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La détermination de l’objet du différend et la compétence ratione materiae dans le contentieux des mesures conservatoires devant la Cour internationale de Justice

Published online by Cambridge University Press:  10 October 2022

AMARA KONE*
Affiliation:
Amara Kone, Docteur en droit public, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université d’Orléans, France ([email protected]).
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Résumé

Cet article s’efforce de démontrer que la détermination de l’objet du différend par la Cour internationale de Justice (CIJ) est une constante dans l’appréciation de sa compétence ratione materiae dans le contentieux des mesures conservatoires. D’une part, l’objet du différend fonde la compétence ratione materiae de l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à travers la clause compromissoire contenue dans le traité liant les parties au différend, et d’autre part, cette compétence conditionne la détermination de l’objet du différend. L’influence réciproque des deux notions en fait des notions clefs du contentieux des mesures conservatoires devant la CIJ. Par ailleurs, l’interprétation de son pouvoir d’indication des mesures conservatoires au titre de l’article 41, paragraphe 1, du Statut de la Cour internationale de Justice confère à la cour la possibilité d’en indiquer aux fins de non-aggravation du différend, dont le sens et la portée soulèvent de sérieuses interrogations. Au-delà des questionnements portant sur leur possible “déconnection” de l’objet du différend et de la fonction des mesures conservatoires, les mesures conservatoires indiquées aux fins de non-aggravation du différend participeraient d’une certaine manière des buts et principes de l’ONU et plus précisément du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Abstract

Abstract

This article shows that, at the provisional measures stage, the determination of the object of the dispute by the International Court of Justice (ICJ) is a consistent feature of its assessment of its jurisdiction ratione materiae. On the one hand, the jurisdiction ratione materiae of the principal judicial organ of the United Nations (UN) rests on the object of the dispute, through the compromissory clause included in the treaty binding the parties to the dispute, and, on the other hand, this jurisdiction influences the determination of the object of the dispute. The mutual influence of these notions makes them key considerations in provisional measures litigation before the ICJ. Moreover, the ICJ’s interpretation of its power to order provisional measures under Article 41, paragraph 1, of the Statute of the International Court of Justice raises the possibility that it may do so in order to prevent an aggravation of the dispute, a possibility that raises serious questions. Beyond their possible “decoupling” from the object of the dispute and the function of provisional measures, provisional measures aiming to prevent the aggravation of a dispute could in some sense be said to advance the purposes and principles of the UN, including the maintenance of international peace and security.

Type
Articles
Copyright
© The Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 2022

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References

1 C’est à ce fondement juridique de la compétence matérielle de la Cour internationale de Justice (CIJ) que nous nous référons essentiellement ici. Nous écartons donc les dispositions relevant du volet purement consensuel de cette compétence, compromis entre États accordant le pouvoir de juger à la cour, ou technique du forum prorogatum: Statut de la Cour internationale de Justice, 26 juin 1945, RT Can 1945 no 7, art 36, paras 1–3 (entrée en vigueur: 24 octobre 1945) [Statut de la CIJ]. (Cette dernière technique est désormais formalisée dans le Règlement de la Cour internationale de Justice, 14 avril 1978, en ligne: CIJ <www.icj-cij.org/fr/reglement>, art 38, para 5 (entrée en vigueur: 1er juillet 1978) [Règlement de la CIJ], à travers la saisine du greffe par un État contre un autre, qui n’est enregistrée au rôle que si ce dernier consent à la juridiction de la cour: “5. Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l’Etat contre lequel la requête est formée, la requête est transmise à cet Etat. Toutefois, elle n’est pas inscrite au rôle général de la Cour et aucun acte de procédure n’est effectué tant que l’Etat contre lequel la requête est formée n’a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l’affaire.”) Pour la référence textuelle, voir Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c Émirats arabes unis), Exceptions préliminaires, [2021] CIJ Rec 71 au para 70 [Qatar c Émirats arabes unis, 2021]. Par ailleurs, il ressort clairement de la décision de la CIJ en l’affaire des Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c États-Unis d’Amérique), Exceptions préliminaires, [2021] CIJ Rec 9 aux paras 54–56 [Iran c États-Unis, 2021], que l’objet du différend porte sur “l’interprétation ou l’application” du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires signé par les deux parties le 15 août 1955.

2 Le Statut de la CIJ, supra note 1, art 36, para 1, dispose en effet que “la compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies, ou dans les traités et conventions en vigueur.” Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, RT Can 1945 no 7 (entrée en vigueur: 24 octobre 1945) [Charte des Nations Unies].

3 La plupart de ces traités contiennent des clauses compromissoires attribuant compétence à la CIJ pour trancher les différends entre les parties portant sur leur “interprétation, application ou exécution.” L’une de ces clauses attributives de compétence les plus connues est l’article IX de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, 78 RTNU 277 (entrée en vigueur: 12 janvier 1951) (“[l]es différends entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’une partie au différend”).

