Introduction
L’âgisme a été décrit pour la première fois par R. Butler en Reference Butler1969. À cette époque, il définissait l’âgisme comme « un préjudice d’un groupe d’âge envers un autre groupe d’âge » (Butler, Reference Butler1969, p. 243). Mais, depuis, la définition a fortement évolué. Récemment, l’OMS a défini l’âgisme comme un phénomène social qui désigne « des stéréotypes, des préjudices et de la discrimination à l’égard d’autrui sur base de l’âge. L’âgisme peut se manifester à trois niveaux différents – institutionnel, interpersonnel et intrapersonnel – et peut être implicite ou explicite » (OMS, 2021, p. 12. Notre traduction). Plus spécifiquement, Iversen, Larsen, & Solem (Reference Iversen, Larsen and Solem2009) proposent de définir l’âgisme envers les aînées comme « des stéréotypes, des préjugés et/ou de la discrimination négatifs ou positifs envers les personnes âgées sur base de leur âge chronologique ou sur base de la perception qu’elles sont âgées » (Iversen, Larsen & Solem, Reference Iversen, Larsen and Solem2009, p. 15. Notre traduction). Il s’agit d’une discrimination importante à prendre en compte et pertinente à étudier puisqu’elle présente une spécificité particulière : alors que les autres formes de discrimination touchent particulièrement des groupes distincts, mutuellement exclusifs et imperméables (ex. sexisme, racisme), l’âgisme peut toucher tout individu. Effectivement, au fur et à mesure de la vie, toutes personnes passent par différents groupes d’âge, les rendant ainsi susceptibles d’être victimes d’âgisme (Sargent-Cox, Reference Sargent-Cox2017). Toutefois, dans le cadre de cet article, seul l’âgisme à l’encontre des personnes âgées sera pris en compte.
En raison d’une baisse de la natalité et d’une hausse de l’espérance de vie, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus ne cesse d’augmenter. Par exemple, en Belgique, selon les projections de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), cette catégorie d’âge représentera 24,3 % de la population en 2050, alors qu’elle ne représentait que 19 % de la population belge en 2019 (OCDE, 2020). Et pourtant s’il est vrai que l’on constate un vieillissement démographique certain, il n’en demeure pas moins que l’âgisme reste trop peu reconnu dans notre société (Officer & de la Fuente-Núñez, Reference Officer and de la Fuente-Núñez2018). Cette forme de discrimination est souvent considérée à tort comme normale et admissible (Unia, 2019), un paradoxe dans une société vieillissante (Lagacé, Reference Lagacé2008). D’ailleurs, selon les statistiques de l’Unia (le centre interfédéral pour l’égalité des chances en Belgique), le nombre de plaintes est passé de 93 en 2013 à 152 en 2018, soit une augmentation de 34,5 % en l’espace de cinq années. Deux secteurs sont particulièrement touchés : d’une part le secteur du travail, et d’autre part l’accès aux biens et aux services (Unia, 2018). Même si la littérature montre qu’il s’agit d’un problème prévalent et omniprésent dans tous les aspects de notre vie, la discrimination fondée sur l’âge reste encore trop peu dénoncée (Sargent-Cox, Reference Sargent-Cox2017). Ce manque de reconnaissance et de dénonciation est majoritairement lié à une institutionnalisation de la ségrégation par l’âge dans la société. En effet, l’âge constitue encore trop souvent un critère légitime de ségrégation qui peut mener à une perte de contact entre les différentes générations, laissant ainsi place à de fausses croyances entre les divers groupes d’âge (Desmette, Henry, & Agrigoroaei, Reference Desmette, Henry, Agrigoroaei, O’Doherty and Hodgetts2019).
Contrairement aux autres formes de discrimination, les recherches scientifiques sur l’âgisme sont encore trop peu nombreuses (Sargent-Cox, Reference Sargent-Cox2017). Récemment, une distinction pertinente a été établie entre l’âgisme bienveillant et l’âgisme hostile par Cary, Chasteen, et Remedios (Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). L’âgisme bienveillant se caractérise par une attitude paternaliste envers la personne âgée (Cary, Chasteen & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Selon la théorie du « Stereotype content model », cette attitude prendrait source dans la perception que la personne peut avoir des aînés. En effet, les auteurs expliquent que les membres de l’exogroupe ont une vision ambivalente des aînés : d’une part, ils les perçoivent comme chaleureux (vision positive) mais, d’autre part, ils les considèrent également comme étant incompétents (vision négative). Cette représentation des personnes âgées entraine alors chez les individus un sentiment de pitié envers ces dernières qui se traduit dans leurs comportements de manière souvent implicite par une attitude paternaliste (Fiske et al., Reference Fiske, Cuddy, Glick and Xu2002). Si cette attitude paternaliste peut partir d’une bonne intention, elle est à différencier d’une attitude positive envers les personnes âgées. En effet, ce comportement, tel que la surprotection, peut avoir de graves conséquences. La surprotection peut mener à une perte de motivation, d’estime de soi et de confiance en soi ainsi qu’à un sentiment de perte de contrôle chez les personnes âgées (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Ce sentiment de perte de contrôle et de perte de responsabilité peut alors entrainer une diminution du bonheur, de la vigilance cognitive et de la participation à des activités interpersonnelles (Chasteen, Bergstrom, Schiralli, & Le Forestier, Reference Chasteen, Bergstrom, Schiralli, Le Forestier, Gu and Dupre2019). A l’inverse, l’âgisme hostile, qui est étudié depuis plus longtemps dans la littérature, se caractérise par une attitude plus négative à l’égard des aînés (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Cette forme d’âgisme se manifeste de manière plus explicite par des remarques et des blagues offensantes, par un manque de respect voire même parfois par une réaction d’évitement ou une négligence des besoins des ainés (Palmore, Reference Palmore2001).
