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Heidegger et la destruction du scepticisme

Published online by Cambridge University Press:  27 April 2009

Franz-Emmanuel Schürch
Affiliation:
Université McGill

Abstract

In this article, I wish to shed a new light on Heidegger's philosophical position toward idealism and realism. This will be accomplished through an analysis of Heidegger's account of the problem of scepticism in §43 of Sein und Zeit. Heidegger's position toward scepticism has often been overlooked or treated candidly by scholars and, as a result, misunderstood in the larger philosophical world, who frequently equated Heidegger's philosophy with some form of scepticism. By highlighting some crucial ambiguities in the unfolding of §43, I show that in Sein und Zeit Heidegger is elaborating a radical refutation of scepticism even though it will ultimately only be accomplished in the Beiträge zur Philosophie.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2007

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References

Notes

1 Heidegger, Martin, Logik, Die Frage nach der Wahrheit, Gesamtausgabe (GA), Band 21, Frankfurt am Main, Vittorio Klostermann, 1976, p. 18Google Scholar: «Im Umkreis der Aufgaben der philosophierenden Logik ist die zentrale Angelegenheit, wie später noch einsichtiger werden wird als bisher, die Frage: Was ist Wahrheit?».

2 Greisch, Jean, Ontologie et temporalité, Esquisse d'une interpretation intégrale de Sein und Zeit, Paris, Presses Universitaires de France, 1994, p. 249.Google Scholar

3 Heidegger, Martin, Être et tempsGoogle Scholar (ET), traduction française du texte de la dixième édition par Emmanuel Martineau, Paris, Authentica, 1985, p. 168; Sein und Zeit (SZ), Siebzehnte Auflage, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1993, p. 228229.Google Scholar

4 Gorgias, fragment Diels-Kranz B3 (Sextus Empiricus), dans Les écoles présocratiques (J.-P. Dumont), Paris, Gallimard, 1988, p. 701 sq.Google Scholar

5 Voir Greisch, , Ontologie et temporalité, p. 243 sq.Google Scholar

6 Cf. supra, note 2.

7 «Mit der wahren Welt haben wir auch die scheinbare abgeschafft» (Nietzsche, F., Götzen-Dämmerung, Giorgio Colli et Mazzino Montinari, éd., Berlin/New York, De Gruyter, 1967, p. 75: Wie die „Wahre Welt” endlich zur Fabel wurde — toutes nos références à l'œuvre de Nietzsche renvoient à cette édition).Google Scholar

8 Le sceptique qui montre que l'on ne peut pas savoir fait du savoir l'objet d'une poursuite déçue. Celui qui renonce à cette poursuite, considérant que cet objet même est un non-sens est ainsi plus authentiquement sceptique que le sceptique puisqu'il l'est tant que la question même du sceptique ne peut plus, pour lui-même, prétendre à la signification.

9 Fehér, Istvan M., «Zwölf Sätze über den Skeptizismus in Heideggers Sein und Zeit», Philosophisches Jahrbuch, 1998, n° 1, p. 4.Google Scholar

10 GA 21, p. 21Google Scholar: «Hinter diese Grundvoraussetzung, dass es Wahrheit überhaupt gibt, kann erkennendes Fragen gar nicht mehr zurückfragen. Die Besinnung steht hier an einer Grenze».

11 Cette expression est un clin d'œil à l'article de Gérard Guest intitulé «Anabase — Acheminement vers l'amont de la “présupposition” — le chemin de Sein und Zeit», Heidegger Studies, n° 5, 1989, p. 79133.Google Scholar

12 GA 21, p. 2122Google Scholar: «Bei näherem Zusehen zeigt sich, dass dieser Skeptizismus im gleichen wie die Widerlegung seiner einen ganz bestimmten Wahrheitsbegriff voraussetzen, dass dieser ganz und gar nicht der ursprüngliche ist, dass mithin diese Widerlegung gar keine radikale Besinnung ist und nur der Schein einer selbstverständlichen Voraussetzung, nur das Trugbild einer Grenze».

