Published online by Cambridge University Press: 18 July 2014
In the spring of 2001, statistics concerning criminality in France, - on the decline over the preceding five years, - showed an increase. The principal measure recommended by a Conference on Interior Security held in January 2001 was the adoption of legislative changes to combat the offences responsible for this increase in criminal activity, which the opposition was using to advantage in anticipation of the coming elections (legislative and presidential elections were slated for the spring of 2002). Thus in March 2001 the French Parliament approved first reading of a new “interior security law.” By the time of second reading in October 2001 the issue had become highly emotionally charged because of the events of September 11 in the United States, which resulted in the bill being “fortified” with a chapter “with a view to strengthening the war against terrorism.” Thus a link was made in the framework of a legislative text between daily security issues and international terrorism, - petty crime irritants to public order and epic conflicts affecting the entire planet. This link persisted, notably in polemics on security issues launched during the election campaigns, and subsequently in the measures instituted by the new government in May 2002. This paper exposes and criticizes this conflation.
Au printemps 2001, la statistique de la délinquance en France, en baisse ou égale depuis cinq ans, repart à la hausse. Au premier rang des mesures affichées par un Conseil de Sécurité Intérieur tenu en janvier 2001, figure l'adoption de modifications législatives visant à accroître les moyens de lutte contre les crimes et délits responsables de cette nouvelle croissance, dont l'opposition tire argument dans la perspective des échéances électorales prochaines (élections présidentielles et législatives au printemps 2002). C'est ainsi qu'en mars 2001, le parlement français vote en première lecture une nouvelle «loi relative à la sécurité intérieure». Lorsque le projet arrive en seconde lecture en octobre, l'émotion suscitée par les événements du 11 septembre aux Etats-Unis est vive, et le projet est «enrichi» d'un chapitre «visant à améliorer la lutte contre le terrorisme». Le lien est ainsi posé dans un texte législatif entre sécurité quotidienne et terrorisme international, entre petite délinquance troublant l'ordre public local et grands conflits planétaires. Ce lien va perdurer, notamment dans les polémiques sur la sécurité qui se déploient durant les campagnes electorates, et par la suite dans les dispositions prises par le nouveau gouvernement depuis mai 2002. On illustre et interroge cette association.
1 Rudolph, Luc et Soullez, Christophe: «Le retour du politiquement correct» Le Figaro (30 octobre 2002).Google Scholar L. Rudolph est contrôleur général de la police nationale, et secrétaire national du syndicat des commissaires de police. On rappelle que Diafoirus est un des médecins ridicules mis en scène par Molière, de telle sorte que l'appellation Diafoirus sociologique ne saurait être, sous la plume de L. Rudolph, qu'un pléonasme.
2 «Daniel Vaillant approuve le projet de loi Sarkozy», Le Monde (5–6 octobre 2002) 9.
3 Loi ordinaire relative à la sécurité quotidienne 2001–1062 du 15 novembre 2001, J.O., 16 novembre 2001, 18215 [loi Vaillaint 1 et 2].
4 Loi de programme d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure 2002–1094 du 29 août 2002, J.O., 20 août 2002, 14398 [LOPSI ou loi Sarkozy 1].
5 Loi no20021138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice J.O., 10 septembre 2002[LOPJ ou loi Perben 1].
6 Loi no2003–239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, J.O., 19 mars 2003, 4761 [loi Sarkozi 2].
7 Loi no2004–204 du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalités, J.O., 10 mars 2004 [loi Perben 2].
8 En Amérique du Nord, comme on sait, le 9/11 est le no de téléphone unique des services d'urgence (police, pompiers, urgences médicales …). Le chiffre évoque aussi la date du 11 septembre (2001) dans la présentation anglo-saxonne: mm/dd = 09/11. Par association, le chiffre 911 désigne désormais les attentats menés le 11 septembre par Al Qaida à New York et Washington.
9 Sur cet épisode voir Gorgeon, C. et Monjardet, D.: «Le malaise policier» (2002) 279 Regards sur l'actualité 13.Google Scholar
10 Tel est le titre courant du document qui expose chaque année le bilan des crimes et délits déclarés aux services de police par les victimes ou constatés par les services de police eux-mêmes. Avec divers remaniements, cette statistique est établie depuis 1972. On notera que n'y figurent ni les infractions qui font l'objet des quatre premières classes de contravention, ni les plaintes adressées directement au parquet. Ce défaut d'exhaustivité est compliqué de soupçons de manipulations diverses, que ce soit dans les modalités de réception des plaintes, ou dans l'enregistrement de l'activité des services. La polémique incessante qui entoure cette statistique a conduit tardivement le gouvernement Jospin à commander un rapport parlementaire qui a élaboré une proposition de création d'un «observatoire national de la délinquance» sur des bases plus scientifiques (rapport Caresche-Pandraud, janvier 2002). Cette proposition vient d'être reprise par l'actuel ministre de l'intérieur qui propose d'installer cet observatoire au sein de l'IHESI.