4 Le Statut de la CIJ, supra note 1, art 41, para 1, se contente de consacrer le pouvoir de la CIJ “d’indiquer si elle [la cour] estime que les conditions l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire,” et le Règlement de la CIJ, supra note 1, arts 73–78, d’en établir les modalités procédurales.

5 Guillaume Le Floch, L’urgence devant les juridictions internationales, Paris, Pedone, 2008 à la p 90; Robert Kolb, La bonne foi en droit international public. Contribution à l’étude des principes généraux de droit, Paris, PUF, 2000 aux pp 604–05.

6 Hugues Hellio et Solveig Henry, “Le suivi par la Cour internationale de Justice de ses ordonnances en indication de mesures conservatoires. Une pratique émergente entre inspiration, discrétion et recherche d’effectivité” (2020) 124:2 RGDIP 225.

7 Depuis son adoption en 1945, le texte du Statut de la CIJ, supra note 1, art 41, n’a été que très peu modifié: le para 1, adopté par le Conseil de la Société des Nations, n’a subi aucune modification et le para 2 ne fut amendé que pour substituer le “Conseil de sécurité” au “Conseil de la Société des Nations.” Pour rappel, la Charte des Nations Unies, supra note 2, art 92, précise que le Statut de la CIJ fait partie intégrante de ladite Charte. Sa révision, ainsi que rappelé par son art 69, obéit donc à des conditions similaires à celles de la Charte. S’agissant des modifications des dispositions du Règlement de la CIJ, supra note 1, propres à l’organe judiciaire lui-même, les dernières relatives aux mesures conservatoires remontent à 1978.

8 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c Myanmar), Mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, [2020] CIJ Rec 3 au para 82 [Gambie c Myanmar].

9 Hellio et Henry, supra note 6 aux pp 229–37.

10 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Taïlande), Mesures conservatoires, ordonnance du 18 juillet 2011, [2011] CIJ Rec 537 au para 33 [Cambodge c Thaïlande].

11 LaGrand (Allemagne c États-Unis), [2001] CIJ Rec 466 au para 128(5). Pour la mention du caractère obligatoire des ordonnances de la CIJ, voir également Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Ouganda), Mesures conservatoires, [2005] CIJ Rec 168 au para 263 [Congo c Ouganda]; Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie), Mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, [2008] CIJ Rec 353 au para 147 [Géorgie c Russie, 2008]; Jadhav (Inde c Pakistan), Mesures conservatoires, ordonnance du 18 mai 2017, [2017] CIJ Rec 231 au para 59 [Jadhav].

12 Règlement de la CIJ, supra note 1 (“[l]a Cour peut demander aux parties des renseignements sur toutes questions relatives à la mise en œuvre de mesures conservatoires indiquées par elle”).

13 Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c Islande), Compétence de la Cour, [1973] CIJ Rec 3 au para 10; Jean-Marc Sorel, “Le contentieux de l’urgence et l’urgence dans le contentieux devant les juridictions interétatiques (CIJ et TIDM)” dans Hélène Ruiz Fabri et Jean-Marc Sorel, dir, Le contentieux de l’urgence et l’urgence du contentieux devant les juridictions internationales: regards croisés, Paris, Pedone, 2001, 7 à la p 18.

14 Gambie c Myanmar, supra note 8 à la p 3. Parmi les mesures conservatoires indiquées par la CIJ, et pour en assurer l’effectivité, figure l’obligation faite au Myanmar de fournir à la cour un rapport sur l’exécution de l’ensemble des mesures prises, dans un délai de quatre mois à compter de la date de l’ordonnance, puis tous les six mois jusqu’à la décision définitive de la cour sur l’affaire.

15 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c Myanmar), Ordonnance du 28 janvier 2021, [2021] CIJ Rec 6. Par ailleurs, à s’en tenir au compte rendu de l’audience publique tenue le 28 février 2022, la CIJ a terminé les auditions des parties sur les exceptions préliminaires d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par le Myanmar. La prochaine étape consiste en l’entame de son délibéré, voir CIJ, Public Sitting, in the Case Concerning Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (The Gambia v Myanmar), Doc CR 2022/4 (28 February 2022) [uncorrected].

16 Italiques ajoutés.

17 Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c Azerbaïdjan), Ordonnance du 7 décembre 2021, au para 20, en ligne: CIJ <www.icj-cij.org/public/files/case-related/180/180-20211207-ORD-01-00-FR.pdf>.

18 Interprétation des traités de paix, Avis consultatif, [1950] CIJ Rec 65 à la p 74; Affaires du Sud-Ouest africain (Éthiopie c Afrique du Sud; Libéria c Afrique du Sud), Exceptions préliminaires, [1962] CIJ Rec 319 à la p 328 [Affaires du Sud-Ouest africain]; Différend territorial et maritime (Nicaragua c Colombie), Exceptions préliminaires, [2007] CIJ Rec 832 au para 138; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), [1974] CIJ Rec 457 aux paras 24 et s [Nouvelle Zélande c France]; Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ Rec 253 aux paras 24 et s [Australie c France].