13 Voir Carnap, R., «Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der Sprache», Erkenntnis, 1931, vol. 2, p. 219241CrossRefGoogle Scholar. Il convient de souligner néanmoins que Heidegger, comme il l'indique lui-même dans la note b de la page 107 des Wegmarken (GA 9), ne critique pas toute forme de logique au sens d'un ordre ou pour parler comme il le fera dans les Beiträge (GA 65Google Scholar) ou dans son cours du semestre d'été 1936 sur Schelling (GA 42Google Scholar), d'ajointement (Fügung), mais simplement une certaine idée de la logique, en l'occurrence son sens courant. En affirmant ainsi que ce qu'il récuse à propos de la logique, c'est la logique «im gewöhnliche Sinne, was man so dafür nimmt», il trahit la conviction selon laquelle il y aurait une autre façon, une façon plus authentique ou fertile à ses yeux de comprendre une certaine forme de «logique». consulter également, eu égard à la question de la logique chez Heidegger, l'excellent article de Françoise Dastur, «La doctrine du jugement, la métaphysique du principe de raison et l'idée de la logique», Courtine, dans J.-F., dir., Phénoménologie et logique, Paris, Presses de l'École normale supérieure, 1996, p. 283296.Google Scholar

14 Voir la démonstration de l'impossibilité d'une preuve “ontologique” de l'existence de Dieu: Kritik der reinen Vernunft, A592-A602, B620-B630, AK. III, 397402.Google Scholar

15 Cf. supra note 2.

16 Nous nous contentons d'un rappel sommaire de cette critique des insuffisances ontologiques qui caractérisent la problématique de la réalité du monde extérieur, car ceci est bien connu. L'on peut se référer à cet égard à Greisch pour un résumé parfaitement clair de cette critique, ainsi qu'à l'excellent chapitre Das Realitätsproblem: ein Skandal der Philosophie? Gethmann, du livre de, Dasein: Erkennen und Handeln. Heidegger im phänomenologischen Kontext, Berlin/New York, De Gruyter, 1993Google Scholar, et plus précisément à §1 de ce chapitre, intitulée Destruktion und ontologische Genesis des Realitätsproblems (p. 208 et sq.).

17 C'est le titre du chapitre de Jean Greisch sur le §43.

18 Fehér caractérise judicieusement cette contradiction comme une contradiction «existentielle» (voir article cité supra note 9), bien que la différence qu'il propose entre un plan «empirique» et «existentiel» ne nous semble pas entièrement souhaitable.

19 Fehér s'attaque à cette ambiguïté, mais de la mauvaise manière, en achoppant d'abord sur une correction du texte faite par Heidegger dans la septième édition, le «nie» de la phrase «So wenig erwiesen ist, dass es „ewige Wahrheiten” gibt, so wenig ist es erwiesen, dass es nie […] einen „Wirklichen” Skeptiker „gegeben hat”» se trouvant alors remplacé par un «je», ce qui inverse le sens de la phrase. Ce problème a d'abord été discuté par Hans Ebeling («Einleitung», Ebeling, dans H., dir., Subjectivität und Selbsterhaltung. Beiträge zur Diagnose der Moderne, Frankfurt am Main, Suhrkamp Verlag, 1976, p. 37Google Scholar et «Adornos Heidegger und die Zeit der Schuldlosen», Philosophische Rundschau, 1982, n° 29, p. 190Google Scholar sq. pour la question qui nous occupe) et Hermann Mörchen (Adorno und Heidegger. Untersuchung einer philosophischen Kommunikationsverweigerung, Stuttgart, Klett-Cotta, 1981, p. 312Google Scholar). Toutefois, cette correction est, dans le cadre général où elle apparaît, tout à fait inoffensive, car elle ne fait que sanctionner une ambiguïté qui existe déjà dans le texte. Les deux possibilités continuent de coexister dans chacune des versions: Heidegger affirme toujours à la fois que le sceptique est plus «vrai» que ne le croit l'ingénuité de sa réfutation ordinaire, et pourtant il demeure en soi contradictoire, confinant au suicide. Le côté de l'ambiguïté auquel cette fameuse phrase se trouve rattachée importe peu, car la correction ne fait en réalité que cela, la faire sauter d'un côté à l'autre sans toucher à l'ambiguïté générale du texte, qui mérite seule notre attention. Toutefois, malgré ce raidissement pointilleux qui l'amène à fixer son attention sur un faux problème, cela n'empêche pas Fehér de s'attaquer intelligemment et de présenter une analyse et une solution intéressante à l'ambiguïté elle-même.

