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Le paralogisme de la simplicité
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
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L'épistémologie de Kant, dont le but principal est d'expliquer la possibilité des jugements synthétiques a priori, est une épistémologie du point de vue du sujet ou (comme on pourrait la désigner aussi) «à la première personne»: le «sujet connaissant», dit Kant, «…compare, lie ou sépare [les] représentations et travaille … la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets…». C'est l'esprit, ou le moi pensant, comme il le soutient aussi, qui construit à partir des impressions reçues des sens (le «divers» de la sensibilité) une représentation objective de l'univers en soumettant les phénomènes à ses formes a priori et à ses catégories. Mais de quelle nature peut être ce «moi» qui connaît? Est-il possible d'en dire quelque chose? Pour lui, «nous n'avons ni ne pouvons [en] avoir la moindre connaissance…». Le «je» du «Je pense», comme on le lit dans la déduction transcendantale des catégories, doit pouvoir «accompagner toutes mes représentations…», mais il ne peut être pour lui-même un objet de connaissance ou de représentation parce que «je ne saurais connaître comme objet cela même [le sujet] qu'il me faut supposer pour connaître en général un objet…».
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- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 27 , Issue 1 , Spring 1988 , pp. 59 - 88
- Copyright
- Copyright © Canadian Philosophical Association 1988
References
1 B 1; 31. Dans ce qui suit, toutes les citations de Kant, sauf indication contraire, sont de la Critique de la raison pure. J'utilise les conventions habituelles pour les références. La première edition est signalée par la lettre «A», la seconde par la lettre «B», suivie du numéro de page tel que donne dans l'édition de l'Academie de Berlin des Gesammelte Schriften (Berlin: G. Reimer, 1911), vol. 3Google Scholaret 4, suivi ensuite du numéro de page de la traduction de A. Tremesaygues et B. Pacaud (Paris: Presses Universitaires de France, 1968).
2 A 350; 284.
3 B 131; 110.
4 A 402; 324.
5 B 409; 287.
6 A 116; 130.
7 A 123; 138.
8 Cf. sixieme, laMéditation, dans les Oeuvres philosophiques publiées par Alquié, F. (Paris: Gamier, 1963–1973)Google Scholar, tome 2, 499; et aussi les Principes de la philosophic (2e partie, art. 20), dans les Oeuvres philosophiques, tome 3, 165–166.
9 Oeuvres philosophiques, tome 2, 400.
10 Ibid., 499.
11 A 351-352; 285-286.
12 Cf. Broad, C. D., Kant: An Introduction (Cambridge: Cambridge University Press, 1978), 255–257Google Scholar. Mori interpretation du paralogisme s'inspire sur certains points de l'interprétation de Broad.
13 A 352; 286.
14 J'examine la question de l'immatérialite du sujet, telle qu'elle est traitée par Kant dans le chapitre sur les paralogismes, dans un articlé intitule «Kant, le matérialisme et la psychologie rationnelle», Philosophiques 14/2 (1987), 227–261.
15 A 352; 286.
16 A 353; 286.
17 A 352-353; 286.
18 A 353; 286.
19 A 353; 287.
20 Cf. B 17-18; 42-43.
21 A 347 = B 405; 282.
22 A 353; 287.
23 A 354; 287 (trad. mod.).
24 A 354; 287-288.
25 A 354-355; 288.
26 A 355; 288.
27 A 346 = B 404; 281.
28 A 355; 288.
29 Ibid.
30 A 95-96; 107-108.
31 A 97; 109.
32 B 129-130; 107.
33 B 137; 115.
34 A 107-108; 120-121.
35 A 216 = B 263; 198.
36 A 114; 129.
37 A 118; 132.
38 A 111; 124.
39 A 103; 116.
40 A 116; 130.
41 A 108; 121-122.
42 Gesammelte Schriften (Berlin: W. de Gruyter, 1983), vol. 29 (2, 1), 1025–1026Google Scholar. Ce volume contient des notes prises aux cours de Kant par ses etudiants. Le texte cité est extrait d'un cours donne durant l'année 1794–1795. Je ne soutiens pas ici que dans ses cours de métaphysique Kant adopte une position semblable à celle qu'il défend dans la Critique de la raison pure, ou bien qu'il accepte sans réserve l'argument exposé dans ce passage. Pour lui, au contraire (comme je l'explique ci-dessous), l'argument prouve la simplicité du sujet seulement en un sens de la proposition «Le moi est simple».