19 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c Fédération de Russie), Ordonnance du 16 mars 2022, en ligne: CIJ <www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220316-ORD-01-00-FR.pdf> aux paras 44–47 [Allégations de genocide (Ukraine c Russie)].

20 Ces conditions sont, d’une part, la plausibilité, au moins dans le fond, des droits allégués et l’existence de lien entre ces droits et les mesures demandées, et d’autre part, l’urgence et le risque d’existence d’un préjudice irréparable des droits litigieux. Pour plus d’informations, s’agissant des premières conditions, voir Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international public, 15ème éd, Paris, Dalloz, 2020 aux pp 674–75; Violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires conclus en 1955 (Iran c États-Unis), Mesures conservatoires, ordonnance du 3 octobre 2018, [2018] CIJ Rec 623 au para 53 [Iran c États-Unis, 2018]; Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c Émirats arabes unis), Mesures conservatoires, ordonnance du 23 juillet 2018, [2018] CIJ Rec 406 au para 43 [Qatar c Émirats arabes unis, 2018]; Application de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c Fédération de Russie), Mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, [2017] CIJ Rec 104 au para 63 [Ukraine c Russie, 2017]; et des secondes, Gambie c Myanmar, supra note 8 aux paras 64–65.

21 Quoique l’exerçant prima facie, la compétence de la CIJ d’indiquer des mesures conservatoires repose essentiellement sur le fond de l’affaire. Dans l’Affaire de l’Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c Iran), Mesures conservatoires, ordonnance du 5 juillet 1951, [1951] CIJ Rec 89 aux pp 96–97 [Anglo-Iranian Oil], Messieurs les Juges M. Winiarski et Badawi Pacha ont justifié leur opinion dissidente par les motifs suivants: “Le problème des mesures conservatoires est lié pour la Cour à celui de sa compétence; elle ne peut les indiquer que si elle admet, ne fût-ce provisoirement, sa compétence pour connaître du fond de l’affaire. […] Le pouvoir donné à la Cour par l’article 41 n’est pas inconditionnel; il lui est donné aux fins du procès, dans les limites du procès. Pas de compétence au fond, pas de compétence pour indiquer des mesures conservatoires.”

22 Concessions Mavrommatis en Palestine, Exceptions préliminaires, CPJI (sér A) n° 2 à la p 11 [Mavrommatis]. Cette définition de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) est à notre sens largement préférable à celles du Dictionnaire de droit international public et du Vocabulaire juridique, qui laissent penser qu’un différend peut déboucher sur un conflit, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Suivant le premier, le différend est une “contestation entre deux sujets de droit provenant d’une opposition entre des prétentions ou des intérêts et susceptible de faire naître entre eux un conflit armé.” Jean Salmon, dir, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001 à la p 337. Le second conçoit le différend comme une “opposition entre deux personnes de Droit international sur un point de droit ou de fait pouvant faire naître entre elles un conflit.” Gérard Cornu, dir, Vocabulaire juridique, 13ème éd, Paris, PUF/Humensis, 2020 à la p 343.

23 Géorgie c Russie, 2008, supra note 11 à la p 353; Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, [2011] CIJ Rec 70 au para 187(2).

24 Carlo Santulli, Droit du contentieux international, 2ème éd, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2015 aux pp 171 et s.

25 Ibid à la p 173.

26 Dupuy et Kerbrat, supra note 20 à la p 668.

27 Hermann Von Mangoldt, “La comparaison des systèmes de droit comme moyen d’élaboration de la procédure des tribunaux internationaux” (1980) 40 Zeitschrift für Auslandisches Öffentliches Recht und Völkerrecht 554 à la p 565.

28 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du Congo c Rwanda), Compétence et recevabilité, [2006] CIJ Rec 6 au para 64.

29 Ibid; Gilbert Guillaume, La Cour internationale de Justice à l’aube du XXIème siècle. Le regard d’un juge, Paris, Pedone, 2003 à la p 33.

30 Robert Kolb, La Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 2013 aux pp 319–21.

31 Ibid aux pp 393–96.

32 Ibid aux pp 430 et s.

33 Le Statut de la CIJ, supra note 1, art 41, para 1, comme celui de la CPJI, emploie le terme “indiquer” s’agissant du pouvoir de l’organe judiciaire principal des Nations Unies d’indiquer des mesures conservatoires. Voir note 4 dessus. Cette disposition n’a pas manqué de susciter en son temps de vifs débats doctrinaux sur le caractère obligatoire des mesures conservatoires de la CIJ. Pour plus d’informations sur les mesures conservatoires de la CIJ et un aperçu de leur historique, voir Jerzy Sztucki, Interim Measures in the Hague Court: An Attempt at a Scrutiny, Deventer, Kluwer, 1983 aux pp 35–60, 270–80; Jerome B Elkind, Interim Protection: A Functional Approach, The Hague, Nijhoff, 1981 aux pp 88–152. Pour les aspects juridictionnels, voir Bernard H Oxman, “Jurisdiction and the Power to Indicate Provisional Measures” dans LF Damrosch, dir, The International Court of Justice at a Crossroads, Dobbs Ferry, NY, ASIL/Transnational, 1987, 323; Antônio A Cançado Trindade, Les mesures provisoires de protection dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, Strasbourg, Institut international des droits de l’homme, 2002 aux pp 13–25.