20 Jacques Derrida a forgé cette expression qui a donné lieu à bien des égarements dans la compréhension de l'apport heideggérien à la philosophie (voir La voix et le phénomène, Paris, Presses Universitaires de France, 1967, p. 114).Google Scholar

21 Le tournant, qui comme la plupart des commentateurs le savent maintenant a peu de choses à voir avec un revirement dans l'itinéraire intellectuel de Heidegger, est présenté dans les Beiträge zur Philosophie comme la structure de la relation de l'homme à l'être, structure qui «tourne» entre, d'une part, le projet ou l'horizon de compréhension que doit dessiner le Dasein afin que l'être soit compris, et, d'autre part, la dette que ce projet a toujours déjà contractée envers ce qu'il sert à ouvrir (voir par exemple GA 65, p. 261).Google Scholar

22 C'est d'une certaine façon de ce paradoxe qu'approche G. Figal sous le titre de nichtmetaphysisches metaphysisches Denken; voir son article «Verwindung der Metaphysik. Heidegger und das metaphysische Denken», Jamme, dans C., dir., Grundlinien der Vernunftkritik, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1997, p. 471492.Google Scholar

23 Voir par exemple Nietzsche, F., Werke, vol. X, 26Google Scholar [61], vol. XI, 38 [14], vol. XIII, 9 [38], 9 [91] et 9 [97], vol. XIV, 14 [152].

24 Cf. SZ, §65.

25 Cf. SZ, §67. Une critique qui voudrait fuir toute présence ne pourrait sans contradiction faire de l'instant sa visée capitale.

26 Questions I et II, Paris, Gallimard, 1996, p. 326Google Scholar (nous soulignons) et Was ist das — die Philosophie?, Pfullingen, Neske, 1966, p. 12Google Scholar. L'on peut à cet égard consulter également le texte Aus einem Gespräch von der Sprache, dans Unterwegs zur Sprache [GA 12], 1985, p. 116Google Scholar, où Heidegger écrit: «weil dieser mich bewog, mit seiner Hilfe das phänomenologische Denken zu kennzeichnen, das mir den Weg zu „Sein und Zeit” öffnete. Es galt und gilt noch, das Sein des Seienden zum Vorschein zu bringen; freilich nicht mehr nach der Art der Metaphysik, sondern so, dass das Sein selbst zum Scheinen kommt. Sein selbst — dies sagt: Anwesen des Anwesenden, d.h. die Zwiefalt beider aus ihere Einfalt».

27 Que l'on consulte simplement la première page de Vom Wesen der Wahrheit [GA 9].

28 Voir Werke, vol. XII, lre partie, § 39Google Scholar; vol. XVI, § 484. Voir surtout comment Nietzsche s'approche de Heidegger dans sa critique de Descartes, mais pour servir de tout autres fins (Werke, vol. XI, 40 [23]Google Scholar), confirmant l'affirmation de Heidegger dans les Beiträge selon laquelle Nietzsche est à la fois celui qui est le plus près et le plus éloigné de la question de l'être (GA 65, p. 176Google Scholar). Rappelons à cet égard la phrase de Heidegger qui soutient, dans son cours du semestre d'été 1931 que «Nietzsche, qui décèle avec tant de sûreté les arrière-fonds de la pensée et du jugement, n'a jamais vu à quel point toute sa pensée à lui était déterminée par sa mécompréhension de Parménide» (GA 33, p. 24Google Scholar; tr. fr. par Bernard Stevens et Pol Vandevelde, dans Aristote, Métaphysique Q 1–3, de l'Essence et de la réalité de la force, Paris, Gallimard, 1991, p. 32).Google Scholar

29 Cf. SZ, §§62–64; voir aussi les définitions du soi dans les Beiträge aux §§19, 30, 197 et 271, p. 488–489. Il conviendrait sans doute de tenir compte de cela avant d'affirmer que «la critique du monde contemporain comme monde de la technique est en son fond […] radicalement incompatible avec le minimum de subjectivité requis pour qu'une pensée démocratique, en quelque sens qu'on l'entende, soit possible» (Ferry, Luc et Renaut, Alain, Heidegger et les modernes, Paris, Grasset et Fasquelle, 1988, p. 35).Google Scholar