11 Amalou, Florence, «La télévision a accru sa couverture de la violence durant la campagne» Le Monde (28 mai 2002) 22.Google Scholar
12 Le Monde (5 juillet 2002) 9.
13 Supra, note 3.
14 La qualité d'APJ (Agent de Police Judiciaire) détermine la capacité d'action dans le champ de la procédure judiciaire de ceux à qui elle est attribuée: la qualité d'APJ selon l'article 21 du Code de procédure pénale permet de constater par procès-verbal les seuls délits routiers, la qualité d'APJ selon l'article 20 donne capacité de constater par procès-verbal tous autres crimes et délits.
15 Supra, note 3.
16 On notera, pour l'anecdote, que la mention du «trafic de stupéfiants», dans ce cas de figure, est justifiée par le fait que celui-ci serait un moyen privilégié de financement du terrorisme. Outre que l'argument serait plus convainquant s'il s'appliquait au marché des produits pétroliers, il s'explique plus vraisemblablement en ce qu'il fusionne deux stéréotypes de la culture professionnelle policière: le trafic de stupéfiants comme objet prestigieux de la quête policière, et l'interdit qui pesait sur la fouille des véhicules, perçu par les policiers comme exemple d'incompréhensible obstacle opposé par le «droit-de-l'hommisme» à l'efficacité policière.
17 L'état des connaissances disponibles ne permet pas de trancher cette controverse; il est possible que les deux parties aient simultanément, et partiellement, raison, la hausse enregistrée témoignant à la fois de la croissance de certaines délinquances (comme le vol de téléphones portables, déjà signalé) et d'une confiance accrue des victimes dans l'utilité du dépôt de plainte. Dans cette hypothèse serait magistralement illustrée l'ambiguïté de l'indicateur statistique utilisé, et les effets pervers majeurs qu'elle produit.
18 Supra, note 4.
19 En matière d'effectifs policiers, on l'oublie trop souvent, il convient pour apprécier l'évolution des effectifs de pondérer celle-ci par l'évolution de la durée réelle travaillée. C'est ce que tente notamment G. Fougier, ancien préfet de police de Paris, dans son article «L'impossible réforme de la police» (2002) 102 Pouvoirs 97. Si on le suit, il n'est pas exclu que les très «importants recrutements de policiers effectués depuis 1969 [aient] servi, uniquement, à compenser les réductions successives du temps de travail, sans bénéfice aucun pour la sécurité de la population (…)» à la p. 114.
20 Supra, note 6.
21 On rappelle que le critère de répartition entre police et gendarmerie est géographique: la police est compétente dans les villes de plus de 10000 habitants, et la gendarmerie dans les villes de taille inférieure et dans les campagnes. Ce principe connaît d'assez nombreuses exceptions liées aux fluctuations de la démographie urbaine, et des «redéploiements» sont en cours. Alors que les bassins de population respectifs sont comparables (30 millions pour la police, près de 29 pour la gendarmerie), la police enregistre les trois quarts de la délinquance globale.
22 Le Monde (24.09.02).
23 Le policier interlocuteur du plaignant dans un commissariat de police a le choix entre:
- enregistrer la plainte et assurer sa transmission au parquet,
- enregistrer la plainte sans transmission au parquet,
- enregistrer la plainte sous forme d'inscription en main courante,
- ne rien enregistrer.
Seul le premier cas entraînera l'enregistrement statistique du délit dénoncé.
24 Supra, note 5.
25 Perben 2, supra, note 5.
26 Supra, note 6.
27 Supra, note 7.
28 «Note d'orientation concernant l'avant-projet de loi sur l'adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité» site Internet http://www.justice.gouv.fr, en date du 12 décembre 2002.
29 Ce projet de loi est en cours de discussion au parlement en février 2004.
30 Ce mécanisme, fort ancien, «d'ajustement de la loi aux exigences des opérations de la police» est fort bien détaillé et illustré dans le texte séminal de Brodeur, J.P.: «La police, mythe et réalités» (1984) XVII:1 Criminologie 9.CrossRefGoogle Scholar Voir aussi Lévy, R. et Monjardet, D., «Undercover policing in France: Elements for Description and Analysis» in Fijnaut, C. et Marx, G.T. (ed.), Undercover, police surveillance in comparative perspective, La Haye, Kluwer Law International, 1995 aux pp. 29–53.Google Scholar
31 Très explicitement par exemple l'incrimination nouvelle de «racolage passif» en matière de prostitution, est justifiée non par la victimisation de telle ou telle partie, mais par le désordre que cette posture introduit localement. La discussion parlementaire a refusé d'entrer dans la voie d'une pénalisation du client des prostitué(e)s, on ne saurait mieux dire que ce qui est incriminé est leur spectacle, et que la victimisation cessera avec l'incrimination lorsque la prostitution aura quitté la rue.
32 Supra, note 1.
33 Tel qu'il est défini par l'article L.2212–2 du Code général des collectivités territoriales: «(…) La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique».
34 Réponses à la violence, rapport du comité présidé par Peyrefitte, A., Documentation française, Paris, 1977.Google Scholar