Si plusieurs outils de mesure tels que « Kogan’s attitudes towards older people scale » (Kogan, Reference Kogan1961), « Fraboni scale of ageism » (Fraboni, Saltstone, & Hughes, Reference Fraboni, Saltstone and Hughes1990) ou « Aging semantic differential » (Rosencranz & McNevin, Reference Rosencranz and McNevin1969) ont déjà été créés pour identifier l’âgisme, l’ « Ambivalent Ageism scale » (AAS) est la première échelle de mesure qui prend en compte l’âgisme bienveillant, qui est une notion plus implicite et complexe que l’âgisme hostile. L’AAS est composée de treize items subdivisés en deux sous-dimensions : l’âgisme bienveillant (AB, neuf items) et l’âgisme hostile (AH, quatre items). Chaque item est assorti d’une échelle de Likert en sept points. Dans l’étude de Cary, Chasteen, & Remedios, la version finale de l’AAS a été validée dans un échantillon de 161 personnes âgées de 18 à 57 ans. Cette étude montre une bonne cohérence interne (ɑ = 0,91), une bonne validité de construit convergente et une bonne stabilité temporelle de l’échelle (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Une version turque composée de douze items a également été validée auprès d’un échantillon de 226 personnes âgées entre 19 ans et 69 ans (Tosun, Özdemi̇r, & Öztürk, Reference Tosun, Özdemir and Öztürk2020). L’analyse factorielle a révélé une structure bidimensionnelle identique à la version originale. Elle a une bonne cohérence interne et une bonne validité de construit convergente. D’autres études ont également utilisé l’AAS auprès de jeunes adultes (Pramanik & Biswal, Reference Pramanik and Biswal2020), de travailleurs (Búgelová, Chupková, & Kratochvílová, Reference Búgelová, Chupková and Kratochvílová2019), d’adultes (Daniel, Massano, Galhardo, & Barroso, Reference Daniel, Massano, Galhardo and Barroso2019) et d’étudiants universitaires (Taşdemir, Reference Taşdemir2020) afin d’identifier les attitudes âgistes bienveillantes et hostiles et ainsi mieux comprendre les facteurs associés à ces formes d’âgisme. L’AAS permet donc, d’une part, de comparer ces deux formes d’âgisme et, d’autre part, de les mettre en évidence pour mieux identifier les fausses croyances et mieux comprendre la nature de l’âgisme (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Internalisés tout au long de la vie, les stéréotypes âgistes influencent quotidiennement notre représentation des personnes âgées ainsi que nos comportements et nos attitudes envers elles. D’ailleurs, E. Palmore compare les stéréotypes âgistes à une « maladie sociale » qui a contaminé, qui contamine et qui continuera de contaminer les futures générations (Palmore, Reference Palmore2015). L’accessibilité à des instruments de mesure valides et fiables dans plusieurs langues est donc primordiale pour identifier les fausses croyances et les attitudes âgistes, mieux sensibiliser la population et ainsi mieux combattre l’âgisme de façon internationale (OMS, 2021).
L’objectif de notre étude est donc d’introduire un processus de traduction et de validation de l’échelle de mesure, « Ambivalent Ageism Scale », en français. Lors de l’étape de validation, les deux qualités psychométriques suivantes seront analysées : la validité (la validité de construit convergente et la validité de construit factorielle) et la fidélité (la cohérence interne et l’analyse de généralisabilité).
Méthode
La méthodologie pour la traduction et la validation française de l’échelle « Ambivalent ageism scale » se base sur la méthodologie proposée par De Vet, Terwee, Mokkink, et Knol (Reference De Vet, Terwee, Mokkink and Knol2011), dans Measurement in medicine. Cette enquête a été évaluée par un comité d’éthique indépendant, à savoir le Comité d’Éthique Hospitalo-Facultaire Saint-Luc – UCLouvain, qui a émis un avis favorable.
Etape 1 : Traduction et adaptation
La traduction de l’échelle en français s’est déroulée en suivant les six étapes proposées par De Vet, Terwee, Mokkink, et Knol (Reference De Vet, Terwee, Mokkink and Knol2011). Ces derniers se sont basés sur les lignes directrices de Beaton et al. (Reference Beaton, Bombardier, Guillemin and Ferraz2000) dans l’article « Guidelines for the Process of Cross-Cultural Adaptation of Self-Report Measures » afin d’identifier un processus de traduction rigoureux (Beaton et al., Reference Beaton, Bombardier, Guillemin and Ferraz2000). Préalablement, l’accord des auteurs initiaux a été demandé afin de procéder au processus de traduction de l’échelle de mesure. Les critères pour chaque étape sont décrits dans l’annexe (cf. Annexes : figure 6).
