Published online by Cambridge University Press: 18 July 2014
In the mid-nineteenth century, a time when the liberal political order established itself once and for all in Canada, the question of the maintenance of public order took on special importance. The determination of democratic legitimacy required, in effect, a redefinition of the limits within which civil liberties could be expressed. At what point does freedom of speech become a call to revolt? How far can freedom of assembly go without taking the form of riot or rebellion? When does freedom of association transmute into conspiracy against the State? It was to these questions that the first Reform Cabinet adressed itself above all when, in 1843, at Baldwin's instance, it introduced three bills concerning public gatherings, processions, and secret societies. This article analyses the conditions under which these bills were introduced and debated, examines their tenor, and attempts to evaluate their implications for the nascent political order.
Au milieu du 19e siècle canadien, époque où se met définitivement en place l'ordre politique libéral, la question du maintien de l'ordre public revêt une importance particulière. La détermination de la légitimité démocratique oblige en effet à redéfinir les limites au sein desquelles pourront s'exprimer les libertés civiles. Où la liberté d'expression devient-elle appel à la sédition? Jusqu' à quel point la liberté de s'assembler peut-elle aller sans prendre les formes de l'émeute ou de la rébellion? Quand le droit d'association peut-il se pervertir en complot contre l'État? C'est à ces questions que s'adresse avant tout le premier cabinet réformiste lorsque, en 1843, sous l'impulsion de Baldwin, il présente trois projets de loi touchant les assemblées publiques, les processions et les sociétes secrètes. Cet article analyse les conditions dans lesquelles ces projets de loi furent présentés et débattus, étudie leur teneur, et essaie de prendre la mesure de lews implications pour l'ordre politique naissant.
1. Dans le cas du Bas Canada, voir Fecteau, J.-M., «Mesures d'exception et règle de droit. Les conditions d'application de la loi martiale au Québec lors des Rébellions de 1837–1838,» Revue de droit de McGill, vol. 32, no. 3, juil. 1987, pp. 465–495Google Scholar.
2. Voir notamment Wright, B., «The Sedition Proceedings in Upper Canada and the Transformative Potential of Law — communication au Congrès des Sociétés savantes,» Victoria, mai 1990Google Scholar.
3. Ainsi, le Code pénal napoléonien de 1810 contient les stipulations suivantes: Art. 291: «Nulle association de plus de 20 personnes dont le but sera de se réunir tous les jours ou à certains jours marqués pour s'occupef d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu'avec l'agrément du gouvernement et sous les conditions qu'il plaira à l'autorité publique d'imposer à la société.» Dans le nombre des personnes indiqué par le présent article ne sont pas comprises celles domiciliées dans la maison où l'association se réunit. Art. 294: «Tout individu qui, sans la permission de l'autorité municipale, aura accordé ou consenti l'usage de sa maison ou de son appartement, en tout ou en partie, pour la réunion des membres d'une association même autorisée, ou pour l'exercice d'un culte, sera puni d'une amende de 16 francs à 200 francs.» Ces dispositions demeureront à toutes fins pratiques en vigueur jusqu'en 1901.
4. Voir sur ce point Fecteau, J.-M., «Le pouvoir du nombre: l'idée d'association et la transition à la démocratic au Québec au milieu du 19e siècle,» Association française des historiens des idées politiques, L'État, la Révolution française et l'Italie: Actes du Colloque de Milan, Aix, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 1990, pp. 91–107Google Scholar.
5. On en trouvera un bref aperçu dans Fecteau, J.-M., «Prolégomènes à une étude hislorique des rapports entre l'État et le droit dans la société québécoise de la fin du 18e siècle à la crise de 1929,» Sociologie et sociétés, vol. 18, no. 1, avril 1986, pp. 129–138CrossRefGoogle Scholar. Cf. aussi Hodgetts, J.E., Pioneer Public Service, Toronto, 1955Google Scholar.
