Hostname: page-component-cd9895bd7-mkpzs Total loading time: 0 Render date: 2024-12-26T22:05:16.325Z Has data issue: false hasContentIssue false

Droitisation et populisme : Canada, Québec et États-Unis Frédéric Boily, Québec : Presses de l'Université Laval, 2020, pp. 214

Review products

Droitisation et populisme : Canada, Québec et États-Unis Frédéric Boily, Québec : Presses de l'Université Laval, 2020, pp. 214

Published online by Cambridge University Press:  24 June 2021

Katryne Villeneuve-Siconnelly*
Affiliation:
Université Laval
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Le phénomène du populisme et ses multiples facettes bénéficient d'un engouement certain et grandissant en sociologie politique. L'ouvrage de Frédéric Boily, Droitisation et populisme, s'intéresse à la reconfiguration actuelle de la droite et à sa recherche de nouveaux repères idéologiques. Davantage théoriques qu'empiriques, les différents chapitres présentent notamment l’évolution de la droite et les différentes vagues de « droitisation » (Chapitre 1), les mouvements populistes étatsuniens sous la lunette de Hofstadter (Chapitre 2), les styles populistes canadiens (Chapitre 3) et la droite fédérale au Canada (Chapitre 4), pour terminer avec une réflexion introductive aux intellectuelles de droite au Canada (Chapitre 5).

Par ailleurs, l'auteur souligne avec justesse au premier chapitre le manque de clarté sur le phénomène de la droitisation, de même que son étendue. Il y aurait par conséquent une confusion quant à ce qu'elle veut dire–à savoir si cela se concrétise par une adoption par la gauche des discours de droite, d'une présence grandissante des partis de droite ou encore que le fait que les partis de droite sont plus à droite qu'autrefois–et comment nous pouvons effectivement mesurer cette droitisation. À cela s'ajouterait la présupposition erronée de la linéarité des dirigeantes et dirigeants de droite (22) et la variation quant aux définitions même de la droite (23). Boily (2020 : 24) souligne que souvent, « le terme de droitisation sert à stigmatiser un adversaire dont on veut dénoncer la “dérive” plutôt que comme un concept rigoureusement défini ».

Tout comme le populisme, la droitisation découlerait de facteurs économiques et culturels (tels que décrits dans la théorie de la modernisation et du cultural backlash proposée par Norris et Inglehart [Reference Norris and Inglehart2019]). Afin de mieux comprendre la teneur de la droitisation et le changement de sa signification, Boily propose une périodisation comprenant deux phases se chevauchant, la première débutant en 1980 jusqu'en 2008, et l'autre s’étendant du début des années 2000 à 2010. Alors que la première est empreinte d'un discours sur le libre-échange, la réduction de la taille de l’État et l'opposition au communisme, la seconde voit la montée de contradictions économiques et des désordres sociaux, où l'on met d'abord l'accent sur le renforcement des capacités nationales et les questions identitaires.

Le second chapitre évoque la continuité du populisme dans l'histoire étatsunienne telle qu'expliquée par Richard Hofstadter. Ce dernier souligne que le populisme, après 1945, s'est adapté aux nouvelles conditions politiques et sociales, pour y devenir du pseudo-conservatisme arborant un style paranoïaque. Boily se penche sur l'importance dans l'histoire du populisme des mouvements agraires et de la tendance pour les discours qui s'y rattachent de se réfugier dans un passé mythifié pour combattre le sentiment d'anxiété politique (66).

Le troisième chapitre évoque quant à lui, et à juste titre, la minimisation de la place du populisme au Canada. Pour Boily, nous pouvons observer certains exemples populistes au cours de l'histoire canadienne, comme le Crédit social, le Parti réformiste de Preston Manning ou le populisme dit « intelligent » de Maxime Bernier (Chapitre 4).

Finalement, le dernier chapitre effectue une cartographie de l'espace intellectuel de la droite depuis le milieu des années 2000. Quelques exemples québécois y sont donnés, comme Denise Bombardier, Lise Ravary et Nathalie Elgrably-Lévy, en plus de présenter le regard des intellectuelles sur Donald Trump et sur l'islamisme.

L'ouvrage présente ainsi plusieurs contributions intéressantes à la littérature sur l'idéologie de la droite et sur le populisme. Il présente de manière claire l’évolution de la droite, son omniprésence et comment cette dernière peut teinter les formations politiques se trouvant ailleurs sur l’échiquier politique. Il est également important de souligner que l'ouvrage de Boily fait partie des rares publications couvrant le populisme au Canada et au Québec, en plus d'intégrer un chapitre complet sur l'apport des femmes intellectuelles dans les débats.

Néanmoins, l'auteur associe le concept de droitisation au populisme. Boily reprend la définition du populisme qu'il avait présentée dans son ouvrage La Coalition avenir Québec (Reference Boily2018), soit « un style politique, pouvant s'exprimer sur le plan autant identitaire que protestataire » (90). Or, cette définition demeure générale et peut aussi être appliquée à d'autres courants politiques, comme l'antisystème. Sans critères de mesure systématiques, il existe un risque réel de voir le populisme partout. Alors qu'il est reproché à plusieurs autrices et auteurs d’évacuer les populistes de gauche dans leurs études, associer le populisme à la droitisation (censés être mutuellement exclusifs) sans davantage d'explication sur la véritable teneur populiste des discours donnés en exemple peut porter à confusion. Il aurait aussi été intéressant de pousser le cas québécois et des apports distincts de la Révolution tranquille par rapport aux exemples classiques convenus dans la littérature, ainsi que de voir comment la gauche peut faire preuve de droitisation. En dernier lieu, la dimension des femmes de droite en politique demeure une avenue à explorer.

En somme, l'ouvrage constitue une base intéressante pour asseoir la réflexion sur l'omniprésence de la droite et du populisme au quotidien, par le biais d'angles moins couverts dans la littérature et de références à des publications clés sur la question. Encore une fois, Boily nous offre un ouvrage utile et original qui saura susciter l'intérêt des politologues.

References

Bibliographie

Boily, Frédéric. 2018. La Coalition avenir Québec : une idéologie à la recherche du pouvoir. Québec : Presses de l'Université Laval.CrossRefGoogle Scholar
Norris, Pippa et Inglehart, Ronald. 2019. Cultural Backlash : Trump, Brexit, and Authoritarian Populism. Cambridge : Cambridge University Press.10.1017/9781108595841CrossRefGoogle Scholar