Traduction initiale Lors de la première étape, trois traducteurs bilingues, dont la langue maternelle est le français, ont procédé à la traduction de cette échelle. Comme recommandé par De Vet, Terwee, Mokkink, et Knol, un traducteur était un expert linguistique (perspective linguistique), un autre avait des connaissances sur l’âgisme (perspective thématique) et le dernier était un traducteur naïf (perspective neutre). Ils ont traduit l’échelle de manière autonome et indépendante, en notant leurs incertitudes concernant certains mots.
Synthèse de la traduction initiale Lors de la deuxième étape, une réunion a été organisée avec deux des traducteurs de la phase initiale ainsi qu’une personne externe menant la discussion. Un échange a été réalisé pour résoudre les incertitudes des traducteurs afin de réaliser une version synthétisée des différentes traductions proposées.
Traduction retour Lors de la troisième étape, un traducteur bilingue, dont la langue maternelle est l’anglais, a procédé à la retraduction de l’échelle en anglais. Il n’avait pas pris connaissance de l’échelle originale auparavant et n’avait pas de connaissance sur le construit mesuré. Il avait donc une perspective neutre.
Version pré-finale Lors de la quatrième étape, une réunion a été organisée avec un panel de profils différents : les traducteurs de la deuxième phase, un étudiant faisant partie de la population cible lors de l’étape de validation (étudiants en première ou deuxième année du master en Sciences de la Sante Publique à l’Université Catholique de Louvain. Voir infra), un professionnel avec une expertise en communication et un professionnel de la santé avec des connaissances sur l’âgisme. Cette réunion avait pour objectif de réaliser une version pré-finale de l’AAS. Quelques mots qui avaient déjà soulevé des incertitudes ont à nouveau posé question. Après l’envoi d’un courriel à l’auteur initial de l’échelle, ces incertitudes liées à la signification de certains mots ont été clarifiées. Un chercheur expérimenté a également été consulté afin de discuter des dernières modifications. A la fin de cette étape, une version pré-finale a été réalisée.
Test de la version pré-finale Lors de la cinquième étape, un test a été réalisé auprès de quinze personnes respectant les critères d’inclusion de la population cible lors de l’étape de validation de l’échelle. Ils ont d’abord répondu à la version française de « l’Ambivalent Ageism Scale » individuellement pour être dans les mêmes conditions qu’un test normal. Ensuite, un retour sur l’exhaustivité, la faisabilité, la compréhension et la pertinence du questionnaire a été fait soit par téléphone ou par vidéoconférence, grâce à un entretien semi-structuré. Globalement, les participants ont répondu aux questions suivantes :
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– Quel est le but de l’échelle selon vous ?
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– Quelle est votre impression globale ?
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– Que pensez-vous de la présentation et des consignes de l’évaluation ?
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– Avez-vous compris tous les items ?
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– Que pensez-vous des choix de réponses proposés ?
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– Que pensez-vous des items ? Sont-ils pertinents et transposables à la Belgique ?
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– Avec un regard extérieur, est-ce que l’évaluation vous semble complète ? Pourquoi ?
Conclusion Lors de la sixième étape, un dernier retour a été réalisé auprès des participants du processus de traduction pour finaliser la version finale. Cette réunion a permis de discuter des résultats du test de la version pré-finale, d’ajouter les dernières modifications y afférentes et enfin, de vérifier le processus de traduction.
Etape 2 : Validation
Participants Dans cette étude, la population ciblée est constituée des étudiants en première ou deuxième année du master en Sciences de la Santé Publique à l’Université Catholique de Louvain (UClouvain) en Belgique lors de l’année académique 2019–2020. Cette population a été choisie car la particularité de ce master est qu’il est ouvert aux professionnels en exercice où la majorité des étudiants est constituée de professionnels de la santé en reprise d’étude. Comme expliqué précédemment, la population ciblée lors du développement de l’échelle originale était les personnes âgées entre 18 ans et 57 ans. Toutefois, le but de notre étude était de valider cette échelle au sein d’une population plus spécifique dans le secteur de la santé.
Les questionnaires ont été envoyés en utilisant deux voies de communication différentes afin de maximiser la visibilité du questionnaire auprès des étudiants. La première distribution s’est faite par le secrétariat de la faculté à l’ensemble des étudiants ; la deuxième, par les réseaux sociaux, où le questionnaire a été déposé dans plusieurs groupes composés des étudiants ciblés. Il y a eu plusieurs vagues de relances afin de collecter le maximum de réponses. Le questionnaire est resté ouvert pendant un mois.
Instruments de mesure Les participants ont répondu à un questionnaire auto-administré en ligne. Ils ont d’abord répondu à quelques questions sociodémographiques telles que l’âge, le sexe, l’année de master et le(s) diplôme(s) déjà obtenu(s). La seconde partie du questionnaire contenait la version française de « l’Ambivalent Ageism Scale » et de la « Fraboni scale of ageism ».
