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Le mécanisme de la perception chez Aristote1 — étude de quelques problèmes

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

John Thorp
Affiliation:
Université d'Ottawa

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Le lecteur attentif du traité De l'âme et des Parva naturalia sera troublé par une ambiguïté profonde sous-jacente à toute la longue discussion de la perception dans ces œuvres. Il s'agit de savoir si la théorie d'Aristote se veut une théorie d'ordre physiologique prise au sens littéral, ou si elle se veut plutôt une théorie métaphysique, qui doit donc être prise au sens métaphorique. La doctrine en question se résume comme suit: un sens, en percevant, reçoit en lui-même la forme de l'objet perçu sans la matière. Selon l'interprétation physiologique, il faudrait entendre par là que lorsqu'un homme regarde, sent, et écoute un âne, par exemple, il y aurait dans un endroit près de son cœur – dans l'organe central de la perception – une petite poupée d'âne qui braie et qui pue. Cette poupée serait reconstruite dans l'organe central à partir des composants sensoriels qui y seraient amenés des organes spéciaux: de l'œil la forme et la couleur, de l'organe olfactif l'odeur, et, de l'oreille le son. Un chirurgien qui ouvrirait la poitrine de l'homme percevant y verrait la poupée, la sentirait, et l'entendrait. La poupée serait comme celle de la princesse Leia dans le film Star Wars, à cette différence qu'elle jouirait non seulement de propriétés visuelles et auditives, mais aussi de propriétés olfactives et tactiles.

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Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1980

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References

2 On aurait peut-être cru pouvoir trancher la question en faveur de l'interprétation métaphorique en objectant qu'Aristote était trop fort en anatomie pour accepter l'absurde théorie de la poupée: ses dissections lui auraient montré qu'une telle poupée n'existait pas. Or une excellente étude de Lloyd, G.E.R., « The Empirical Basis of the Physiology of the Parva Naturalia », dans Aristotle on Mind and the Senses, ed. Owen, G.E.L., Cambridge, 1978Google Scholar, prouve qu'Aristote n'avait pas fait de dissections, et que ses connaissances de l'anatomie intérieure n'étaient que celles qu'on acquiert, pour ainsi dire, par accident.

3 423b20 ff.

4 422b23 ff.

5 Du moins, la figure perçue semble répliquer la figure formée par les points sur la glande pinéale d'où sortent les esprits. Descartes, Traité de l'homme, dans ses Oeuvres philosophiques, Tome I, Garnier, 1963, v.g. p. 462Google Scholar.

6 D.H. Hubel et T.N. Wiesel, Journal of Physiology, tomes 148 et 160.

7 De anima, B, chapitres 1 et 2.

8 à l'exception de certains cas très spéciaux comme celui du premier moteur.

9 446b23.

10 432a1.

11 702a2.

12 453a15.

13 702a7.

14 132e à 133a.

15 419b14ff.

16 420a9.

17 Ce schème rend assez mal compte du son. Il est difficile de retrouver dans l'insonore un milieu entre le haut et le bas. Le milieu entre le haut et le bas est un son de ton moyen, non l'insonore. Aristote dit pourtant que l'air de l'oreille a son propre mouvement, mais que nous n'entendons pas ce son de l'organe lui-même (420a16). Il reste donc fidèle à son principe selon lequel l'organe possède une qualité moyenne non perçue par l'organe qui la possède. L'œil ne voit pas sa propre couleur; le nez ne sent pas sa propre odeur et ainsi de suite. Il reste pourtant difficile de concevoir un continuum sonore qui, allant de l'aigu au grave, passerait par l'insonore.

18 424a32.

19 424a3ff., 438a5ff.

20 470a7ff., 478a16ff., 480b18ff., 482a16, 483b6.

21 422b7.

22 424a5.

23 De la même manière, à l'état naturel, l'organe central serait transparent, insipide, inodore, intangible, ni-chaud-ni-froid. Mis à part une etendue spatiale, il ne serait en lui-même rien et il pourrait donc « devenir » tout objet sensible!

24 459b1.

25 461a4–30.

26 425b25–426a26.

27 419b8.