Published online by Cambridge University Press: 01 January 2020
Admettons comme hypothèse de travail pour les besoins de la discussion qui va suivre que les jugements moraux ne sont pas fondés sur des valeurs objectives, sur des propriétés naturelles des choses, des actes ou des hommes, ni sur les volontés d'un Etre supréme quelconque; admettons qu'ils relevènt ultimement de decisions individuelles, que chaque homme est sur le plan logique (mais pas nécessairement au plan des faits) libre de décider des principes en vertu desquels il entend guider sa vie. La question qui se pose est la suivante: ces jugements concernant ma propre vie sont-ils logiquement universalisables? Le sont-ils nécessairement? Le sont-ils parfois et à quelles conditions? En d'autres termes, le fait qu'au plan moral je valorise tel type d'action doit-il m'amener à poser que les autres “devraient” également valoriser le même type d'action? La logique du discours moral me permet-elle de poser des valeurs uniquement pour moi-méme?Ou au contraire le jugement (moral): “je devrais agir de telle façon” entraîne-t-il le locuteur à adhérer à cet autre jugement: “X (ou toute personne), dans des circonstances semblables, devrait (moralement) agir de la même façon”?
1 Paris, Nagel.
2 Cf Contat et Rybalka, Les écrits de Sartre, Paris, Gallimard, 1970, p.132.
3 Oxford University Press, 1963; je désignerai désormais cet ouvrage par le sigle F.R. Notons que Hare parle habituellement de “universalizability”, mais il me parait plus simple d’utiliser en français “universalisation”.
4 Language of morals, Oxford University Press, 1968 (lère éd.: 1952). p.195: je désignerai désormais cet ouvrage par le sigle L.M.
5 Cf par ex. F.R., p. 35, note 1. et F.R., p. 155.
6 Cf F.R., chap. 2, p. 7-30.
7 Cf F.R., p. 15.
8 Cf les analyses de Benveniste E, sur le pronon personnel dans Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, p.251-266.
9 “Universalizabilily”. Aristotelian society, vol.LV, 1954-55, p.295-312.
10 Notons que la décision individuelle n’implique logiquement aucun renvoi aux émotions du sujet et qu’il n’y a donc ici nulle trace d’émotivisme.
11 En effet, en vertu du caractère prescriptif de “good”, si (b) entrainait “X is good for anybody”, je devrais en déduire un impératif concernant “anybody”: “let anybody do X”, ce que précisément Hare veut éviter.