Ambivalent Ageism Scale (AAS) La version française de « l’Ambivalent Ageism Scale » est composée de treize items avec une échelle de type Likert en six points allant de « Pas du tout d’accord » à « Tout à fait d’accord ». Après le processus de traduction, il a été décidé de réduire l’échelle de Likert de sept à six afin d’inviter les participants à prendre position. Cette décision sera davantage expliquée dans la partie résultat de l’étude. A notre connaissance, aucune étude antérieure n’a encore été réalisée pour établir la traduction et la validation d’une version française de l’AAS. Il n’y a donc pas encore eu d’analyse des qualités psychométriques. Toutefois, la version anglaise initiale a une bonne cohérence interne (ɑ = 0,91), une bonne validité de construit factorielle, une bonne validité de construit convergente et une bonne stabilité temporelle (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017).
Fraboni Scale of Ageism (FSA) La version française de la « Fraboni scale of ageism » validée par Boudjemad & Gana (Reference Boudjemad and Gana2009) a été utilisée afin d’évaluer la validité de construit convergente de l’AAS. La FSA est une échelle très utilisée dans la littérature pour mesurer l’âgisme, et particulièrement l’âgisme hostile. Elle comporte quatorze items assortis chacun d’une échelle de réponse de type Likert en cinq points. Cette échelle a une bonne cohérence interne (ɑ = 0,82), une bonne stabilité temporelle, une bonne validité de construit factorielle ainsi qu’une bonne validité de construit convergente (Boudjemad & Gana, Reference Boudjemad and Gana2009).
Analyses statistiques Le logiciel SPSS 27 (Statistical Package for the Social Sciences) a été utilisé pour compiler et analyser les résultats.
Analyse des items Trois éléments principaux ont été examinés : la distribution des scores, les données manquantes et les scores moyens pour chaque item. De plus, la distribution des scores totaux sera présentée pour l’AAS et ses sous-dimensions afin d’identifier un éventuel effet de plafond ou de plancher au sein des distributions.
Fidélité Afin de vérifier la fidélité de l’échelle, l’alpha de Cronbach ainsi qu’une analyse de généralisabilité ont été utilisés. La théorie de la généralisabilité est une méthode statistique qui permet d’analyser les résultats des tests psychométriques et des échelles de mesure. Elle examine diverses sources d’erreurs contribuant à l’imprécision de la mesure (Shavelson, Webb, & Rowley, Reference Shavelson, Webb and Rowley1989). Dans cette étude, le programme GENOVA a été utilisé. Tout d’abord, un modèle d’étude « personne x item (p x I) » a été utilisé afin de réaliser une étude de généralisabilité (G-study). Cette première étape a permis de calculer le poids des différentes composantes de la variance. Par la suite, une étude de décision (D-study) a été organisée pour explorer l’impact du nombre d’items sur deux indices différents de fidélité : le « G-coefficient » qui reflète la fidélité de l’ordre de classement des sujets et le « Phi-coefficient » qui évalue la fidélité nécessaire pour une interprétation absolue des scores totaux.
Validité de construit convergente Pour évaluer la capacité de l’AAS à contribuer de manière unique à la mesure de l’âgisme, les scores de l’AAS, de ses deux sous-dimensions et de la version française de l’échelle « Fraboni scale of ageism » ont été mis en corrélation, en utilisant la corrélation de Pearson. La FSA est une échelle bien connue et utilisée fréquemment dans la littérature. De plus, elle n’a pas été utilisée pour construire l’échelle originale. Si l’AAS est bien conçue, l’hypothèse suivante devrait se vérifier : l’AAS comprend à la fois des items hostiles et bienveillants; comme la plupart des items de la FSA sont liés à de l’âgisme hostile, il est attendu que l’AAS soit en corrélation avec la FSA. Cependant, la sous-échelle hostile devrait être en corrélation plus forte avec la FSA que la sous-échelle bienveillante (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Enfin, pour compléter l’analyse de la validité de construit convergente, les coefficients de corrélation après correction pour l’atténuation ont été calculés. En effet, la corrélation observée peut sous-estimer l’ampleur de l’association en raison d’une fidélité imparfaite. La formule suivante a été utilisée afin de les calculer : (Fan, Reference Fan2003), rx′y′ étant le coefficient de corrélation après correction pour l’atténuation, rxy étant le coefficient de corrélation observé et rxx et ryy étant les indices de fidélité des instruments, avec AAS (ɑ = 0,85) et FSA (ɑ = 0,82).
Validité de construit factorielle L’analyse factorielle (FA) permet de mettre en évidence la structure dimensionnelle du construit mesuré par l’échelle. Dans cette étude, une analyse factorielle confirmatoire a été réalisée avec les deux dimensions de l’échelle initiale anglaise, c’est-à-dire, l’âgisme hostile et l’âgisme bienveillant. Une analyse factorielle maximum de vraisemblance avec une rotation Promax avec normalisation de Kaiser a été utilisée telle que dans l’étude précédente (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017).
De Vet et al. proposent trois questions de comparaison :
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– « Les mêmes facteurs sont-ils identifiés dans les deux populations et ces facteurs sont-ils associés aux mêmes items dans les deux populations ? ;
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– Les facteurs ont-ils la même signification pour les deux populations (ex : les facteurs montrent-ils les mêmes charges factorielles dans les deux populations) ? ;
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– Les items ont-ils les mêmes valeurs moyennes dans les deux populations ? » (De Vet et al., Reference De Vet, Terwee, Mokkink and Knol2011, p. 186. Notre traduction).
