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Modernité, droits de l'homme et éthique du discours
Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
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Le ressurgissement de la notion de droits de l'homme, à la faveur notamment du printemps polonais de 1980, restera sans doute l'un des traits les plus marquants de la décennie qui s'achève. L'on pourrait trouver son équivalent proprement philosophique dans l'audience croissante qu'ont su trouver des penseurs tels que Jürgen Habermas et K. O. Apel pour leur projet d'élaboration d'une nouvelle morale universaliste, à partir des principes de l'éthique kantienne. En effet, tant les droits de l'homme que ces théories morales inspirées de Kant ont en commun une même exigence d'universalité qui les voue à un niveau élevé d'abstraction, obtenu en libérant les principes invoqués de la réalité substantielle dont ils sont issus et sur laquelle ils ont, en définitive, à s'exercer. C'est ce qui fait de ces droits une politique de la déclaration et de ces théories morales une éthique du discours.
- Type
- Articles
- Information
- Dialogue: Canadian Philosophical Review / Revue canadienne de philosophie , Volume 28 , Issue 1 , Winter 1989 , pp. 23 - 42
- Copyright
- Copyright © Canadian Philosophical Association 1989
References
1 Voir, notamment, le numéro spécial de la revue Esprit, intitulé «Pologne: un défi, un espoir» (janvier 1981); voir aussi, Claude Lefort, «Droits de l'homme et politique», dans L'invention démocratique. Les limites de la domination totalitaire, Biblio. essais (Paris: Fayard, 1981) 45–84Google Scholar; et enfin, Ferry, Luc et Renaut, Alain, «Penser les droits de l'homme», Esprit (mars 1983), 67–84.Google Scholar
2 C'est pour insister sur ce qui est commun entre la morale universaliste kantienne et l'éthique de Habermas et de Apel, que nous les désignons toutes parle terme d'éthique du discours. Nous parlons alors au sujet des théories élaborées par Habermas et Apel d'une éthique du discours renouvelée.
3 Sur le problème de la modernité, voir les deux premières conférences dans Jürgen Habermas, Derphilosophische Diskurs der Moderne (Frankfurt am Main: Suhrkamp, 1985).Google Scholar
4 Gauchet, Marcel, «Les droits de l'homme ne sont pas une politique», Le Débat (juillet-août 1980), 19.Google Scholar
5 Sur Hegel comme premier penseur de la modernité, voir Habermas, J., Der philosophische Diskurs, chap. 1 et 2Google Scholar; voir aussi les chap. 1 et 2 Taylor, de Charles, Hegel (Cambridge: Cambridge University Press, 1975).CrossRefGoogle Scholar
6 Hegel, G. W. F., Grundlinien dcr Philosophie des Rechts (Hamburg: F. Meiner, 1955), 16Google Scholar; trad. Derathé, R., Principes de lu philosophie du droit (Paris: J. Vrin, 1986), 54.Google Scholar
7 Hegel, G. W. F., Phänomenologie des Geistes (Hamburg: F. Meiner, 1952), 347–350Google Scholar; trad. Hyppolite, J., La phénoménologie de l'esprit (Paris: Aubier, 1941), vol. 2, 50–54.Google Scholar
8 Bourgeois, Bernard, «Hegel et les droits de l'homme», dans Droits et liberté selon Hegel (Paris: Presses Universitaires de France, 1986), 23–24.Google Scholar
9 Pour ce qui concerne la discussion faite par K. O. Apel de ce problème, voir son article «Kant, Hegel und das aktuelle Problem der normativen Grundlagen von Moral und Recht», dans Kant oder Hegel? Über Formen der Begründung in der Philosophie, Hrsg. v. D. Heinrich (Stuttgart: Klett-Cotta, 1983), 597–625.Google Scholar
10 Publié dans Merkur 12/39 (December 1985), 1041–1053.Google Scholar
11 «Gerechtigkeit im modernen Sinne Bezieht sich auf die subjektive Freiheit unvertretbarer Individuen; hingegen bezieht sich Solidarität auf das Wohl der in einer intersubjektiv geteilten Lebensform verschwisterten Genossen» (ibid., 1044). «L'équité dans son sens moderne est liée à la liberté subjective d'individus irremplaçables; la solidarité est, elle, liée au Bien de compagnons fraternels dans une forme de vie partagée de manière intersubjective.»(Toutes les citations tirées de cet article sont traduites par nous.)
12 «Diese Grundintention Hegels nimmt die Diskursethik auf, um sie mit Kantischen Mitteln einzulösen» (ibid., 1045). «L'éthique du discours reprend cette intention fondamentale de Hegel pour la satisfaire par des moyens kantiens.»
13 Sur la notion de «procedure» comme méthode de justification des normes, voir la discussion de Habermas autour de la pensée de Kohlberg, dans J. Habermas, Morale et communication, trad. C. Bouchindhomme (Paris: Editions du Cerf, 1987)Google Scholar; voir notamment le schéma des pages 180–181.
14 «Schwieriger zu beantworten ist die prinzipielle Frage, die Hegel darüber hinaus im Sinn hat: ob es überhaupt möglich ist, Begriffe wie universale Gerechtigkeit, normative Richtigkeit, moralischer Gesichtspunkt usw. unabhängig von der Vision eines guten Lebens, … zu formulieren» (Habermas, J., «Moral and Sittlichkeit», 1047Google Scholar). «Il est plus difficile de répondre à la question de principe que Hegel, par-delà ce point, a en tête: s'il est, en dernier lieu, possible de formuler des concepts tels que équité universelle, justesse normative, point de vue moral, etc. indépendamment de la vision d'une vie bonne.»
15 Voir la définition qu'en donne Habermas: «Universalistisch nennen wir schlieβlich eine Ethik, die Behauptet, daβ dieses (oder ein ähnliches) Moral prinzip nicht nur die Intuitionen einer bestimmten Kultur oder einer bestimmten Epoche ausdrückt, sondern allgemein gilt» (ibid., 1042). «Nous nommons, en définitive, universelle une éthique qui prétend que ce principe moral (ou un autre équivalent) n'exprime pas seulement les intuitions d'une culture déterminée ou d'une époque déterminée, mais vaut universellement.» C'est, plus encore, afin de mieux renforcer le principe d'universalité, dans son sens fort, que Habermas oppose à l'invocation kantienne d'un fait de la raison comme fondement du principe moral, l'analyse du discours argumentatif (ibid., 1042).
16 «Tatsächlich ist ja der moralische Universalismus durch Rousseau und Kant erst im Kontext einer Gesellschaft entstanden, die solche korrespondierenden Züge aufweist» (ibid., 1049).
17 Ibid., 1049–1050.
18 Voir la conclusion de Habermas: «Der Moraltheorie kann zugemutet und zugetraut werden, daβ sie den universellen Kern unserer moralischen Intuitionen aufklärt und damit den Wertskeptizismus widerlegt» (ibid., 1052). «II peut être exige de la théorie morale, et on peut l'en croire capable, d'éclairer le noyau universel de nos intuitions morales et ainsi de réfuter le scepticisme des valeurs.»
19 «Moralische Begründungen helfen nichts, wenn nicht die Dekontextualisierungder zu Begründung herangezogenen allgemeinen Normen im Anwendungsprozeβ wider wettgemacht werden kann» (ibid., 1048). «Les fondements moraux n'aident en rien si la décontextualisation effectuée pour la fondation des normes universelles ne peut être compensée dans le processus d'application.»
20 Lefort, Claude, «Droits de l'homme», 70.Google Scholar