34 Cambodge c Thaïlande, supra note 10 aux paras 60–66; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c Nicaragua); Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c Costa Rica), Mesures conservatoires, ordonnance du 22 novembre 2013, [2013] CIJ Rec 354 au para 54; Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 aux paras 99–106; Gambie c Myanmar, supra note 8 au para 86.

35 Voir la critique adressée à la CIJ par le juge français, Monsieur Gros, dans l’affaire des Essais nucléaires, qui, s’appuyant sur le précédent de l’Usine de Chorzow, écrit qu’il serait “contraire à la nature d’une procédure incidente, par définition, qu’elle permette de régler le litige dont elle n’est qu’un élément accessoire.” Australie c France, supra note 18 à la p 123, Opinion dissidente du juge Gros.

36 Le Statut de la CIJ et le Règlement de la CIJ, supra note 1, ne mentionnent pas expressément la règle d’interdiction de préjuger du fond du litige. Toutefois, ce principe a été consacré par la CPJI en l’Affaire relative à l’usine de Chorzow (indemnités), Mesures conservatoires, ordonnance du 21 novembre 1927, (1927) (sér A) n° 12 à la p 9 et s, et repris ensuite par la CIJ.

37 Anglo-Iranian Oil, supra note 21 à la p 93.

38 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ Rec 135 au para 13.

39 Iran c États-Unis, 2018, supra note 20 au para 24; Gambie c Myanmar, supra note 8 au para 16.

40 Kolb, supra note 30 aux pp 635 et s.

41 Mavrommatis, supra note 22 à la p 7.

42 Affaires du Sud-Ouest africain, supra note 18 à la p 13 (“[l]a simple affirmation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un différend, tout comme le simple fait que l’existence d’un différend est contestée ne prouve pas que ce différend n’existe pas. Il n’est pas suffisant non plus de démontrer que les intérêts des deux parties à une telle affaire sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre. D’après ce critère, l’existence d’un différend entre les parties devant la Cour ne saurait faire de doute puisqu’il résulte clairement de leurs attitudes opposées à propos de l’accomplissement des obligations du Mandat par le défendeur, en sa qualité de Mandataire”). Voir aussi Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c Colombie), Exceptions préliminaires, [2016] CIJ Rec 3 au para 50.

43 Charte des Nations Unies, supra note 2, art 33, para 1 (“[l]es parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix”). Il est intéressant de noter que contrairement à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, qui établit un lien direct entre ces modes de règlement des différends et la question du maintien de la paix et de la sécurité internationales, la Déclaration de Manille de 1982 (Première Partie, para 3), adoptée dans le cadre des Nations Unies, prévoit l’application de l’obligation de règlement pacifique à tous les différends internationaux, indépendamment de leur nature ou gravité.

44 Le qualificatif de “différend justiciable” lui est toutefois préférable, en ce sens que de par sa nature, un tel différend peut être porté par les parties devant un organe doté de pouvoirs d’un organe juridictionnel et assujetti aux obligations y afférentes, et rendant des décisions sur la base du droit qui s’imposent aux parties. On oppose souvent le différend “juridique,” qui repose sur une opposition des parties autour d’un droit, ou “lorsqu’au moins une des parties fonde sa position sur des motifs juridiques,” au différend “politique,” qui repose, quant à lui, sur la volonté d’une partie d’exiger la refonte de l’état du droit existant entre elle et l’autre partie, et n’appelant pas nécessairement le droit existant comme base de règlement, même s’il peut revêtir des aspects juridiques susceptibles d’être résolus par l’application du droit. Pour plus d’informations sur cette distinction, voir Jean Combacau et Serge Sur, Droit international public, 13ème éd, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2019 aux pp 601–02; Hans Kelsen, cité par Gaetano Arangio-Ruiz, “Controversie internazionali” dans Enciclopedia del Diritto, vol 10, Milano, Giuffrè, 1962 à la p 388.

45 Kolb, supra note 30 à la p 37.

46 Les deux notions sont en effet à distinguer, voir Affaires du Sud-Ouest africain, supra note 18 à la p 13; Iran c États-Unis, 2021, supra note 1 au para 51.