Résultats
Étape 1 : Traduction et adaptation
Après le processus de traduction, une version française de l’AAS a été obtenue (cf. Annexes : tableau 6). Elle est constituée de treize items âgistes à l’égard des personnes âgées. Le but de l’échelle est d’évaluer le degré d’accord des répondants avec chacune de ces affirmations à l’aide d’une échelle ordinale de type Likert en six points, allant de « Pas du tout d’accord » à « Tout à fait d’accord ». Après le test de la version pré-finale, la décision a été prise de changer le nombre de choix de réponses de sept à six afin de supprimer la réponse neutre et donc d’éviter, d’une part, un effet d’effort cognitif et, d’autre part, un biais de désirabilité sociale. Premièrement, la théorie de l’effort cognitif explique que les participants peuvent, par manque d’intérêt et/ou par manque de motivation, choisir la réponse neutre par facilité pour éviter de devoir intégrer l’affirmation, se remémorer des informations pertinentes, les interpréter et ainsi se former et exprimer une opinion sur le sujet (Krosnick et al., Reference Krosnick, Holbrook, Berent, Carson, Hanemann and Kopp2001). Deuxièmement, dans un questionnaire composé de questions jugées « sensibles et controversées », un biais de désirabilité sociale peut également être présent. En effet, les participants peuvent ressentir une pression pour choisir la « bonne » réponse ou la réponse acceptée socialement (Tourangeau & Yan, Reference Tourangeau and Yan2007). En enlevant la réponse neutre et en administrant le questionnaire en privé, on invite ainsi les participants à prendre position (De Vet et al., Reference De Vet, Terwee, Mokkink and Knol2011). Le score total peut varier entre un minimum de 13 et un maximum de 78. Plus le score total est élevé, plus le niveau d’âgisme est élevé.
Étape 2 : Validation
Échantillon 111 étudiants du master en Sciences de la Santé Publique de la faculté de santé publique de l’UClouvain ont répondu volontairement au questionnaire, sur 544 étudiants inscrits lors de l’année académique 2019–2020. La Figure 1 présente la flow-chart du nombre de réponses aux différentes questions.
L’échantillon est majoritairement composé de femme (83,8 %). L’âge moyen est de 31,47 ans (écart type = 7,48 ans) avec un minimum de 21 ans et un maximum de 57 ans. La majorité des étudiants ont un diplôme en soins infirmiers (n = 75, 67,6 %) ou dans le secteur paramédical (n = 20, 18 %). Ces données confirment que la majorité des participants est constituée de professionnels de la santé en reprise d’étude. En effet, environ 86 % des étudiants détiennent un diplôme dans le secteur de la santé, et environ 80 % des participants ont plus de 25 ans. D’ailleurs, une enquête réalisée par la faculté auprès des étudiants en première année master lors de l’année académique 2016–2017 montre que 62 % des étudiants inscrits exerçaient une activité professionnelle en même temps que leur master. Le Tableau 1 présente les données socio-démographiques principales de l’échantillon.
Analyses statistiques
Analyse des items L’analyse par items montre que les moyennes de chaque item sont principalement en dessous de 3, indiquant que la majorité des réponses est située entre « Pas du tout d’accord » et « Pas vraiment d’accord » (voir Tableau 2). Enfin, il n’y a aucune donnée manquante pour chacun de ses items. Cela indique une bonne acceptabilité, compréhension et faisabilité de l’échelle dans son ensemble. Ces résultats ont été confirmés par l’étude réalisée lors de la traduction de l’échelle (voir étape 5) auprès de 15 étudiants du master. En effet, lors du test de la version pré-finale, ces derniers soulignaient que l’échelle était courte, compréhensible et simple d’utilisation.
Analyse des distributions des scores totaux Malgré une population assez homogène composée principalement de professionnels de la santé, la distribution des scores totaux de l’AAS et ses sous-dimensions est assez étendue. En effet, nous n’observons pas d’effet plancher ni d’effet plafond important au sein de ces distributions (voir Figures 2, 3 et 4), ce qui atteste d’un bon pouvoir discriminatif de l’échelle au sein de l’échantillon.
Cohérence interne Avec un seuil fixé à 0,7, le coefficient alpha de Cronbach de la version française de l’AAS (ɑ = 0,85) s’est relevé fort satisfaisant, démontrant une bonne cohérence interne de l’échelle.
Analyse de généralisabilité Un modèle d’étude « p x I » a été utilisé pour effectuer l’étude de généralisabilité, avec p représentant les personnes (n = 110) et I représentant le nombre d’items (n = 13). Dans le Tableau 3a, les composantes de la variance sont données pour chacune des sources de variance dont ce modèle d’étude permet l’estimation. La composante p correspond à la variance attribuable aux personnes. La composante I représente la variance entre les items et la façon dont ils discriminent les sujets. La composante pi reflète l’incohérence avec laquelle les items de l’AAS classent les sujets ainsi que toutes autres sources d’erreur de variance (en anglais, error variance). Le Tableau 3b contient les résultats de différents indices de fidélité en fonction du nombre d’items. Plus précisément, ces résultats ont montré que l’AAS (treize items) présentait un G-coefficient (0,84) et un Phi-coefficient (0,81) satisfaisant. Toutefois, une erreur standard de mesure de 6,10 % est à prendre en compte. Cela signifie qu’un score total individuel obtenu en répondant à l’Ambivalent Ageism Scale (exprimé en pourcentage) doit être interprété avec prudence car un intervalle de confiance à 95 % de ± 1,96 x 6,10 % soit ± 11 % doit être pris en compte pour chaque valeur.
