavant SN, suivi de la pagination de cette édition).

7 Pour l’exemple des désaccords engendrés par les variations imaginaires dans la conception de Dieu, voir La contagion sacrée, ou Histoire naturelle de la superstition (1768), chapitre II : «Si chaque individu est forcé de se faire un dieu à part, d’après sa propre organisation et ses propres circonstances, s’il n’est pas deux êtres de l’espèce humaine qui aient précisément les mêmes idées de leur dieu, il n’est pas surprenant que les inductions qu’ils en tirent soient infiniment diversifiées. […] Par une conséquence nécessaire, la religion doit suivre les idées que l’on s’est faites de sa divinité; et comme les hommes n’auront jamais de mesure commune pour décider des objets qui n’ont que leur fantaisie pour base, nous sommes forcés de conclure que nulle religion ne peut être vraie, et que jamais le genre humain ne pourra s’accorder dans les mêmes notions sur des objets purement imaginaires que chaque homme est obligé de voir diversement», Paris, Coda, 2006, p. 23-24.

8 Voir HM, p. 58 : «Mais toujours est-il vrai que l’imagination seule aperçoit, que c’est elle qui se représente tous les objets, avec les mots et les figures qui les caractérisent, et qu’ainsi c’est elle encore une fois qui est l’âme, puisqu’elle en fait tous les rôles». Et ibid., p. 57 : «Je me sers toujours du mot imaginer, parce que je crois que tout s’imagine, et que toutes les parties de l’âme peuvent justement être réduites à la seule imagination, qui les forme toutes; et qu’ainsi le jugement, le raisonnement, la mémoire ne sont que des parties de l’âme nullement absolues, mais de véritables modifications de cette espèce de toile médullaire sur laquelle les objets peints dans l’œil sont renvoyés, comme d’une lanterne magique. Mais si tel est ce merveilleux et incompréhensible résultat de l’organisation du cerveau, si tout se conçoit par l’imagination, si tout s’explique par elle, pourquoi diviser le principe sensitif qui pense dans l’homme?».