6. La police rurale, considéréé comme «useless and unnecessary,» est démanielée en 1842. Greer, A.. «The Birth of the Police in Canada,» Communication au Colloque Social Change and State Formation in British North America, 1830–1870, Toronto, février 1989Google Scholar.
7. 2 Vict. (3) (1838), c. 8. Sur cette disposition légale, voir plus loin.
8. L'Acte des municipalités de 1840 donne à celles-ci certains pouvoirs en matière d'organisation de la police, de meme que les chartes renouvelées de Québec et de Montréal.
9. Sur la Société des Frères chasseurs, voir Caron, I., «Une société secrète dans le Bas Canada: L'Association des Frères chasseurs,» Memoires de la Société royale du Canada, 1926, section I, pp. 17–34Google Scholar. Voir aussi V. Morin, «Une société secrète de patriotes canadiens aux États-Unis,» Ibid., 1930, section I, pp. 45–57; Fauteux, A., «Sociétés secrètes d'autrefois,» La Patrie, 26 mai 1934Google Scholar.
10. Notamment en se dormant un organe de presse (les Mélanges religieux) à partir de 1840, en accueillant au Canada diverses communautés religieuses, et en s'efforçant de quadriller l'espace québécois par de multiples organisations dévotes, de charité ou de tempérance. Voir Pouliot, L., La réaction catholique de Montréal, 1840–1, Montréal, 1942Google Scholar et Rousseau, L., «A l'origine d'une société maintenant perdue: le réveil religieux montréalais de 1840,» Desrosiers, Y. (dir.), Religion et culture au Québec: Figures contemporaines du sacré, Montréal, 1986, pp. 71–92Google Scholar.
11. L'organisation orangiste au Canada, on pourra consulter avec profit H. Senior, «The Genesis of Canadian Orangeism,» Johnson, J.K., Historical Essays on Upper Canada, Toronto, 1975, pp. 241–261Google Scholar; Senior, H., Orangeism: The Canadian Phase, Toronto, 1972Google Scholar; Houston, Cecil J. et Smyth, William J., The Sash Canada Wore: A Historical Geography of the Orange Order in Canada, Toronto, 1980Google Scholar. Voir aussi Akenson, D., The Orangeman: The Life and Times of Ogle Gowan, Toronto, 1986Google Scholar et Kealey, G.S., «The Orange Order in Toronto: Religious Riot and the Working Class,» Kealey, G.S. et Warrian, P. (eds), Essays in Canadian Working Class History, Toronto, 1976, pp. 13–35Google Scholar. Au Bas Canada, l'orangisme se heurte très tôt à l'opposition virulente de l'Église catholique. C'est de cette époque que date la hantise des é1ites cléricales canadiennes-françaises contre les Orangistes et les sociétés secrètes en général. En 1846, Monseigneur Bourget émet un mandement condamnant les sociétés secretes. À la même époque, les sociétés de secoars mutuels qui vont accepter de soumettre leurs règlements à l'Église vont obliger leurs membres à se déclarer catholiques et à ne pas appartenir à une société secrète (voir sur ce dernier point A. Vidricaire, «L'histoire de l'idée de pauvreté après 1840,» à paraître dans la revue Philosophiques.) Cette hostilité peut contribuer à expliquer l'appui manifesté par certains députés canadiens français au projet de loi de Baldwin. Cette hantise tenace de l'orangisme se retrouve dans le pamphlet ultramontain intitulé Les Orangistes (Montréal, 1878Google Scholar) qui contient cette définition pour le moins «largc» de ce mouvement: «L'orangisme en Canada est composé d'Anglais, d'Écossais, d'hommes du nord de l'Irlande, descendants d'ancêtres Anglo-hollandais, d'Indiens, de nègres, de renégats français, tels que Chiniquy et Doudiet, et de fait d'hommes de toutes races qui nourrissent de la haine pour la religion catholique et pour les nations française et irlandaise, parce que ces dernières appartiennent à l'ancienne et véritable croyance.» (Ibid., p. 1). Sur ce point, voir aussi les notes 47 et 65.