Validité de construit convergente Les coefficients de corrélation observés et corrigés pour l’atténuation sont présentés dans le Tableau 4. On peut remarquer que l’hypothèse attendue s’est vérifiée. En effet, l’AAS était corrélée avec la FSA, r (106) = 0,54, p = <0,01. La sous-échelle hostile de l’AAS et la FSA étaient corrélées à r (106) = 0,61, p = <0,01 alors que la sous-échelle bienveillante et la FSA étaient moins fortement corrélées, r (106) = 0,45, p = <0,01.
Note : ** corrélations significatives à 0,01 %, ° corrélation après correction pour l’atténuation
Validité de construit factorielle L’analyse factorielle (FA) a été réalisée sur base des réponses de 110 étudiants. Un indice KMO de 0,79 a été trouvé, montrant une qualité d’échantillonnage satisfaisante pour procéder à l’analyse factorielle.
Analyse factorielle confirmatoire L’analyse factorielle confirmatoire a montré que les FA étaient différentes et qu’elles ne montraient pas les mêmes sous-dimensions. Une analyse factorielle exploratoire a donc été réalisée. La comparaison des deux analyses factorielles est présentée dans l’annexe (cf. Annexes : tableau 7). Toutefois, il est important de préciser qu’une précaution dans l’interprétation des chiffres est nécessaire car les deux échelles n’utilisent pas la même échelle de Likert.
Analyse factorielle exploratoire Une analyse factorielle exploratoire sur les treize items, utilisant une analyse à composante principale avec une rotation Varimax avec normalisation de Kaiser a été réalisée. Quatre facteurs avec des valeurs propres initiales (en anglais, eigenvalues) supérieures à 1 ont été identifiés (voir Figure 5). Le Tableau 5 présente les résultats.
Note. Analyse à composantes principales avec rotation Varimax avec normalisation de Kaiser
Interprétation des facteurs
Six éléments chargeaient principalement sur le premier facteur. Ce facteur reflétait l’idée que les personnes âgées ont besoin d’être protégées voire surprotégées, en raison d’une fragilité émotionnelle et physique (par exemple, les personnes âgées ont besoin d’être protégées face aux dures réalités de la vie). Deux éléments avaient une charge factorielle plus importante sur le deuxième facteur, reflétant une attitude de contrôle envers les personnes âgées (par exemple, même si elles le souhaitent, les personnes âgées ne devraient pas être autorisées à travailler car elles ont déjà payé leurs dettes envers la société). Quatre items avaient une charge factorielle plus importante sur le troisième facteur, reflétant une attitude d’infantilisation à l’égard des personnes âgées (par exemple, c’est bien de s’adresser lentement aux personnes âgées car elles peuvent prendre plus de temps à comprendre, faisant référence à la notion de « babytalk »). Enfin, un item chargeait principalement sur le quatrième facteur. Ce dernier facteur est composé de l’item suivant : les personnes âgées sont un poids pour le système de santé et l’économie du pays, faisant référence à une attitude d’hostilité envers les personnes âgées.
Optimiser la dimensionnalité
Il a été décidé d’enlever l’item 13 qui composait, à lui seul, le facteur 4. Ce choix n’a pas eu d’incidence sur la cohérence interne de l’échelle car, même après suppression de l’item 13, l’alpha de Cronbach reste identique (cf. Annexes : tableau 8).
Plus en détail, l’analyse de la cohérence interne de la nouvelle structure dimensionnelle démontre un alpha de Cronbach fort satisfaisant pour les deux premiers facteurs : Surprotection (ɑ = 0,85) et Contrôle (ɑ = 0,80), mais assez faible pour le dernier facteur : Infantilisation (ɑ = 0,54) limitant l’usage propre de cette sous-échelle.
Discussion
L’objectif de cette recherche était d’introduire une traduction et une validation de l’échelle « Ambivalent Ageism Scale » en français.
L’étude a montré principalement une bonne cohérence interne et une bonne validité de construit convergente de la version française. Toutefois, l’analyse factorielle confirmatoire a mis en évidence une autre structure dimensionnelle par rapport à la version anglaise. Une FA exploratoire a donc été réalisée. Celle-ci a révélé une structure en quatre facteurs. L’analyse de généralisabilité a révélé qu’avec le nombre réel d’items (n = 13), la version française de l’AAS présentait un « G-coefficient » de 0,84 et un « Phi-coefficient » de 0,81 satisfaisants. Toutefois, une erreur standard de mesure de 6,10 % est à prendre en compte.