47 Santulli, supra note 24 aux pp 21–22.

48 Affaires du Sud-Ouest africain, supra note 18 à la p 13.

49 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 7 mars 1966, 660 RTNU 195 (entrée en vigueur: 4 janvier 1969) [CIEDR]. Pour rappel, le premier chef de demande du Qatar avait trait à la “décision d’expulsion” et aux “interdictions d’entrée” visant les nationaux qataris; le deuxième aux restrictions imposées à des sociétés de médias qatariennes; et le troisième se rapportait aux mesures prises par les Émirats arabes unis, y compris les premier et deuxième chefs de discriminations alléguées, entraînant selon le demandeur une “discrimination indirecte” fondée sur “l’origine nationale” qatarienne, voir Qatar c Émirats arabes unis, 2021, supra note 1 aux paras 56–70.

50 Qatar c Émirats arabes unis, 2021, supra note 1 au para 53.

51 Gambie c Myanmar, supra note 8 au para 17 (“[l]a Cour doit donc, en premier lieu, déterminer si ces dispositions [sur lesquelles la Gambie entend fonder la compétence de la CIJ (art 36, para 1, du Statut de la CIJ et art IX de la Convention sur le génocide)] lui confèrent prima facie compétence pour statuer au fond de l’affaire, ce qui lui permettrait — sous réserve que les autres conditions nécessaires soient réunies — d’indiquer des mesures conservatoires”).

52 Allégations de génocide (Ukraine c Russie), supra note 19 à la p 6.

53 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c France), Mesures conservatoires, ordonnance du 7 décembre 2016, [2016] CIJ Rec 1148 au para 33 [Guinée équatoriale c France]; Gambie c Myanmar, supra note 8 au para 17; Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 au para 43.

54 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 aux paras 30, 38.

55 Affaires du Sud-Ouest africain, supra note 18 à la p 13.

56 Guinée équatoriale c France, supra note 53 au para 47 (“[i]l ressort du dossier que les parties ont exprimé des vues divergentes sur l’article 4 de la Convention contre la criminalité transnationale organisée. Pour autant, à l’effet d’établir, même prima facie, si un différend […] existe, la Cour ne peut se borner à constater que l’une des parties soutient que la Convention s’applique alors que l’autre le nie. Elle doit rechercher si les actes dont la Guinée équatoriale tire grief sont, prima facie, susceptibles d’entrer dans les prévisions de cet instrument et si, par suite, le différend est de ceux dont la Cour pourrait avoir compétence pour connaître ratione materiae en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention”). Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 22 (“[l]’Ukraine invoquant pour fonder sa compétence les clauses compromissoires contenues dans deux conventions internationales, la Cour doit rechercher si les actes dont [le demandeur] tire grief sont, prima facie, susceptibles d’entrer dans les prévisions de ce[s] instrument[s] et si, par suite, le différend est de ceux dont [elle] pourrait avoir compétence ratione materiae pour connaître”).

57 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 23.

58 Dupuy et Kerbrat, supra note 20 à la p 679.

59 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarment nucléaire (Iles Marshall c Inde; Iles Marshall c Pakistan), Compétence et recevabilité, [2016] CIJ Rec 255 au para 52 [Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Inde; Iles Marshall c Pakistan)]; Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarment nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni), Exceptions préliminaires, [2016] CIJ Rec 833 au para 57 [Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni)].

60 Application de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, [2019] CIJ Rec 558 au para 57; Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c France), Exceptions préliminaires, [2018] CIJ Rec 292 au para 46; Certains actifs iraniens (Iran c États-Unis), Exceptions préliminaires, [2019] CIJ Rec 7 au para 36.

61 Cet article, intitulé “Protection de la souveraineté,” dispose: “(1) Les États parties exécutent leurs obligations au titre de la présente Convention d’une manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale des États et avec celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États. (2) Aucune disposition de la présente Convention n’habilite un État Partie à exercer sur le territoire d’un autre État une compétence et des fonctions qui sont exclusivement réservées aux autorités de cet État par son droit interne.” Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 15 novembre 2000, 2225 RTNU 209, art 4 (entrée en vigueur: 29 septembre 2003).

62 “Tout différend entre deux États Parties ou plus concernant l’interprétation ou l’application de la présente Convention qui ne peut être réglé par voie de négociation dans un délai raisonnable est, à la demande de l’un de ces États Parties, soumis à l’arbitrage. Si, dans un délai de six mois à compter de la date de la demande d’arbitrage, les États Parties ne peuvent s’entendre sur l’organisation de l’arbitrage, l’un quelconque d’entre eux peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en adressant une requête conformément au Statut de la Cour.” Ibid, art 35(2).

63 Guinée équatoriale c France, supra note 53 au para 50 (“[e]n conséquence, la Cour estime qu’il n’existe pas, prima facie, de différend entre les parties susceptible d’entrer dans les prévisions de la Convention contre la criminalité transnationale organisée, et donc de concerner l’interprétation ou l’application de l’article 4 de celle-ci”).