12. Cette prudence des autorités est manifeste dès les années 1820. Voir Senior, “The Genesis…” p. 257–8.
13. «It can excite no surprise that the existence of such an institution, offending one class by its contemptuous hostility to their religion, and another by its violent disposition to their politics, and which had been sanctioned by the Governor [Bond Head], as was conceived, on account of its political tendencies, should excite among both classes a deep feeling of indignation, and add seriously to the distrust with which the Government was regarded,» Lord Durham's Report (ed. Lucas, ), (1839) 1912, vol. II, p. 182Google Scholar. Voir aussi la lettre circulaire de Glenelg, secrétaire aux colonies, du 27/2/1836, incluant une adresse du Parlement au roi «for the effectual discouragement of Orange Lodges, and generally of all political societies excluding persons of a different religious faith, using secret signs and symbols, and acting by means of associated branches«: Glenelg à Head, F.B., 24 août 1836, British Parliamentary Papers, Colonies, Canada, 11 (1839)Google Scholar.
14. Arthur à Normanby, 27 juillet 1839, British Parliamentary Papers, Colonies, Canada, 13 (1840)Google Scholar. Le mois précédent, dans une circulaire aux magistrals de la province, le Gouverneur avait déjà émis le désir que les Orangistes dissolvent eux-mêmes leur association: «considering the state of our circumstances, it seems hardly possible to conceive that any friend of the best interests of this province can wish to maintain here associations which are inapplicable to our social or religious condition, and which have been discountenanced by the highest authority in the country of their origin,» Arthur à Normanby, ler juillet 1839, Ibid..
15. Sur cet épisode, voir Akenson, op cit., p. 232–3. Le gouverneur semble pourtant n'avoir voulu que dissuader le chef orangiste d'organiser la procession annuelle de l'Ordre, le 12 juillet. Gowan semble avoir interprété l'entrevue comme une tentative de rapprochement tactique de la part du Gouverneur.
16. La volonté de réprimer l'organisation orangiste est manifeste. Le projet de loi sur les sociétés secrètes présenté à l'Exécutif ne mentionnait que cette association. C'est sur les instances du Gouverneur Metcalfe que la loi a été elargie à l'ensemble des sociétés dites secrètes. Voir Metcalfe à Stanley, 27 Janvier 1844, A.N.C., C.O. 42, vol. 513, p. 376.
17. D'autant plus qu'un précédent existe pour Robert Baldwin, auteur des projets de loi de 1843: son propre père, William Baldwin, a présenté à la Législature du Haut Canada, en 1823, un projet de loi visant à réprimer les loges orangistes. Sur cet épisode, voir Senior, «The Genesis of Canadian Orangeism,» p. 244–5.
18. C'est le cas du droit de réunion: «Concourse of people is an irregular system, the lawfulness, or unlawfulness, whereof dependeth on the occasion, and on the number of them that are assembled. If the occasion be lawful, and manifest, the concourse is lawful,« Hobbes, T., Leviathan, Londres, (1651) 1962, p. 178Google Scholar.
19. Ces dernières réserves se manifestent notamment par les sanctions pénales touchant l'émeute et la conspiration en Common Law, règles complétées par les lois du Parlement. D'ailleurs, même dans les cas de conspiration ou de tentative d'entraver la liberté du commerce, c'est l'acte lui même qui est prohibé, plus que la structure d'organisation qui le sous-tend.
20. Pour une analyse générate, voir Blackstone, , Commentaries on the Law of England (éd. Tucker, , 1803), vol. V, pp. 142–160Google Scholar «Of offences against the Public Peace.»
21. Unlawful Oaths Act, 39 Geo. III (1797), c. 123. Les dispositions de cette loi furent renforcées en 1812 par 52 Geo. III (1812), c.104.
22. Unlawful Societies Act, 39 Geo. III (1799), c. 79. Par l'article 5 de cette loi, les franc-maçons sont explicitement exceptés.
