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Published online by Cambridge University Press: 05 May 2010
A force de lire à chaud les débats actuels de la philosophie et s'habituer aux diverses technicalités d'interprétation s'alimentant de la structure ouverte du texte philosophique; à force de dépouiller catalogues (prestigieux) d'éditeurs et programmes de congrès avec la rapidité de celui qui se sait dans le coup de la contemporanéité la plus sophistiquée, nous oublions parfois la pertinence et le sens de l'étrangeté radicale des classiques. Nous préférons croire que de leur hauteur à première vue inaccessible, un peu surannée, les philosophes de cette époque et—par une métonymie à la limite typographique—les textes classiques modélent des paysages intérieurs révolus, raffinent la quintessence d'une civilisation qui aurait manqué (de) nos propres moyens d'action « plus réels », plus appropries à la conscience foncièrement progressiste qui nous tenaille.
2 Belle traduction de Francois Matheron. II est dommage que l'édition francaise n'ait pas conservé les trois annexes de l'édition italienne, ne serait-ce que pour les commentaires importants sur, de Negri The Political Theory of Possessive Individualism: Hobbes to Locke (1962) du canadien MacPherson, C. B., professeur à l'Université de Toronto, également auteur de The Real World of Democracy (Toronto: Canadian Broadcasting Corporation, 1965)Google Scholar où curieusement il n'est pas question de Spinoza. Ajoutons que certaines coquilles de noms propres n'ont pas été corrigées («F. Duchesneu» pour Duchesneau) alors que d'autres l'ont été, Bélaval pour «Y. Bevalon». L'anomalie sauvage est le troisieme ouvrage d'une nouvelle collection « Pratiques théoriques» dirigée par Etienne Balibar et Dominique Lecourt. Lancée le mois auparavant (octobre 1982) par l'ouvrage interessant de Pierre-Francois Moreau, Le récit utopique: droit naturelet roman de l'Etat, qui, en analysant les limites du genre litteraire et les dangers de l'anthropologie juridique qu'elle recele, tente d'arracher la question de l'utopie aux interprétations des socialismes historicisants ou «scientifiques»; celui-ci est également auteur d'un Spinoza concis et essentiel (Paris: Seuil, 1975)—avecGoogle Scholar une belle iconographie. Soulignons enfin que Les Presses Universitaires de France ont réimprimé cette mme année le fondamental Spinoza et la pensée française avant la Révolution (I954)de Paul Verniére, mais sans compléments bibliographiques ni mise au point politicohistoriographique. Déplace de la série « Publications de la Faculte des Lettres d'Alger» (avec sur la page couverture, un buste gréco-romain?) dans l'autre nouvelle collection «Philosophie d'aujourd'hui». Verniére se plaignait déjà du manque d'études d'ensemble sur le « cheminement obscur» de Spinoza et du manque de monographies précises sur les auteurs secondaires de l'époque et d'apres. «Spinoza nous reviendra au XIXe siécle, par le canal de la pensee allemande, plus pur certes; mais la réaction de la pensée française ne sera plus des lors spontanée et originale». Quant à la «légende des idées» autour de Spinoza, « Chacun y prend son bien, plus soucieux de confirmer son propre credo que de restituer un vrai visage ou une idée nouvelle» (3).
3 Son Spinoza de 1970 (Presses Universitaires de France) est réédité aux Editions de Minuit (1981), augmenté des trois chapitres (dont un sur l'éthologisme animal du philosophe et sur le langage méta-physique de la vitesse) et d'un sous-titre «Philosophie pratique». Rappelons que dans ses legers Dialogues avec Claire Parnet (Paris: Flammarion, 1977),Google Scholar Deleuze avait parlé de I'agencement-Spinoza «philosophe à la tique» (76) et signalé cet effet « … d'unbalaide sorcière qu'il vous fait enfourcher. Spinoza, on a même pas commence a le comprendre, et moi pas plus que les autres»(22). II y aurait beaucoup a dire sur la schize paradoxale des spinozistes dans l'histoire de la Modernite.
4 Hegel on Spinoza (Paris: Maspero, 1979).Google Scholar Lire l'étude critique (plutôt réservée) Souche-Dagues, de Denise in Etudes philosopliiques I (janvier-mars 1981), 87–100,Google Scholar numéro consacré au romantisme allemand dans une perspective ethnophilosophique, notre compte-rendu in Dialogue 21 (1982), 171–173CrossRefGoogle Scholar.
5 Cf. d'Amnistie Internationale, Communications (section canadienne francophone) 5/5 (septembre 1983), 5–6Google Scholar.
6 Negri ajoute à sa manière à l'histoire traditionnelle des mythographies tissées autour de Spinoza: athée ou ivre de Dieu? baroque ou ascéte? révolutionnaire de fait ou en fait conservateur? Rappelons une mise au point de Lewis S. Feuer dans un livre stimulant, passionné, écrit à l'Université du Vermont et qui mériterait encore aujourd'hui d'etre traduit en français: «A thinker can be understood only as we relive his experiences. Spinoza's philosophy was wrought in a time such as ours—one of crisis. … [It] was not contrived with threads of thoroughgoing consistency. Only those immune to the toil and turmoil of their times can manufacture systems of unruffled unity. … Historical scholarship tends often to forget the complex emotional strains in a great thinker's work. The spirits of revolution and resignation, of defiance and acquiescence dwelled side by side in Spinoza's thought» (Spinoza and the Rise of Liberalism [Boston: Beacon Press, 1958], ix, 254, 283).Google Scholar Pour l'auteur, le philosophe fut un social scientist, fascine par la nouvelle technologie instrumentale des sciences et « mystique» de temperament, premier politicologue de la modernité avec Machiavel, precurseurde la psychanalyse dont les withdrawals singuliers etaient constitutifs de l'invention meme du texte et de sa texture « humaine».