64 Ibid au para 49.

65 Ibid.

66 Il faut relever toutefois que cette motivation, dans sa formulation, ne fait pas l’unanimité des juges, y compris de certains ayant souscrit à la conclusion de la CIJ. Ainsi, le Juge Gevorgian reproche l’absence de mention claire relative au lien entre l’article 4 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les principes de droit international y mentionnés, à savoir que les règles relatives à l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État tirent leur fondement du principe de l’égalité souveraine des États, voir Déclaration de Monsieur le Juge Gevorgian, jointe à l’ordonnance relative à l’affaire Guinée équatoriale c France, supra note 53 au para 2.

67 Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, concernant le règlement obligatoire des différends, 18 avril 1961, 500 RTNU 95 (entrée en vigueur: 24 April 1964) [Protocole de signature facultative] (“[l]es différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention relèvent de la compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice, qui, à ce titre, pourra être saisie par une requête de toute partie au différend qui sera elle-même Partie au présent Protocole”).

68 Guinée équatoriale c France, supra note 53 aux paras 67–68; Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, 18 avril 1961, 500 RTNU 95, art 22 (entrée en vigueur: 24 April 1964).

69 Ibid au para 67.

70 Non pas en raison de sa seule compétence prima facie d’indiquer la mesure conservatoire sollicitée, mais du fait que cette demande satisfaisait aux autres conditions d’indication des mesures conservatoires, à savoir la plausibilité du droit invoqué par la Guinée équatoriale dans ce sens, le lien entre ce droit et la mesure y afférente sollicitée, et le risque réel d’existence d’un préjudice irréparable au droit à l’inviolabilité des locaux présentés comme étant utilisés à des fins diplomatiques en France (hors les objets y contenus, voir ibid au para 91).

71 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, 9 décembre 1999, 2178 RTNU 197 (entrée en vigueur: 10 avril 2002).

72 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 62.

73 Ibid aux paras 72–76.

74 Ibid au para 62.

75 CIEDR, supra note 49 (“[t]out différend entre deux ou plusieurs États parties touchant l’interprétation ou l’application de la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d’un autre mode de règlement”).

76 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 59.

77 Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 au para 41.

78 Ibid au para 25.

79 Rappelons toutefois qu’au stade de l’arrêt relatif aux exceptions préliminaires, la CIJ a retenu, à travers une motivation critiquée dans les opinions dissidentes de certains juges, la première exception préliminaire soulevée par les Émirats arabes unis et a écarté sa compétence ratione materiae pour connaître du différend en vertu de l’art 22 de la CIEDR, voir Qatar c Émirats arabes unis, 2021, supra note 1.

80 Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, [2011] CIJ Rec 70 aux paras 30–31 [Géorgie c Russie, 2011].

81 Voir notamment Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Yougoslavie), Exceptions préliminaires, [1996] II CIJ Rec 595 aux paras 28–29; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), Exceptions préliminaires, [1998] CIJ Rec 275 aux paras 89, 93; Certains biens (Lichtenstein c Allemagne), Exceptions préliminaires, [2005] CIJ Rec 6 aux paras 18–25 [Lichtenstein c Allemagne]. Au sujet de cette dernière affaire, la Cour n’a pas cherché à déterminer la date de naissance du différend, ou de sa “cristallisation,” mais plutôt celle des “faits” ou “situations,” ayant causé le différend aux fins d’application de l’art 27(a) de la Convention européenne pour le règlement pacifique des différends, 29 avril 1957, 1958 STE no 23 (entrée en vigueur: 30 avril 1958), qui exclut de la compétence de la CIJ les “différends concernant des faits ou situations antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente Convention entre les parties au différend,” soit en 1980 en l’espèce.

82 Géorgie c Russie, 2011, supra note 80 au para 31.

83 Ibid au para 113.

84 Ibid aux paras 23–105.

85 Lichtenstein c Allemagne, supra note 81 aux paras 51–52.

86 Voir notamment le para 24 de l’exposé de l’opinion individuelle de Monsieur le Juge Abraham jointe à l’arrêt Géorgie c Russie, 2011, supra note 80.

87 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c Colombie), Exceptions préliminaires, [2016] CIJ Rec 3 au para 74.

88 Ibid au para 78; Charte des Nations Unies, supra note 2.

89 Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Inde; Iles Marshall c Pakistan), supra note 59; Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni), supra note 59. Dupuy et Kerbrat, supra note 19 à la p 680. Sur cette question, voir également Jean-Marc Sorel, “Quelques remarques à propos des affaires des Iles Marshall concernant le désarmement nucléaire devant la Cour internationale de Justice: de l’infini au zéro” (2017) 63 AFDI 19.

90 Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Inde; Iles Marshall c Pakistan), supra note 59 au para 38; Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni), supra note 59 au para 41.

91 Voir l’exposé de l’opinion individuelle de Monsieur le Juge Abraham jointe à l’arrêt Géorgie c Russie, 2011, supra note 80.

