Hostname: page-component-cd9895bd7-jkksz Total loading time: 0 Render date: 2024-12-18T20:56:02.907Z Has data issue: false hasContentIssue false

Le Fiasco de la politique linguistique canadienne Charles Castonguay, Montréal : Les Éditions du Renouveau québécois, 2021, pp. 65

Review products

Le Fiasco de la politique linguistique canadienne Charles Castonguay, Montréal : Les Éditions du Renouveau québécois, 2021, pp. 65

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2023

Yves Laberge*
Affiliation:
Université d'Ottawa ([email protected])
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © The Author(s), 2023. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Ce livre concis reprend intégralement un rapport rédigé initialement en anglais et présenté au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des Communes en 2021, sous le titre « French in Free Fall : The Failure of Canadian and Quebec Language Policies » (Castonguay, Reference Castonguay2021). Mathématicien de formation, statisticien et professeur émérite de l'Université d'Ottawa, Charles Castonguay a grandi sans connaître le français de ses ancêtres durant sa jeunesse passée en Ontario. Il est devenu francophone par la suite. Son plaidoyer en faveur de la préservation du français fait la synthèse de plusieurs années de recherche, de présence active dans des colloques et de nombreuses publications sur la question délicate – et très politisée – du bilinguisme canadien.

Le Fiasco de la politique linguistique canadienne se subdivise en cinq parties : la genèse de nos politiques actuelles; la situation du français au Canada puis au Québec; l'anglicisation hors Québec; des pistes de solution, passant par une réorientation des politiques actuelles.

D'entrée de jeu, le ton est donné. Depuis plus d'un demi-siècle, le gouvernement canadien a fait – sciemment ou non – fausse route en plaçant l'anglais et le français sur un pied d’égalité, avec son concept ouvert des « deux langues officielles ». Ce faisant, il négligeait non seulement la disproportion démographique existant au Canada (entre anglophones et francophones) depuis la Confédération, mais de plus, l'auteur ajoute que « ce profond déséquilibre s'explique au premier chef par le pouvoir d'assimilation écrasant de l'anglais » (15).

Certains passages sont particulièrement frappants. Ainsi, Castonguay utilise l'exemple de la ville d'Ottawa, où la présence des francophones a diminué de presque la moitié entre 1971 et 2016 (61). Ce qui est plus grave, selon l'expert indépendant, c'est que les mouvements d'anglicisation et d'assimilation des francophones vers l'anglais se sont intensifiés depuis cinquante ans, et ce, dans toutes les provinces, depuis que le Canada a adopté ses mesures promouvant les « deux langues officielles ». La question du libre choix laissé aux citoyens – et aux nouveaux arrivants – fait également en sorte que l'anglais est tacitement favorisé tandis que le français devient de plus en plus marginalisé, et de ce fait minorisé. Les chiffres exposés ici montrent que les autorités canadiennes n'ont pas réussi à inverser cette tendance de fond.

L'ouvrage est éminemment critique envers les politiques officielles du gouvernement fédéral canadien, sans partisanerie, et sans viser un parti politique, une période historique ou un gouvernement en particulier. Ainsi, Castonguay pointe à maints endroits le problème de l'anglicisation, au Québec comme dans les autres provinces, alors que les documents officiels fédéraux se contentent d'employer un vocabulaire plus positif – et donc moins restrictif – avec des termes consensuels comme « la promotion des deux langues officielles » et, beaucoup plus rarement, « la protection du français ».

Il ne faudrait pas voir dans cet ouvrage qu'une suite de reproches et de doléances. À la suite de son diagnostic, Castonguay propose de nombreuses solutions constructives pour inverser ce problème multiforme et complexe. Il suggère de réorienter la politique linguistique canadienne vers une francisation active et réelle, ce qui n'a pas été fait à l’échelle fédérale. Mais surtout, il faut considérer que le passage, de manière massive et ininterrompue, d'une langue officielle à l'autre – c'est-à-dire du français vers l'anglais – constitue un véritable problème que le principe même des langues officielles canadiennes néglige ou déconsidère. On pourrait ajouter qu'un faux problème existe au Canada : l'idée de la protection des anglophones du Canada face au français, et le besoin de protéger les Canadiens anglophones en leur assurant des services en anglais ou de promouvoir la langue anglaise partout au Canada.

En dépit de son importance et de sa pertinence, ce livre percutant paru il y a un an ne semble pas avoir fait l'objet de recensions dans les revues savantes, et on pourrait en dire autant à propos des retombées des consultations du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des Communes, qui n'ont pas eu beaucoup d’échos dans les médias. Néanmoins, une publication comme celle-ci rappelle que la question délicate des langues officielles du Canada ne devrait pas devenir l'apanage des politiciens, ni des linguistes, ni de l’État fédéral.

Le lectorat potentiel de ce Fiasco de la politique linguistique canadienne pourra être assez diversifié : étudiants du premier cycle (et même de niveau collégial) en sociolinguistique, en études canadiennes et en sciences sociales; mais on verrait bien ce petit livre dans les bibliothèques municipales et universitaires. Quant aux non-francophones qui ne mesurent pas toujours l'acuité de ce problème et le réel déséquilibre linguistique existant au Canada, ils pourront se référer à la version anglaise du présent document (Castonguay, 2021). Même s'il fournit beaucoup de chiffres et de données statistiques, Charles Castonguay a regroupé ses références en fin de volume et ceci allège son texte. Chaque donnée est aussi expliquée, interprétée et contextualisée. Néanmoins, les qualités pédagogiques de ce mémoire n'en réduisent pas pour autant la rigueur et l'utilité pour les chercheurs et même pour les étudiants aux cycles avancés. Par sa concision et son indéniable rigueur, c'est en soi un modèle de mémoire au ton engagé que l'on peut soumettre en tant que citoyen lors d'une consultation publique.

References

Bibliographie

Castonguay, Charles. 2021. « French in Free Fall: The Failure of Canadian and Quebec Language Policies », March 9, 2021, https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/432/LANG/Brief/BR11249912/br-external/CastonguayCharles-e.pdfGoogle Scholar