30 Cf. ET, p. 160/SZ, p. 214.Google Scholar

31 Voir Die Grundbegriffe der Metaphysik, Welt-Endlichkeit-Einsamkeit, où Heidegger affirme que la définition traditionnelle de la vérité Veritas est adaequatio intellectus ad rem «ist im Ansatz richtig» (GA 29–30, p. 497).Google Scholar

32 Voir par exemple, SZ, §§29–30 et 68 b), Was ist Metaphysik, GA 9, p. 109 sq.Google Scholar; Vom Wesen des Grundes, GA 9, p. 164 sq.Google Scholar; et surtout toute la première partie du cours GA 2930.Google Scholar Consulter également l'article Charcosset, de J.-P., «“Y” Notes sur la Stimmung», Exercices de la patience, Cahiers de Philosophie, Printemps 1982, vol. 3/4, p. 4963Google Scholar et celui Haar, de M., «Stimmung et passivité»Google Scholar, Taminiaux, dans J., dir., Heidegger et l'idée de la phénoménologie, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 1988, p. 265283.Google Scholar

33 Tout savoir réel doit être a priori, car sans cela, l'on devrait induire à partir d'une expérience ponctuelle et l'on ne peut pourtant pas lire l'avenir. On ne peut pas prouver la réalité de la causalité, car on ne peut percevoir que de l'actuel, du ponctuel et parce que la relation est un passage dans l'avenir.

34 Le scepticisme est renié trois fois: 1) ce n'est pas un scandale (SZ, p. 203; 2)Google Scholar pas de preuve possible (ibid., p. 205 sq., p. 229); 3) contradiction existentiale (ibid., p. 229).

35 Greisch, , Ontologie et temporalité, p. 245 sq.Google Scholar

36 Heidegger écrit: «Notre discussion des présupposés tacites et des tentatives purement “gnoséologiques” de solution du problème de la réalité du monde extérieur montre donc que celui-ci doit être repris comme problème ontologique dans l'analytique existentiale du Dasein» (ET, p. 157/SZ, p. 208Google Scholar; voir également la note 1 de la même page).

37 Dilthey, W., «Beiträge zur Lösung der Frage vom Ursprung unseres Glaubens an die Realität der Aussenwelt und seinem Recht»Google Scholar, Misch, dans G., éd., Die Geistige Welt, Gesammelte Schriften (t. V et VI), Leipzig, Teubner, 1923.Google Scholar

38 Gethmann, , Dasein: Erkennen und Handeln, p. 219.Google Scholar Cet essai, très riche, original et inventif se termine sur cette définition de la réalité telle qu'elle exprime, d'après l'auteur, les conclusions qui doivent être tirées en extrapolant à partir de ce qui chez Heidegger n'est encore à cet égard qu'esquisse: «Real, d.h., das, was letztlich die Verständlichkeit und Verlässlichkeit von Entscheidungsleitungen garantiert, ist dasjenige, was Resultat des Wahrnehmens in einer definitiven Einführungssituation ist» (p. 242); consulter également du même auteur l'ouvrage Verstehen und Auslegung, Bonn, Bouvier Verlag Grundmann, Herbert, 1974Google Scholar, principalement les p. 107–126 et le chapitre 3.2 pour la question de la vérité.

39 Voir également la fin de l'analyse de l'expression «en soi» au §16 (ET, p. 7576Google Scholar/SZ, p. 7576).Google Scholar

40 Heidegger, , Les conférences de Cassel, édition bilingue introduite, traduite et annotée par Jean-Claude Gens, Paris, Vrin, 2003, p. 175Google Scholar (traduction légèrement modifiée).

41 Ibid., p. 157.

42 Ce qui est réalisé surtout dans la section V des Beiträge zur Philosophie, dont le titre est précisément Die Gründung.

43 GA 34, p. 286Google Scholar; traduction française par Boutot, Alain, dans, De l'essence de la vérité. Approche de l'«allégorie de la caverne» et du Théétète de Platon, Paris, Gallimard, 2001, p. 316.Google Scholar