L’analyse des items a permis d’identifier que la majorité des items ont une moyenne en dessous de trois, indiquant une réponse qui se situe principalement entre « Pas du tout d’accord » et « Pas vraiment d’accord ». Si on scinde les choix de réponses en deux catégories distinctes avec, d’un côté, les réponses dites négatives (les choix allant d’un à trois sur l’échelle de Likert) et, de l’autre côté, les réponses dites positives (les choix allant de quatre à six sur l’échelle de Likert), on remarque que les items 4, 7, 8 et 9 ont les scores positifs les plus élevés. En effet, environ un quart des étudiants (24,3 %) sont d’accord qu’il est bien de s’adresser lentement aux personnes âgées car elles peuvent prendre plus de temps à comprendre, et 20,7 % des participants pensent qu’il est utile de répéter les choses aux personnes âgées car elles comprennent rarement dès la première fois. Ces deux premiers items renvoient à la notion de « babytalk » ou « elderspeak ». Enfin, les deux derniers items renvoient à des attitudes de surprotection. Effectivement, plus du tiers des répondants (37,8 %) pensent que les personnes âgées doivent être aidées avec leurs tâches quotidiennes, même si elles ne demandent pas d’aide, et 63 % des personnes interrogées pensent que les personnes âgées devraient toujours se voir offrir de l’aide, même si elles ne demandent pas d’aide. Ces résultats sont en accord avec la littérature. Effectivement, la surprotection et le « babytalk » sont deux formes d’âgisme paternaliste souvent observées auprès des professionnels de la santé (Chasteen, Bergstrom, Schiralli, & Le Forestier, Reference Chasteen, Bergstrom, Schiralli, Le Forestier, Gu and Dupre2019). Premièrement, le « babytalk » consiste à parler plus lentement et plus fort, en utilisant un vocabulaire et une grammaire simplifiés, sans tenir compte des capacités de l’interlocuteur, tout en employant des qualificatifs et des surnoms infantilisants à l’égard des personnes âgées. Cette sur-accommodation de la communication tant verbale que non verbale provoque alors un échange unidirectionnel et infantilisant, renvoyant au patient âgé un message implicite d’incapacité (Draper, Reference Draper2005; Williams et al., Reference Williams, Shaw, Lee, Kim, Dinneen and Turk2017). Deuxièmement, la surprotection se traduit par une surprotection physique (ex. une aide non voulue voire une restriction des activités) et une surprotection émotionnelle et/ou cognitive (ex. une « protection » face à des nouvelles tristes voire une restriction d’informations) des aînés en raison d’une fragilité physique, psychologique et/ou cognitive présumée sur base de leur âge (Cary, Chasteen, & Remedios, Reference Cary, Chasteen and Remedios2017). Par exemple, le diagnostic d’une maladie d’Alzheimer ou les questions relatives à la fin de vie sont des sujets sensibles qui ne sont pas systématiquement abordés avec les patients dits « âgés » par peur d’un préjudice émotionnel (surprotection émotionnelle) ou par peur d’un manque de compréhension (surprotection cognitive), alors qu’informer le patient est primordial pour lui permettre d’être acteur de ses soins (Masse & Meire, Reference Masse and Meire2012). Comme le précisent Masse et al., les professionnels de santé ne sont pas immunisés contre les stéréotypes âgistes. L’âgisme peut donc avoir une influence sur la relation avec les patients dits âgés (Masse & Meire, Reference Masse and Meire2012). Plus spécifiquement, dans cet échantillon, cela se manifeste dans leur manière d’être (attitude surprotectrice) et de s’exprimer (« babytalk »).
Comme dit précédemment, l’analyse factorielle confirmatoire n’a pas identifié la structure bidimensionnelle de l’âgisme hostile et de l’âgisme bienveillant, caractéristique de l’échelle initiale. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette différence. Elle peut être liée soit à la traduction, soit à la population soit à une différence culturelle. Une autre explication pourrait être la transition d’une échelle de Likert de sept à six points. D’autres études sont nécessaires afin de vérifier la validité de construit factorielle de la version française de l’AAS. L’analyse factorielle exploratoire a révélé une structure dimensionnelle en quatre facteurs (Surprotection, Infantilisation, Contrôle et Hostilité). Afin d’optimiser la dimensionnalité, le facteur « Hostilité » n’étant composé que d’un seul item a été supprimé.
Les nouveaux facteurs : la surprotection, l’infantilisation et le contrôle font références à des comportements paternalistes à l’encontre des aînés. Le paternalisme dans les soins est défini comme un acte (ou l’omission d’un acte) directif du soignant envers le patient, basé sur un faux sentiment de connaissance des souhaits et des besoins de ce dernier (Tuckett, Reference Tuckett2006). S’appuyant sur une image stéréotypée d’un patient vulnérable et dépendant, les soignants ont tendance à les infantiliser et à les empêcher de prendre leurs propres décisions, sous-entendant ainsi que les patients âgés ne sont pas suffisamment compétents (Tuckett, Reference Tuckett2006). Si l’intention première du soignant est d’agir pour le bien du patient, il n’en demeure pas moins que le paternalisme peut conduire à une limitation de l’autonomie et de la liberté, entraînant une relation d’autorité et de dépendance entre le soignant (celui qui sait) et le patient (Tuckett, Reference Tuckett2006). Plus spécifiquement, une étude qualitative menée par Lagacé, Tanguay, Lavallée, Laplante, et Robichaud (Reference Lagacé, Tanguay, Lavallée, Laplante and Robichaud2012) auprès de résidents (N = 33) d’un établissement de soins de longue durée est une bonne illustration du lien entre ces trois notions et la problématique du paternalisme à l’égard des personnes âgées. En effet, dans leur étude, 67 % des résidents interrogés déclarent avoir été confrontés à des attitudes âgistes paternalistes jugées directives et infantilisantes. Plusieurs exemples sont donnés pour chacune de ces notions : l’infantilisation (p. ex. l’utilisation d’un langage infantilisant), le contrôle (p. ex. l’utilisation d’un ton autoritaire et paternaliste, le fait de couper court aux conversations, le manque d’implication des résidents dans les décisions au quotidien, le fait de ne pas écouter voire d’ignorer les résidents) et la surprotection (p. ex. décourager les résidents à prendre des initiatives afin de les « protéger ») (Lagacé, Tanguay, Lavallée, Laplante, & Robichaud, Reference Lagacé, Tanguay, Lavallée, Laplante and Robichaud2012). Il a donc été décidé d’appeler la version française adaptée : la Mesure de l’Âgisme Paternaliste (MAP).