23. Seditious Meetings Act, 57 Geo. III (1817), c. 19. Les Francs-Maçons, Quakers et sociétés charitables sont explicitement exclus de la portée de cette loi. Il est à noter que la même loi rend illégale toute assemblée de plus de 50 personnes, convoquée sans préavis, aux fins de pétitionner les autorités. Cette dernière disposition ne sera abrogée qu'en 1873.
24. Rappclons que les célèbres «Combination Acts,» réprimant les associations ouvrières, sont adoptés en 1799 et 1800, en même temps que le «Unlawful Societies Act.»
25. Notons que ces lois seront en fait tres peu appliquées, même pendant la période d'agitation chartiste. En 1912 encore, la loi de 1799 est invoquée contre un syndicat ouvrier (Luvy vs Warwickshire Miners' Association, [1921] 2 lc. 371Google Scholar).
26. C'est notamment le cas en 1825, alors qu'une loi britannique (6 Geo. IV (1825), c. 4) dissout l'Association catholique de O'Connell et les loges orangistes. On a d'ailleurs pris soin de limiter à trois ans la période de mise en vigueur de la loi. Il en est de même pour les lois prohibant les processions de partis en Irlande, adoptées par le Parlement anglais dans la première moitié du 19e siècle (par exemple en 1832, par 2–3 Guil. IV 1832, c. 4).
27. Les lois anglaises de 1797 et 1799 sont théoriquement applicables au Haut Canada, qui a reçu l'ensemble du droit criminel anglais en 1800. Ce n'est cependant pas le cas au Bas Canada, où la date de réception du droit pénal anglais est 1774.
28. «An Ordinance for more effectually preventing the administering or taking of unlawful oaths, and for better preventing treasonable and seditious practices» (2 Vict. (3) 1838, c. 8, art. 1). Un tel acte est passible d'une peine de déportation pouvant aller jusqu'à 10 ans (pour la personne qui prête le serment) ou 21 ans (pour celle qui fait prêter le serment).
29. On aura remarqué que cette loi s'inspire directement de la loi anglaise de 1799. Il est aussi à noter que, par l'article 9, les francs-maçons sont explicitement exceptés de l'application de cette loi.
30. La peine pour les membres de telles associations est de 7 ans de déportation (Ibid., art. 7)
31. Par. 3 Vict. (1840), c. 19. Le sort ultérieurement réservé à cette loi est assez étrange. Elle est refondue dans les Statuts refondus du Bas Canada (S.R.B.C. 1861, c. 10), mais disparait des refontes ultérieures, que ce soit au fédéral ou au provincial. Pourtant, cette loi est amendée en 1865 (29 Vict., c. 46) et même en 1895 (58–59 Vict., c. 44), loi fédérate qui amende les S.R.B.C. de 1861… On ne retrouve aucune mention de cette loi dans nos statuts après cette date.
32. Ou que, plus simplement, cette loi n'avait juridiction que dans le Bas Canada, alors que les loges orangistes visées par les lois de Baldwin s'étaient développées surtout au Haut Canada? Dans les débats entourant ces dernières lois, aucune mention n'est faite de l'ordonnance de 1838!… Notons que l'applicabilité des lois de 1799 et 1817 aux loges orangistes en Angleterre était considérée, à l'époque, comme fort douteuse. Voir le débat au Parlement sur les résolutions de Hume contre les Orangistes, Hansard Parliamentary Debates, 3e série, vol. 31 (1836), pp. 779–863Google Scholar.
33. «Acte pour pourvoir à la convocation et à la tenue régulière des assemblées publiques, et au maintien du bon ordre dans ces assemblées», «Acte pour réprimer, dans certains cas, les Processions de parti,» «Acte pour décourager les sociétés secrètes». Voir le synopsis de ces lois dans le Canadien du 15 novembre 1843.
34. 7 Vict. (1843), c. 7, art. 1 à 6.
35. Il pourra ainsi faire éloigner tous les perturbateurs ou même, par écrit, les déclarer d'office coupables de désordre, telle déclaration permettant à tout juge de paix d'emprisonner la personne ainsi visée pour une période n'excédant pas 48 heures (Ibid. art. 12).