43 A 341 = B 399; 278.
44 A 349; 283 (trad. mod.).
45 Ibid. (trad. mod.).
46 Ibid.
47 B 412; 293.
48 Ibid.
49 A 381; 308.
50 A 402; 325.
51 A 403; 325.
52 Ibid.
53 Ibid.
54 A 400; 323 (trad. mod.).
55 B 407; 284.
56 Ibid. (trad. mod.).
57 B 408; 285-286.
58 B 408; 285.
59 B 413; 293-294 (mes italiques).
60 B 407; 284 (mes italiques).
61 A 356; 288.
62 A 350; 284.
63 B 409; 287.
64 A 398; 321-322.
65 A 354; 287-288.
66 B 420-421; 305.
67 A 363; 294.
68 Wilson, Margaret, dans «Leibniz and Materialism», Canadian Journal of Philosophy 3 (1974)CrossRefGoogle Scholar, propose de faire un rapprochement entre le paralogisme de la simplicité et un argument de Leibniz contre le matérialisme (en particulier dans la Monadologie). Elle soutient, avec raison je pense, que le paralogisme a été «quite implausibly associated in the Kant literature with the name of Descartes…»(496), et elle considere que «[it] is much more illuminating … to view the argument as a more complete statement of the reasoning on which Leibniz (at least partly) based his rejection of materialism» (509). Sur ce second point, son interprétation ne contredit pas cependant celle que j'ai défendue dans ce qui précède: il y a selon elle une similitude entre les deux arguments, mais elle n'avance aucune raison de croire (et elle ne suggère d'ailleurs pas) que Kant attribue lui-meme l'argument a Leibniz ou que, dans sa critique du paralogisme, c'est a Leibniz, plutôt qu'à Descartes ou à un autre auteur, qu'il fait allusion. II pourrait très bien exister des liens d'influence directe ou indirecte, dans l'évolution des idées philosophiques, entre Leibniz (en particulier sa monadologie) et certains thèmes de la déduction transcendantale (plus spécifiquement le principe de l'«unite synthétique de l'aperception») qui expliquent la similitude entre les deux arguments sans qu'il soit pour autant nécessaire de supposer que c'est Leibniz (ou quelqu'un d'autre) qui est visé dans la critique que fait Kant du paralogisme.
69 Dans «Kant's Paralogisms», The Philosophical Review 91/4 (1982), Patricia Kitcher defend une interprétation semblable. Elle écrit par exemple: «…many of Kant's general warnings about moving from “conceptual analysis” to substantive claims about the self … are better understood as caveats about his own position [dans la deduction transcendantale] than as criticisms of his predecessors» (531). Mais la difficulty dans sa lecture (par ailleurs interessante) du chapitre est qu'elle s'appuie sur une interpretation a mon avis erronee de la déduction des catégories (qu'elle expose de facon plus détaillée dans un autre article intitulé «Kant on Self-Identity», The Philosophical Review 91/1 [1982]). D'autre part (en se référant a Particle de Margaret Wilson cité dans la note précédente), elle soutient, a tort a mon avis, que, sur ce point, le paralogismea de la simplicite fait exception: «Only in the present case [celui de ce paralogisme] does Kant appear to carry out the stated purpose of the chapter, viz., to criticize arguments of his rationalist predecessors» (544). Comme je l'ai remarque (voir note precedente), Margaret Wilson soutient qu'il y a une similitude entre les deux arguments et que le paralogisme pourrait être regardé comme un développement ou une formulation plus explicite d'un argument de Leibniz, mais non pas qu'il était dans l'intention de Kant de faire la critique d'un argument qu'il attribuerait lui-même à l'auteur de la Monadologie; on ne trouve dans le chapitre aucune indication en ce sens.