Points forts et limites
Le grand avantage de cette étude est de mettre à disposition une nouvelle échelle de mesure de l’âgisme en français, car peu d’outils pour mesurer l’âgisme ont été validés en français. De plus, l’AAS est la seule échelle qui prend en compte cette distinction entre l’âgisme hostile et bienveillant, une distinction qui a déjà été faite pour le sexisme, une preuve de sa pertinence (Glick & Fiske, Reference Glick and Fiske1996). De plus, l’accessibilité à des instruments de mesure validés est primordiale pour identifier l’âgisme, mieux comprendre sa nature et donc mieux combattre cette problématique au sein de la population. Toutefois, une revue systématique sur les qualités psychométriques des échelles de mesure de l’âgisme souligne un manque important d’outils de mesure valides et fiables mesurant toute la complexité de l’âgisme. Les auteurs soulignent également un manque d’étude pour évaluer la validité transculturelle de ces échelles, ce qui constitue un frein important aux études de comparaison entre différents pays et différentes cultures (Ayalon et al., Reference Ayalon, Dolberg, Mikulionienė, Perek-Białas, Rapolienė and Stypinska2019). C’est pourquoi une des priorités de l’OMS est le développement d’un outil de mesure valide et fiable pour mesurer l’âgisme sous toutes ses dimensions (OMS, 2021). Notre étude peut donc contribuer dans l’avancement de ces objectifs.
La principale limite est que cette étude n’est que le début du processus de validation de cette échelle de mesure. En effet, d’autres études sont nécessaires pour évaluer d’autres qualités psychométriques de la version française de l’AAS (ex. la stabilité temporelle, la sensibilité, etc.). De plus, la validité transculturelle mériterait d’être davantage examinée dans différents contextes et populations. En effet, au sein de notre étude, la population choisie est assez homogène et spécifique, puisque l’échantillon est majoritairement composé de professionnels de la santé. Il n’est donc pas représentatif de l’ensemble de la population belge. Toutefois, il faut souligner que la cohérence interne de l’échelle est assez satisfaisante avec un alpha de Cronbach de ɑ = 0,85. De plus, même au sein d’une population assez homogène, la distribution des scores est tout de même assez étendue. Elle permet donc de différencier ce groupe, une preuve d’une certaine sensibilité de l’échelle. Enfin, au vu des premiers résultats de l’AAS au sein de cet échantillon, la validation de l’AAS auprès des professionnels de la santé parait plus que pertinent afin d’identifier l’âgisme à l’égard des personnes âgées, et plus particulièrement les attitudes d’âgisme paternalistes qui semblent assez présentes auprès des professionnels de la santé.
Conclusion
En conclusion, la Mesure de l’Âgisme Paternaliste (MAP) est composée de douze items et est subdivisée en trois nouveaux facteurs : la surprotection (six items, ɑ = 0,85), l’infantilisation (quatre items, ɑ = 0,54) et le contrôle (deux items, ɑ = 0,80) à l’égard des personnes âgées. Ces items sont assortis chacun d’une échelle de réponse de type Likert en six points. La MAP est une échelle de mesure de l’âgisme courte, facile et simple d’utilisation, qui identifie les stéréotypes et les attitudes paternalistes à l’égard des personnes âgées. L’identification des stéréotypes et des attitudes âgistes est une étape indispensable pour sensibiliser et changer les comportements de la population à l’égard des aînés. Il serait donc intéressant de continuer les recherches dans d’autres populations et contextes afin de continuer à évaluer sa fidélité et sa validité.
Annexes
Point 1. Schéma des six étapes de traduction recommandées par De Vet et ses collègues
Point 2. La version française adaptée de l’Ambivalent Ageism Scale
Point 3. Comparaison des résultats des analyses factorielles de la version anglaise et de la version française
Note : * données tirées de l’article suivant : The Ambivalent Ageism Scale : Developing and Validating a Scale to Measure Benevolent and Hostile Ageism (Cary et al., Reference Cary, Chasteen and Remedios2017), ** le nombre de choix de réponse est différent entre les deux évaluations, nécessité de précaution dans l’interprétation des résultats.
Point 4. Alpha de Cronbach si item supprimé