36. Ibid., art. 17 à 19
37. Il n'est en effet besoin que d'une déclaration assermentée pour provoquer la présence, ou l'intervention, de l'autorité publique. Cette particularite semble avoir échappé à la Gazette de Montréal, journal d'opposition qui pourtant loue Baldwin d'avoir proposé cette loi: «They, who choose to meet without asking the presence of Magistrates and the protection this act gives to their deliberations, will be at full liberty to do so, as well after as before its passing … How this bill tends to abridge the liberty of the subject we cannot imagine, while we see much in it to afford impartial piotection to all who require it. So far from censure, we think M. Baldwin deserves credit for this bill.» Montreal Gazette, 13 novembre 1843Google Scholar. Rappelons cependant que la loi anglaise équivalente, soit celle de 1817, est beaucoup plus rigoureuse, en ce qui concerne les assemblées convoquées dans le but d'adresser une pétition aux autorités.
38. Une exigence rendue encore plus virulente par la tenue d'assemblées publiques fort agitées depuis 1840. Ainsi, en avril 1843, au cours de l'élection Molson-Drummond, un rassemblement tourne à l'émeute, et l'armée doit intervenir, ce qui entraîne la mort d'un des participants. Je remercie André Vidricaire pour ce renseignement.
39. Le succès connu par cette mesure est un sûr garant de son efficacité relative: la loi de 1843 sera refondue en 1859, Statuts refondus du Canada, c. 82. Par la suite, les articles touchant la prohibition du port d'armes et pénalisant les troubles causés à l'ordre public se retrouveront dans les Statuts refondus du Canada de 1886 c. 152Google Scholar, alors que ceux concernant la régulation des assemblées seront repris dans les Statuts refondus du Québec, 1888, art. 2946–2963. Les dispositions actuelles en matière de permis pour l'organisation de toute manifestation publique sont les héritières directes de cette législation.
40. 7 Vict. (1843), c. 6, art. 1. Cette loi s'inspire d'une loi similaire adoptée par le Parlement anglais en 1832 (2–3 Guil. IV 1832, c. 4). Cette loi, elle aussi, visait particulièrement les processions orangistes.
41. Cette condamnation pourra être prononcée par un seul juge de paix, s'il s'agit de celui ayant décerné le mandat d'arrestation, ou autrement par deux juges de paix, ibid., art. 3.
42. Ibid., art. 6.
43. Par une disposition fort controversée (art. 4), la loi permet d'emprisonner tout individu ainsi sommairement condamné pour une journée, sans qu'il y ait possibilité d'appel aux Sessions trimestrielles.
44. Par 14–15 Vict. 185l, c. 50.
45. Globe, 24 juin 1851.
46. Un réflexe répressif que l'on verra réapparaître au Québec une génération plus tard. Après la mort de l'Orangiste Hackett, lors d'une manifestation à Oka, la législature québécoise remet en vigueur la plupart des dispositions de la loi de 1843 (Acte pour réprimer les processions de parti [41–42 Vict. (1878), c. 9], refondue en 1888, 1909 et 1925).
47. Notons cependant que, dès 1841, une pétition de certains habitants de Belleville demandait la suppression des sociétés secrètes. De telles pétitions peuvent être retrouvées aussi en 1857 (Frampton, Saint-Dustan et Laval) et en 1858 (Sainte-Agathe), Journaux de la Chambre d'Assemblée du Canada-Uni, 1841 (578–9), 1857 (503–6), 1858 (314)Google Scholar.