92 Ibid au para 30.

93 Sur la procédure des communications interétatiques, voir la CIEDR, supra note 49, arts 11–13.

94 Guinée équatoriale c France, supra note 53 au para 50 (“[d]ès lors, elle n’a pas compétence prima facie en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 de cet instrument pour connaitre de la demande de la Guinée équatoriale relative à l’immunité de Monsieur T. N. O. Il n’y a donc pas lieu pour elle d’examiner si les conditions procédurales posées par cette disposition sont réunies”). L’article 35, paragraphe 2 de ladite convention dispose: “Tout différend entre deux États parties ou plus concernant l’interprétation ou l’application de la présente convention qui ne peut être réglé par voie de négociation dans un délai raisonnable est, à la demande de l’un de ces État parties, soumis à l’arbitrage. Si, dans un délai de six mois à compter de la date de la demande d’arbitrage, les États parties ne peuvent s’entendre sur l’organisation de l’arbitrage, l’un quelconque d’entre eux peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en adressant une requête conformément au Statut de la Cour.” Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, supra note 61, art 35, para 2.

95 Guinée équatoriale c France, supra note 53 aux paras 63–64; Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, supra note 68; Protocole de signature facultative, supra note 67.

96 Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 au para 43.

97 Voir CIEDR, supra note 49.

98 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 59.

99 Ibid au para 110.

100 Ibid au para 111.

101 Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 aux paras 38–39.

102 Iran c États-Unis, 2018, supra note 20 au para 30.

103 Kolb, supra note 30 à la p 636.

104 Géorgie c Russie, 2011, supra note 80 aux pp 19–23.

105 Sur ce point, la doctrine montre que dès le début, le volet objectif de la compétence de la CIJ d’indiquer des mesures conservatoires s’est articulé autour de la notion de “non-aggravation du différend,” dans un but d’apaisement de la situation et de sauvegarde de l’utilité de l’instance. La préservation de ce but s’avère d’autant plus nécessaire que sa remise en cause porterait gravement atteinte aux droits des parties en cause et même à l’efficacité du jugement final par la CIJ de l’affaire. Voir Karin Oellers-Frahm et Andreas Zimmermann, “Article 41” dans Andreas Zimmermann et al, dir, The Statute of the International Court of Justice: A Commentary, 3rd ed, Oxford, Oxford University Press, 2019, 1135 aux pp 1135–97 [Zimmermann et al, Statute of the International Court of Justice]; Paolo Palchetti, “The Power of the International Court of Justice to Indicate Provisional Measures to Prevent the Aggravation of a Dispute” (2018) 21 Leiden J Intl L 623.

106 Kolb, supra note 30 aux pp 635–40.

107 Voir Iran c États-Unis, 2018, supra note 20; Ukraine c Russie, 2017, supra note 20; Guinée équatoriale c France, supra note 53; Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20; Gambie c Myanmar, supra note 8.

108 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, Mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, [1996] CIJ Rec 13 au para 41.

109 Voir Charte des Nations Unies, supra note 2, art 2, para 3 et ch VI, ainsi que la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, Rés AG 2625 (XXV), Doc NU A/RES/2625 (XXV) (24 octobre 1970).

110 Anglo-Iranian Oil, supra note 21 à la p 100; Compétence en matière de pêcheries (Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c Islande), Mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, [1972] CIJ Rec 12; Nouvelle Zélande c France, supra note 18; Affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d’Amérique c Iran), Mesures conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, [1979] CIJ Rec 7.

111 Kolb, supra note 30 à la p 637.

112 Hugh Thirlway, “The Indication of Provisional Measures by the International Court of Justice” dans Rudolf Bernhardt, dir, Interim Measures Indicated by International Courts, Berlin, Springer Verlag, 1994, 1; Hugh Thirlway, “The Law and Procedure of the International Court of Justice 1960–1989: Part Twelve” (2001) 72 Brit YB Intl L 37 aux pp 110–11; Kolb, supra note 30 à la p 639.

113 Il ressort des récentes mesures conservatoires indiquées aux fins de la non-aggravation du différend que celles-ci sont des mesures supplémentaires indiquées par la CIJ, voir Guinée équatoriale c France, supra note 53 au para 96; Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 103; Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 au para 76; Gambie c Myanmar, supra note 8 au para 83.

114 Pour rappel, cette disposition stipule que la CIJ a le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires “du droit de chacun” si elle estime que “les circonstances l’exigent.” Statut de la CIJ, supra note 1, art 41, para 1.

115 Voir Jerzy Sztucki, “Case Concerning Land and Maritime Boundary (Cameroun v. Nigeria): Provisional Measures” (1997) 10 Leiden J Intl L 341 aux pp 357–58.

116 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 104.

117 Ibid.

118 Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 au para 76.

119 Ibid au para 79.

120 Kolb, supra note 30 aux pp 636–39; Congo c Ouganda, supra note 11 au para 44 (“[c]onsidérant que, indépendamment des demandes en indication de mesures conservatoires présentées par les parties à l’effet de sauvegarder des droits déterminés, la Cour dispose, en vertu de l’article 41 de son Statut, du pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires en vue d’empêcher l’aggravation ou l’extension du différend quand elle estime que les circonstances l’exigent”).