48. Dans une lettre à Stanley, Metcaife s'explique: «I was urged to remove all Orangemen from office and from the Magistracy and to put a test to every public servant to make him declare whether he was an Orangemen (sic) or not … I could not consent to such arbitrary proceedings … The question of legislation on the subject was introduced, and elicited an opinion from me that I should prefer legislation to arbitrary proceedings on my own part.» Metcalfe à Stanley, 27 Janvier 1844, A.N.C., C.O. 42, vol. 513, p. 378. Baldwin lui-même dira devant l'Assemblée: «Ce n'est pas … que nous pensions que la législation fût le meilleur moyen pour remédier au mal, on eût de beaucoup préféré l'action du pouvoir exécutif à l'instar de ce qui s'observe en Irlande, mais nous n'avions d'autre ressource que de recourir à un acte du Parlement»: (Debates of the Legislative Assembly of United Canada (D.L.A.U.C.), vol. II, 1843, p. 1090Google Scholar). L'impossibilité, en situation coloniale, de donner de tels pouvoirs de proscription à l'exécutif est confirmée, a contrario, par un précédent britannique: en 1835, un comité parlementaire propose la proscription des Orangistes de toute fonction publique. Cette mesure est reprise dans les résolutions proposées par le député radical Hume, en 1836 (voir note no. 33.)
49. Le préambule du projet de loi établit à la fois les motifs de la loi et le type d'associations visées: «Whereas the existence of secret societies or associations of persons bound together by oath or other similar obligation, or having private signs, signals, or other methods of communication one with the other, known only to the members thereof, or those to whom they may communicate a knowledge of the same, is injurious to the best interests of the community, and whereas from the growth of such societies, it has been become (sic) expedient to make some legislative provisions for discouraging the same, and for encouraging the dissolution of such as now exist…»: An Act for the Discouragement of Secret Societies, A.N.C., C.O. 42, vol. 508, p. 113Google Scholar.
50. Ibid., art. 3.
51. Ibid., art. 4. Une version antérieure du projet de loi excluait aussi les membres des sociétés secrètes de la milice. Cette disposition fut retirée devant l'opposition du Gouverneur. Voir Metcalfe à Stanley, 27 Janvier 1844, A.N.C., C.O. 42, vol. 513, p. 378Google Scholar.
52. Ibid., art. 5 et 6.
53. Niveau provincial = £100; cités, districts, comtés = £25; townships, paroisses = £5… Ibid., art. 9. De plus, tout tavemier ou aubergiste permettant aux membres de ces sociétés de se réunir chez lui encourrait la perte de sa licence.
54. Par l'article 2 de la loi, identique à l'article 9 de l'ordonnance de 1838, déjà citée, contre les serments illégaux. Au cours du débat sur ce projet de loi, certains députés se sont interrogés sur l'applicabilité de cette loi aux Odd Fellows, déjà implantés au Canada à l'époque. Ceux-ci avaient d'ailleurs soumis une pétition au Parlement au sujet de ce projet de loi: D.L.A.U.C., Vol. II, 1843, P. 547Google Scholar.
55. Le Gouverneur ayant en effet permis que ce projet soit déposé en Chambre en tant que mesure gouvernementale, son refus de sanctionner la loi adoptée fut l'une des deux raisons invoquées par le ministère Lafontaine-Baldwin pour justifier sa démission fracassante, quelques jours plus tard (l'autre raison avancée concernait les nominations a la fonction publique). Sur cette affaire, voir Gérin-Lajoie, A., Dix ans au Canada de 1840 à 1850, Québec, 1888, pp. 149–210Google Scholar.
56. «We complain that the bill is unjust and inconstitutional, subversive of the rights of a very large body of British Subjects, unnecessary and uncalled for»: «Petition to his Excellency the Governor General praying him not to sanction the Bill for the discouragement of Secret Societies,» A.N.C., C.O. 42, vol. 513, p. 262Google Scholar.
57. Nouvelle reçue dans l'indifférence générale, si l'on se fie au peu de reaction manifestée dans la presse. On notera pourtant cette remarque désabusée de la Minerve: «Tous les amis de l'ordre doivent gémir de la conséquence qu'a eu cette politique en voyant la société en proie précisément à ces institutions clandestines qui se regardent maintenant comme placées sous la protection spéciale du gouvernement, dont elles sont pourtant le fléau,» La Minerve, 26 décembre 1844.