121 D’autant plus que ce qui était en cause dans cette affaire opposant le Qatar aux Émirats arabes unis avait trait au respect des droits fondamentaux. La CIJ a eu à s’en référer dans son ordonnance du 1er juillet 2000 dans Congo c Ouganda, supra note 11 aux paras 44, 47(1), en évoquant la Résolution 1304 (2000) du Conseil de sécurité qui sous-tend la première mesure conservatoire indiquée par elle.

122 Santulli, supra note 24 aux pp 463–66.

123 Les textes le consacrent: outre le Statut de la CIJ, supra note 1, art 41, para 1, voir: Convention du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, 18 mars 1965, 575 RTNU 159, art 47 (entrée en vigueur: 14 octobre 1966) (“Sauf accord contraire des parties, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, recommander toutes mesures conservatoires propres à sauvegarder les droits des parties”); Règlement du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Règlement d’arbitrage), 25 septembre 1967, art 39, para 3, en ligne: CIRDI <icsid.worldbank.org/sites/default/files/ICSID%20Convention%20French.pdf> (entrée en vigueur: 1er janvier 1968) (“Le Tribunal peut de sa propre initiative recommander des mesures conservatoires ou des mesures autres que celles précisées dans une requête. Il peut à tout moment modifier ou annuler ses recommandations”); Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Rés AG 76/108 (9 décembre 2021), annexe, art 26, para 1 (“Le tribunal peut, à la demande d’une partie, accorder des mesures provisoires”); Accord de libre-échange nord-américain, 17 décembre 1992, RT Can 1994 n° 2, art 1134 (entrée en vigueur: 1er janvier 1994) (“Un tribunal peut prendre une mesure de protection provisoire pour préserver les droits d’une partie contestante, ou pour assurer le plein exercice de sa propre compétence, y compris une ordonnance destinée à conserver les éléments de preuve en la possession ou sous le contrôle d’une partie contestante ou à protéger sa propre compétence. Il ne peut cependant prendre une ordonnance de saisie ou interdire d’appliquer telle ou telle mesure présumée constituer un manquement visé aux articles 1116 ou 1117. Aux fins du présent paragraphe, une ordonnance comprend une recommandation”) (cet accord est désormais remplacé par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, 30 novembre 2018, en annexe du Protocole visant à remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain par l’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, 30 novembre 2018, RT Can 2020 n° 5 (entrée en vigueur: 1er juillet 2020), modifié par le Protocole d’amendement de l’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, 10 décembre 2019, RT Can 2020 n° 6 (entrée en vigueur: 1er juillet 2020)); Règlement de la Cour européenne des droits de l’homme, 3 juin 2022, art 39, para 1, en ligne: <www.echr.coe.int/Documents/Rules_Court_fra.pdf> (“La chambre ou, le cas échéant, le président de la section ou un juge de permanence désigné conformément au paragraphe 4 du présent article peuvent, soit à la demande d’une partie ou de toute autre personne intéressée, soit d’office, indiquer aux parties toute mesure provisoire qu’ils estiment devoir être adoptée dans l’intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure”).

124 Qatar c Émirats arabes unis, 2018, supra note 20 au para 61; Jadhav, supra note 11 au para 50; Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 89.

125 Pour l’appréciation de ce critère par d’autres juridictions internationales, voir Santulli, supra note 24 à la p 464.

126 Règlement de la CIJ, supra note 1, art 74, para 1 (“[l]a demande en indication de mesures conservatoires a priorité sur toutes autres affaires”); para 2 (“Si la Cour ne siège pas au moment de la présentation de la demande, elle est immédiatement convoquée pour statuer d’urgence sur cette demande”).

127 Ukraine c Russie, 2017, supra note 20 au para 106.

128 Voir Désarmement nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni), supra note 59 à la p 833, Déclaration de Monsieur le Juge Abraham, président au para 3.

129 Raphaële Rivier, Droit international public, 3ème éd, Paris, PUF, 2017 à la p 802.

130 Ibid.

131 Kolb, supra note 30 à la p 351.

132 [1980] CIJ Rec 20 au para 37.

133 Iran c États-Unis, 2021, supra note 1 au para 55.

134 Charte des Nations Unies, supra note 2, art 24, para 1 (“[a]fin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation [des Nations Unies], ses Membres confient au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom”).

135 Congo c Ouganda, supra note 11 au para 36; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis), Compétence et recevabilité, [1984] CIJ Rec 392 aux pp 434–35; Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Yougoslavie), Mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, [1993] CIJ Rec 3 au para 33.

136 Voir Vera Gowland-Debbas et Mathias Forteau, “Article 7 UN Charter” dans Zimmermann et al, Statute of the International Court of Justice, supra note 105, 135 à la p 161.

137 Charte des Nations Unies, supra note 2, art 1, para 1 (“[les buts des Nations Unies sont les suivants]: 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales”).