58. «It is somewhat difficult to understand the nature and object of the rather anomalous Orangeism in Upper Canada. Its members profess to desire to uphold the Protestant religion, but to be free from those intolerant feelings towards their Catholic countrymen, which are the distinctive marks of Irish Orangeism … The leaders probably hope to make use of this kind of permanent conspiracy and illegal organization to gain political power for themselves,» Lord Durham's Report (ed. Lucas, ), (1839) 1912, vol. II, p. 181Google Scholar.
59. D.L.A.U.C., vol. II, 1843, p. 399Google Scholar.
60. Conception partagée par le député L.M. Viger: «If the exhibition even of the sacred emblem of our religion was calculated to produce bad feeling in the community, and lead to rioting and the perpetration of the crime of murder, that it would be the duty of the Legislature to put a stop to its being displayed»: D.L.A.U.C., vol II, 1843, p. 408Google Scholar.
61. Sauf, évidemment, quand la race, la religion ou tout autre mode potentiel de partition du social sont partagés par l'ensemble des citoyens d'une nation donnée: dans ce cas, les caractéristiques ethniques ou religieuses deviennent des traits constitutifs du caractère national, et sont par là même exclus du débat politique. Cette difficulté à reconnaître le caractère politique des oppositions ethniques ou religieuses au sein d'une société est au coeur de l'ambiguïté des rapports entre partis et Église au 19e siècle, ambiguïté matérialisée notamment par le développement de l'ultramontanisme. La religion, dans le discours libéral, est soit affaire privée ou caractère national: elle ne peut done peser sur le destin collectif que comme sentiment personnel ou opinion universellement partagée, sans jamais opérer comme mode de segmentation politique du social. En ce sens, la religion et l'ethnie peuvent être vues comme I'impensé de la vision libérale du politique, un peu comme la nation dans le discours socialiste…
62. D.L.A.U.C., vol. II, 1843, p. 504Google Scholar. Et il ajoute: «Oaths and secrecy are the means resorted to by the assassin and the conspirator.» Emporté par l'enthousiasme, il ira jusqu' à inclure les Jésuites dans sa condamnation des sectes, ce qui lui aitirera une verte réplique du Canadien (17 novembre 1843).
63. Au sens où l'entend Habermas, J., L'espace public, Paris, 1978Google Scholar.
64. On retrouve d'ailleurs une version cléricale de cette hantise du serment et du secret chez Monseigneur Bourget, qui condamne «le secret impénétrable, que l'on s'engage strictement de garder, pour cacher ce qui se passe dans ces conventicules, auxquels par conséquent l'on peut appliquer à bon droit cette sentence de Cécilius Natalis: Le bien aime la lumière, le mal cherche les ténèbres». Quant au serment qui scelle ce secret, il est aussi répréhensible, «comme s'il était permis à quelqu'un, sous prétexte d'une promesse ou d'un serment quelconque, de s'exempter, lorsqu'il est interrogé par une autorité légitime, de l'obligation de révéler tout ce qu'on lui demandc, pour connaître si l'on ne machine pas dans ces assemblées quelque chose contre les Constitutions et les Lois de la Religion et de l'État,» Mandement de Monseigneur l'Évêque de Montréal contre les sociétés secrètes, Montréal, 1846, pp. 5–6Google Scholar.
65. Comme l'exprime le député Price en Chambre: “If Orangemen asked no more than the rest of the community, then to put them down might be regarded as persecution. But when they ask more and band themselves together as a separate class, by an oath, and by their conduct disturb the peace of the country, then the Government is called upon to protect society from their aggressions.» D.L.A.U.C., vol. II, 1843, p. 503Google Scholar.
66. Ibid., pp. 499–500.
67. Déclaration du député tory Boulton: ibid., p. 546. Le député Dunlop, pour sa part, étend cette liberté au droit d'association: «Every man had a right to his opinions, and he had a right to form a society with others holding like opinion to carry out those opinions; and a government which prevents him from so doing is tyrannical» ibid., p. 501.
68. Le député Sherwood, ibid., p. 498.
69. Le député Duggan, ibid., p. 404.
70. Stanley à Metcalfe, 27 mars 1844, cité dans D.L.A.U.C., vol. III, 1844–1945, p. 427–8Google Scholar.
71. D.L.A.U.C., vol. X, 1851, p. 1446Google Scholar. Opinion d'un député conservaieur qui recevra l'appui inconditionnel du journal des radicaux Clear Grits, le Globe, déjà cité (voir note 45).
72. …non sans, parfois, quelques velléités de rechute: en 1860 encore, une motion est déposée en Assemblée, stipulant que, dans toutes les poursuites de la Couronne, aucun dirigeant d'une société secrete politico-religieuse ne devrait être en fonction. Journaux de la Chambre d'Assemblee du Canada-Uni, 1860, p. 33Google Scholar.
73. On trouve cette position, poussée à sa logique extrême, chez Rousseau: «Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale: celle-ci ne regarde qu' à l'intérêt commun, l'autre regarde à l'intérêt privé, et n'est qu'une somme de volontés particulières: mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s'entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. Si, quand le peuple suffisamment informé délibère, les citoyens n'avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différences résulterait toujours la volonté générale, et la délibération serait toujours bonne. Mais quand il se fait des brigues, des associations parlielles aux dépens de la grande, la volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport à l'État; on peut dire alors qu'il n'y a plus autant de votants que d'hommes, mais seulement autant que d'associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins général. Enfin, quand une de ces associations est si grande qu'elle l'emporte sur toutes les autres, vous n'avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique; alors il n'y a plus de volonté générale, et l'avis qui l'emporte n'est qu'un avis particulier. Il importe done pour avoir bien l'énoncé de la volonté générale qu'il n'y ait pas de société partielle dans l'État et que chaque citoyen n'opine que d'après lui. Telle fut l'unique et sublime institution du grand Lycurgue. Que s'il y a des sociétés partielles, il en faut multiplier le nombre et en prévenir l'inégalité, comme firent Solon, Numa, Servius. Ces précautions sont les seules bonnes pour que la volonté générale soit toujours éclairée, et que le peuple ne se trompe point.» Rousseau, J.-J., Du contrat social, Paris, (1762) 1966, pp. 66–67Google Scholar.
74. Perspective bien illustrée par la déclaration en Chambre du député Price, lors du débat sur la loi contre les sociétés secrètes: «This body of men [le député fait ici allusion aux Orangistes] are bound by an oath, and are dangerous to the peace and well-being of society … The individual was hot regarded as dangerous; but it was the union of men where power could be brought to a single point at any given time which renders them capable of going mischief, and which ough to be broken up. He thought the Government should suppress all such societies»: D.L.A.U.C., vol. II, 1843, p. 502 (nous soulignons)Google Scholar.
75. Dans leur pétition au Gouverneur contre la loi réprimant les sociétés secrètes, les citoyens du district de Newcastle font un exposé très clair des critères de fonctionnement de cette conception classique du droit: toute répression ne se justifie que s'il y a commission d'actes illégaux; jusqu' à ce qu'il soit dûment reconnu coupable, le citoyen est innocent de tout crime et done prémuni contre toute sanction de la part de l'État; les libertés de parole et de réunion ne peuvent constituer des crimes, car elles font partie des libertés reconnues par la constitution à tout citoyen anglais: «Your Excellency's petitioners have ever thought that in the Colonies equally as in the Parent state, the full and free enjoyment and exercice of all the rights, privileges and immunities of British Subjects, both civil and religious as well as political were garanteed to all classes of Her Majesty's subjects who did not forfeit those rights and privileges in the ordinary way through the commission of certain crimes fully specified and pointed out by the Constitutional Law of England.» A.N.C., C.O. 42, vol. 513, p. 256Google Scholar.
76. Il doit cependant être clair que la tentation répressive est susceptible de réapparaître à toutes les époques de crise, des lois duplessistes contre les «communistes» jusqu' à la loi des mesures de guerre de 1970…